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jeudi 19 octobre 2023

Extraordinary Attorney Woo Soundtrack (2022)

Park Eun-bin, elle est trop choupinouze.
Pour en avoir regardé une ou deux du coin de l'œil torve avant de décider que je ne faisais pas partie du cœur de cible, je méprisais secrètement les séries coréennes. J'avais décidé que le monde des korean drama se divisait en deux catégories : d'une part des versions exotiques et bourrées d'édulcorants de "Plus belle la vie", le drama france-troyen qui a tenu en haleine des générations de vieillards maniaques pendant les 18 ans et les 4500 épisodes qu'il a duré, et de l'autre des variantes pimentées de "Plus moche la vie", destinée à renaitre dès 2024 sur TF1, privée des acteurs qui se sont pendus à l'idée de remettre ça
Mais quand mes proches rentrèrent de Corée en me sommant de télécharger, puis de regarder en famille Extraordinary Attorney Woo, je n'avais guère d'autre choix que d'obtempérer. 

Au fond, je suis un pleutre, comme tous ces perdants qui se terrent dans le virtuel pour ne pas affronter les affres de la Réalité Réelle Ratée (RRR), et devant ces agressions fréquentes du matriarcat toxique maquillées en suggestions de download illégal (qui jouent sur la corde sensible d'un rêve ancien de mon côté rebelle : niquer Babylone), je file doux. Attorney Woo ? Les aventures abracadabrantes d'une jeune femme autiste (tendance Asperger, la vitrine présentable des troubles du spectre autistique) qui devient avocate dans un cabinet d'affaires à Séoul. Woo a un QI de 164, une mémoire exceptionnelle, et une façon de penser créative. Cependant elle a aussi une faible capacité de gestion de ses émotions, et des compétences sociales classiques limités, mais son sens de l'observation lui permet de compenser (un peu) son handicap et de comprendre ses clients. Les bons sentiments sont un peu écœurants au début, je ne suis pas habitué, et puis mes résistances se dissolvent, je me laisse emporter par la proposition. C'est lié à la performance de l'actrice, et aux thématiques des dossiers qui parviennent au cabinet d'avocats. C'est socialement instructif, malgré certains aspects javellisés à l'eau de rose, et un peu édulcoré par rapport à la vraie Corée :

https://www.monde-diplomatique.fr/2023/07/LAMBERT/65900

Mézapraitou, pourquoi s'interdire des feel-good séries, qui donnent envie d'être humain, alors que je cède si aisément aux feelbad séries, qui font regretter ce désir d'humanité, et qui sont mon pain quotidien ? voici ce qu'on s'autorise à en penser chez les Warsen :

https://www.benzinemag.net/2022/11/02/netflix-extraordinary-attorney-woo-rain-girl-et-les-baleines/

et la musique de la série, car chez Casto y'a tout c'qu'y faut, outils et matériaux ;

https://download-soundtracks.com/television-soundtracks/extraordinary-attorney-woo-soundtrack-special/

En fin de saison 1, j'ai complètement craqué,  j'ai fait une cover d'un des titres en karaoké, qu'on entend sur une scène de S01E10 qui m'émeuvait au-delà du dicible, et après m'être arraché les cheveux avec Google Traduction, car le Coréen est fourbe plein de phonèmes imprononçables, je cours acheter la méthode Assimil.


Aarg. 
Je viens de découvrir après-coup qu'il existe une version "lyrics" de "Inevitable" qui réduit à néant mes efforts de transcription phonétique à partir du traducteur Google de coréen.
(ça faisait quelque chose comme ça :
tssikume dé ma mè

mémdoneune sorri

dépangg ik sou kan

mounie ga-ta-yo

tsayen séreup ké

kürrünen kümaille

an hagiga 

chupsi anh-ayo")


Je me suis donc couvert de ridicule pour rien. 
Tant pis.

 [EDIT] 
Quelques jours plus tard, je me suis même inclus dans l'œuvre. Va comprendre.
En tout cas, ça s'est mieux passé sur vimeo que sur Youtube, où des robots Google m'ont immédiatement censuré, pour d'obscures raisons de droits vidéo.

Extraordinary Attardés Mous from john warsen on Vimeo.

jeudi 12 octobre 2023

Bachar Mar-Khalifé - Ya Nas (2014)

Un jour, ma femme parvient à m'entrainer au cinéma, pour voir "Youssef Salem a du succès". Cette comédie de Baya Kasmi, aveRamzy Bedia dans le rôle principal, met en scène une famille méridionale d’origine maghrébine, avec un humour blasphémo-jubilatoire, tempéré par une certaine bienveillance, et montre combien le poids de l’héritage culturel peut nuire aux relations humaines et professionnelles.
ça, c'est le soundtrack.
d'ailleurs c'est marqué dessus.
Je reste sagement assis pendant le générique de fin, parce qu'une ritournelle m'a pénétré l'oreille et refuse de ressortir par l'autre, et  tandis qu'un vieux Gazaoui pleure dans un coin, son cinéma est fermé, je mémorise que c'est Bachar Mar-Khalifé qui y est crédité pour des musiques additionnelles, c'est pour ça que je ne les trouve pas dans le soundtrack, signé Alexandre Saada
Elles sont sans doute dans le score.

Le savais-tu ? la différence entre soundtrack et score est que le soundtrack est une musique originale et généralement instrumentale composée spécifiquement pour le film, tandis que le score est une sélection de chansons qui existent généralement avant le tournage et sont utilisées dans le film.

