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jeudi 21 septembre 2023

Cardon : Ras-le-bol (2022)


A part la chanson de Gilles Servat "Les prolétaires", redécouverte la semaine dernière, je ne connais rien de plus déprimant ni désespérant que les dessins de Jacques-Armand Cardon, qui dépeignent de manière magistrale et allégorique les souffrances de la condition ouvrière humaine au vingtième siècle. 
(Daniel Goossens a décrit par ailleurs les souffrances de la condition ouvrière fourmi au vingtième siècle, comme ça à eux deux ils ont fait le tour du problème). 
Cardon, je l'avais totalement oublié, depuis les illustrations muettes dans l'Humanité-Dimanche des années 70, qui me laissaient blême après les avoir contemplées d'un œil d'enfant impie et hagard (longtemps avant que mon œil vire hippie et hangar).

Les dessins de Cardon sont reconnaissables au premier coup d'oeil, 
même si ça fait 50 ans qu'on n'en a pas vu la queue d'un (sic). 
On retombe dessus par hasard, et on s'écrie "Cardon, putain, Cardon !"
aussi fort que si on se rappelait tout d'un coup
qu'on s'était fait violer par Georges Marchais quand on était petit,

mais que on avait tout oublié suite à un syndrome post-traumatique aigü.

J'ignorais alors tout de Kafka, Topor, Gébé, ou Francis Masse, s'il existait une version muette de Francis Masse, dont le lettrage des phylactères serait infiniment plus reposant pour les yeux, et qui sont les cousins germains de ce Cardon qui réussit à beaucoup publier dans la presse communiste de l'époque alors qu'il n'était pas du sérail (Pif le Chien fut publié plus longtemps que les bonhommes déshérités de leurs fringues et du reste de Cardon, mais Pif le chien c'était en strips quotidiens dans l'Humanité (pas -Dimanche).

Cardon et Pif le Chien dans l'Huma
sont les deux mamelles que j'ai sucées
pour nourrir ma conscience politique naissante.

Cardon, je l'ai vu l'autre soir sur LCP dans l'émission de Patrick Cohen "Rembob'INA" dans laquelle Patrick réhabilite le patrimoine télévisuel qui sinon pourrirait doucement comme Swamp Thing dans les archives de l'INA, ce jour-là l'émission portait sur "Du Tac au Tac", joute graphique en forme de cadavre exquis entre auteurs de BD du début des années 70, imaginée par Jean Frapat. Une idée géniale, réalisée avec trois francs six sous, et qui a dû susciter bien des vocations de dessinateurs.
D'ailleurs, je le crois pas, mais le jour où je rédige cet article ils viennent de mettre l'émission en ligne, ce qui est le signe que j'attendais du Ciel où trône mon dieu laïque pour poursuivre mon effort rédactionnel.


(l'émission a été retirée du réseau de diffusion entretemps, et c'est bien dommage)
Du jour où j'ai revu Cardon sur LCP, sémillant malgré son grand âge et l'amertume sans nom qui suinte de ses dessins, mon amnésie a été levée d'un coup. Il a fallu que je coure à la librairie acheter Ras-le-bol, somptueux recueil de ses demi-pages parues dans l’Humanité Dimanche et à Politique Hebdo de 1970 à 1976.
C'est publié aux Requins Marteaux, sans la faucille.
C'est du grand Art. 
Contemporain. 
(Alors que l'art contemporain me fait désespérer et de l'art, et de mes contemporains). J'aurais préféré y trouver ses dessins muets, plus intemporels, dont il en existe plusieurs recueils, plus rares et aussi convoités que le Nécronomicon de l'arabe dément Abdul Al-Hazred :
mais on va pas chipoter pour si peu. Réécouter un vieux Cure en même temps, c'est la garantie assurée sur facture de ne pas survivre à la prochaine soirée Théma sur Arte, dont les choix éditoriaux sont le prétexte rêvé à tant de suicide-parties que les Boches n'auront pas, sauf ceux qui regardent Arte.

