la fiche du film tel qu'il fut présenté aux Utopiales 2025. Evadés du futur, et déjà prisonniers du passé.
Je ne sais plus qui a dit ça, mais je crois que c'est moi :
"Le présent est l'instant éternellement fuyant et impalpable au cours duquel nous sommes expropriés du passé pour être projetés vers le futur (..) Pas étonnant que cette perspective nous terrifie au point de chercher refuge dans les raisonnements qui se mordent la queue, dans des tentatives hypermnésiques de remonter en 1973 pour y établir un camp de base puis une colonie de peuplement, ou dans l'humour, quantique ou non."
Voici une nouvelle tentative de remonter en 1973, époque bénie où la télévision française n'hésitait pas à produire un documentaire réalisé par une femme (Une Femme ! dans la SF de 1973 !!!) qui réunit plusieurs auteurs majeurs de SF de l’époque : Isaac Asimov, Philip K. Dick, Théodore Sturgeon, Norman Spinrad, John Brunner, Robert Silverberg...
Tant qu'à geeker, autant que ça serve à kek choz', et que ça profite à touffes, et à troutes.
- Un entretien avec Philip K. DICK, par Elisabeth Antébi, ainsi que pas mal d'autres trucs intéressants pour faire chuter la productivité de sa journée :
En route vers le totalitarisme cognitif. Comment résister ?
Qu'irions-nous faire aux Utopiales 2025, dont nous avons pourtant gagné une place sur l'intranet de notre entreprise ? Donald Trump est le président le plus dystopique dont nous puissions rêver, et même dans les comic books outranciers et pseudo-transgressifs de Warren Ellis, Mark Millar ou Garth Ennis, ils n'en ont pas des comme ça. On pourrait rebaptiser l'évènement Les Dystopiales 2025, ça aurait meilleure gueule.
Trump et ses séides transhumains et christo_fascistes veulent ravaler l'humanité au rang du borborygme, et rendent la littérature de SF kitsch et obsolète, un quart d'heure avant que le monde se délite en une bruine de flocons cendreux.
Autant lire Cyberpunk - Le nouveau système totalitaire, un essai d'Asma Mhalla, écrit un peu vite mais c'est synchrone avec l'urgence de notre agonie démocratique.
Ou alors, perdre le peu de raison qu'il nous reste en errant dans les boyaux obscurs et malodorants des nouvelles deBrian Evenson, invité du festival cette année, lui qui défriche de nouveaux territoires horrifiques, et peut-être bien qu'il réinvente la SF aussi, mais je n'ai pas encore tout découvert du bonhomme, même si j'intuite que pour lui, le nihilisme est juste une blague un peu mièvre. A quoi bon aller me faire dédicacer sa Comptine pour la dissolution du monde, sinon pour me dédouaner de l'avoir emprunté sur z-library.sk et avoir oublié de le rendre ? Je déchiffre au compte-gouttes ses histoires dérangeantes, hermétiques et perverses; c'est du brutal. Lors de la parution de son premier recueil, alors qu'il était encore membre de l'Eglise Mormone, une de ses étudiantes expliqua qu’à la lecture de l’ouvrage, elle « s’est sentie comme quelqu’un qui aurait mangé quelque chose d’empoisonné et qui tenterait désespérément de s’en débarrasser. » C'est tout à fait ça, moi j'ai obtenu la sensation imminente d'un accident vasculaire cérébral, on est d'accord sur le fond, il ne me manque que son 06 pour débriefer.
Je préfère aussi relire la SF pessimiste et visionnaire des années 70.
Aux Utopiales, il y a donc des livres, leurs auteurs vivants,mais aussi des expos, des débats, et des films de cinéma. Vu mon état, proche de l'Ohio, pas étonnant que je flashe sur la projection à venir des Evadés du futur, un documentaire réalisé en 1973 pour le Service de la Recherche de l’ORTF, qui réunit six des plus importants auteurs de SF de l’époque : John Brunner, Norman Spinrad, Philip K. Dick, Théodore Sturgeon, Isaac Asimov et Robert Silverberg. Un document rare et précieux, invisible sur les écrans depuis sa première diffusion télévisuelle il y a plus de 50 ans ! C'est vrai, il y a dans ce pays une fracture numérique, maisje dispose d'un compte Inamediapro, et je peux le voir quand je veux. Je risque toutefois d'être un peu blasé, à force de m'injecter de la SF périmée.