Un autre jour, j'explore la discographie de Bachar, et je finis par dénicher le titre.
Enlève tes lunettes et goûte comme ç
a sent bon : ça rentre comme dans du beurre.

Il ne faudrait pas  réduire Bachar à ce succès entrainant, qui était joué à donf dans toutes les boites de Tel-Aviv à Beyrouth avant la première Intifada. Car comme son compatriote Ibrahim Maalouf, il a fait plein de musiques de films, et elles sont vachement bien.


_________________

... et pendant ce temps-là, à Gaza, ou presque :

Lupano & Ohazar : Vikings dans la brume, Tome 2 "Valhalla Akbar".

jeudi 20 juillet 2023

The White Lotus Saison 2 Soundtrack (2022)

Quand le bonheur apparaît, on le reconnaît ;
on se dit : « Ce n’est pas certain », 
et puis il passe.
Quand le malheur apparaît, on le reconnaît ;
on se dit : « Ce n’est pas certain », voilà tout.

Ajahn Chah. « Tout apparaît, tout disparaît :
Enseignements sur l'impermanence
et la fin de la souffrance. »

Salauds de riches. L'accumulation de leur capital, né de la spéculation boursière sur les fruits de la location à bas coût (capitale de l'Azerbaïdjan) de notre force de travail, nous prive de toute possibilité de nous épanouir dans l'hyper-luxe, et le minimum syndical de la décence, ça serait qu'ils soient heureux de dépenser leur argent spolié à la sueur de notre front. Mais penses-tu. Ils se meurent en frustrations et en déceptions, encore plus minablement que des pauvres qui seraient partis claquer intelligemment le pognon des riches.
Je me disais ça hier en revoyant dans ma ford intérieure la galerie de personnages de la saison 2 de The White Lotus, plus ambitieuse, et aussi plus réussie que la 1. C’est assez rare pour être surligné en rouge. Et pourtant, la saison 1 se suffisait à elle-même :

Un hôtel de luxe à Hawaï, parfait condensé des hypocrisies sociales et des injustices qui régissent le monde (...) en six épisodes inconfortables et hilarants, une impitoyable critique d’une certaine Amérique, de ses privilèges et de la façon dont elle écrase les minorités qui l’entourent. Un jeu de massacre pourtant étrangement attachant, porté par une distribution impeccable, dont Connie Britton, parfaite en femme d’affaires workaholic.

A l'époque, je m'en étais fait des gorges chaudes, mais peu profondes.
Problème rencontré et surmonté : qu’est-ce que j’en ai à faire des aigreurs et des déconvenues de ces riches Américains en vacances, avec qui je n’ai en commun que l’air que je respire? Bien sûr, si on remonte 80 000 ans en arrière, on est sans doute sortis du même vagin, l'occasion pour Baptiste Morizot de nous mégabassiner avec son lyrisme éditorial, comme quoi on fait tous partie de la grande tribu du vivant...
trop tard, si on a survécu à l'épisode 1, c'est comme dans Fleabag, la Grande Compassion s’installe, insidieuse... et on rempile pour la saison 2, qui se déroule en Sicile. Par rapport à la première saison, les scénaristes ont eu la bonne idée de sortir les personnages de l’hôtel. Il faut dire qu'elle avait été tournée pendant Confinement_1. Et le romantisme juvénile y est malmené. Ca m’a fait mal pour eux. D’un autre côté, c’est salubre de perdre ses illusions quand on est jeune; on peut encore corriger le tir.
Les effondrements de la masculinité toxique sous les cieux pisseux et confinés de ce complexe hôtelier d'Hawaï avaient quelque chose de cafardeux et de crépusculaire, alors que les débâcles intimes des privilégiés au soleil de la Sicile dégagent quelque chose de frais et de lumineux, soutenues qu’elles sont par la Beauté Rayonnante de Gloire des Siècles Passés des ruines de la civilisation romaine, ses pompes et ses ors, je pense au petit manoir Airb’n’b qu’ils vont visiter en milieu de saison.
La Réalité Réelle Ratée, ça serait mieux en film ?
Voici ce qu'en pense un journaliste du Monde :

Au bout de cinq épisodes (il en reste deux à découvrir), chaque personnage s’est enfoncé un peu plus avant dans son enfer personnel. Tout le plaisir, un peu pervers, que procure The White Lotus tient à la précision de l’écriture de Mike White. Chaque personnage est à la fois une création tragi-comique minutieusement détaillée et un rouage dans le mécanisme du récit. Pour ne prendre qu’un exemple, Bert Di Grasso, le patriarche lubrique que joue F. Murray Abraham, tient, comme tous ses congénères, la ligne de crête entre ridicule et pathétique. Incarnation d’une forme de patriarcat en apparence obsolète, il est aussi le révélateur de la permanence d’un système qui se transmet et se modifie de génération en génération, comme le démontrent le divorce de son fils Dominic (Michael Imperioli) et la fragilité de l’idéalisme de son petit-fils Albie (Adam DiMarco).
Symétriquement, la liberté affichée des jeunes Siciliennes qui hantent, moyennant finances, les nuits des hôtes mâles du White Lotus ne résiste pas longtemps à l’inégalité du rapport de force économique. 

