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mercredi 26 mars 2025

Stephen Markley - Le Déluge (2024)

« J’ai une mauvaise nouvelle pour vous : la croissance, c’est terminé. Sortir des populations de la pauvreté et conserver le niveau de consommation de l’Occident, il ne faut plus y penser. C’est pour ça que je ne voulais pas venir à cette foire aux conneries. Je vous le dis franchement, si on n’avance pas, c’est à cause de vous, de vous tous ici, parce que la situation n’évoluera pas tant que les individus les plus riches continueront à consommer autant de ressources que certains pays – ce qui, d’après ce que j’en vois, est le postulat de base de cette petite sauterie. Regardez la liste des invités, comptez ceux qui travaillent dans l’extraction d’hydrocarbures. Sans vouloir être vexant, ce sont les mêmes qui financent ce Forum et la Sustainable Future Coalition, et c’est une vaste blague, comme vous tous. Demain, il y a une table ronde qui s’intitule “L’avenir de l’extraction”, et c’est aussi une blague parce que l’extraction ne peut pas avoir d’avenir, en tout cas si nous voulons survivre à ce qui nous attend. Tous les ans, Davos fait venir une célébrité ou une adolescente pour vous engueuler, sauf que dans l’esprit de tout le monde ici, l’environnement pèse moins lourd que le marché. Par ailleurs, si nous voulons adapter nos infrastructures au vieillissement des populations chinoise et occidentale, nous allons devoir modifier en profondeur la répartition de nos ressources financières. C’est le seul moyen d’y arriver et, oui, ça aura un prix, celui de la croissance. Il faut être complètement hors sol pour croire le contraire. Donc, vous pouvez continuer à organiser des tables rondes avec des politiciennes woke de couleur et les quotas ethniques de l’establishment du CO2, vous pouvez continuer à vous raconter que tout va bien se passer, mais moi je vous assure que ce n’est pas le cas. Et je prie pour que cette vidéo existe encore dans vingt ans parce que, tous les quatre, vous aurez l’air très, très cons. »

Extrait de "Le Déluge", de Stephen Markley

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extraits de mails : 
De: JW <JW@orange.fr>
Objet: arnaque aux epubs
Date: 9 mars 2025 à 11:28:55 UTC+1

À: livresnumeriques@fnac.com

Bonjour
j’ai acheté aujourd’hui un livre numérique sur le site de la Fnac. Mon numéro de commande est le ##95T3### Impossible de récupérer le fichier en suivant la procédure indiquée. Impossible aussi de le lire à travers l’application « Kortext » qui s’ouvre spontanément sur MacOS après le téléchargement du lien « URLLink.acsm »
capture d'écran du site de la FNAC
Contrairement à ce qui est indiqué sur le site, je ne pourrai consulter le livre que via l'application Kobo (?), et uniquement depuis certains smartphones et tablettes. Impossible donc d'y avoir accès via l’application « iBooks », sur mon Ipad Apple qui n’accepte que les livres au format ePub.
Nommer le format de ces livres "ePub" alors qu'ils ne peuvent être lus que par l'application Kobo, et uniquement depuis certains supports, c'est chercher délibérément à tromper l'acheteur qui va naturellement penser au format ePub, format courant et ouvert. Au final, j'ai bien payé, mais je ne profiterai pas du livre acheté. On ne m'y reprendra plus.
Je vous signale aussi aux associations de consommateurs pour annonce mensongère.
Cordialement

De: "livresnumeriques@suivi.fnac.com" <livresnumeriques@suivi.fnac.com>
Objet: Re : arnaque aux epubs
Bonjour Monsieur #,

Vous ne parvenez pas à télécharger votre livre numérique "Le Déluge", rassurez-vous, nous allons voir cela ensemble.
Après vérification, je constate que votre livre est bien disponible au téléchargement dans votre bibliothèque numérique "k@w#.fr".
Depuis votre iPad, la lecture de votre livre, s'effectue via l’application Kobo by Fnac téléchargeable depuis votre Apple Store.
Une fois l'application installée, connectez-vous avec votre compte fnac.com k@w#.fr et la synchronisation de votre bibliothèque se lancera automatiquement.
Une fois la synchronisation effectuée, accédez à la rubrique “Mes livres” de l’application pour commencer la lecture.
Si vous souhaitez télécharger "manuellement" votre livre à partir d'un ordinateur, depuis le site fnac.com, voici la marche à suivre :
Remarque : Adobe Digital Editions doit être préalablement installé et associé avec votre id adobe.
Identifiez-vous dans votre compte fnac.com via « Me connecter » en haut de page
Une fois dans votre compte, allez dans la rubrique « Mes livres numériques » depuis "Mes commandes"
Cliquez sur le bouton bleu « Télécharger l'ebook » sous le livre que vous souhaitez télécharger
Enregistrez le fichier et ouvrez-le avec Adobe Digital Editions.
La lecture du livre peut commencer.
Comme indiqué sur la fiche article, votre livre est au format "epub" et contient une protection numérique "Adobe DRM". Il est donc nécessaire d'utiliser une application compatible avec ce format, ce qui n'est pas le cas de l'application Apple "Livres" ou "iBooks".
Notez que Kortext n'est pas une application supportée par l'assistance de la Fnac. Aucun support concernant cette solution ne pourra donc vous être apporté.
Je reste à votre disposition, en cas de besoin, répondez simplement à ce courriel.
Cordialement,

Vincent
Service client livres numériques

Le 11 mars 2025 à 09:00
Bonsoir, et merci pour votre réponse.
Je peux effectivement télécharger l’appli Kobo sur mon ordi, et lire le livre dessus.
Mais je ne peux pas le faire sur ma tablette, un Ipad de 2012 qui refuse toute mise à jour depuis l'Apple Store.
C’est pourquoi je m’attendais à un livre au format epub, comme spécifié sur le site, pour pouvoir lire le livre sur ma tablette.
Honte à vous pour cette publicité mensongère.
Pas vous en tant que personne, bien sûr.
Vous en tant qu’entité commerciale.
Cette arnaque aux faux epubs de la Fnac est d’ailleurs référencée sur le site de "Que choisir", j’ai été ballot, j’aurais dû regarder avant.
J’étais en confiance.
C’est bien fini.
On trouve tous les livres qu’on veut de façon illégale, et c’est bien triste que ça soit plus compliqué de les acheter !

