jeudi 14 septembre 2023

Gilles Servat - Les Prolétaires (1972)

La nocivité du capitalisme financier sur les humains qui en subissent les conséquences en attendant la mort n'a jamais été aussi bien décrite que dans cette chanson de Gilles Servat, qui a déjà cinquante ans. Je ne comprends pas que La France Insoumise, Thomas Piketty et David Graeber ne lui aient pas encore dédié un mémorial. Si l'interprétation incantatoire de l'imprécateur breton (dont le timbre de voix m'évoque à tort ou à raison feu Serge Reggiani) vous indispose, vous pouvez toujours vous contenter de lire les paroles et d'opiner du bonnet.
Respect, gast ar c’hast !
 
 

LES PROLÉTAIRES

Y’a des pétroliers super
Qui foutent le deuil sur l’onde.
Avec 10 hommes d’équipage,
On s’en va au bout du monde.
Avant, il en fallait 30,
C’était pas rentable,
En voilà 20 au chômage!
Les prix seront plus supportables.
Mais de tous ces matelots,
Qu’est-ce qu’on va en faire?
Mais de tous ces matelots,
Qu’est-ce qu’on va en faire?
Ils s’en iront à la ville a la la la lair
On les mettra à l’usine.
On manque toujours de prolétaires

Assez travaillé pour soi.
La petite exploitation
Maintient l'Europe en retard
Hors de la compétition.
Il y a trop d’agriculteurs.
C’est pas raisonnable.
Quelques millions au chômage
Et l’Europe verte sera viable.
Mais de tous ces paysans
Qu’est-ce qu’on va en faire?
Mais de tous ces paysans
Qu’est-ce qu’on va en faire?
Ils s’en iront à la ville tra la la la lair
On les mettra à l’usine.
On manque toujours de prolétaires !

Et toi, petit commerçant,
Tu mourras d’la TVA.
Mais si on aide ces gens-là,
La bombe, comment on la fera ?
Le petit commerce doit mourir,
Il est pas rentable.
Va t’en au supermarché,
Les prix seront plus supportables.
Mais de tous ces commerçants,
Qu’est-ce qu’on va en faire?
Mais de tous ces commerçants,
Qu’est-ce qu’on va en faire?
Ils s’en iront à la ville tra la la la lair
On les mettra à l’usine.
On manque toujours de prolétaires.

A Nantes, à Rennes ou à Brest,
Du travail, il n’y en a guère.
Ils voudraient rester chez eux.
Alors comment faire?
Déplacer toutes les usines?
C’est complètement con!
Eux! Qu’ils viennent dans la capitale.
Pour le patron, c’est plus valable.
Mais de tous ces immigrants,
Qu’est-ce qu’on va en faire?
Mais de tous ces immigrants,
Qu’est-ce qu’on va en faire?
S’ils viennent dans la capitale, tra la la la lair
Même en faisant plein de fonctionnaires,
Y’ aura toujours trop de prolétaires.

S’il y a trop de chômeurs,
Y’aura du désordre.
Il faudra des policiers
Pour maintenir l’ordre.
Hitler le disait déjà :
"Un chômeur c’est pas rentable.
Un soldat, ça coûte moins cher.
Et c’est bien plus raisonnable."
Mais de tous ces policiers,
Qu’est-ce qu’on va en faire?
Mais de tous ces policiers,
Qu’est-ce qu’on va en faire?
Ils s’en iront à la ville, tra la la la lair,
Taper sur les ouvriers,
Taper sur leurs frères.
Ils s’en iront à la ville, tra la la la lair,
Taper sur les ouvriers,
Taper sur leurs frères !

J'ai trouvé l'album original de 72 sur un des blogs de ymer, mais suis incapable de le géolocaliser à nouveau. Du coup je remets le lien vers mon blog, le fichier est rarissime. 
En dehors des Prolétaires, qui transcende le régionalisme exacerbé de monsieur Servat, plusieurs chansons y traitent de la douloureuse acculturation des Bretons par les Francs, pas mieux traités selon l'auteur que les amérindiens lors de la conquête du Phare Ouest par les Tuniques Bleues, et La Blanche Hermine l'enverrait aujourd'hui croupir dans les geôles du cardinal Darmanin, pour appel à l'insurrection armée. Heureusement, comme pour les frasques du cardinal Darmanin quand il était jeune homme, un bon avocat obtiendrait sans doute un non-lieu.

9 commentaires:

  1. Malgré le fait que la situation, depuis ce texte, a radicalement changé (l'a fallu mater les prolos en déménageant les usines et en émiettant le boulot) que le couplet sur les petits commerçants a toujours fait marrer les marxistes conséquents (passons, ils sont généralement dépourvus d'humour) et que le nationalisme breton a eu quelques heures pas jolies jolies dans les années quarante du siècle dernier (mais y'a pas qu'eux) on confesse avoir une petite tendresse pour Servat.

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  2. Je plussoie.
    J'en discutais sur mon autre blog avec mon frère, que mon article "non explosés" a fait réagir,
    https://johnwarsen.blogspot.com/2023/08/non-exploses.html
    et qui me disait:
    Concernant la "haine du Boche" qui a "fini par s'éteindre dans les campagnes bretonnes", j'aurais tendance à nuancer car des mouvements indépendantistes bretons ont collaboré par intérêt
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Mouvement_breton_pendant_la_Seconde_Guerre_mondiale#Raisons_de_la_collaboration
    (zébarer la Pretagne te la Vranz !! Ach kel prochett magnivik z'était) et/ou par idéologie. Il y avait même une unité para-militaire nationaliste bretonne
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Bezen_Perrot
    intégrée en 1943 dans le Sicherheitsdienst (SD) allemand.
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Sicherheitsdienst
    Moi-même j'ignore ce que j'aurais fait pendant la seconde guerre mondiale, surtout si j'avais eu des enfants à charge.