Déjà que.
Le cinéma SF de maintenant a le même goût bizarre que les livres : bien que le Mickey 17 de Bong Joon Hoo m'ait fait rire, c'est pas vraiment de la SF, c'est un pamphlet, un film politique sur le monde d'aujourd'hui, comme Evanouis (Weapons) qui est plutôt une bonne surprise, lui qui s'inscrit ostensiblement dans la filiation des films de variétés de Maritie, Gilbert et John Carpentier (Top à the Thing, Numéro Un NewYork 1997, etc).
Le scénario et l'ambiance d'Evanouis m'évoquent aussi les nouvelles contemporaines de Maria Enriquez. Elles ne contreviennent pas au principe de Murphy de Warsen : si le Mal Absolu avait besoin de se justifier, il serait Témoin de Jéhovah.
Je préfère quand même celles de Brian Evenson, beaucoup plus tordues, mais qui sont infilmables, parce qu'il bidouille le code source du langage pour parvenir à déclencher un Bataclan littéraire avec nos neurones dans le rôle des victimes consentantes.
La SF cyberpounque à l'écran, aujourd'hui c'est plus les séries télé, Black Mirror, Upload, Mr Robot, Alien : Earth... En musique de terreur, on retiendra cette semaine le tuto de Bernard Herrmann pour composer la musique de Psychose, trouvé dans les rushes d’un reportage que j’ai monté hier sur des tailleurs de pierre.
D'après mon libraire, c'est aujourd'hui que ressort La Tétralogie noire de John Brunner, regroupant quatre romans parus dans les années 70, quand la Science-Fiction était une littérature prospective décrivant de manière un peu mortifère et hallucinée les hideux avenirs qui nous guettaient, tapis dans l'ombre, pour peu que nous ne fassions pas les choix douloureux mais nécessaires de changer de modèle de société, et de réduire la capacité de nuisance du capitalisme, qui semblait déjà bien parti pour détruire la planète. Cinquante ans après, comme on n'a rien branlé à part nous-mêmes, Brunner fait un prophète mort très présentable, et plus personne ne lit de la Science-Fiction puisque nous vivons désormais dans le monde qu'elle décrivait hier comme pouvant advenir demain. Aujourd'hui, c'est le demain d'hier, mais comme c'est aussi le hier de demain, calcule l'indice de gravité de ce qui nous attend vendredi prochain si tu persistes à préférer la littérature d'évasion.
une couverture toute moche
et donc délicieusement vintage
d'une ancienne édition.
Mais à l'époque,
on trouvait ça moderne !
Sous prétexte de préserver les arbres alors qu'il est déjà trop tard et d'alléger votre empreinte carbone parce que les industriels sont parvenus à culpabiliser les consommateurs et à détourner leur attention des vrais responsables de notre prochaine extinction en tant qu'espèce, n'achetez pas l'édition numérique de votre La Tétralogie noire auprès d'un vendeur à la sauvette, comme sur le site de la Fnac, par exemple, c'est des voleurs qui vous feront croire qu'ils vous fournissent un fichier ePub, alors qu'ils ne peuvent être lus que par leur liseuse Kobo, et uniquement depuis certains smartphones et tablettes. Mieux vaut encore faire un emprunt à long terme sur une médiathèque numérique genre z-library. Ne l'achetez pas non pluschez Amazon, bien qu'Amazon fasse subir à la Fnac ce que la Fnac infligea jadis aux libraires et aux disquaires, on pourrait être tenté de cliquer d'un index vengeur, mais à un moment donné il faut sortir du cycle des violences et de la vendetta décérébrée, si on veut léguer autre chose que des cendres radioactives aux enfants de nos petits-enfants (en admettant le postulat qu'il survive d'ici quelques décennies autre chose sur le globe que des cafards et des vendeurs en télémarketing, ce qui revient au même).
la première fois que j'ai lu "Tous à zanzibar", il avait cette tête-là.