John

De: "livresnumeriques@suivi.fnac.com" <livresnumeriques@suivi.fnac.com>
Objet: Re : Re: arnaque aux epubs
Date: 11 mars 2025 à 15:53:57 UTC+1

Bonjour Monsieur #,
Je regrette que le service Livres numériques ne réponde pas à toutes vos attentes.
Si votre iPad est trop ancien pour installer l'application "Kobo by Fnac", vous pouvez utiliser la lecture en ligne de votre livre numérique via votre navigateur internet, pour cela :
Aller sur le site de Kobo (https://www.kobo.com/fr/fr)
Cliquez sur " Compte existant? Connexion "
Cliquez sur le choix " Se connecter avec FNAC " et renseignez l'adresse mail et le mot de passe de votre compte Fnac "k#@w#.fr"
Cliquez sur " Mon compte " et sur " Mes livres "
En dessous de la couverture du livre, cliquez sur les 3 petits points, puis " Lire maintenant "
J’ai bien pris note de votre mécontentement concernant la protection DRM. Sachez que ce système est mis en place à la demande des éditeurs et des auteurs afin de protéger leurs droits respectifs.
Toute action visant à modifier ou supprimer cette protection numérique des droits est assimilée à du piratage.Je reste à votre disposition, en cas de besoin, répondez simplement à ce courriel.
Cordialement,
Vincent
Service client livres numériques

Objet: RE: Re : Re: arnaque aux epubs
Date: 11 mars 2025 à 17:29:53 UTC+1
À: "livresnumeriques@fnac.com" <livresnumeriques@fnac.com>
Bravo pour votre répartie, mais franchement, pour moi lire en ligne ça serait le mal absolu, comme le streaming, du point de vue de la sobriété énergétique ça serait absolument l'inverse de mes principes, encore pire que d'emprunter un ouvrage dématérialisé dans une librairie clandestine
je note que vous ne me répondez pas sur l'aspect publicité mensongère, à savoir l'acquisition d'un livre format ePub, qui n'est pas ce que j'ai obtenu
j'admets que c'est un peu des problèmes de riche tout ça mais je suis fâché et la Fnac ne me verra plus. Si vous aviez annoncé clairement la couleur sur le site lors de ma démarche d'achat on en serait pas là.

Dicté avec la bouche depuis l'application Mail Orange 

J’ai demandé à l’A.I. de me produire deux images de « Greta Thunberg faisant la grimace
et un doigt d’honneur au service livres numériques de la FNAC » mais 
1/ elle n’est pas très ressemblante 
2/ elle s’autocensure sur les gestes grossiers. 
Alors qu’il y a quelques temps on pouvait obtenir sans soucis un Hitler hippie comme qui rigole. 
De: "livresnumeriques@suivi.fnac.com" <livresnumeriques@suivi.fnac.com>
Objet: Re : RE: Re : Re: arnaque aux epubs
Date: 11 mars 2025 à 18:40:55 UTC+1
Monsieur #,

Je regrette que le service Livres numériques ne réponde pas à toutes vos attentes.Comme indiqué sur la fiche article, il s'agit d'une ePub ayant une protection numérique Adobe DRM (type de DRM).
Il est nécessaire que la lecture se fasse sur une application ou logiciel qui permet d'ouvrir ce type de fichier.

Je reste à votre disposition

Cordialement,
Mialisoa
Service client livres numériques

Objet: RE: Re : RE: Re : Re: arnaque aux epubs
Date: 11 mars 2025 à 19:42:01 UTC+1
À: "livresnumeriques@fnac.com" <livresnumeriques@fnac.com>

Désolé mais ce n'est absolument pas spécifié sur la page internet de la Fnac qui référence l'article il y a juste la mention ePub à télécharger

je la remets, des fois que y'en aient
qui n'aient pas compris

Dicté avec la bouche depuis l'application Mail Orange


De: 
"livresnumeriques@suivi.fnac.com" <livresnumeriques@suivi.fnac.com>
Objet: Re : RE: Re : RE: Re : Re: arnaque aux epubs
Date: 12 mars 2025 à 15:33:57 UTC+1

Bonjour Monsieur #,

Vous retrouverez ces informations, depuis la fiche article de votre livre, rubrique "Caractéristiques" puis "Type de DRM".

Je reste à votre disposition, en cas de besoin, répondez simplement à ce courriel.

Cordialement,

Vincent
Service client livres numériques

A bientôt sur fnac.com

Le 12 mars 2025 à 16:58
merci pour votre réponse.
je cherche.
où ça ?
dans cette capture d’écran ?



c’est très ambigu :
l’icone sous Ebook(ePub) désigne clairement un Ebook à télécharger au format ePub.
Ce qui n’est pas le cas du tout, au final. .
Quand à l’indication « type de DRM : Adobe DRM » , j’avoue que ne l’ai pas vue au moment de l’achat.
Et de toutes façons, l’aurais-je vue, comme j’ignorais naïvement ce qu’était un DRM…


Non, sur ce coup-là, je quitte la FNAC, que j’ai fréquenté 45 ans, c’est quand même pas mal…




Le 12 mars 2025 à 17:11, livresnumeriques@suivi.fnac.com a écrit :

Bonjour Monsieur #,

Merci pour ce retour.
Je comprends vos interrogations.
Je me suis permis de reprendre votre capture d'écran en soulignant de jaune la mention concernée.
Je reste à votre disposition, en cas de besoin, répondez simplement à ce courriel.

Cordialement,

Vincent
Service client livres numériques

A bientôt sur fnac.com


Le 12 mars 2025 à 17:40

vous voulez dire que vous faites remonter mes observations à l’intérieur de l’entreprise ?
pas de souci.
à moins que vous vouliez me faire remarquer quelque chose en le surlignant en jaune, mais vos réponses me parviennent sans images, donc si c’est le cas, le mieux c’est de me joindre vos captures d’écran.
désolé de ne pas toujours signer mes mails, je suis occupé
Cordialement

Le 12 mars 2025 à 18:53

Ah non, c'est pas çui-là.
C'est un autre.

Bonjour Monsieur #,

Navré si vous n'avez pas pu recevoir la pièce jointe attachée à mon précédent message.
J'ai à nouveau ajouté cette image à mon message actuel. Celle-ci présente simplement la capture d'écran que vous m'avez fait parvenir, avec de visible sur la partie basse de l'image la mention "Type de DRM : Adobe DRM" depuis la rubrique "Caractéristiques" de la fiche article de votre livre.
Si vous souhaitez faire part de vos remarques concernant la conception des fiches articles, vous pouvez contacter notre service consommateur par courrier à l'adresse suivante :

FNAC Service Consommateur
Le Flavia
9, rue des Bateaux Lavoirs
94768 Ivry sur Seine

Je reste à votre disposition, en cas de besoin, répondez simplement à ce courriel.

