jeudi 25 février 2021

L'immense Fernand Raynaud (2005)

L'autre soir, j'ai eu envie de revoir le sketch "La bougie" de Fernand Raynaud.
C'était une envie facile à satisfaire : 
Actuellement en déplacement professionnel, 
j'ai pu convoyer mon récepteur à l'hôtel,
en toute simplicité,
grâce à sa poignée robuste
et son poids modeste (19,8 kgs)
le DVD gisait, étendu et livide, dans son sarcophage du tiroir inférieur de l'armoire du salon. Là où j'ai relégué Fernand et ses frères DVD malchanceux, tombés en disgrâce depuis l'avènement du Blu-ray, de la free leech sur Yggtorrent, de Netflix, Amazon Premium et que sais-je encore. 
Je crois même qu'il existe dans le commerce des enregistreurs de signal TNT, mais mon téléviseur de salon Black Trinitron ITT Océanic Couleur de 1982 ne dispose pas de prise USB pour mettre ma clé mp3 dedans.
Le DVD, ce support adulé au sortir de l'ère du VHS, ce grandiose passage de l'analogique au numérique prématurément décrié, honni, vilipendé, trahi, vieilli et oublié.
Un peu comme le CD-ROM interactif, idée géniale mais outil vite obsolète du fait de l'inflation galopante des données, qui n'aura duré que le temps d'un été.
Donc le DVD, c'est peut-être ringard, mais en attendant, va trouver Fernand Raynaud en BluRay.
Ou l'intégrale des Shadoks en 4K. Et pourtant, une remasterisation des Shadoks oeuvrerait pour le salut public et le bien commun : quand les Shadoks arrivent sur Terre, ils la trouvent en proie au Gégène, un insecte local qui ne s'appelait même pas Gégène puisqu'il n'y avait personne pour l'appeler, mais qui incarne tout à fait l'ancêtre vénérable du Covid conjugué au futur antérieur de cette fin des années 60 où l'ORTF disposait d'un service de recherche où s'épanouissaient des gens qui n'avaient même pas obligation de trouver quoi que ce soit, et du coup ils en trouvaient plein. (Le futur antérieur peut exprimer un fait considéré comme accompli dans le futur de manière certaine; exemple : Dans cinq ans, on aura tous été contaminés.)
Et du coup, si on étudiait comment les Shadoks ont réussi à éliminer Gégène, on serait pas obligés de s'acheminer vers le passeport vaccinal.
Bref. A la tombée de la nuit, je dérobai mon DVD de Fernand Raynaud, puis le convainquis de se laisser ripper puis recompresser en mp4 comme un chien dans une chanson de Jacques Brel, c'est à dire un chien qui ne joue à rien parce qu'il n'sait pas comment faut tricher. Après tout, seuls les voleurs peuvent se dérober eux-mêmes, comme le rappelait Tuxedomoon dans Blind. Fernand Raynaud ne trichait pas, mais il écrivait des sketchs à chute, dont l'ultime réplique vient souvent retourner comme une vieille chaussette tout ce qui a été énoncé précédemment, en le jetant à l'abîme dans un grand éclat de rire. Il adorait sans doute se travestir avec des maquillages outrés, pour incarner tous les personnages de ses petites saynettes, accentuant le côté burlesque qu'on retrouve aussi dans les scopitones de Henri Salvador, et qui a lui aussi totalement disparu. Alexandre Benalla fut le dernier grand acteur burlesque, lui aussi parti trop vite avec son passeport diplomatique.
Un tombereau d'expressions populaires sont nées de ses sketchs, et passés directement dans le domaine public. "Allo tonton ? pourquoi tu tousses ?" "C'est l'plombier !" "Chuis pas raciste mais..."
"La chatte à ma soeur"... ah non tiens, la chatte à ma soeur n'est pas devenu une expression populaire. Tant mieux, parce que ma soeur, en vrai, dans la Réalité Réelle Ratée, elle est ingénieur chez ErDF, alors ça la ficherait un peu mal.
A l'époque, succès public prodigieux. 
Suivi d'un oubli tout aussi prodigieux.
Alors que les ombres de Coluche et Desproges ne nous ont jamais quittés.