Allez plutôt chez un vrai libraire, qui vend des livres en pelure de bois d'arbre. S'il n'en reste plus autour de vous, donnez un sens à votre vie, sacrifiez-là en devenant libraire, comme ça en plus vous pourrez lire La Tétralogie noire de John Brunner au travail.
Avoir sous la main et en un seul volume Tous à Zanzibar, L’Orbite déchiquetée, Le Troupeau aveugle, et Sur l’onde de choc c'est la garantie de disposer d'un panorama varié d'apocalypses sociétales, démographiques, culturelles, technologiques et environnementales, et de n'être jamais pris au dépourvu quand l'une d'entre elles se pointera à la grille du parc pour vous présenter ses voeux. Y'en a bon pour tous les goûts, banania !
...punaise, ça c'est du billet de boomer décliniste, ou je ne m'y connais pas !
Pour changer de la SF j'ai lu de la physique quantique. Les physiciens sont les moralistes de l’espace-temps. Ils nous disent où est-ce qu’on a le droit, et quand, et où est-ce qu'on ne l’a pas (tout le temps). A part insister sur le fait que les deux piliers sur lesquels repose notre physique contemporaine – relativiste et quantique - impliquent des visions du monde incompatibles, il ne s’avance pas trop, le mec. Je vais relire de la SF.
Il y a dix ans, dévalant la pente fatale du déclinisme à bord d'une planche de surf en acier zingué, je prédisais la mort de la SF.
En fait je ne faisais que paraphraser un article de Télérama que j'avais lu la veille aux cabinets. La SF de quand j'étais p'tit, celle des années 70 avait prédit un avenir plombé qui commençait à éclore, par petits bouts, rendant la littérature d'anticipation et les cauchemars de l'imaginaire obsolètes; et tous les lecteurs avaient fui vers la fantasy, la bit-lit et les blogs de rendement monétaire. Aujourd'hui que George RR Martin a avoué avoir pompé Game of Thrones sur Les Rois maudits de Maurice Druon, l'engouement pour les tolkieneries recule, et la SF va mieux; de jeunes auteurs m'ont redonné foi en le genre, comme Rich Larson, Adrian Tchaikovsky, Michel Barnier, Ray Nayler. Mais c'est le futur qui semble désormais foutu dans la RRR (Réalité Réelle Ratée). Du coup, comme il n'aura jamais lieu, qu'à la place on aura sans doute droit à survivre misérablement dans une version carabinée du Goût de l'Immortalité de Catherine Dufour, la SF redevient de la science-fiction ! La littérature des trucs qui n'adviendront jamais ! On ne peut pas tout avoir. Alors je suis allé aux Utopiales, avec la place gagnée sur l'extranet de mon entreprise, comme dans un épisode de Black Mirror. J'y suis allé pour brûler en place de grève tous les nouveaux best-sellers de catastrophe climatique (Le ministère du futur, Le déluge) ou pandémique dont nous n'avons vraiment pas besoin vu que nous vivons déjà dedans, mais mes allumettes étaient mouillées par le crachin nantais, alors j'aurais juste bien aimé me faire dédicacer le nouveau livre de Ray Nayler mais sa table ronde au Lieu Unique était blindée de chez blindée, et on est plusieurs dizaines de fans à s'être faits refouler. J'ai acheté le livre et je suis rentré chez moi en bus. Les idées de l'auteur contenues dans l'ouvrage sont plus importantes que d'avoir son autographe dessus.
Sur ce stand on pouvait vivre en immersion 3D dans une projection virtuelle de la Réalité Réelle Ratée, mais ça faisait trop peur, je ne me suis pas arrêté.
C'est dommage, j'ai aussi manqué Olivier Ertzscheid, le maitre de conférences en sciences de l'information qui picote et décape sans décapoter.