Quelques dessins, toutes périodes confondues :










quelques scans que j'ai faits de "Ras-le-bol" :
(clique sur les images, n'aie pas peur, ce n'est pas sale,
et tu les verras en plus grand)

quelques liens, bien trop peu nombreux :

https://www.lambiek.net/artists/c/cardon_jacques_armand.htm

https://ecc-cartoonbooksclub.blogspot.com/2015/05/satirix-cardon-edition.html

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques-Armand_Cardon

https://lanticapitaliste.org/opinions/culture/ras-le-bol-de-bernard-cardon

https://www.benzinemag.net/2023/03/26/ras-le-bol-de-cardon-ces-annees-70-qui-sonnerent-le-glas-des-illusions/

https://superlotoeditions.fr/livres/ras-le-bol/

Le Cardon : Dessins est épuisé.
Moi aussi.

mardi 1 novembre 2022

Gérard Calvi, Pierre Tchernia - Le gâteau empoisonné (1968)

Honorons nos défunts : je viens de retrouver 
 sans préméditation la chanson "Le gâteau empoisonné" entendue en 1968 dans le dessin animé Astérix et Cléopâtre, et jamais oubliée depuis, au sein d'une compilation de chansons extraites des films d'Astérix le Gaulois, alors que je ne cherchais rien, je l'jure à mortel, qu'on me jette aux crocodiles si je mens. 
On y trouve aussi "Quand l'appétit va, tout va", qui rentre bien dans la tête quand on a cinq ans et demi. A vue d'oreille, c'est Roger Carel et Pierre Tornade qui prêtent leurs voix. Que la terre leur soit douce.



Le gâteau empoisonné (ou Le pudding à l'arsenic tel qu'il a été référencé sur Youtube, qui, rappelons-le, est le Mal absolu mais des fois c'est bien pratique) est tout aussi culte, à l'époque comme aujourd'hui, veille des Trépassés (le 2 novembre, que je confonds souvent avec la Toussaint).
Je vois que l'édition Wombat
inclut aussi " douze possibilités
d'échapper à Noël".
Je vais me l'offrir pour Noël.
Ah non, zut.
Deux Egyptiens complotistes y inventent une recette idéale pour que la prochaine Toussaint soit ta fête, comme le disait Roland Topor dans "Cent bonnes raisons pour me suicider tout de suite", la chanson devenant immédiatement un tube de 
début novembre ex-aequo avec Astrid, pour toujours et à jamais, et depuis cette année où le nombre d'intoxications grimpe en flèche, ex-aequo aussi avec les smartphones qui reconnaissent les champignons, en forêt, et qui précipitent aux Urgences bien qu'il soit souvent trop tard des familles entières de mycologues amateurs qui ont eu la faiblesse de croire que les développeurs d'applis avaient la science infuse.

https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/isere/explosion-du-nombre-d-intoxications-par-des-champignons-ne-vous-fiez-pas-aux-applications-d-identification-sur-les-smartphones-2303257.html


samedi dernier en forêt du Gâvre.
Elle est pas mignonne, mon amanite ?
je n'ai pas eu besoin de smartphone pour la reconnaitre,
mais j'ai bénéficié de transmissions familiales.


jeudi 29 septembre 2022

Viper N°6 (1983)

couverture de Voss pour le n°5
Viper est un magazine français de bande dessinée qui a connu 11 numéros entre octobre 1981 et juillet 1984. Le premier numéro de Viper, lancé à l'initiative de Gérard Santi, est quasi exclusivement consacré à la légalisation de la drogue. Par la suite, si cette thématique restera le ciment de la revue, les bandes dessinées se diversifieront, la rédaction soutenant une bande dessinée innovante souvent proche des milieux underground. Ainsi, parmi les auteurs clefs de la revue, on trouve des noms connu des milieux de la presse punk comme Imagex, Max ou Pierre Ouin, qui y développe son personnage de Bloodi le junkie. Mais aussi Farid Boudjellal - qui y crée une série orientalisante, « Yasmina » dans Viper n°9 -, Philippe Lagautrière, Frank Margerin, Charlie Schlingo, Jano, Tramber, Emmanuel Moynot, Ben Radis ou encore les futur associés Mattt Konture et David B. 
   (Wiki)

L'interview de Moebius dans le numéro 6 m'avait parue particulièrement éclairante. "Prendre des drogues, disait-il en substance, c'est comme visiter l'Egypte sans descendre du bus". J'étais bien d'accord, même si je passais beaucoup de temps dans les transports en commun, avec beaucoup de jeunes de ma génération. 

dans le numéro 6, pas le moindre crobard de Moeb.
Son interview est illustrée de dessins réalisés pour
les univers de Robert Sheckley


Après cette interview mémorable, Moebius a continué pendant un certain temps à fumer de grandes quantités d'herbe, si l'on en croit "Inside Moebius", son journal intime dessiné. 