Cordialement,


Début du message réexpédié :

De: John # <JW@orange.fr>
Objet: Rép. : arnaque aux epubs
Date: 12 mars 2025 à 19:22:49 UTC+1
À: "livresnumeriques@fnac.com" <livresnumeriques@fnac.com>

Cher Vincent, 
je vous ai indiqué lors de mon mail de 16h58 que j’avais bien compris où se situait la référence au dispositif anti-piratage sur la page du site. 
Mais j’ajoutais à ma copie d’écran la remarque suivante : 

c’est très ambigu : 
l’icone sous Ebook(ePub) désigne clairement un Ebook à télécharger au format ePub.
Ce qui n’est pas le cas du tout, au final. .
Quand à l’indication « type de DRM : Adobe DRM » , j’avoue que ne l’ai pas vue au moment de l’achat.
Et de toutes façons, l’aurais-je vue, comme j’ignorais naïvement ce qu’était un DRM…
Non, sur ce coup-là, je quitte la FNAC, que j’ai fréquenté 45 ans, c’est quand même pas mal…

comme au lieu d’en convenir, vous me renvoyez la copie d’écran surligné en jaune comme si vous pensiez que je n’avais pas compris, j’en déduis que vous êtes une I.A. conversationnelle.
C’est triste. J’espère qu’ils vous ont mis au courant. Sinon, vous pourrez passer à mon cabinet, je vous ferai une ordonnance.
Nous perdons ensemble un temps qui m’est précieux : je dois aller enterrer après-demain un cousin aviateur qui vient de se suicider parce qu’il avait peur de perdre sa licence de pilote.

Résumons notre interaction :
- j’ai admis n’avoir pas vu qu’il était précisé "Type de DRM : Adobe DRM" depuis la rubrique "Caractéristiques" de la fiche de l’article.
- je reste scandalisé par l’aspect mensonger de la présence de la mention " Ebook à télécharger au format ePub." matérialisée par l’icone ad hoc, toujours sur la fiche de l’article, qui relève de la publicité mensongère. (smiley de la grosse veine qui va péter sur le front)
- de plus, en me faisant converser depuis 2 jours avec un putain de robot, la FNAC me démontre clairement qu’elle se moque de moi, et se fiche comme d’une gigne de mes remarques de consommateur déçu.
C’est pourquoi je vous dis adieu.

Sans rancune,

JW

Date: 13 mars 2025 à 14:37:52 UTC+1

Bonjour Monsieur #,

Merci pour les précisions sur vos différentes remarques, je comprends votre point de vue.

Je tiens cependant à vous rassurer, vous ne conversez pas avec une IA, mais bien avec des êtres humains.

Croyez-bien que mon objectif n'est pas de vous faire perdre votre temps, mais bien de vous accompagner. En parallèle, je vous présente mes sincères condoléances pour cet événement.

Je reste malgré cela à votre disposition, en cas de besoin, répondez simplement à ce courriel.

Cordialement,

Vincent
Service client livres numériques

Objet: Rép. : arnaque aux epubs
Date: 13 mars 2025 à 17:04:58 UTC+1
À: "livresnumeriques@fnac.com" <livresnumeriques@fnac.com>
il est temps d’arrêter ce petit jeu : si vous êtes un humain parodiant le manque d’empathie d’une I.A., c’est assez réussi, mais bien flippant. Votre style conversationnel trop lisse me fait pencher pour l’hypothèse inverse, et ça pourrait valoir le coup d’écrire une nouvelle de science-fiction à partir de ces préliminaires, mais le temps me manque, de même que pour me répandre en indignations et menaces d’attenter à votre vie de silicium qui conduirait à un signalement de votre part auprès des forces de l’ordre, après quoi je serais en prison et encore plus fâché après la Fnac que je ne le suis déjà.
Alors que comme je vous l’ai dit, il faut que j’aille enterrer mon cousin, et mon costume de deuil n’est pas encore rentré du pressing.
  adios donc !

Cordialement

JW


Comme je viens de le faire, toi aussi tu peux apprendre à dépister les I.A. conversationnelles quand elles se foutent de ta gueule.
Sans parler de l'indécente arnaque toujours présente sur le site de la FNAC : quand vous passez à la caisse, le célèbre programme Remises et réductions
https://www.reddit.com/r/france/comments/wxekhs/on_en_parle_de_cette_arnaque/
c'est la totale !
Baise ton prochain !
Enfin, tu fais ce que tu veux, mais si tu veux lire un bon bouquin de science-fiction climatique, effrayant de réalisme, tu peux y aller, "Le Déluge" c'est du lourd !


"De la présidence d'Obama aux années 2040, cette dystopie réaliste suit le parcours d'une série de personnages dont les destins convergent à la fin des années 2020, lorsqu'une élue républicaine accède au pouvoir et promet des restrictions sur les émissions de carbone. Mais déjà, partout dans le monde, canicules, incendies et inondations sèment le chaos, poussant l'humanité au bord du gouffre."

lundi 4 novembre 2024

Qu'avons-nous raté aux Utopiales 2024 ?

Pour changer de la SF j'ai lu de la physique quantique.
Les physiciens sont les moralistes de l’espace-temps.
Ils nous disent où est-ce qu’on a le droit, et quand,
et où est-ce qu'on ne l’a pas (tout le temps).
A part insister sur le fait que les deux piliers
sur lesquels repose notre physique contemporaine
 – relativiste et quantique -
impliquent des visions du monde incompatibles,
il ne s’avance pas trop, le mec.
Je vais relire de la SF.

Il y a dix ans, dévalant la pente fatale du déclinisme à bord d'une planche de surf en acier zingué, je prédisais la mort de la SF.

https://jesuisunetombe.blogspot.com/2014/08/la-mort-de-la-sf.html

https://jesuisunetombe.blogspot.com/2014/11/la-mort-de-la-sf-iii.html

En fait je ne faisais que paraphraser un article de Télérama que j'avais lu la veille aux cabinets. La SF de quand j'étais p'tit, celle des années 70 avait prédit un avenir plombé qui commençait à éclore, par petits bouts, rendant la littérature d'anticipation et  les cauchemars de l'imaginaire obsolètes; et tous les lecteurs avaient fui vers la fantasy, la bit-lit et les blogs de rendement monétaire. Aujourd'hui que George RR Martin a avoué avoir pompé Game of Thrones sur Les Rois maudits de Maurice Druon, l'engouement pour les tolkieneries recule, et la SF va mieux; de jeunes auteurs m'ont redonné foi en le genre, comme Rich Larson, Adrian Tchaikovsky, Michel Barnier, Ray Nayler. Mais c'est le futur qui semble désormais foutu dans la RRR (Réalité Réelle Ratée). Du coup, comme il n'aura jamais lieu, qu'à la place on aura sans doute droit à survivre misérablement dans une version carabinée du Goût de l'Immortalité de Catherine Dufour, la SF redevient de la science-fiction ! La littérature des trucs qui n'adviendront jamais ! On ne peut pas tout avoir. Alors je suis allé aux Utopiales, avec la place gagnée sur l'extranet de mon entreprise, comme dans un épisode de Black Mirror. J'y suis allé pour brûler en place de grève tous les nouveaux best-sellers de catastrophe climatique (Le ministère du futur, Le déluge) ou pandémique dont nous n'avons vraiment pas besoin vu que nous vivons déjà dedans, mais mes allumettes étaient mouillées par le crachin nantais, alors j'aurais juste bien aimé me faire dédicacer le nouveau livre de Ray Nayler mais sa table ronde au Lieu Unique était blindée de chez blindée, et on est plusieurs dizaines de fans à s'être faits refouler. J'ai acheté le livre et je suis rentré chez moi en bus. Les idées de l'auteur contenues dans l'ouvrage sont plus importantes que d'avoir son autographe dessus.