Le problème, aussi, pour les vieux geeks comme moi, c'est que le programme des Utopiales fait 124 pages écrites tout piti, et le temps de s'être correctement informé sur l'ensemble des conférences, des auteurs et des expos, le festival est déjà fini. A de rares exception près, le cinéma de SF persiste à avoir 20 ans de retard sur la littérature de SF, c'est une opinion que j'ai du lire dans Métal Hurlant vers 1978 et qui ne s'est jamais démentie depuis, donc je ne m'intéresse pas à la programmation du festival, pourtant conséquente, j'ai aussi trouvé les expos de cette année indigentes, et je ne recherche que les auteurs et les conférences. Heureusement, certaines tables rondes fleurissent déjà en streaming (le streaming c'est le mal, comme je l'ai compris en regardant Frankenstream, ce monstre qui nous dévore, en streaming sur Arte) comme celle-ci qui portait sur le fait avéré que l'IA va nous ratatiner sur tous les plans, y compris celui de la connerie, où nous sommes quand mêmes réputés costauds.
Qu'il soit utopial ou paranoïde, l'avenir n'est plus ce qu'il était. Comme le disait jadis Gérard Klein sur le forum du cafard cosmique : "J'ai le cafard, et il est cosmique". J’ai aussi retrouvé quelques conférences des éditions précédentes des Utopiales, en attendant de voir émerger celle avec Ray Nayler (ou pas).
En lisant le nouveau Métal Hurlant n°4, qui fait du vieux avec du vieux et redéroule l'historique du glorieux magazine daté de quand le futur c'était demain, je tombe sur cette publicité pour des posters de Philippe Druillet, parue en 1975 dans le numéro 5 de Métal Hurlant canal historique. Il en émane un charme à la fois suranné et inoxydable. Je n'étais pas sensible à l'héroïc fantasy de Druillet, son univers de guerriers hérités de Flaubert et Moorcock, mais j'admirais sa technique, et son goût pour la démesure, qui n'a pas fait d'émules, sinon chez les Japonais. Il n'avait pas son pareil pour nous faire saigner des yeux. Il aurait fallu lui donner Notre-Dame à reconstruire, ou la Sagrada Familia de Gaudi à terminer, ou l'Arbre aux Hérons de Nantes à sauver de la faillite, ça aurait eu de la gueule.
la couverture du 30x30
Le 30x30 édité par les Humanos en 1981 reprend des illustrations des années 60 et 70, mais s'interdit les extraits de ses albums BD de l'époque, Lone Sloane, Délirius, Yragaël, peut-être pour des histoires de droits, je ne sais pas, alors que c'est quand même là que Druillet donnait libre cours à sa démesure.
Le gigantisme pharaonique et la mégalomanie de Druillet en sont cruellement absents. C'est un peu dommage. Si j'arrive à retourner en 1981, je le leur signalerai, aux Humanos.
Salambô par Druillet : une vision rénovée du Pari Mutuel Urbain (bien qu'auto-repompée sur son poster de 1975)
Les Bâtisseurs du Temple se sont affiliés à la CGT et viennent négocier leurs heures sup' : ça ne rigole plus.
une saison en forme de la n'épluchure de la pomme de terre, mais qui manque de frite.
- billet d'humeur garanti sans divulgâchage -
La saison 6 de The Expanse est un naufrage, une tragédie sérielle, et c'est un soulagement de te confier le fardeau de ce calvaire, cher journal psychonautique. Cette ultime saison révèle ainsi son vrai visage de Janus artificiel (Janus, le dieu romain des commencements et des fins, barbu doté de deux têtes : Holden et son air de thon mazouté, et Big Jim, pardon, Amos, l'autiste stéroïdé asexuel sauf quand il est chaud, et bien sympa quand même, allez), tiraillée qu'était The Expanse entre des trouvailles sympas dans le sous-genre difficile de l'opéra spatial à factions, sous-genre plutôt démocrate que républicain, et les contraintes d'un produit industriel au service de vos soirées télé, tourné surtout dans des boites à fond vert, et engendrant de ce fait une certaine nausée claustrophobique, comme en témoigne le célèbre making-off The Expanse S04E00 avec Kevin Smith qui fait l'andouille sur les plateaux sans dérider les électros chargés de le surveiller pendant que d'autres repeignent le cyclo.
