En octobre dernier, je suis allé voir Bill Frisell et John Scofield en concert avec ma chérie.
J’aime bien Bill Frisell, guitariste aérien et faussement naïf, quand ses disques s’aventurent vers le jazz mou et saturé plutôt que quand il déflore l’americana ou revisite l’histoire des musiques populaires qui font fureur chez les bouseux de l'Arizona juste après que ceux-ci aient inventé le ramasse-courges, dont la culture sauve de la famine une grande partie de la population en offrant des ressources supplémentaires à des familles qui en ont besoin.
Quand à John Scofield, j’avais retenu sa contribution endiablée à l'album The Man with the Horn de Miles Des Vices.
Pour tout vous dire, en achetant les billets, je l'ai un peu confondu avec Mike Stern.
Après enquête, c'est Mike qui jouait de la cornemuse nucléaire sur The Man With The Horn.
Scofield, lui, jouait sur Star people, le petit farceur; mais je ne l'ai appris que bien plus tard.
Trop tard ?
Les lecteurs auraient sans doute rectifié d’eux-mêmes, mais je n'en avais pas sous la main.
Je ne suis pas comme l'Odieux Connard, qui persuade ses thuriféraires de l'accompagner au restaurant pour y assouvir son besoin de reconnaissance du ventre.
John Scofield, j’avais quand même écouté son dernier disque avant d’y aller, parce que dans un monde où l'on a tôt fait de périr de surinformation, on aurait tort de s'en priver avant la prochaine Blitzkrieg de l'Armée Electronique Syrienne.
Bref.
Surplombant au balcon un parterre de notables de la semaine, nous assistâmes un peu gênés (il est gênant de surplomber les génies quand on se croit malin de s'affranchir de ses déficiences en s'en réclamant, d'autant plus quand on va voir n’importe qui en croyant que c’est quelqu’un d’autre, comme ce sinistre imbécile de Rémy Gaillard) à un double set à fleurets et médiators mouchetés, élégant et propret.
L’acoustique de la Cité des Congrès laissait à désirer, (le son était flou !) on était mal placés, ça sonnait moins bien en live que sur disque, les artistes étaient loin d'être des publicités vivantes pour le téléchargement illégal, mais heureusement, ces vieux jazzmen, quand ils sentent qu'ils jouent en pays conquis, ils font des tout petits sets de 70 minutes, et finalement c’est vite passé, en tout cas c'est ce qu'on se dit une fois que ça s'est passé.
Le moins qu'on puisse dire, c'est que ça n'a pas enthousiasmé ma femme, surtout le passage où Scofield étouffe son bébé dans un interminable solo de sacs plastiques, elle a de très bons amis qui sont d'anciens bébés et elle a trouvé ça un peu stigmatisant, et si je cherchais à me concilier ses grâces, l'entreprise semblait mal engagée et pour tout dire frisa sur le moment le dépôt de bilan et le râteau du siècle, j'en serais quitte pour dormir à l'auberge du cul tourné, mais n'anticipons pas.
Heureusement, en première partie Bill Frisell était entré de plain-pied dans son âge spatial, et mon intention de départ était bonne, pacificatrice et républicaine, c'est important pour une femme, surtout la mienne, donc au final elle ne m'en tint pas rigueur au delà d'une période probatoire de trois mois après les faits durant lesquels je fus tenir de dormir sur la télé du salon.
Quoiqu'il en soit, John Scofield conclut ce soir-là sa prestation au tarif syndical par une version instrumentale d'une chanson issue du patrimoine country américain qui se grava dans mon oreille sans ressortir par l'autre :
"Just A Girl I Used To Know", de Jack Clement.
On comprendra aisément pourquoi ce rappel inspiré me mit la puce à l'oreille, en s'infligeant les 128 versions que j'en ai approximativement visionnées sur Youtube, la chanson en question évoquant sans tabous la pudeur légendaire des vieux cowboys à propos de leurs anciennes conquêtes de l'Ouest.
Contentons-nous pour l'instant de l'originale, aux lyrics ô combien explicites.