Inside Moebius, tome 1. Comme on le pressent,
Moebius était loin d'être une publicité vivante pour le produit.

Kant à moi, j'abandonnai à regret les cigarettes mal roulées pour devenir un buveur à problèmes. En effet, quand je fumais de l'herbe, je me rendais compte de l'aspect dramatique de mon alcoolisation progressive; je crus alors prendre une décision d'adulte en cessant de consommer de la marijeanne. 
Mais c'est une autre histoire.

Viper N°6 :
https://www.mediafire.com/file/j246q899ammu6hl/Viper+06.cbr/file
Une rétrospective sur ce premier fanzine français dédié à la défonce :
Une chose est sûre, j'y réfléchirai à deux fois avant de mordre dans mes cactus à mescaline quand ils auront mûri :



jeudi 22 septembre 2022

Philippe Druillet - 30x30 (1981)

En lisant le nouveau Métal Hurlant n°4, qui fait du vieux avec du vieux et redéroule l'historique du glorieux magazine daté de quand le futur c'était demain, je tombe sur cette publicité pour des posters de Philippe Druillet, parue en 1975 dans le numéro 5 de Métal Hurlant canal historique. Il en émane un charme à la fois suranné et inoxydable. Je n'étais pas sensible à l'héroïc fantasy de Druillet, son univers de guerriers hérités de Flaubert et Moorcock, mais j'admirais sa technique, et son goût pour la démesure, qui n'a pas fait d'émules, sinon chez les Japonais. Il n'avait pas son pareil pour nous faire saigner des yeux. Il aurait fallu lui donner Notre-Dame à reconstruire, ou la Sagrada Familia de Gaudi à terminer, ou l'Arbre aux Hérons de Nantes à sauver de la faillite, ça aurait eu de la gueule.

la couverture du 30x30


Le 30x30 édité par les Humanos en 1981 reprend des illustrations des années 60 et 70, mais s'interdit les extraits de ses albums BD de l'époque, Lone Sloane, Délirius, Yragaël, peut-être pour des histoires de droits, je ne sais pas, alors que c'est quand même là que Druillet donnait libre cours à sa démesure.
Le gigantisme pharaonique et la mégalomanie de Druillet en sont cruellement absents. C'est un peu dommage. Si j'arrive à retourner en 1981, je le leur signalerai, aux Humanos.

Salambô par Druillet : une vision rénovée du Pari Mutuel Urbain
(bien qu'auto-repompée sur son poster de 1975)

Les Bâtisseurs du Temple se sont affiliés à la CGT
et viennent négocier leurs heures sup' : ça ne rigole plus.

https://www.mediafire.com/file/9hsa79h2q52yaai/zzDruillet.cbz/file

Gaïl (1978)
Planche de test ophtalmique, avec patient incrusté.

deux interviews récentes de Druillet

jeudi 15 septembre 2022

Henri Salvador - Intégrale 1961-1980 (2021)

si l'image vous fait peur, 
attendez d'avoir écouté le disque.
Trésor inestimable et à jamais englouti pour certains, gros tas de merde avariétée verdâtre pour d'autres, l'œuvre d'Henri Salvador n'en finit pas de diviser les vieillards cacochymes qui s'en rappellent les meilleurs moments et en oublient volontairement les pires scories, en traçant d'un air constipé des micro-sillons dans leur assiette de purée à l'Ehpad de Sétay-L'bontamps (dans l'Eure) à l'aide d'une fourchette.
En complément de l'intégrale qui couvrait les années 50 et même un peu plus,
voici de quoi aller en principe jusqu'au bout, ou presque. 