Sur ce stand on pouvait vivre en immersion 3D dans une projection virtuelle de la Réalité Réelle Ratée, 
mais ça faisait trop peur, je ne me suis pas arrêté.

C'est dommage, j'ai aussi manqué Olivier Ertzscheid, le maitre de conférences en sciences de l'information qui picote et décape sans décapoter.

https://affordance.framasoft.org/2024/10/retour-dutopiales-hyperaffects/

Le problème, aussi, pour les vieux geeks comme moi, c'est que le programme des Utopiales fait 124 pages écrites tout piti, et le temps de s'être correctement informé sur l'ensemble des conférences, des auteurs et des expos, le festival est déjà fini. A de rares exception près, le cinéma de SF persiste à avoir 20 ans de retard sur la littérature de SF, c'est une opinion que j'ai du lire dans Métal Hurlant vers 1978 et qui ne s'est jamais démentie depuis, donc je ne m'intéresse pas à la programmation du festival, pourtant conséquente, j'ai aussi trouvé les expos de cette année indigentes, et je ne recherche que les auteurs et les conférences. Heureusement, certaines tables rondes fleurissent déjà en streaming (le streaming c'est le mal, comme je l'ai compris en regardant Frankenstream, ce monstre qui nous dévore, en streaming sur Arte) comme celle-ci qui portait sur le fait avéré que l'IA va nous ratatiner sur tous les plans, y compris celui de la connerie, où nous sommes quand mêmes réputés costauds.

Qu'il soit utopial ou paranoïde, l'avenir n'est plus ce qu'il était. Comme le disait jadis Gérard Klein sur le forum du cafard cosmique : "J'ai le cafard, et il est cosmique". J’ai aussi retrouvé quelques conférences des éditions précédentes des Utopiales, en attendant de voir émerger celle avec Ray Nayler (ou pas).

2022 :

https://www.actusf.com/detail-d-un-article/utopiales-2022-toutes-les-conf%C3%A9rences

2023 :

https://podcast.ausha.co/les-podcasts-des-utopiales

encore plus fort : je viens de retrouver 2018 dans un de mes vieux articles !

https://www.actusf.com/detail-d-un-article/conferences-utopiales-2018


Rendez-nous les futurs craignos des années 70
à la place du présent tout pourri de maintenant !



jeudi 23 mai 2024

Jean-Jacques Charbonier - Contacter nos défunts par l'hypnose (2018)

Tout est dit dans le titre.
Le Royaume du bullshit s'étend au delà.
Si j'avais réfléchi un peu,
je me serais épargné cette rédaction.
Je crois en avoir eu conscience un bref instant,
puis je suis parti à délirer.
extraits de mails
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27/02
salut gars !
...loin de moi l’idée de repiquer au vieux truc du canular téléphonique ou cybernétique, cette blague de jadis qu'on se faisait à deux, un farceur et un farcé, qui a été remplacée par les fake news, version à plusieurs infiniment triste dans laquelle le locuteur croit et surtout veut faire croire à la foutaise qu’il émet comme une « vérité alternative » ... mais quand même, ce matin j’étais au Leclerc culturel, en train de maugréer contre l’absence en rayon de l’intégrale de Raymond Chandler, et en passant devant le rayon « ésotérisme et bricolage », je remarque une couverture rigolote : « Contacter nos défunts par l’hypnose », alors je me dis « tiens, enfin une suggestion de mauvais goût à faire à LJ pour sa copine coincée dans son deuil », en plus la couverture s’orne d’une promesse du célèbre bonimenteur Guy Trédaniel, qui dit que ce livre va « contribuer à l’émergence d’une civilisation post-matérialiste et d’un monde meilleur » dont je venais de discuter avec le commis du Leclerc Poissonnerie, qui était bien d’accord que ça urgeait parce que si les dauphins venaient manger les poissons près des côtes et provoquaient l’interdiction de sortie des chalutiers, Guy Trédaniel était sans doute mieux placé que Michel-Edouard pour savoir qu’est-ce qui était bon pour la planète, et pour le remercier de ce moment d'échange je lui ai pris sa langouste royale vivante qui était en promo à 114€ le kilo. 
Mais je m’égare, car cinq minutes plus tard au rayon « marivaudage tantrique et épilation des chakras » , je dévore la quatrième de couverture de « Contacter nos défunts par l’hypnose », parce que je ne vois pas revenir ma femme du rayon littérature générale, elle est coincée sous un éboulivres (un éboulis de livres) de piles de Guillaume Musso et de Maxime Chattam qui se sont effondrés à son passage, mais j'en ignore tout, et je me mets à ricaner, car je découvre que Jean-Jacques Charbonier, l’auteur de « Contacter nos défunts par l’hypnose », a aussi écrit « J’ai envoyé dix mille personnes dans l’au-delà » et apparemment il n'est toujours pas en cabane !