 

Ne l'écoutez pas : les prostituées y sont de magnifiques filles de joie, faisant mentir Brassens, pleines de vie et d’enthousiasme, propres à susciter bien des vocations parmi les rares gourgandines qui verront la série. C’est du grand art sériel, Balzac, Zola, Dostoievski et Bergman se sont penchés sur le berceau du White Lotus, et il faut de plus une vraie convergence de talents et une conspiration de bonnes volontés, pour qu'elle soit aussi réussie sur tous les plans, tout en restant plaisante à regarder. Même le casting est somptueux. A côté de ça, le « Sans filtre » du suédois dément Ruben Östlund, sur le thème des hyper-riches confrontés au prolétariat lors d’une croisière de luxe fait pâle figure. C’est un peu la Grande Bouffe versus L’aventure Du Poséidon, aussi sinistre mais moins grotesque que je ne l'espérais. 
Un journaliste des Inrocks dit tout haut ce que je pense tout bas, dommage que j'aie résilié mon abonnement avant sa naissance.
https://www.lesinrocks.com/cinema/the-white-lotus-versus-sans-filtre-deux-poids-deux-mesures-514131-16-11-2022/
À vrai dire, c’est surtout une raison extérieure à la série de Mike White qui nous fait l’aimer inconditionnellement : la confrontation avec un film qui dans son principe à tout à voir avec The White Lotus, mais en est in fine l’absolu opposé, Sans filtre de Ruben Östlund. On retrouve dans la Palme d’or 2022 beaucoup des composantes de la série : l’isolement de personnages fortunés et puissants dans une situation de villégiature, la description satirique de leur égocentrisme autoritaire comme de leur culpabilité hypocrite, la violence de classe tapie sous la servilité marchande, toutes les lignes de force qui traversent le champ contemporain (problématiques de genre, discriminations sexistes, racisées…) condensées dans un creuset en ébullition…Mais avec une visée similaire, les deux œuvres optent pour des moyens contraires. La série de Mike White sait être fine plutôt que caricaturale, corrosive plutôt que nihiliste, élégante plutôt que grossière. Et surtout n’envisage pas le terrain de jeu de la fiction comme une partie de bowling où il s’agit de dégommer un par un des personnages considérés comme de simples quilles. Sous sa surface plaisamment sarcastique, The White Lotus est une série profondément humaniste. Elle est l’idéal remède à la misanthropie dérégulée et inflammatoire de Sans filtre. Car contrairement au film de Ruben Östlund, elle comporte un filtre. Et c’est un filtre d’amour.
C'est pas usurpé, et d'Östlund, je préfère de beaucoup son film précédent, « The Square », satire ambigüe du milieu de l’art contemporain. Tiens, je vais le reprendre au Shopi, ça devrait plaire à ma crypto-marxiste de femme, et ça sera peut-être votre prochain spectacle. Maintenant y’a plus qu’à attendre que la saison 3 de White Lotus soit tournée en Thaïlande.
Et la musique de la série, au fait ? 
C'est Cristobal Tapia de Veer, donc c'est fouillé et luxuriant.


 Il faudrait aussi vanter les charmes de la sélection de tubes italiens des années 60 entendus pendant la saison 2 de White Lotus, et les réunir en coffret.
Dès que je me casse l'autre pied, je m'y colle;

lundi 17 juillet 2023

Alexandre Desplat - Asteroid City Soundtrack (2023)

Quand je suis allé voir Asteroid City au cinéma, je n'ai pas compris de quoi ça parlait. 
J'ai cru que c'était une métaphore sur le deuil et la mélancolie, et aussi peut-être une parabole sur "le cinéma, art de l'hypnose", à partir de l'exposition brindezingue d'une séance d'hypnose volontairement ratée, parce que le cinéaste déguisé en conteur déguisé en metteur en scène de théatre déguisé en thérapeute dirige constamment notre attention lucide et consciente vers ses "trucs" d'hypnotiseur, ce qui nous interdit de nous laisser endormir - la chanson "You Can’t Wake Up If You Don’t Fall Asleep" qu'on entend au générique de fin est particulièrement explicite à ce sujet - et le film est excessivement stylisé, et démonstratif, et redondant envers ses propres tics, un peu comme si je mettais plein de virgules dans cette phrase, et que je les soulignais en rouge, et chaque début d'installation de narration ou de climat émotionnel est rapidement brisé par l'irruption d'éléments méta-fictionnels venant nous rappeler à quel point on n'est pas en train de nous raconter une histoire mais de nous tenir un discours sur la façon dont les histoires s'écrivent. 

C'est en rentrant chez moi une semaine plus tard que je l'ai regardé d'un autre oeil, en comprenant qu'il empruntait beaucoup à la logique onirique, de ces rêves dont les acteurs incarnent des fonctions psychologiques plutôt que des personnes, de ces rêves qui tournent un peu en rond avec une voix off délirante et un niveau technique surréaliste dont la mécanique se révèle constamment défaillante, comme un tour de Luna Park éreintant dans le cerveau de Wes Anderson ruminant ses clichés hypnagogiques sur le peuple nord-américain, dans le pépiement agaçant de grands acteurs sous-employés, dans un chatoiement fluo mais tirant déjà vers le sépia de légendes modernes esquissées puis avortées par l'irruption constante d'autres éléments tout aussi hétéroclites, névrotiques et absurdes. 