Car comme il est dit en vérité sur le site d'écran large :
Il n'y a plus ici qu'une énumération de péripéties - inhabituellement fades, qui plus est. L'histoire a déserté, et les personnages ont été vidés de leur substance. L'âme de la série est écrasée sous le poids d'un cahier des charges narratif devenu tyrannique. Pas le temps pour les émotions, l'exploration de l'univers, ou de tisser la toile de fond. Non, il faut conclure, et vite, trop vite. (...) Comment expliquer autrement ce choix absolument suicidaire de conclure en six épisodes seulement et donc d'assumer, par là même, de laisser complètement en jachère de nombreux arcs narratifs ? C'est plus de moitié moins de temps que les légendaires saisons 2 et 3 - que nous consacrons d'ailleurs officiellement et donc définitivement comme les meilleures de la série - et les dommages sont aussi inévitables que colossaux. La protomolécule, l'avancée du rêve de Mars, les aliens... tout ce qui n'est pas de l'ordre de la politique de l'espace sera laissé à la discrétion du spectateur et de son imaginaire. La série n'en fait tout simplement pas son affaire, se débarrasse de tout ce qui ne l'aide pas à se débarrasser du cadavre et se tirer au Mexique.
C'est sans doute écrit vite, car il y a deux fois "débarrasse" dans la dernière phrase; mais c'est vrai que le spectateur lucide et conscient ne peut que constater le -Ach ! Zabotache ! des brodugteurs d'Amazon; et quand l'Expansion se contracte, menaçant de toucher les abysses de la fiction spatiale de guerre, les vrais fans souffrent dans leur chair; le space opera est-il un genre maudit, condamné à la médiocrité par les gougnafiers qui tiennent les cordons de la bourse, sauf quand on s'appelle Adrian Tchaikovsky et qu'on sort « Sur la route d’Aldébaran » dans l’excellente collection "Une heure-lumière" ? ou Grant Morrison et qu'on sort "Nameless" ? mais on n'est évidemment pas soumis aux mêmes contraintes gravitationnelles , hein ?
Comme un grand bruit de casse-noisettes, mais version horreur cosmique (lunettes 3D non incluses)
The Expanse n'étant pas protégée des catastrophes industrielles par des amulettes magiques, sombre donc dans le moins-disant narratif, l'émotion cucul-la-praloche et le vidéogame bas de gamme, tendance jeu de tir à la première personne (FPS) plutôt que massivement multijoueurs (MMORPG, ce qui dans la bouche d'un Ceinturien est une insulte argotique assez grave), alors qu'elle s'était tenue à peu près en équilibre sur le fil du rasoir pendant les 5 saisons précédentes, avec des choses bonnes, et d'autres moins bonnes, mais là, c'est la Bérézina, pardon le Dniepr.
La subtilité a été bannie, au profit de la grosse artillerie. C'était bien la peine d'exétruquer en fin de saison 5 un personnage clé du clergé séculier de la série de façon aussi minable, sous prétexte que l'acteur qui l'incarnait était accusé de harcèlement par je ne sais quelle greluche extraterrestre, pour ouvrir ensuite une telle boucherie-charcuterie des espoirs déçus d'une sortie de crise sérielle par le haut. Les vrais enjeux sont piétinés, au profit des à-côtés, du petit folklore antiterroriste et émotionnel sur lequel on s'est déjà appesantis plus que nécessaire, c'est bon, on le sait, que Marco Inaros se prend pour le Fabrice Drouel des opprimés, on va pas faire Nantes-Bételgeuse là-dessus. Le seul avantage de cette saison 6, c'est qu'elle ne compte que 6 épisodes, comme ça on est plus vite couchés.