Soljenitsyne, sors de ce corps

Rappelons-nous que sur la période trouble des années 60-70 qui voit Henri faire preuve d'une inconcevable liberté, rien d'aussi intelligent que ce qu'en écrivit Guido Cesarsky ne pourra jamais sortir de ma plume, ni même d'un autre endroit de mon individu. Que dire, après ça ? juste un mot sur la source miraculeuse : une maison de disques se vante de sortir une intégrale d'Henri Salvador "en version digitale" pour ne pas avoir à sortir les CDs physiques, dont les derniers fans d'Henri sont pourtant friands.


Si on regarde les commentaires de l'article, et qu'on vérifie chez un fan qui a collectionné tous les disques d'Henri, cette soi-disant intégrale est un peu fausse.

Mais on y trouve tellement de titres qu'on croyait perdus, que c'est quand même Byzance. Pour s'y retrouver, il faudrait embaucher un chercheur du CNRS à plein temps pendant 6 mois, pour comparer la playlist de l'éditeur avec celle du fan qui a patiemment collecté tous les vinyles.
De plus, il apparait à l'écoute que certains titres soit-disant remasterisés en 2021 l'ont été par de fieffés filous, qui ont repiqué à la ouane eugaine les vieux 45 tours de leur tante Marie-Berthe, d'une qualité vraiment inférieure à toutes les copies qui circulaient depuis des lustres sous le manteau.
On peut avoir un preview ?
oui.

https://music.apple.com/fr/artist/henri-salvador/7025919/see-all?section=full-albums

Il faudrait aussi par souci de rigueur comparer avec l'intégrale des années précédentes, qui chevauche celle-ci jusqu'à 1962, pour voir si y'a pas un inédit quelque part. Parce que on a peut-être déjà tout en double, sauf les pépites. Quand il endosse simultanément les costumes de crooner et d'atroce pitre au cours de la même chanson (Pan ! V'la La Pluie, 1966). Ou quand il se lance en roue libre dans la complainte d'un obsédé sexuel rendu priapique par le porno (Sex-man, 1971).
Plébiscité pour ses talents de fantaisiste plutôt que de chanteur créole, c'était pas facile de s'évader des cases qui lui furent assignées par ses succès public, même s'il sort parfois du cadre :

garanti sans trucage, je l'jure à mortel
Maman, j’veux faire l’amour avec toi
Ce n’est pas la peine
D’en faire tout un plat
Vaut mieux rigoler
Que m’faire des reproches
D’ailleurs mes copains
Sont dans le même cas
Sauf ceux dont la mère
Et vraiment trop moche
(Comme un souffle au coeur) 
Il y en a pour tous les goûts, des rengaines poujadistes, des refrains tropicaux, des twists endiablés avec des choristes de jazz qui rappellent les étranges mélopées des Double Six. Il y a même une Crucifixion, écrite par Bernard Dimey. 
Le parcours de l'artiste est raconté par le menu dans Schnock n°38

Et comment ça se fait que Henri Salvador conserve la même bobine entre 1961 et 1989 ?
aurait-il signé un pacte avec le diable ?
et comment ça se fait qu'il ait conservé la même chemise, sans qu'elle se salisse ? 
aurait-il signé un pacte avec le blanchisseur ? 


Avertissement : 
les rips ne sont pas les miens, je les ai trouvés ailleurs, et j'ignore leur date de péremption.
Devant la recrudescence de vols de sacs à main, la direction vous conseille de garder le votre sur les genoux le temps du download, et décline toute responsabilité.

Henri Salvador 1961-1962 :
Henri Salvador 1963-1964 :
Henri Salvador 1965-1966 :
Henri Salvador 1967-1968 :
Henri Salvador 1969-1970 :
Henri Salvador 1971-1972 :
Henri Salvador 1973-1974 :
Henri Salvador 1975-1977 :
Henri Salvador 1978-1979 :
Henri Salvador 1980-1989 :
Full Albums En Un Lien :
HSdor1961-1989_Fonz.rar ( 1.89 GB )

jeudi 4 août 2022

Daniel Goossens - Introuvables mais retrouvés (1977/2022)