L'illustration résume bien le film :
Anderson dynamite toutes les histoires,
et vous allez me dire, il reste un cratère.


jeudi 1 septembre 2022

Petit mémorial en forme de tumulus des séries télé de l'été qui ne passeront pas l'automne, et en plus l'hiver sera rude

"Je n'attendrai pas l'automne / ses sonates à mon sonotone"
Alain Bashung, "La Ficelle"


le chat de Schrödinger pour les Nuls : 
bientôt l'adaptation BD de la série télé,
d'après le podcast du film
Il y a des choses intéressantes dans la bande-son de Outer Range, la série télé qui veut hybrider coûte que coûte le western post-moderne et la physique quantique de papigeek (papigeek qui s'obstine par ailleurs à enfermer des chats dans des cartons dès qu'on a le dos tourné.)
- Par western post-moderne, nous entendons par exemple la série Yellowstone, urticante comme pas deux tellement elle est à la fois progressiste et réactionnaire, fraiche et rance, critique et élégiaque du rêve américain, et finalement un peu morte et vivante, comme le chat de Schrödinger.
En tout cas, tant qu'on n'a pas ouvert la boite pour savoir de quel côté il est mort ( in : "le chat de Schrödinger pour les Nuls" raconté par ma femme, un 45 trous du disque d'aventure de vulgarisation scientifique en vente nulle part)
Yellowstone, c'est une énième saga sur une « fratrie dysfonctionnelle » avec Kevin Costner en tête de gondole, patriarche conservateur et rétrograde assumé, série qui mélange avec des hauts et des bas les grands espaces et les gens qui les habitent, avec les grosses ficelles de la télénovella brésilienne, mais au Montana ça s'appelle soap-opera, et on y évite de parler avec la bouche pleine de savon, surtout si c'est pour dire du mal. On n'avait qu'à pas télécharger ça. On est mal barrés pour le chroniquer, après avoir avoué un peu honteusement qu'on le regarde, soi-disant pour complaire à sa femme, dont on parle décidément beaucoup mais qu'on ne voit jamais, sauf à faire les poubelles de ce blog culturel. 

Plus fort que Leonardo dans Inception,
Josh Brolin replie tout le Montana sur lui-même
- Et par physique quantique de papigeek, considérons une bande dessinée comme Federal Bureau of Physics, non traduite en français, dans laquelle il est postulé que les lois qui régissent l'univers physique se délitent, et les constantes de Planck subissent d'étranges variations, fuites temporelles, pannes de gravité, tempêtes entropiques sans préavis de Météo-France venant s'excuser après-coup de n'avoir pas hurlé assez fort pour faire paniquer la population avant qu'il ne soit trop tard pour mourir noyé.
Ou encore le film Cohérence, avec gros effets SF_métaphysiques à partir d'un tout petit budget de huis-clos intimiste.
Outer Range, c'est le revers de la médaille, une proposition sérielle😉qu'on dirait décalquée sur Yellowstone, pour le côté « fratrie dysfonctionnelle chez les coboyes sévèrement burnés », mais avec des trous SF dedans. 
Un gros, surtout : un vortex de quelques dizaines de mètres de diamètre, qui éclot au beau milieu d'une prairie du Wyoming. Et qui permet tous les abus scénaristiques : on y jette des cadavres encombrants, ils réapparaissent quelques semaines plus tard n'importe où, sans avoir vieilli, faisant froncer les sourcils des médecins légistes de garde, ou bien ils ne réapparaissent pas, ou alors des bisons en émergent, ou des tribus indiennes, l'astuce scénaristique du trou auto-justifié comme émanation de la facétie divine permettant d'y faire entrer et sortir n'importe quoi, comme un bon vieux "tunnel à droopys" : 

(l'expression "tunnel à droopys" est forgée par Francis Masse, loué soit son Saint Nom,
dans "La mare aux pirates", 1987, récemment réédité par Glénat, béni soit son sein doux.
Le lettrage écorche un peu les yeux, mais c'est que du bonheur.)
- des ours, des shérifs arapahoe LGBT (pour se faire bien voir des communautés woke qui dictent sa conduite à Netflix et sacrifier aux règles de l'inclusivité dans les programmes télé post-modernes), et bientôt des soldats confédérés ayant participé par erreur à la Guerre de 30 Ans, et pourquoi pas des réfugiés ukrainiens oubliés dans les souterrains de Marioupol dans la saison 2 ? hein ? Avec une trouvaille pareille, ils peuvent faire 25 saisons de plus sans problème, et sans aucun besoin de se justifier ! ... et en plus, les spectateurs qui viendraient éventuellement se plaindre, un bourre-pif dans les coulisses du rodéo, bing, on les roule dans une couverture, et hop, dans le trou ! on est peinards pendant au moins dix-huit épisodes !
Ma grâce présidentielle va jusqu'à amnistier les paysages de la série, l'actrice Imogen Poots parce qu'elle a un nom rigolo et cultive une certaine étrangeté, et la bande-son originale, qui évoque les habillages électro-acoustiques des films de Ari Aster, le VVitch de Robert Eggers, ou le Thelma de Joaquim Trier. 


j'm'ai gourré, c'est pas le Montana,
qu'est tout troué, et tout retourné,
c'est le Wyoming.
Les spectateurs, moins.
Il y a aussi la Unofficial soundtrack, irréprochable quoique intéléchargeable, tant que je ne mets pas les mains dans le cambouis de youtube. 
Mais malheureusement, comme j'ai cru naïvement pouvoir l'exprimer en peu de mots, la série elle-même est bien fumigène et frustrante. 
On regarde ça un peu atterrés, malgré la critique élogieuse du Monde ça ressemble à l'adaptation réussie d'une BD médiocre, puis notre consternation grandit en songeant à ce que Alan Moore disait à propos de l'adaptation indésirable de ses bédés au cinéma :
" Je refuse que mon nom serve à cautionner d’une quelconque manière ces entreprises obscènes, où l’on dépense l’équivalent du PNB d’un pays en voie de développement pour permettre à des ados ayant du mal à lire de passer deux heures de leur vie blasée. La majorité de la production est minable, quel que soit le support. Il y a des films merdiques, des disques merdiques, et des BD merdiques. La seule différence, c’est que si je fais une BD merdique, cela ne coûte pas cent millions de dollars "