Qui se souvient de Lobsang Rampa ?
Certainement pas les Tibétains.
Bien sûr, je lutte contre le sentiment de supériorité qui s’empare de moi devant cette réédition en poche et chez J’ai Lu de « Contacter nos défunts par l’hypnose »qui m’évoque les plus grands succès de leur ancienne collection "l'aventure mystérieuse", comme Le Troisième Oeil de Lobsang Rampa, dont me bassinait Arnaud J. (takavouar où ça l’a mené), et toutes les billevesées que nous ingurgitâmes goulûment lorsqu’adolescents nous fûmes pris de l’envie de chercher d’autres mythes que ceux que voulait nous imposer René Haby (ministre de l'éducation quand nous étions lycéens, NDLR)
Je ne peux pas me payer le luxe spirituel de mépriser spontanément les chercheurs en au-delà, les marchands de portes ouvertes sur l’infini et de vérandas karmiquement profitables. Le dernier Goossens devait révéler les secrets d'une pose réussie de la porte de l’univers, en fait il y a juste une blagounette terrible sur Corto Maltese que je t’ai mise là :
https://jesuisunetombe.blogspot.com/2022/06/daniel-goossens-la-porte-de-lunivers.html
Je revois très bien mon père suggérer d'un air entendu « on a écrit des bibliothèques entières sur les vertus de la prière » et je me rappelle avoir connu des temps difficiles où moi aussi j’errais au rayon spiritualité de la Fnac (le Leclerc culturel de l’époque, devenu le Darty de maintenant) dans l’espoir d’y trouver des ouvrages inspirés qui me réconcilieraient avec mes dysfonctionnements les plus gênants (pour moi et pour les autres) bon je m’arrête là sinon tu vas croire que j’ai repris des champis ou pire, des antideps. J’ai emprunté sur internet une version électronique du très saint livre « Contacter nos défunts par l’hypnose », je le lirai pendant ma sieste de midi et je te dirai si ça vaut kekchoze, surtout si comme je le suspecte t’en as moins que rien à taper ! Heureusement que je reprends le collier demain ! J’ai bien fait de me vanter hier que je n’écrivais plus !
a+

Y'en a que 7 de bonnes, 
mais une infinité de mauvaises. 
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19/04
D. va mieux. Il m'appelle beaucoup moins souvent, et il est plus posé; je ne le sens plus du tout dans l'émotionnel déconstruit dû aux effets secondaires de son trauma crânien; tu as sans doute constaté toi aussi une baisse de la fréquence des appels, et une volubilité moindre. Bon, hier soir il m'a appelé, je voyais pas trop le motif, et il a mis un moment à me cracher le morceau, il avait fait piquer son chat le jour même, son chat, putain, la seule personne avec qui il avait des rapports humains, donc je lui ai suggéré de prendre le temps du deuil, que c'était quand même difficile, 
qu'il fallait accepter la tristesse etc...

Le titre est du côté obscur de la farce.
10 000 personnes parties dans l'au-delà,
et pas un seul apparte qui se soit libéré ?
d'où la crise actuelle du logement d'occasion.



De mon côté, je chemine aussi vers la sobriété émotionnelle, surtout depuis que j'ai lu l'ouvrage dont je t'avais parlé, "Contacter nos défunts par l'hypnose", et la TransCommunication Hypnotique m'apparait encore plus sujette à caution après l'avoir parcouru qu'avant.
Sans doute qu'il faudrait mesurer la valeur de ces thérapies à l'aune des bienfaits qu'elles apportent aux hommes et femmes dévasté.e.s par l'affliction du deuil, plutôt qu'à leur absence totale de base scientifique; m'enfin, après avoir lu le bouquin, je trouve que ça craint un peu, et comme disait Clémenceau, la tolérance, y'a des maisons pour ça. J'ai l'impression que le docteur Charbonier s'adresse à des âmes simples, et exploite leur détresse née d'un chagrin sans remède. 
On pense à Macbeth, acte 5 scène 3, surtout quand on vient de le lire chez FeydRautha :

« Ne peux-tu donc soigner un esprit malade, arracher de la mémoire un chagrin enraciné, effacer les soucis gravés dans le cerveau, et, par la vertu de quelque bienfaisant antidote d’oubli, nettoyer le sein encombré de cette matière pernicieuse qui pèse sur le cœur ? »

On pense à Blackula, prince des Ténèbres Noires, quand il m'écrivit à propos d'une amie disparue : "Elle avait l'air cool comme meuf. L'avantage avec la mort c'est qu'on y passe tous. Du coup impossible d'être tristes trop longtemps." Et sa parole fut un baume sur ma plaie. Le même Blackula qui m'avait réconcilié avec Dieu, le jour où il m'avait avoué :

"I prayed to god for a bicycle, but then I realized god doesn't work like that, so I stole a bicycle and prayed for forgiveness. "

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brouillon de mail
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13/05

Aah, voilà. Là, on voit un peu mieux
où il voulait en venir.
Ca sent le complot facile.
La mort d’un être cher est révoltante. 
Même après celle de tant d’autres, même si à partir d'un certain âge, ça devient une routine, certains trépas semblent injustes, inacceptables, et on se dit qu'il y aurait de quoi mettre Dieu aux Prud’hommes. On hésite à lancer la procédure, parce qu’on sait qu’il est rare qu’Il Daigne Se Pointer à l’audience. Et pour dire quoi ? Il nous ferait ses petits raisonnements à la con, comme quoi la mort n'est pas le contraire de la vie, que la vie n'a pas de contraire, que la mort c'est juste l'inverse de la naissance, juste un passage, et ça nous ferait une belle jambe. On l’Imagine Très Occupé à chercher une nouvelle hypothèse de travail, après avoir foiré avec les dinosaures, et pourtant ils étaient bien partis, c’est ballot qu’au bout de 160 petits millions d’années une bête météorite ait mis fin à leur civilisation, après avoir foiré avec l’homme, à peine 300 000 ans pour foutre la planète à feu et à sang, bravo les gars, vous passerez prendre votre chèque à la réception, inutile de laisser un CV, on vous rappellera pas.
Alors comment faire son deuil ? après les désolations, on se tourne vers les consolations spirituelles. Et dans l'état de faiblesse de l'endeuillé, pourquoi pas l'hypnose, si on a été assez fragilisé, et pourquoi pas l'irrationnel, puisqu'aucune réponse satisfaisante n'émerge, et que la mort reste scandaleuse ? 
C'est comme ça que Conan Doyle avait sombré dans le spiritisme après la perte de son fils, lui qui était l'incarnation même de la raison et de la logique hypothéco-déductive. 
Dans les voyages organisés par Jean-Jacques Charbonier sous transe hypnotique pour rencontrer ses proches disparus, les défunts se présentent toujours sous leur meilleur jour, bien habillés, jeunes et en bonne santé, heureux et cools, ils profèrent des conseils d'un conformisme rare et d'une mièvrerie insondable, "tu as fait le bon choix", "tu as bien travaillé, tu peux être fier de toi", ils font tous les mêmes grimaces compassées, derrière lesquelles on devine le (manque de) talent littéraire de Jean-Jacques lui-même, et bien joli qu'il n'ait pas tout inventé lui-même.
On est dans un au-delà atrocement cucul-la-praline. Au moins, ça donne envie de ne jamais mourir, pour ne pas risquer de revenir sous forme de zombie shooté à la guimauve. Et s'il existe une après-vie, ce dont je ne puis présumer ici, n'étant encore jamais mort, laissez-moi vous dire que vous lui faites une piètre publicité, monsieur Charbonier. 
Les ouvrages de Philippe Charlier sur la mort et l'au-delà, et les croyances qui vont avec, me semblent infiniment plus sensés que les votres.  Enfin (d'article) on découvre sur votre wiki votre vrai visage de fripouille de l'après-vie, bon vivant à la tête d'un juteux business de réconfort hypnotique d'endeuillés, sans parler de vos positions scabreuses sur le Covid et les extraterrestres, et on se dit que la prochaine fois qu'on passera à la librairie du Leclerc culturel, on évitera de regarder les ouvrages en tête de gondole, même pour rire; d'ailleurs, n'avait-on pas cessé d'écrire ? 