Voir également la version de Scofield, au milieu de laquelle il dérape élégamment (ou pas) dans l'indétermination chère à Heisenberg, surfant avec des bottes en caoutchouc sur le fil du rasoir de la désorientation de la personne âgée dépendante de ses royalties pour continuer à survivre vaille que vaille dans un monde incrédule où le cauchemar a déjà commencé.
Et au bout du compte, mêmes si les pires choses ont un début quand les meilleures ont une fin, et quand j'eus fini par faire un débriefing de cette soirée traumatisante pour prendre le taureau par les cornes tout seul comme un chien devant mon ordinateur, à déterrer tant de trésors que si j'avais eu une queue je n'aurais pas hésité à la remuer dans mes plaies, il s'avéra que la version de "Just A Girl I Used To Know" qui nageait au dessus du panier avait réalisée par un obscur hantiste de Youtube, peu désireux qu'on reconnaisse lui aussi son lancinant besoin de reconnaissance puisqu'il l'interprète dissumulé derrière le facétieux pseudonyme de Wank Hilliams, et sans mettre sa tête dedans, au contraire de la plupart des viméistes dont je tairai le nom, ils me reconnétron.
Le billet du petit érudit :
Par une bizarrerie néo-conspirationniste dont ces damnées faces de citron ont le secret, la version de Scofield de « Just A Girl I Used To Know » n’est disponible que sur le pressage japonais de l’album « A Moment's Peace ». Autant dire que même sur What CD, on l'a dans le baigneur.
Le coin du petit scientifique :
Le principe d'incertitude (ou principe d'indétermination) énonce que, pour une particule massive donnée, (et John Scofield remplit parfaitement cet unique critère), on ne peut pas connaître simultanément sa position et sa vitesse avec une précision supérieure à un certain seuil.
Seuil qui semble avoir été franchi au cours de la rédaction du présent article, pendant laquelle il faut toutefois signaler qu'aucun lycéen qui aurait posté sur un réseau social des messages de «tolérance et de laïcité» n’a été sévèrement molesté par d'autres élèves dans le garage à vélo de l'établissement scolaire en question.
La notule bibliographique non exhaustive :
1/ La nouvelle Encyclopédie de Masse
2/ déjà le tome 2 de Federal Bureau of Physics
La notule bibliographique non exhaustive :
1/ La nouvelle Encyclopédie de Masse
2/ déjà le tome 2 de Federal Bureau of Physics
Et le sco-mule tu l'as écouté?
RépondreSupprimerhttp://encoredelazik3.blogspot.fr/2015/01/govt-mule-featuring-john-scofield.html
Ben oui, mon plan média hyper-marketé était de le publier demain, 28 février, lol, avec un article du même tonneau... Heureusement que t'es là pour m'aider à réduire la voilure !
RépondreSupprimerah bah oui je suis bête j'aurais dû me douter.
RépondreSupprimerMais non, ne te charge pas la Mule, surtout quand elle travaille pour le Gouvernement.
RépondreSupprimerTout Est Bien.
Comme le note un fameux poète arabe du 13eme siècle : « Sois reconnaissant envers celui qui arrive / Quel qu’il soit. / Car chacun est envoyé comme un guide de l’au-delà. »
Et comment eus-tu pu deviner que je te guettais, embusqué dans ma toile, tel le perroquet lové dans son sac de couchage, qui tente d’endormir l’innocent promeneur par ses billevesées, pour l’enrôler ensuite dans ses casernes tantriques ?
D’ailleurs, je m’attendais plutôt à ce que tu me fasses remarquer que manifestement, je n’avais pas encore pris le temps d’écouter le podcast d’Illios Kotsou, le juif errant, le pâtre grec.
Finalement, malgré mes efforts vigoureux quoiqu’un peu désordonnés, je constate que je ne puis être partout à la fois. Sans compter le risque d’accomplir cette prophétie auto-réalisatrice : " Si vous courez nu autour d'un arbre à une vitesse de 185, 999 miles/seconde, il y a une claire possibilité que vous vous sodomisiez vous-même.»
Dieu m’en préserve, pour aujourd’hui. Mais ce danger reste tangible.
Tiens, comme mes articles sont écrits en direct du futur proche, je m’accorde une petite pause, histoire de rattraper ce temps pas encore perdu.
Tu fais bien.
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