Aah non, ça c'est la novelisation
du scénario non-tourné.
C'est encore autre chose.
D'ailleurs on peut aujourd'hui trouver le scénario maudit de William Gibson pour Alien 3 finalisé sous forme de BD. Ca n'a pas couté très cher. 
Mais si vous cherchez un petit trou pas cher pour finir vos vacances dans le Wyoming, évitez le Airb'n'b de Outer Range. Il pèse des tonnes, et ne mène nulle part. La réalité des dolines est plus prosaïque et moins laborieuse.
Pour ceux qui aiment, on peut trouver bien plus de schrödingerisme bien tempéré dans Infiniti, une série française qui brasse les influences de Trou Détective, Le Prestige, The Expanse, et s'en sort honnêtement dans le genre rodéo spatial mysticoïde tourné au Kazakhstan et en Ukraine (impensable aujourd'hui en termes de production, et pourtant bouclé il y a à peine deux ans.) 

Du schrödingerisme, il y en a aussi du bien retors dans "La meilleure version de moi-même", série auto-fictionnelle de Blanche Gardin, qui nous met au défi de distinguer entre la créature déviante qu'elle forge ici et le personnage auquel elle nous avait déjà habitués, pour ceux qui supportent cette succube desprogienne. (Un succube est un démon judéo-chrétien féminin qui séduit les hommes et abuse d'eux durant leur sommeil, leurs rêves, et quand ils s'endorment devant la télé allumée. Les succubes servent Lilith. Leur pendant masculin est l'incube, et leur pendant iel c'est le bouillon Kub.) https://fr.wikipedia.org/wiki/Succube
C'est troublant, et les communautés de féministes en lignes y sont ridiculisées, de façon assez fine. Vive la France ! 

ça sent la disneyification rampante
(arôme LGBTAI+)
Et puis, je ne voulais pas parler de l'adaptation de Sandman sur Netflix, parce que j'avais gardé cousu dans ma chemise le petit bréviaire d'Alan Moore cité plus haut, j'étais prévenu qu'une histoire écrite pour un medium n'est pas transposable à un autre, sous peine de finir comme Dewey, dans Malcolm : "Je ne m'attendais à rien, et je suis quand même déçu.Déçu et presque indigné, alors que les conditions météorologiques du Pakistan font craindre qu'Allah ne soit pas au bureau ces jours-ci (sauf pour finir d'amocher Salman Rushdie). 
Ce qui devrait constituer un sujet d'indignation plus légitime. Et comme mon billet putassier est bien parti pour faire les soldes des trucs que je n'aime pas après les avoir téléchargés ET regardés, et me voir jurer une fois de plus que j'arrête les séries télé, on me dit que Neil Gaiman a contribué à l'adaptation de son Sandman (le livre), ce n'est donc pas le même cas de figure qu'Alan Moore. 
Une précédente série adaptée de Gaiman, American Gods, était malsaine, mais plastiquement inouïe. La malsainitude venait pour beaucoup de Bryan Fuller, le showrunner de la première saison, parti ensuite avec la caisse et la magie, qui avait auparavant engendré une adaptation sérielle humainement insoutenable de Hannibal (Lecter), le psychiatre cannibale imaginé par Thomas Harris. 
Hébé, voyez-vous ça, ça en fait, du name dropping en guise de rédactionnel.
Du coup, je me tais : sur Sandman, la série télé, Ecran Large a tout dit. 
A part que l'épisode 6 devait être un sommet de la saison 1, et que je n'y ai vu que la pale resucée de n'importe quel épisode de Dead like me, une sorte de Six feet under pour adolescents d'ailleurs créée par Bryan Fuller, toujours dans le coin des séries mémorables. 

Tom Sturridge a pris des risques de dingue pour incarnée Morphée,
comme celui de ressembler à Robert Smith après une Cure de Slim Fast.

Et un jeune lecteur, Friedrich, y comble mes espoirs de lire un jour des commentateurs intelligents sur un site semi-pro comme écran large.

Friedrich le 16/08/2022 à 17:43 :

(..) un travail légitime de représentation des minorités ethniques et sexuelles dans la culture doit aussi s'accompagner d'un travail d'élaboration de personnages un peu plus convaincants... faute de quoi les personnages sont hélas réduits à une simple assignation ce qui, il me semble, doit correspondre à l'effet inverse de celui recherché par une représentation plus diversifiée de nos sociétés multiculturelles à l'écran.
Si les décors sont dans l'ensemble très réussis (ainsi que la bande son, du moins lors du premier épisode, le même thème musical tournant en boucle abouti inévitablement à l'indigestion auditive), le reste demeure particulièrement MOCHE.
Les effets-spéciaux ne donnent aucune consistance aux démons et autres crapuleries infernales, hélas déjà dépourvues de toute profondeur et d'envergure, tant dans leur écriture que dans leur design. Ces pitoyables démons sont à deux doigts de me rappeler une cinématique d'orcs sur WOW d'il y a quinze ans de cela...il me semble que les VFX ont fait quelque progrès depuis lors.
Aucune émotion, aucune inventivité, aucune mise en scène - sempiternel champ-contrechamp "je suis un loup", "je suis un chasseur", "je suis un serpent", "je suis une parodie involontaire du combat de Merlin contre Madame Mims" - il n'y a rien à retenir de cette série sauf son message principal : "Nos sociétés ne savent plus rêver".A qui la faute ?