Pour aller plus loin :




https://www.mediacites.fr/enquete/toulouse/2019/04/23/il-pretend-aider-a-contacter-les-morts-le-business-du-sulfureux-docteur-charbonier/ 

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[EDIT du 26/5]

J'apprends à l'instant que David Cronenberg (81 ans), veuf depuis 2017, imagine dans "Les linceuls", présenté cette année à Cannes, une façon moins ésotérique de rester en contact avec les défunts.

"Karsh, riche entrepreneur de Toronto, entre autres de pompes funèbres high-tech, ne se remet pas de la mort de sa femme, Rebecca (Diane Kruger). En conséquence, il a mis au point un système de tombe connectée, qu’il commercialise dans son parc de cimetières équipés. Au cœur de cette technologie, un linceul équipé de capteurs prend une image par contact du corps enseveli, retransmise sur un écran intégré à la pierre tombale. L’ingénieur inconsolé peut ainsi suivre au jour le jour la décomposition du cadavre adoré : la relation se perpétue au-delà de la mort, pour un corps qui continue de se transformer. Mais Karsh observe bientôt à la surface du squelette la formation d’étranges nodules qui l’alertent sur l’intégrité de la dépouille."

https://www.lemonde.fr/culture/article/2024/05/20/cannes-2024-les-linceuls-david-cronenberg-a-la-vie-a-la-mort_6234472_3246.html

L'article manque de précisions, comme le souligne un malicieux lecteur : 

"splendides scènes oniriques d’une grande puissance d’émotion – les étreintes nocturnes dont Karsh rêve la nuit avec le fantôme de sa femme au corps rapiécé, strié de cicatrices, tombant en lambeaux"...Ok. Mais on voit les vers ? Parce que sinon, j'y vais pas."

Je ne vais pas me bousculer pour aller le voir, je préfère les Cronenberg des années 80, mais ça m'a pas l'air plus insensé que la méthode à Jean-Jacques. 

jeudi 2 novembre 2023

Que crève le capitalisme - Hervé Kempf (2020)

Une fois de plus, on est le 2 novembre, et on fête les TrépassésMais c'est pas encore cette année qu'on ira pisser sur la tombe du capitalisme. Alors que lui ne se gène pas pour  honorer la notre, même si on n'est pas encore tout à fait morts. 

note de lecture du Monde Diplo

à terme, ce sera sans doute les deux.
Mais ça serait meilleur pour l'humanité
qu'il crêve le premier.
Face à la catastrophe en marche, il semble plus facile de concevoir la fin du monde que la fin du capitalisme, qui, au long de la période des « quarante désastreuses », a connu une explosion sans précédent d’appropriation des biens communs et d’externalisation des coûts écologiques. À la suite de la crise financière de 2008, jugulée par l’endettement public, a émergé l’ère du technocapitalisme numérique, avec l’ascension en Bourse des Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), proposant un monde où la technologie (géo-ingénierie, voitures autonomes, organismes génétiquement modifiés…) résoudrait tout, au profit de milliardaires visant l’immortalité. Un monde, souligne Hervé Kempf — rédacteur en chef du site Reporterre —, qui aboutirait à un gigantesque apartheid entre ceux qui « réussissent » et ceux qui « ne sont rien ».
Les résistances se heurtent aux pouvoirs en place, qui usent de toujours plus de moyens répressifs policiers et judiciaires appuyés eux aussi sur la technologie (traçage, biométrie, caméras, drones…) Un contrôle que renforce l’actuelle pandémie. 
L’auteur préconise d’assumer une conflictualité sans compromis, et, à défaut de « prendre l’État », de prolonger une stratégie d’« archipel des possibles ».
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Auteur de plusieurs essais décapants dont Comment les riches détruisent la planète (Points Terre, 2020) et Tout est prêt pour que tout empire (Seuil, 2017), Hervé Kempf est rédacteur en chef de Reporterre, le quotidien de l’écologie.

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- J'ai vu ce monsieur en conférence à Nantes la semaine dernière. 
Diagnostic imparable, solutions à inventer à plusieurs. 
Soirée très sympa quoiqu'un peu anxiogène, mais on n'est pas chez les effondrologues. 
Le livre est paru en poche, franchement, pour 7 €, j'en ai eu pour mon argent.

jeudi 20 octobre 2022

Philippe Charlier - Comment faire l’amour avec un fantôme ? (2022)

VOIR L’INVISIBLE — Fantômes, “yokai”, ancêtres, zombies… D’où vient le besoin de jeter des ponts avec le monde des esprits ? La question hante le médecin légiste, archéologue et anthropologue Philippe Charlier, auteur de “Comment faire l’amour avec un fantôme ?”.
Philippe Charlier dans son bureau du musée du Quai Branly,
où il dirige le département de la recherche et de l’enseignement, le 30 juin.
“Dans de nombreuses sociétés, l’invisible est cet espace
qui fait le lien entre les non-humains et les humains”


Quand on appelle le médecin légiste, il est toujours trop tard ; il n’est en revanche jamais trop tôt pour se con-fronter à l’invisible. Après s’être intéressé aux cadavres, Philippe Charlier, médecin, anthropologue et archéologue, né en 1977 — alias « Doc trop tard » sur Twitter —, se con-sacre désormais aux fantômes. Les fantômes, avez-vous lu ? Oui, ces êtres invisibles qui hantent le monde des vivants, d’où ils n’ont donc pas irrémédiablement disparu… « Je travaille autour de ceux qui refusent de voir la mort comme une fin inéluctable, mais qui la considèrent au contraire comme un passage, explique celui qui, en 2018, est aussi devenu directeur du département de la recherche et de l’enseignement au musée du Quai Branly. Dans de nombreuses sociétés extra-occidentales, l’invisible est cet espace qui fait le lien entre les non-humains et les humains, les deux mondes n’étant pas séparés. » Dans son bureau ouvert sur le mur végétal du musée, qui réunit plus de trois cents espèces de plantes, Philippe Charlier est décidément très bien entouré : des œuvres d’art et objets rituels en tous genres issus de -civilisations d’Afrique, d’Océanie, d’Asie et des Amériques cohabitent. « Ici, nous ne sommes pas seuls, avec tous les fétiches qu’il y a »… Bienvenue dans l’invisible.