édition Gros conlector's en vynile expansé, avec des photos suggestives de Roberta Draper dans le livret tiré à part et à compte d'auteur sur du vélin de protomolécule (330 g/m2)
D'ailleurs, quand on voit la pochette du disque des musiques entendues dans la série (version Collectionneur, s'il vous plait) qui est tout ce qu'il nous reste pour nous consoler, on se dit "ah oui tiens, Julie Mao et la protomolécule, ça c'é'tait l'bon temps, crévindiou de Belta fuckin' lowda." C'est maigre : il y a la belter version (je suppute le jeu de mots enchâssé dans l'expression) de Highway Star de Deep Purple, qui accompagnait la meilleure scène de la saison 3, la chanson de Hank Williams "I'm So Lonesome I Could Cry" que Alex écoute en boucle quand il est de garde pendant ses quarts de nuit sur le Rocinante, et quelques curiosités orientalisantes, en plus du tout-venant des hymnes testostéronés issus de la bande originale composée par Clinton Shorter pas trop mal réussis.
C'est très écoutable, en fait. Par contre, pour trouver qui a enregistré quoi sur ce florilège de musiques d'astronefs, faut carrément aller sur discogs pour assouvir notre curiosité légitime mais maladive de geek enfermé au 33_ème niveau des sous-sols d'une Tour de La défense, c'est une honte. D'après les crédits, ce sont surtout des ingénieurs du çon travaillant sur la série qui se sont amusés à réaliser les versions de chansons plus ou moins connues pour répondre aux besoins spécifiques de la fiction. L'humour étant aussi raréfié dans The Ex que les molécules d'oxygène dans le vide spatial, profitons-en.
Achevons de noyer le bébé avec l'eau du bain : le meilleur de The Expanse, finalement, c'est le générique, parce qu'il reste mystérieux. En matière de séries SF, faites-moi goûter Infiniti, Outer Range ou Station Eleven, mais ne me parlez plus de The EX. On est fâchés.
Entre la mort de Métal Hurlant (je me désintéresse de la revue vers 1983, et à moyen terme, elle ne s'en remet pas) et la découverte d'un comic book qui ne parlait pas de superhéros (Blood par JM de Matteis et Kent Williams, dans le grenier de chez Ptiluc, vers 1998) il se passe 15 ans, 15 ans à apprendre à vivre sans drogue métallique !
2022
jeu. 28 avr.
Il est pas mal, finalement, le Nouveau Métal Hurlant n°2 dont j'ai dit du mal sans l'avoir lu. Mais il est entièrement constitué de rediffusions du Vieux Métal Hurlant, agrémentées de notules biographiques et de souvenirs rédactionnels de ceux qui l'avaient conçu; ça fait bizarre d'assister à un tel revival, on a l'impression d'en avoir oublié de mourir à temps (pour pouvoir renaitre, en tout cas pour ceux qui y aspirent, parce qu'à force de tourner comme un hamster décérébré dans la roue du samsara, on peut légitimement aspirer à l'extinction sans rébellion). Voici donc les numéros suivant ceux qui les précèdèrent.
(attention, ne clique pas, ça fait longtemps que ce lien est obsolète, tu risques d'être redirigé vers Russia Today, toujours accessible par ordi alors qu'il ne l'est plus sur smartphone. C'est ça, la dictature numérique. Joe Staline reviendrait, il ne serait pas content.)
2022
lun. 7 mars
Souvenez-vous. C'était hier. En 1976, Métal Hurlant est interdit aux mineurs, et en même temps devient mensuel.