A Internet, pardi. 

Dave McKean en avocat du diable :
"mais puisque je vous dis que mon client
voulait faire quelque chose d'inclusif !"

Même en faisant abstraction de la BD originale et en fermant les yeux sur le fait que Gaiman mutile son oeuvre passée au nom de l’inclusivité, ça sent un peu le sapin plastique qu’on fait pendouiller au rétroviseur intérieur pour désodoriser les voitures. C'est propret. Alors que je suis certain que pour l’auteur du comic book original, c’était quasiment du vécu, bourré d'émotionnel. Gaiman devait faire du rêve lucide à donf, et bien s’amuser, à l’époque de Sandman. Il le dit dans les préfaces des livres, illustrées par Dave McKeanJe reconnais qu’il y a des acteurs inattendus. Le corbeau, vague marionnette animée en 3D, a un accent cockney assez savoureux. David Thewlis, qui joue le fils du mage Roderick Burgess, a été croisé dans la saison 3 de Fargo où il incarnait une figure du Mal glaçante, et dans I'm Thinking of Ending Things, et dans Landscapers, que g pa ancor u le tan de maté, mé ça va plu tardé, parce que je regarderais n’importe quoi de Will Sharpe depuis la révélation Flowers

David Thewlis : un don inné pour engendrer le malaise,
en incarnant des personnages désagréables,
d'un air souffreteux et d'un ton doucereux.
David Thewlis aurait été idéal pour camper un John Constantine mâle, fumeur, gueuledeboité, loser et boomer, mais ce sont sans doute des catégories d’humain trop peu représentatifs du monde moderne, qui n’entrent pas dans les catégories de discrimination positive de Netflix.
Les réactions haineuses autour de la fluidité du genre dans l’auto-adaptation de Gaiman de son comics montrent combien les gens, (et moi le premier puisque pour les gens, c'est moi les gens) s’écharpent autour de problèmes de riches, et d'identité sexuelle de mes bollocks, qui devraient disparaitre cet hiver du fait de la pénurie de chauffage et d’électricité anticipées par Napoléon IV dans son dernier éditorial.

Dave McKean :
le tableau d'ophtalmologie revisité
pour ramener les enfants vers la lecture

Sandman ? Tu aimes le bouquin, reste au bouquin. Aucune raison valable d'aller se confronter avec ce que des gougnafiers et des épiciers émasculés en ont fait pour la génération incapable de lire. Mais peut-être que la série ramènera nos chères têtes blondes vers la lecture ! Comme Nolan qui, par son adaptation inutilement tortueuse du Prestige, m'a mené à l'oeuvre écrite de Christopher Priest.
Ah, j’allais oublier, si vous voulez sangloter de dépit à gros bouillons, regardez la saison 3 de Love, Death and Robots, ce sont des courts métrages d’animation de SF pour la plupart américains, et on dirait qu’ils sont restés scotchés sur « Métal Hurlant, le film » qu’ils avaient produit en 1981. Je ne vais pas ressortir mon Alan Moore, mais ce sont des histoires pour vieux geeks tristes. D’ailleurs, l’humanité y clabote presque à chaque coup.
Allez en paix.
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Merci à Julian pour les points de Godwin sur le wokisme.
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Sandman :

nul besoin de réaliser des adaptations qui coûtent des dizaines de millions de dollars (qu'on pourrait dépenser bien plus intelligemment en envoyant des armes de destruction massive à l'Ukraine) alors que relire le comicbook d'origine en éclusant une bonne bouteille du produit dérivé sorti pour le lancement de la série produit sans doute les mêmes effets spécieux
(compter un litre toutes les cent pages environ)





Love, Death and Robots, plastiquement, ça en jette pas mal, quand même.
On reconnait ici Nina Hagen jeune, apprenant la brasse coulée dans Jibaro.

jeudi 25 août 2022

American Horror Story Unofficial Soundtrack saisons 1-6 (2016)

la disneyification des séries d'épouvante :
ça fait trop peur.

J'en ai rêvé, quelqu'un d'au moins aussi malade que moi l'a concrétisé : 
la collecte des musiques "utilisées" ("Unofficial Soundtrack", par opposition au "Score" ou au "Cast" qui désigneraient des musiques écrites spécifiquement) dans les saisons 3 à 6 de American Horror Story, l'inoxydable anthologie d'horreur télévisée,  sont rudement bath, et nous rappellent les grandes heures de la musique populaire américaine (Dr. John, Maria Callas, Frederic Chopin). 
Rappelons que les saisons 1 à 3 de cette série anthologique, qui agrégaient les grands thèmes de l'imaginaire d'épouvante de façon aussi maligne qu'une tumeur éponyme étaient rudement regardables, alors que Outer Range, qui fait sa maline en touillant western et physique quantique, ne vaut pas un coup de cidre.

https://download-soundtracks.com/television-soundtracks/american-horror-story-3-6-unofficial-soundtrack/

et les saisons 1-2, maintenant que je suis chaud dans ma quête auto-addictive :

https://download-soundtracks.com/television-soundtracks/american-horror-story-unofficial-soundtrack/