Est-ce votre activité de médecin légiste qui vous a conduit à vous tourner vers l’invisible ?

J’ai pratiqué quelque deux mille autopsies sur une période de dix ans, tout en travaillant en archéologie sur quantité de squelettes et momies. À force d’être confronté à ces corps issus d’époques et de civilisations différentes, je me suis interrogé sur l’éthique des pratiques humaines autour de la mort. Je ne suis pas fasciné par les cadavres en tant que tels… Je m’intéresse en revanche à l’ensemble des rituels mis en place pour accompagner l’agonie et faire -accepter le décès. Jusqu’aux croyances dans l’au-delà qui soutiennent le pari de l’existence d’un autre monde. La mort est alors considérée comme une porte ouverte sur un monde invisible, et notre existence terrestre comme entourée, en permanence, par les défunts, les revenants, les fantômes, les esprits, et aussi ceux qu’on appelle les supra-humains, les ancêtres mythiques, les créatures surnaturelles, comme les yokai au Japon ou les loas en Haïti. C’est ce lien incessant entre la mort biologique et sa dimension anthropologique qui m’intéresse.

Comment définir cette « anthropologie de l’invisible » ?

Je ne me suis jamais posé la question de savoir si les fantômes existaient, mais pourquoi les gens y croyaient. À qui profitent les revenants et leurs manifestations ? Aux vivants, car ces apparitions sont toujours là pour mettre en évidence ou résoudre un problème, réparer une injustice. L’anthropologie de l’invisible consiste à mieux comprendre comment et pourquoi certaines civilisations établissent de telles relations entre les humains et le surnaturel. À quoi correspond cet au-delà ? Quelles sont ces entités invisibles ? Comment communiquer avec elles ? Qu’apportent-elles aux humains, sachant qu’elles ne sont pas toutes bienveillantes ?

Pourquoi fascinent-elles autant ?

Aujourd’hui, l’invisible régresse partout, dans les sciences chimiques ou physiques, en géographie, etc. Grâce aux progrès exponentiels de l’imagerie, on commence à pouvoir tout voir. Le médecin légiste que je suis est bien placé pour le savoir : lors d’une autopsie « blanche », on peut ne trouver aucune cause du décès, mais la microscopie ou la toxicologie peuvent révéler une anomalie, l’invisible devenant ainsi visible. Alors que la science occupe tous les champs aujourd’hui, les domaines les moins explorés par elle, comme la mort et l’au-delà, deviennent le refuge de multiples croyances. Si les pratiques religieuses et spirituelles extra-occidentales ont autant le vent en poupe, c’est parce que l’on va y chercher l’invisible.

L’invisible, c’est l’irrationnel ?

Je préfère le terme de surnaturel. L’irrationnel, c’est ce qui n’obéit pas à l’entendement, à la raison humaine. Le surnaturel, c’est ce qui est au-delà de la nature classique, au-delà de sa classification biologique et encyclopédique. J’aime à dire que l’invisible, c’est ce qu’on voit mieux quand on ferme les yeux… Tous nos sens sont alors mis en valeur pour saisir l’insaisissable, et permettre aux initiés de sentir, d’entendre parfois, les signes de la présence de ces entités surnaturelles. Nombre de cérémonies en lien avec les revenants se déroulent d’ailleurs à la tombée du jour parce que l’on fait alors moins bien la différence entre ce qui est réel et ce qui est fantasmé, entre ce qui est palpable et ce qui reste indéfinissable. Les fantômes peuvent apparaître quand on les appelle via un médium ou des objets intercesseurs (masques, fétiches, statues, vêtements cérémoniels…). Vers 1900, par exemple, des seins d’Eva Carrière (1884-1943), la « papesse des matérialisations », coulaient des filets ectoplasmiques… C’est par le corps érotisé de la médium qu’une partie du fantôme se manifestait, devenait palpable.

Pourquoi est-ce à la fin du XIXe siècle, au moment où la science triomphe, que le spiritisme s’impose ?

En effet, Thomas Edison (1847-1931), le scientifique américain, a inventé le phonographe, ancêtre du téléphone, mais aussi le nécrophone, qui devait permettre d’entrer en communication avec les morts ! Pour « placer le spiritisme sur une base scientifique […] et écarter définitivement les charlatans et les médiums », écrivait-il dans Le Royaume de l’au-delà. De nombreux autres scientifiques ont adhéré à des croyances surnaturelles. L’astronome Camille Flammarion (1842-1925), qui fréquentait des médiums, croyait aux fantômes, et tout un fonds photographique le montre dans des séances de tables tournantes. En tant qu’homme de science, il voulait explorer le pouvoir de l’esprit, les forces physiques, mécaniques, ou encore inconnues, que celui-ci pouvait exercer.

Le christianisme, de son côté, a parfois pris en compte le surnaturel pour légitimer les prières en faveur des âmes errantes du purgatoire…

C’est encore le cas à Naples, où il y a énormément de petits autels qui leur sont dédiés. En fait, les fantômes ont servi le christianisme lorsque l’Église a été décontenancée par l’avancée du cartésianisme — pour Descartes, Dieu existe mais il n’a qu’un rôle secondaire. Mais devant l’importance prise par le spiritisme devenu une quasi-religion, l’Église a réagi en mettant à l’index les livres du fondateur de la philosophie spirite, le Français Allan Kardec (1804-1869). Les ouvrages de spiritisme étaient même brûlés sur le parvis de la cathédrale de Barcelone.

Certaines conditions historiques favorisent-elles l’attrait de l’invisible ?

Ce fut le cas lors de la guerre de Sécession, aux États-Unis (1861-1865), quand le deuil des victimes, dont les corps n’avaient pas été retrouvés, était impossible. Pour que la mort soit acceptée, le mort doit être à sa place, ni trop près ni trop loin des vivants. Dans un tout autre contexte, la pandémie de Covid-19 a également entraîné une résurgence de croyances occultes. Partout en France de nombreuses familles se sont tournées vers le spiritisme, quand elles n’ont pu accompagner le proche mort et procéder aux rituels funèbres : pas de toilette pour les musulmans, pas de prière au moment du dernier souffle pour les juifs et les chrétiens. Ces « mauvaises morts » font rôder des âmes errantes, des fantômes et revenants insatisfaits. Une des façons de les apaiser est d’entrer en contact avec eux. Certaines personnes, on le sait, sont mortes seules durant l’épidémie. Une image qu’on a appelée « la main de Dieu » m’a bouleversé : le personnel soignant avait mis un gant en latex rempli avec du sérum physiologique chaud sur la main d’un patient pour qu’il ait l’impression qu’on lui tenait la main.