Dans un numéro de Métal hurlant, une drôle de signature est apparue. Celle d’un certain Joe Staline. Les lecteurs se sont interrogés. Qui est ce mystérieux Joe Staline ? Philippe Manœuvre ? Jean-Pierre Dionnet ? Un autre journaliste de Métal ? Un pseudonyme collectif que chacun peut emprunter à sa guise ? Nous n’avons jamais révélé son identité. Joe Staline est resté un inconnu célèbre, un mystère vivant, un éternel point d’interrogation. Je crois que l’heure est venue de lever le voile. Joe Staline, c’était moi. Enfin, la plupart du temps, à hauteur de 80 %. Dans 10 % des cas, c’était Manœuvre, et les 10 % restants se partageaient entre d’autres rédacteurs ou dessinateurs, comme Luc Cornillon. L’idée d’utiliser ce pseudo m’est venue en feuilletant un livre intitulé Joseph Staline, ma vie secrète, écrit par Alain Paucard, l’un des collaborateurs de Métal. Je l’avais déniché dans la librairie de celui-ci, un authentique repaire de gauchistes. Sur Internet, quelqu’un que je ne connais pas se fait passer pour ce bon vieux Joe en signant « Jo Staline », sans « e ». Méfiez-vous des imitations. C’est un faux, un fake, un imposteur, un usurpateur. Il n’y a qu’un seul et unique Joe Staline.
Joe Staline était un autre moi. C’était mon garde-fou, celui qui me ramenait dans le droit chemin quand je m’égarais. C’était mon ange gardien, ou plutôt mon petit diablotin. Comme dans les dessins animés de Tex Avery, où l’on voit le loup entouré de deux démons qui lui indiquent la marche à suivre, et le pauvre loup ne sait pas quoi faire, on le sent perdu, tiraillé entre deux injonctions contradictoires. Joe Staline écrivait des choses que je ne pouvais pas me permettre d’écrire. Il était sévère avec moi. Il critiquait mes choix éditoriaux et mes lubies du moment. À Métal, j’avais choisi de ne pas avoir d’idéologie précise. Chacun était libre de dire, d’écrire et de dessiner ce qu’il pensait afin d’exprimer sa vision du monde. Je ne censurais personne, par conviction et par intérêt, car je tenais à ce que le journal accueille toutes les expressions. Il n’y avait que deux sujets tabous : l’antisémitisme et la pédophilie. Pour le reste, je laissais faire, même si je n’étais pas toujours d’accord. Joe Staline pouvait être réactionnaire. Quand on lui en faisait le reproche, il répondait par l’une de ses maximes favorites, selon laquelle « les avions à réaction avancent plus vite que les avions à hélices ». Il était beaucoup plus intelligent que moi. Il me servait à défendre un disque ou un livre que je ne pouvais pas défendre sous mon nom, car je me serais trouvé en contradiction avec un autre de mes articles. Il pouvait dire n’importe quoi, professer les idées les plus subtiles comme les pires stupidités. Il était l’enfant naturel de Léon Bloy et de Jules Barbey d’Aurevilly. Son esprit volait bien plus haut que le mien.
Mes moires, un pont sur les étoiles by Jean-Pierre Dionnet
La Russie est redevenue l'URSS, c'est normal que Métal reparaisse.
SCHNOCK, « la revue des vieux de 27 à 87 ans », présente son hit-parade des trésors incandescents et des pépites oubliées de la variété française des années 1970 et 1980.
Retrouvez dans un coffret 2-CDs de 42 titres les succès et les plages méconnues de Christophe, Jacques Dutronc, Eddy Mitchell, Véronique Sanson, Bernard Lavilliers, Françoise Hardy, Michel Sardou, Sheila, Hugues Aufray, Jacques Higelin et bien d'autres ! Egalement inclus, des titres cultes enregistrés par Il était une fois, Yves Simon, Michel Fugain et une sélection de quelques valeureux soldats inconnus de la chanson française psyché-pop (Faust 72, Nanette Workman, Le système Crapoutchik, Blue Vamp...).
Emoustillante interview d'Alexandro Jodorowsky à propos de son adaptation du roman "Dune" parue dans Rock&Folk n° 112, au joli mois de mai 1976, peu avant de démarrer le tournage. D'après l'intéressé, en tout cas.
N'aie pas peur de cliquer sur les images pour les agrandir.
Le mieux, c'est de les télécharger, sinon ça pique les yeux.
Merci à JM pour les scans ! c'est épatant !