Foin de mes précédentes tentatives de leur arriver à la cheville :

https://jesuisunetombe.blogspot.com/2014/01/american-horror-story-season-2-asylum.html

https://jesuisunetombe.blogspot.com/2020/03/american-horror-story-confinature-2020.html

https://jesuisunetombe.blogspot.com/2015/03/repost-american-horror-story-unofficial.html

https://jesuisunetombe.blogspot.com/2014/03/american-horror-story-saison-3-coven.html

PrésidentMacron® avait mis son beau costume
pour nous annoncer la nouvelle
dans la saison 2 de French Banquier Horror Story

Mais au fait, quelles saisons regarder en priorité, maintenant que PrésidentMacron® sonnne « la fin de l’abondance », « des évidences » et « de l’insouciance », pour ne pas dire " la fin des vacances " ? toutes conditions psychologiquement optimales pour entrer sous le porche de American Horror Story, qui ne parle de rien d'autre que de l'empire américain succombant au spectacle de son effondrement ? hein ? hein ? Je sais pas, j'ai pas le temps de les remater, mais j'ai classé pour vous les 10 meilleures pages de classement des meilleures saisons de American Horror Story.

https://www.ecranlarge.com/series/dossier/1031999-american-horror-story-on-a-classe-toutes-les-saisons-de-la-pire-a-la-meilleure

https://www.urban-fusions.fr/american-horror-story-9-saisons-de-la-pire-a-la-meilleure/

https://www.dexerto.fr/films-series/les-9-saisons-damerican-horror-story-classees-du-pire-au-meilleur-1282409/

https://www.allocine.fr/diaporamas/series/diaporama-18678868/

https://vl-media.fr/american-horror-story-le-classement-evidemment-objectif-des-9-saisons/

https://www.konbini.com/biiinge/on-a-classe-neuf-saisons-american-horror-story/

Attention : n'oubliez pas que selon le proverbe africain bien connu, "celui qui avale une noix de coco fait confiance à son anus", et qui regarde American Horror Story s'expose à des milieux de nuit difficiles. C'est assez lourd à digérer, dans l'ensemble. Si vous m'envoyez vos propres scores, je mettrai les résultats dans un tableur, et on verra ce qu'on verra, ou alors sinon, l'Histoire jugera. Mais pour l'instant, elle est occupée ailleurs.

jeudi 28 juillet 2022

Jon Brion - Something you can't return to (2008)

Voici une descente harmonique qui évoque et accompagne admirablement les sentiments de perte, de deuil, d'impossibilité d'accomplir quoi que ce soit de non-dérisoire avant la mort, de fuite du temps, d'accablement, d'impuissance et de désespoir arômatisé goût caramel du film Synecdoche (dans l'appartement en combustion spontanée permanente dans le film, puisque le caramel, c'est du sucre qui brûle dans une casserole dont l'eau se retire).
Morceau fort justement titré "quelque chose vers quoi tu ne peux retourner"

et son retour, qu'on n'espère pas éternel.



 Et pourtant, c'est pas faute d'essayer.

Et la petite chanson qui achève bien les chevals.

A part ça, Jon Brion est surtout connu pour le Theme d'une implacable mélancolie écrit pour la musique de le film Eternal Sunshine of the Spotless Mind.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jon_Brion

jeudi 14 juillet 2022

Dan Romer - Station Eleven Soundtrack (2021)

Le jour du 14 juillet, je reste dans mon nid douillet. La musique qui marche au pas, cela ne me regarde pas. Sauf s'il s'agit des fanfares berlinoises d'avant-guerre, ou alors des mélopées issues des films et séries qui me meuvent.
le space opéra,
ce truc pour les mémés de droite, 
qui lisent Zemmour et Heinlein.
C'est après m'être retapé les 5 saisons de The Expanse avec le fiston avant d'être bien déçu par la 6ème être tombé presque par hasard qui n'existe pas sur le pilote de Station Eleven, une mini-série qu'un bloggueur m'avait vendu comme une trouvaille majeure sur son lit de mort, que je me suis rendu compte que question science-fiction, le space-opera est un sous-genre appartenant définitivement au passé bourrin, réactionnaire et en état de mort cérébrale de la SF (sauf Tchaikowski).
D'ailleurs nous ne sommes mêmes pas fichus de retourner sur la lune cinquante ans après Louis Armstrong, lune qui si ça trouve n'existe même pas, sauf dans les chansons rétrofuturistes de Guy Béart et les bédés de Daniel Goossens, sans parler des interminables tutoriels pour utiliser des toilettes en gravité zéro, qui ne sont que du lobbying à peine déguisé de la NASA qui nous prend pour des quiches; alors que face à Station Eleven, j'étais soudain en présence de l'anticipation du turfu. 