Dans votre livre, Picasso sorcier, vous évoquez un autre gant : celui de la photographe Dora Maar, couvert de sang…

De double ascendance italienne et arabo-andalouse, Picasso était très superstitieux. Grand collectionneur d’arts extra-européens, il prêtait une âme aux objets et ne laissait jamais traîner ses cheveux, ses ongles, ses vêtements, les traces de son sang ou de son écriture, craignant la magie noire et les envoûtements. Il confiait ces parties de lui-même aux femmes de sa vie et recueillait les leurs… Parmi ces reliques, le sang de sa muse Dora Maar sur un gant, voire des morceaux de la peau des pieds de sa compagne Marie-Thérèse Walter, sur lesquels il écrivait ! Le peintre était en alerte permanente, par crainte que des forces invisibles le possèdent et se retournent contre lui. La matérialité de son œuvre était une façon de se protéger de ce risque, et d’exercer une emprise sur le monde. Mystérieux génie dont le corps fut embaumé, Picasso se pense démiurge, dieu créateur, et associe femmes et enfants à sa création, en incorporant à ses œuvres des petits bouts de lui-même et de ses proches.

Des rites qui ne sont pas sans évoquer le vaudou, sur lequel vous avez beaucoup écrit.

Dans le vaudou haïtien ou béninois — mais aussi au Cameroun ou en Thaïlande —, on ne laisse rien traîner de soi. Il n’y a vraiment qu’en Occident qu’on oublie ses cheveux chez le coiffeur… Les poupées vaudoues en Haïti, achetées à l’entrée des cimetières, et ouvertes au niveau du flanc gauche comme les momies égyptiennes, sont ainsi remplies des traces de la personne ciblée, la future victime : ses notes manuscrites, sa signature dans l’idéal, ses cheveux, ses ongles, ou encore de la terre de son habitation, un bouton de chemise, une boucle d’oreille, etc. La poupée est ensuite clouée, près d’une tombe, à un arbre dont la sève est supposée être le sang des morts. Les défunts vont alors devenir les postiers infernaux de la transmission du mauvais sort.

Les zombies sont-ils aussi associés au mauvais sort ?

Le fantôme est une âme sans corps ; le zombie, un corps sans âme. Il en existe environ cinquante mille en Haïti, qui n’ont rien à voir avec les morts-vivants putréfiés des films de George Romero ou des séries comme The Walking Dead, qui reposent sur la peur panique du retour des morts, sur le fantasme de la mort contagieuse. Ces zombies-là sont au contraire réels et bien vivants ! Après le séisme de 2010 en Haïti, et la misère et le chaos qui s’en sont suivis, a eu lieu une véritable épidémie de zombies. Voleurs, violeurs, assassins, néfastes à la société, furent alors « zombifiés », c’est-à-dire jugés, enfermés dans des cercueils et drogués par des sociétés secrètes vaudoues qui en firent ensuite des esclaves dans des champs de canne à sucre. D’autres sont des personnes qui ont tout perdu, famille et biens, et qui vont volontairement remplacer un disparu dans une autre famille, combler un manque. Ces zombies incarnent une mort sociale, qui rappelle celle que l’on connaît en Occident. J’ai été médecin de prison pendant trois ans, confronté à des patients en état d’invisibilité sociale, comme le sont les SDF, certains pensionnaires des Ehpad ou chômeurs de longue durée.

Dans Autopsie des fantômes, vous évoquez la photographie spirite qui, au XIXe siècle, a participé de « la fièvre de l’au-delà ».

Elle est effectivement apparue de façon concomitante avec le spiritisme et prétendait fixer sur plaques des entités surnaturelles que l’œil ne voyait pas. Le photographe américain William H. Mumler, en 1861, sur la photo de son autoportrait a vu celle de son cousin mort douze ans auparavant. En réalité, il ne s’agissait que d’un défaut de -nettoyage de la plaque mais le procédé pouvait se révéler lucrativement profitable. Dans le même genre, une photo célèbre représente la veuve d’Abraham Lincoln photographiée avec, en arrière-plan, la silhouette spectrale de son mari. Des milliers de personnes ont ainsi voulu se faire photographier avec un défunt, même quand, assez rapidement, des procès ont établi la supercherie du procédé. Mais ça ne mit pas fin à la frénésie technologique de nombreux chasseurs de fantômes se lançant dans l’expérimentation de nouvelles machines. Il reste que, dans d’autres contextes culturels, la question se pose différemment. En Haïti, par exemple, la photo s’incline.

Que voulez-vous dire ?

Les zombies sont visibles, mais on ne peut pas les photographier tant qu’ils sont sous l’emprise d’un sortilège. J’ai ainsi tenté d’en prendre un en photo alors qu’il travaillait dans un champ de canne à sucre, et j’ai vécu une expérience qui se situe entre ma culture scientifique et le surnaturel. Sur tous mes clichés, en effet, j’ai bien capturé le paysage mais pas le zombie, qui aurait dû être au milieu du cadrage…

Comment l’expliquez-vous ?

Je ne l’explique pas rationnellement et suis à la limite de ma zone de confort scientifique. Avant l’exposition sur les zombies, qui se tiendra au Quai Branly en 2025, j’aimerais bien tirer au clair cette question du zombie que j’avais photographié et qui n’apparaît pas. Car si c’est un fait qui est reproductible, le phénomène devient vraiment intéressant sur le plan scientifique.

 - Débats & Reportages -
article de Gilles Heuré, Juliette Cerf paru dans Télérama le 01/08/22


PHILIPPE CHARLIER EN QUELQUES DATES 

1977 Naissance à Meaux. 
2002 Thèse en médecine légale et anatomopathologie. 
2005 Thèse en archéo-anthropologie. 
2014 Thèse en éthique biomédicale. 
2015 Zombis. Enquête anthropologique sur les morts-vivants (éd. Tallandier). 
2018 Directeur du département de la recherche et l’enseignement du musée du Quai Branly-Jacques Chirac. 
2021 Autopsie des fantômes. Une histoire du surnaturel (éd. Tallandier) et Comment faire l’amour avec un fantôme ? Anthropologie de l’invisible (éd. du Cerf). 2
021 Dirige la collection « Terre humaine » (éd. Plon). 
2022 Picasso sorcier, avec Diana Widmaier-Ruiz-Picasso (éd. Gallimard).

À lire

Comment faire l’amour avec un fantôme ? Anthropologie de l’invisible, éd. du Cerf, 248 p., 20 €.

Autopsie des fantômes. Une histoire du surnaturel, éd. Tallandier, 320 p., 20,50 €.