Publicité d'époque dans "Le distrait" (1970)
qui n'a rien à voir
mais qu'on pourrait penser prémonitoire
si on avait l'esprit mal tourné,
et qui me sert à aérer un peu l'article.
Mais Fernand Raynaud meurt en pleine gloire à bord de sa Rolls, qu'il n'aimait pas, en défonçant le mur du cimetière de à l'entrée de Cheix-sur-Morge (Puy-de-Dôme) et surtout son décès coïncide avec la fin des Trente Glorieuses. Il tombe ainsi dans le charnier des époques charnières : après sa disparition tragique en cercueil à roulettes/tombeau à moteur, c'est un nouveau monde qui s'ouvre avec le premier choc pétrolier de l'OPEP, suivi de ses successeurs, qui s'enchaînent comme des coups de boutoir, portant le prix du super jusqu'à 0.30 NF (nouveau Franc) le litre.
A partir de là, on ne rira plus ni des Arabes ni des racistes de la même façon que du temps de Fernand. Plus jamais. 
Il manquait ce clou à mon cercueil.
Le voici.
http://www.mediafire.com/file/epi6gwqx2y44j17/LiFeRa.zip/file
C'est en même temps le clou du spectacle.
La compilation est produite par son fils, il y a des sketchs qui ont moins bien vieilli que d'autres. Vous vieillissez comment, vous ?
Il y manque au moins celui du douanier qui commence par "J'aime pas ces étrangers qui viennent manger le pain des français", encore plus immense que les sketchs les plus immenses de l'immense Fernand Raynaud.



Et avec ça, je vous mets le CD 5 de l'intégrale en 6 CD.






https://www.mediafire.com/file/05r0yp5e1a1giiv/FR_CD5.zip/file

mercredi 17 février 2021

The Disciple's Path par Mark Seelig (2020)

Depuis qu'Obélix a reçu sa première injection du vaccin Sputnik-V au dispensaire du petit village gaulois qui n'a pas de nom mais que les Romains surnomment familièrement "le village des fous", il est devenu tout bleu, et s'exprime étrangement.
"Il faut que j'aille schtroumpfer mon menhir à Falbala avant qu'elle schtroumpfe Marvelcomix !" s'exclame-t-il à tout bout de champ.

Un des nouveaux menhirs peindus par Obélix
depuis sa vaccination anti-Covidix.
C'est la Schtroumpfette qui va être contente.

"Et il faut aussi que j'aille schtroumpfer la réhabilitation du camarade Staline !"
"Ah là là. Akbar ! ", ironisent les voisins. 
"Ce vaccin slave, bonjour les effets secondairesOn aurait mieux fait de s'injecter directement de la potion magique dans les veines, plutôt que de se laisser refourguer la recette d'un druide qu'on ne connait que depuis l'album précédent (voir Astérix chez les Soviets). Ou au pire, on aurait pu essayer la version à ARN mensonger du druide normand WarrenEllix, qui reste à portée de biniou si on veut joindre le SAV puisqu'il suffit de traverser le Channel. Obélix est bien parti pour essayer de nous vendre l'Humanité-Dimanche les jours de marché. Aïe aïe aïe. Hitler ! 

Depuis que je me shoote au WarrenEllix
je vois des complotistes partout.

Pendant ce temps-là, le sculpteur de menhirs bleui en pantalon rayé qui comme moi n'est pas gros mais juste enveloppé, répète en grommelant que si on avait schtroumpfé le programme commun d'union de la gauche Schtroumpf en 74 entre Georges Marchais et François Mitterrand, on n'en serait pas là.
Pour tenter de le soigner, Panoramix a décidé de lui faire subir une séance carabinée de chamanamanisme, avec cataplasme d'herbes de Province et fumigation de girolles hallucinogènes (ramassées avant le couvre-feu décrété par les Romains) aux sons du tout dernier Mark Seelig.