Photo décadrée + musique raffinée
= la Classe à Dallas
Station Eleven est une fiction post-pandémique dont je n'attendais rien, d'ailleurs rien qu'à l'annonce du thème j'ai failli me barrer, alors quand j'ai été attrapé, ben... j'ai été bien attrapé. Encore du rata pandémique ? bof bof me disais-je dans ma ford intérieure; vu qu'il m'arrive encore d'oublier de mettre mon masque en parcourant d'un air guilleret les rayons de monsieur bricolage chaque fois que ma femme s'absente une semaine et que je suis pris d'une incoercible envie de rénover la terrasse en bois exotique pour qu'elle puisse en jouir dès son retour, on dirait bien que j'ai presque oublié l'infâme microbe qui nous a tenu la dragée haute pendant deux ans, alors que lui continue sans doute de penser à moi avec la bave aux lèvres, s'il en a, et en fiction sérielle, c'est pas un sujet qui m'attirait. Ultimement, son sujet d'étude est l'humanité intrinsèque des êtres humains, et comment elle peut faciliter (ou pas) la transition sociétale lors d'un effondrement civilisationnel. Ah tiens, c'est encore moins sexy raconté comme ça. Tant pis.
C'est une série branchée "réconciliation avec l'Autre", suggérant des pistes d'atterrissage dans des aéroports désaffectés pour la résolution des conflits humains avec le minimum de violence et de casse sociale possibles. 
Bien sûr, en vrai, dans un monde post-apo, issu en droite ligne de l'ancien où nous étions condamnés à manger du poulet et du poisson d'élevage à tous les repas jusqu'à ce que rupture de stock s'ensuive, les survivants ne passeraient pas leur temps à jouer du Shakespeare sur des scènes itinérantes, le long d'un parcours circulaire annuel autour du lac Michigan; Shakespeare ?(dont il est beaucoup question dans la série, mais chut, je suis en train de parler d'autre chose et on ne va pas ouvrir trois bataillons de parenthèses comme dans le Manuscrit Trouvé à Saragosse) ils n'auraient guère le temps de jouer Shakespeare, ils cultiveraient des pommes de terre, se disputeraient âprement les femelles, et  les mâles les plus alpha réinventeraient le mormonisme.

dans le monde vraiment post-apo qui vient pas pour de rire,
les vegans femelles finiront en salade de thons
Mais c'est sympa de privilégier la Beauté du Geste plutôt que de nous bourrer le crâne avec du survivalisme à la mords-moi-le-Walking Dead, qui finira par nous faire pousser la porte d'une armurerie pour nous acheter de quoi nous défendre de nos voisins, et là ça sera l'escalade. Ca nous change un peu des réflexes de l'archéocortex. Il y a comme un pari sur l'humain et sa capacité de résilience, sans s'infliger tout Cyrulnik, même en édition de poche. Au final, on voudrait nous contraindre à une empathie un peu suintante par les commissures de la fiction, qui pousserait presque à faire des câlins à des inconnus, voire des conseillers de la banque postale, même si ça serait pas des gens pas vus depuis très longtemps, qu'on ne s'y prendrait pas autrement pour que cette émotion bisounours à large spectre nous contamine d'une compassion diffuse envers tous les personnages de la série, idée qui nous aurait révulsé avant l'irruption du Covid_19, mais qui est ici tout à fait stimulante.
une image de Station Eleven bien rafraichissante par ces chaleurs, madame Michu.

J'abomine l'expression "récit choral", mais faut reconnaître que là, ça en est. Les éléments de l'intrigue sont d'abord juxtaposés dans un savant désordre temporel, dont le raccommodage façon puzzle se fait très progressivement, et avec un peu de malice, mais si ils énonçaient les faits dans l'ordre chronologique, est-ce que ça serait aussi réussi ? les esprits chagrins et chafouins pensent que non, mais on les emmerde. 
Le labyrinthe causal ne bloque pas l'émotion, et s'écoule avec fluidité dans les rigoles prévues à cet effet. 
Ce qui m'a séduit et convaincu de rester, ce sont ces allusions croisées (et tout d'abord poétiques mais obscures) à une bande dessinée faite à la main et tirée à 5 exemplaires, dont certaines réparties, répétés ad libitum et nauseam, deviennent des prophéties auto-réalisatrices, ce qui m'a évoqué un bon souvenir télé : la première saison d'Utopia, où il y a aussi un comic-book handmade, et une pandémie, non, tulirapa téléramadan pour récupérer tes souvenirs d'icelle, et puis rapidement, l'argument pandémique passe à l'arrière-plan, le vrai sujet je l'ai dit c'est l'humanité (réelle ou simulée) des personnages, dans un contexte civilisationnel inédit.

la couverture du roman graphique au tirage confidentiel imaginé dans la série
(art from Maria Nguyen)

C'est une fable philosophique. L'univers est prenant, les personnages attachants, les acteurs magnifiques, la direction artistique très jolie, et la musique de Dan Romer nous berce comme du Calmolive, le savon des stars qui adoucit aussi les prunes, en tout cas c'est ce que disait Desproges, bref c'est une belle réussite que je recommande, dit-il à la cantonade.
une autre série de Patrick Somerville
déroutante et acidulée, 
comme je viens de le dire en face.
Patrick Somerville invente ici le feel good post-pan TV show. Je suis touché, alors je m'intéresse alors à ses autres travaux :
Maniac, sa précédente série, était déroutante et acidulée. Je me suis tenu loin de The Leftovers, co-écrit avec les scénaristes incontinentsmalhonnêtes, enfumés, responsables de Lost. Surtout moralement et pénalement.
Mais il faut quand même que j'essaye Made for love, une autre de ses créations récentes. Parce que Station Eleven c'est surprenant, et que c'est difficile d'être surpris, quand on n'est plus un perdreau de l'année. Et au contraire de beaucoup de denrées périssables comme l'huile de tournesol et la moutarde forte, plus je partage mon désir, et plus il y en a, comme Chuck Norris Jésus multipliant les pains.
Et la musique de Dan Romer ? ben elle est pas mal.
Elle va droit au cœur, sans fioritures. 
Contrairement à cet article.