[Hé, DITeS] du 9/12/21
en complément de programme, un excellent article sur le Dune "infilmable" de Jodo, pourquoi, comment.
Dans le premier numéro de la nouvelle mouture du riboute d'Acier Couinant, Denis Villeneuve proclame fièrement dès la page 3 : "Je suis un enfant de Acier Couinant".
Allons bon. C'était bien la peine de faire tout ce tintouin pour produire une bouse mainstream comme Dune. En plus, quand on a Charlotte Rampling au casting, on lui met pas un filet à provisions sur la tête, ça manque un peu de classe.
Après le naufrage de Dune, Charlotte Rempile pour la couve du nouveau Métal, mais elle a habilement négocié des lunettes de punk à la place du filet à provisions.
Et puis d'abord, moi aussi je suis un enfant de Acier Couinant, moi aussi j'ai fait des films de SF boudés par la critique mais acclamés du public (250 millions d'entrées selon alluciné, 3 selon Google Keufs Ads), et je fais chier personne avec.
Pourtant, ma trilogie de SF post-apo a marqué les esprits, en tout cas le mien, sans doute du fait qu'elle est composée de 4 films :
sans parler de mon auto-interview exclusivement accordée à moi-même à l'époque de la non-sortie des films en question, qui a fait grand bruit dans le Landerneau des blogs hyper-secrets
Comme je l'ai dit chez lui sous une fausse identité aussi usurpée que la ressortie de Métal Hurlant sous son vrai nom alors qu'il est mort et bien mort, cette nouvelle version du magazine de notre adolescence enfouie était obsolète avant même la parution du numéro 1, puisque le pire de la SF des années 70 (Dick, Andrevon, Brunner, Zemmour, Véran) est déjà en train de se réaliser sous nos yeux.
Le vrai Métal Hurlant, c'était autre chose (ça sent la couverture de Beb Deum)
De plus, ce nouvel avatar autoproclamé de la machine à rêver manque cruellement de nanas à gros seins, d'astronefs scintillants et d'extra-terrestres aussi fourbes que les Chinois, les enfants illégitimes de Corben, Druillet et Moebius étant bien en dessous de leurs géniteurs, et la cohorte de délateurs #Metoo interdisant désormais à cette génération d'artistes émasculés de dessiner le moindre nichon en dehors des revues spécialisées qui ne pensent qu'à ça.
Et puis, le moule est cassé ; l’époque est à autre chose. Rien que d’y penser, je deviendrais moi-même décliniste, alors que ma collection d'Acier Couinant se décompose silencieusement dans une armoire du garage.
C’est la partie BD qui ne fait pas le poids, mais qui ne demande qu'à s'étoffer. Mon astuce du jour : il faut rappeler Jean-Pierre Dionnet, Phil Manoeuvre et surtout Joe Staline au comité de rédaction !
Où es-tu Acier, Acier Couinant ?
Tu n'es certes pas très présent dans ta pâle réplique, ce fac-similé d'un fuck simulé, mais c'est pas grave, car aujourd'hui tu es partout : dans les statistiques de la pandémie, dans la série Black Mirror, dans les comics de chez Image, dans les photos introuvables de Richard Kadrey que je n'ai d'ailleurs pas retrouvées... et puis quand on n'est pas en acier, faut pas couiner sur le passé, sinon on rouille, car la nostalgie est une fuite et le seul plombier compétent s'appelait Harry Buttle Tuttle et il a été avalé tout cru par des vieux journaux dans le Brazil de Terry Gilliam, un film encore plus Acier Couinant® que le vrai.
Comme quoi le futur d'Acier Couinant, c'est déjà du passé.
[EDIT]
Le pire de Moebius revisité aux petits oignons (including mushrooms)
Sauf pour quelques héritiers sauvages de la pensée métallique comme
ou encore l'ultime fascicule du Decorum de Jonathan Hickman et Mike Huddleston, sorti hier en v.o, et qui aurait eu sa place ici, en digne héritier d'Acier Couinant, malheureusement nous n'avons plus le temps d'en causer.