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  3. Et on en rajoute
    https://francoisemorvan.com/histoire/miliciens-contre-maquisards-ou-la-resistance-trahie/
    Quant à nourrir ses gosses pendant l'occupation, dans ma cambrousse il y a quelques familles qui y sont très bien arrivées grâce au marché noir.

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  4. merci pour l'article, qui ne va pas me réconcilier avec les régionalistes de tous poils…

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  5. Coïncidence ironique, ce soir, sur France Cul, le patron du festival de musique de La Rochelle explique qu’il défend la chanson française puisqu’il ne peut pas défendre celle en langue bretonne qu’on lui a volé. Je me demande quelle version bretonnante il défend -puisque visiblement, il y a de multiples versions comme pour toutes les langues régionales parlées. Pour la "défense" des milices bretonnes, on retrouve un peu le même genre de parcours dans les mouvements indépendantistes égyptiens ou indiens qui jouent la carte hitlérienne contre les English. L’actuel Premier Ministre Indien est d’ailleurs un héritier de cette mouvance indépendantiste ultradroite. Mince, j’ai fait un commentaire sérieux ici. Je sens que je vais le regretter. Un sacré boulot de Mme Morvan qui doit avoir un sacré courage.

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  6. Je découvre dans une monographie offerte par mon frère, lors de son passage pour les fêtes, que mon grand-oncle Marcel Le Toiser s'est un peu trompé de combat pendant la seconde guerre mondiale, j'en avais entendu parler dans la famille, mais je le retrouve cloué au pilori de Françoise Morvan, citée plus haut.
    https://francoisemorvan.com/nazis-et-terroristes/
    Elle déplore "l’exposition des toiles ringardes de ce nazi ".
    Aah, enfin un artiste dont on se souvient dans la famille ! ou devrais-je dire "Ach !" et imiter l'accent allemand, comme quand je prenais le virage maniaque sous Seroplex ? Marcel n'est devenu artiste peintre que parce qu'il s'était fait jeter de l'éducation nationale lors de sa condamnation à l’indignité nationale. Fichtre, tonton, vous n'y allâtes sans doute pas de main morte ! mais n'ayant dénoncé personne, vous fûtes rapidement réhabilité par des gens qui t'ont connu (dont mon prof gauchisant d'histoire géo Yves Jézéquel) sur le site qui t'est consacré et que je découvre par le biais de l'ouvrage.
    https://letoiser.fr/
    Si j'étais encore possédé du mauvais esprit comme j'ai pu l'être jadis, je pourrais faire un canular à Françoise Morvan, en lui disant que jamais tonton Marcel ne m'a vanté les charmes du Reich en me donnant mes premiers cours de peinture, Ou m'égarer, en abondant dans son sens, en évoquant sa collection de drapeaux, d'armes et de casques à pointe.
    Par contre, je me rappelle très bien que nous fûmes des minots durablement subjugués, mon frère et moi, dans son atelier de Perros, par cet original, libre-penseur, qui connut mille et une vies.
    Lui-même adorait faire des blagues quasiment surréalistes.
    Mon goût du canular est né du récit de ses propres frasques.
    Ca m'a un peu passé, j'ai troqué ces derniers mois le clavier contre la méditation, mais je ne regrette rien, et c'est pas pire.
    Après tout mes blogs ont atteint la majorité, ils peuvent voler de leurs propres ailes.
    J'essaye autre chose.
    Bonne fin d'année, les gens.
    Si 2024 nous apporte la moitié de ce qu'on a reçu en 2023, j'ai rien de plus à vous souhaiter.

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  7. Il y a plein d’exemples de fachos d’une séduction brillante - évidemment, le côté "anticonformiste" (parce que leur réalité avait pris l’eau ?) y est pour beaucoup. Il y avait un ancien volontaire SS réunionnais qui s’est montré excellent poète en son île (en espérant que ma mémoire ne me joue pas un tour, sinon ça fera une légende du web assez croustillante). Je me demande ce que tu vas essayer… l’IA sur tes textes et ta musique ? Après, je me demande si ces Bretonnants étaient juste anti-Français ou aussi antisémites  ? (ou ça leur était indifférent ?).

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  8. Apparemment, tonton était aussi un peu antisémite. C'était beaucoup plus commun qu'aujourd'hui. Quoique. C'est pas d'hier que les Juifs sont désignés comme les boucs émissaires des guerres.
    Je n'avais pas capté avant de lire sa bio que c'est grâce au fait qu'il a été chassé de l'éducation nationale qu'il a dû se trouver un nouveau métier, et qu'il est devenu artiste peintre. Pour une fois qu'Hitler sert à quelque chose. Bravo tonton ! De tes errements naquit la beauté ! (j'ai une toile de lui planquée derrière le meuble télé, je vais enrichir le fonds du site qui lui est consacré).
    Je ne vais certainement pas frayer avec une IA. Je ne commerce avec les ordinateurs que pour les tâches administratives, après des décennies d'errements égotistes auprès desquels ceux de tonton Marcel paraissent un triste moment d'égarement.

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    1. C’est vrai qu’à l’époque, un bon catholique avait un fond antisémite bien marqué - je me rappelle ma grand-mère qui trouvait Mitterand très Juif (paradoxe). Et qui a mis longtemps à comprendre le sort qui avait été réservé aux familles juives de son village qui avaient été raflées pendant l’Occupation.

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