Une compilation faite à la main d'histoires courtes de Daniel Goossens, parues essentiellement dans 40 ans de Fluide Glacial. Certaines ont été reprises, postérieurement à ma sélection, dans Ga, et dans Adieu Mélancolie. Je n'ai pas le courage d'enlever celles parues à l'époque en albums ("le messie est revenu", "l'esprit le corps et la graine"...) (car en vérité, comme je le lis dans le nouveau Métal Hurlant n°3,  les geeks qui achetaient les revues de BD dans les années 70 les conservaient, et du coup n'achetaient pas les albums, et je ne les ai pas pour comparer) ni de vérifier dans les bibliographies qui font autorité (le p.l.g.p.p.u.r. de 1986 que je n'ai pas encore retrouvé au garage, la monographie de frémion, la phénoménale bibliographie de bdoubliées), c'est déjà bien assez de boulot que de les rassembler avec un semblant d'ordre chronologique.

Je voulais pas faire de couverture pourrie avec photoche,
mais mon éditeur m'a forcé ! 


un lien intéressant :


Le mode d'emploi idéal de votre lecture de l'été !
N'oublie pas tes 18 piles 1.5v pour alimenter ta tablette sur la plage !

le lien vers le fichier :

Après avoir relu tout cela, m'apercevoir que Goossens décrit la laideur, la médiocrité, les processus psychologiques de compensation du moi déficient, la sexualité comme une névrose sans remède, et que c'est pour ça que je l'aime. C'est un peu triste. 

jeudi 21 juillet 2022

Morris et Giraud - variations western (1973)

trouvé dans le Pilote annuel 1973, une lecture d'été idéale, une planche de Lucky Luke relookée par Giraud, ainsi qu'une planche de Blueberry revisitée par Morris.




Comme quoi Blutch n'avait rien inventé, avec ses variations
(qui m'ont laissé indifférent voire offusqué de l'inanité de la chose, toute arty qu'elle fusse)
Et moi non plus, je n'ai rien inventé, puisque j'ai ensuite trouvé une chronique sur ces variations chez Li-An
mais c'était trop tard, mon article était déjà chez Li-mprimeur.

jeudi 23 juin 2022

Contribution à l'étude de Goossens pour les nuls

Observons un instant cette illustration tirée de "Voyage au bout de la lune", bon sang. 

Goossens a souvent une approche assez abrasive de la sexualité.

Les outrances passées de Goossens, qui a vu les minorités LGBTAIbitcouill+ brûler ses albums en place de grève, lui assurent-t'elles une place au paradis des Blasphémateurs ? 
Pas si sûr : le Grotesque Goossensien (le GéGé) étant impuissant à pimenter son nouvel album, aux charmes aguicheurs mais flétris, le GéGé se voit contraint de contaminer le réel, autrement plus fécond que le cerveau de son créateur, frappé de sénescence, pour y planter de nouvelles graines, comme dans un roman de Philip K. Dick dont David Cronenberg aurait raté l'adaptation (on peut toujours rêver, tant que Mélenchon n'est pas nommé premier ministre). 
Je n'en veux pour preuve que cet article du Monde consacré à la mise en examen d'un petit entrepreneur issu d'une PME du porno français (artisanat familièrement désigné sous le sobriquet malicieux de la French Touch, par opposition aux multinationales du pain de fesse et du boudin noir, aux produits farcis d'OGM) dans lequel certains éléments de langage habilement dissimulés révèlent l'emprise souterraine de Goossens sur le journalisme contemporain :