   

Mark est un ancien psychiatre rendu fou de culpabilité par l'abus de prescriptions de benzodiazépines à ses patients, qui tente de se racheter une conduite intérieure (ce terme définit la place du chauffeur ou conducteur, situé à l'intérieur de l'habitacle par opposition au coupé chauffeur historique, où le conducteur se trouvait à l'extérieur) qui soit à la fois pas trop chère, lumineuse au niveau du premier chakra parce que ça fait joli la nuit, mais aussi au niveau des clignotants arrière, parce que ça peut servir de savoir quand on va tourner, en Mark fait aussi le boeuf tous les vendredis saints avec la diaspora des aficionados du dark ambient - Steve Roach, Byron Metcalf, Loren Nerell et consorts, et consacre maintenant sa vie au rétablissement des plus souffrants que lui en sortant des disques de musique à vocation thérapeutique.
«L'idée», explique Mark sur la pochette du disque, «est d'honorer la vie en général et de rendre hommage à toutes les personnes encore instruites des anciennes traditions de sagesse du monde. En tant qu'étudiant et pratiquant des enseignements de guérison chamaniques, je suis curieux d'apprendre d'eux et fasciné par la recherche d'une expression musicale de leur mystique."

Guérir de quoi ? de notre compulsion à pirater des disques à prétention curative ?
Ils sont fous ces Gaulois.



épisodes précédents :



lundi 8 février 2021

Meg Baird and Mary Lattimore - Ghost Forests (2018)

C'est deux filles,
elles jouent de la musique ensemble.
Ca commence presque comme un (déjà) vieux Godspeed You! Black Emperor, avec juste quelques notes égrénées à la guitare, et à d'autres instruments égréneurs de notes, sans doute une harpe, et puis un autre truc à cordes frottées, que je ne puis identifier d'oreille sans réveiller le voisin du dessus, puisque sa chambre est au-dessus du bureau de son papa, voisin du dessus qui est veilleur de nuit dans un foyer d'adultes autistes, qui vient de rentrer de son dur labeur et qui s'en va ron-pschitter grave jusque vers 16 heures, et après il se lèvera hirsute et soudain barbu pour me demander si on lui a gardé du manger. D'ici là, il est trop tôt pour se le mettre à dos. Méfions-nous : quand on laisse un disque de Godspeed You! démarrer comme ça, au bout de dix minutes de glissements imperceptibles, ils sont retranchés dans l'armurerie et menacent de tout faire sauter avec leur barouf du diable, pire que Ethan Hawke dans The Good Lord Bird
On espère que les deux artistes femmes ici réunies auront plus de tenue et de retenue que ces messieurs de Godspeed You. Il y avait aussi des femmes dans Godspeed You, mais c'est une autre histoire.
Ca continue par une ambiance voix féminines/guitares flangées entre Cocteau Twins et Mazzy Star, on est dans l'onirique et le vaporeux.
Ici tout est histoire d'humeurs, et d'enchevêtrements inattendus. On est dans l'expérimental, mais pas chez les casse-couille, vu que ce sont des filles. Encore que. On est souvent dans le gracile et le délicat, entre la guitariste et chanteuse du revival psychédélique d'Heron Oblivion et la harpiste néoclassique Mary Lattimore, mais sous cette surface placide, de petites explosions et bruissements abondent. D'ailleurs, dans "placide", y'a "acide".
"Plus vous passez de temps avec les forêts fantômes, plus ces touches troublantes deviennent plus importantes. Ils donnent du poids à l'album, donc il ne dérive pas dans l'éther. Ce sont des gens ambients traversés par une anxiété ambiente." nous déclare sans forfanterie aucune Google Tradüksiøn à partir d'un article élogieux paru dans Pitchfork que j'ai mis plus de deux ans à traduire à la main. C'est aussi le délai qu'il m'a fallu pour réunir les sous pour l'acheter, car $12, de nos jours, ça ne se trouve pas en donnant un coup de bêche au pied d'un arbre dans une forêt fantôme. Heureusement, l'album est court, il supporte la réécoute.