La légende a fait le tour d’Internet : celle d’un couple d’instituteurs libertins, qui aurait monté à la fin des années 1990 un petit site sans prétention afin d’y échanger des clichés dénudés avec d’autres adeptes de l’exhibitionnisme en ligne. (..) Le couple est d’une discrétion farouche. Il n’existe aucune image d’eux nulle part. Michel Piron, aujourd’hui âgé de 64 ans, qui dirigeait toute la structure avant de passer en partie la main à son fils Thibaut à la fin des années 2010, est décrit par plusieurs protagonistes rencontrés par Le Monde comme un homme en surpoids et chauve, avec un accent du Sud-Ouest prononcé. 
Hardi petit, Goossens n'y allait pas de main morte
quand il était jeune 
(..) Il y a dix ans, seule avec son fils, Jessica (son prénom a été modifié) vit de boulots saisonniers et a besoin d’argent. Elle est « rabattue » par l’intermédiaire des réseaux sociaux et accepte une courte vidéo, pour « donner à manger à son enfant ». D’après son récit, avant les tournages, les réalisateurs de Michel Piron lui font consommer de la drogue. Elle est séquestrée, forcée à des pratiques non comprises dans le contrat, décrit une scène qui, selon elle, s’apparente à de la « torture ». La petite dizaine de vidéos qu’elle tourne à cette époque se propagent sur Internet et ressortent sans cesse. Elle enchaîne les dépressions et les tentatives de suicide. Jessica remonte la pente, retrouve son travail d’origine : serveuse dans un restaurant gastronomique en Suisse. Mais des clients la reconnaissent et elle est licenciée : « J’étais sale, pour l’image des gastros. » Pour elle, Michel Piron est tout sauf un simple diffuseur : « Il nous traite de folles pour décrédibiliser notre parole. » Elle l’a vu à l’œuvre : c’est lui qui donne le cahier des charges, lui qui veut qu’il y ait une sodomie, un plan sur les pieds et un autre sur les seins dans chaque séquence… C’est lui aussi qui « passe son temps à nous dénigrer, à nous traiter de vieille cougar ou de sale rebeu aux seins mal refaits », raconte encore Jessica.
On voit bien ce que Goossens, s'il avait été plus en forme, aurait pu faire de cet accablant témoignage. Aucun sujet ne l'effraie ni ne le rebute. La sexualité est décrite au mieux comme une névrose embarrassante, et on espère que c'est pas pour de vrai. 
On se souvient de sa blague de Pervers Pépère dans "Le romantisme est absolu". 
On se souvient de Casimir, le tueur d'enfants.
Et tant d'autres atrocités frontales, passées à la moulinette d'un fin observateur de la nature de l'esprit, avec toujours l'excuse que c'était pour rire, et puis 'gad où que ch'uis, apopo 800 pieds.
Daniel Goossens fut un fin observateur de la nature humaine.

Aujourd'hui, ça ne passerait plus. 
Et Goossens semble être au bout de son singulier filon. 
Dans l’absolu, notre libre-arbitre nous permet de sortir à tout moment de la prison que notre génie a érigé en système, prison qui n'a bien souvent qu'un seul barreau autour duquel nous tournons, et que nous pourrions lâcher pour aller pisser contre le mur qui arrête le torrent de la connerie, mais le peut-il vraiment ?
Dans un vieux numéro de Métal Hurlant égaré dans les couloirs du Temps, un critique inspiré traita un jour Manara de Moebius de Prisunic
C'était cruel, surtout pour Moebius, mais justifié. 
Goossens, lui, n'a jamais été un Moebius de Prisunic. Dans "du plomb pour les pigeons", par exemple, il démontre que son talent peut parfois rivaliser avec celui de Jean Giraud, l'immortel auteur du western porté à l'écran par Jan Kounen "McClure et les sacs à gnôle contre les mangeurs de peyotl." Jean Giraud qui écrivait des petits mickeys de science fiction sous un pseudo qui ne trompait personne dans son garage hermétique de Jerry Cornélius dont la porte de l'univers coinçait un peu pour oublier qu'il était condamné à dessiner McClure jusqu'à la fin de ses jours pour faire chauffer la tambouille, mille putois.

Du plomb pour les pigeons

 Mais Goossens, lui, est en passe de devenir un Goossens de Prisunic.

Non seulement c'est du Goossens de Prisunic, mais en plus on reconnait Michael Lonsdale
qui vient cachetonner post-mortem dans le rôle de Dieu. C'est du propre.

En résumé
Goossens a eu une vie artistique avant la mort, tout le monde ne peut pas en dire autant, et nous c'est quand la dernière fois qu'on a été génial ? Il a réalisé une oeuvre très originale, à base d'absurde tirant vers le grotesque, il a au moins un disciple en bonne santé (Fabcaro), et il peut donc couler une retraite paisible dans son pavillon en meulière en attendant la mort; ah non, ça c'est Margerin. Bon, c'est pas grave, on s'en fout, et on peut toujours relire ses vieilles bédés jusqu'à plus soif, ça tombe bien, il fait chaud.

Ah ça, pour râler on est là. N'empêche que si Goossens s'en va,
on sera tous dans de beaux draps avec le commandant Morton.