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jeudi 4 décembre 2025

T.U.B.E. (the ultimate bootleg experience)

Un copain presque juif tellement il est monothéiste, mais en moins bon état que moi qui suis plutôt animiste, en tout cas souvent le jeudi, m'a vendu sur son lit de mort l'adresse d'un site où l'on trouve quantité de concerts d'artistes de variétés non disponibles dans le commerce. 

La brigade aéroportée de l'Arcom
se tient prête à intervenir
si vous rechutez pendant le réveillon
dans le blasphème et le download.

C'est vertigineux. 
Je consulte sans compulser les étagères infinies bourrées à craquer de concerts passés de vieilles gloires de la musique de jeunes subrepticement passés du côté de la musique de vieux, y rejoignant André Verchuren, Annie Cordy, Nina Hagen et Berthe Sylva, et je me tiens prudemment au bord de l'abîme du téléchargement illégal sans y tomber. (faire commerce avec la grande cyber-prostituée de Babylone, ça serait encore rester ancré à Babylone). 
Je me sens un peu comme l'homme qui lutte pour sa vie dans la parabole du miel au bord du précipice (recueillie dans "Les plus beaux contes zen racontés par ChatGPT et illustrés par Philippe Druillet", le must-have pour un nouveau Noël Extinction-Réveillon) :

 

 

Un homme marche dans la forêt lorsqu’un ours se met à le poursuivre. Terrifié, il court jusqu’au bord d’une falaise. Dans un réflexe désespéré, il se laisse glisser et s’accroche à une racine qui dépasse du flanc rocheux.
Au-dessus, l’ours l’attend, grognant.
En dessous, au fond du ravin, un autre danger — parfois un tigre, parfois des rochers, selon les versions — l’attend la gueule ouverte.
Alors qu’il se cramponne, il voit une ruche accrochée dans la paroi, tout près de lui. Une goutte de miel tombe sur son main.
Il porte la goutte à sa bouche…
Et il sourit : comme ce miel est délicieux !

mardi 8 juillet 2025

Psychopathologie du téléchargement illégal

Au bout d'un moment que je bourrine des sites de vente en ligne et que je découvre de nouvelles pelletées de romans de lui dont j'ignorais absolument l'existence, je me rends compte que j'ai envie de Silverberg comme j'aurais envie de clopes, d'alcool ou de porno. Pour apaiser la tension née d'un désir insatisfait et auto-engendré.
Trop ballot.

Ca fait des lustres que je prétends écrire un de ces jours un article sur la psychopathologie du téléchargement illégal; pas quelque chose sur les conséquences néfastes du vol à l'étalage cybernétique sur le commerce ou la culture, non, rien que du vécu, de l'intime, quand ça tourne mal du point de vue des utilisateurs. Le titre de l'article divulgâche quelque peu le contenu attendu. Psychopathologie, ne riez pas, car comme l'alcool, la dope, le gaz hilarant, les playlists Spotify ou la pornographie, le partage de fichiers peut devenir une passion néfaste, débouchant sur une addiction, et la malédiction des fichiers hébergés sur disque dur ouvrir un enfer un peu pénible à traverser, pour soi et pour ses proches, une fois qu'on est prisonnier de l'inutile
(cf le tuto de la soluce : si tu traverses l'enfer, surtout ne t'arrête pas, disait Churchill, et n'oublie pas de ramener le pain, ajoutait sa femme.)

le geek intrépide, juste avant de se lancer dans l'aventure
de traverser l'enfer sans slip de rechange 

Je crois que l'heure est venue de me confesser devant mes cyber-pairs. Cette arlésienne de l'article remis à tantôt n'a que trop duré, et mon état s'est aggravé pendant des éons, longtemps avant que le ministère du Blasphème et du Download me tombe dessus, et je lève le pied grâce à la riposte graduée avant que ça finisse encore plus mal que ça n'avait commencé.
___________________________________________________________________________________
Deuxième avertissement – Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom)
Madame, Monsieur,
 
Il a de nouveau été constaté, par procès-verbal, le dimanche 16 mars 2025 à 06 heures 19 *, qu’une ou plusieurs œuvres ont été téléchargées ou partagées depuis votre accès à internet, en violation des droits d’auteur. Ces faits peuvent constituer une infraction pénale.

Faits :

Vous avez souscrit un abonnement à internet auprès du fournisseur d’accès à internet ORANGE/FRANCE TELECOM, vous êtes donc légalement responsable de l'utilisation qui est faite de cet accès. Vous avez déjà reçu une première recommandation par voie électronique (chris**.p*@orange.fr) le 5 mars 2025 car votre connexion a été utilisée pour mettre en partage, sans autorisation, des œuvres protégées par le droit d’auteur.

Depuis, de nouveaux faits ont été constatés à partir de votre accès internet :

  • L'album/La compilation/L'œuvre musicale « Fortaleza » de Bernard Lavilliers le dimanche 16 mars 2025 à 06 heures 19 (GMT), par l'intermédiaire du protocole « BitTorrent » (logiciel qBittorrent) , depuis l'adresse IP 2.1*.1*.1**

Conséquences :

Si, malgré les avertissements reçus, votre accès à internet est à nouveau utilisé pour des mises en partage d’œuvres protégées, vous êtes passible de poursuites devant le tribunal de police pour contravention de négligence caractérisée. Vous risquez alors une amende d’un montant maximum de 1500 € (7500 € pour les personnes morales) en application de l'article R. 335-5 du code de la propriété intellectuelle.

Pour plus d’information à ce sujet, vous pouvez consulter le site internet de l’Arcom : https://www.arcom.fr/

Le téléchargement illégal prive les créateurs de leur rétribution et représente un danger pour l’économie du secteur culturel. Il vous expose en outre, vous et votre entourage, à des contenus inappropriés (pornographie, violence) ou malveillants (virus, spams).

Comme le prophétisait Ptiluc dès 1985, la gratuité ne résoud pas tous les problèmes.

Je me suis fait gauler à partager "Fortaleza" de Bernard Lavilliers, putain, avec Nanard, on est entre rebelles ! Fortaleza, sur l'album Pouvoirs, le brulôt anticapitaliste que j'avais acheté en vinyle en sortant du lycée en 1978 !
Je suis vexé. J'ai acheté et racheté ce disque, et on me menace comme si j'étais sorti de chez le disquaire avec un skeud sous le zonblou, et que ça se voyait un peu. Faut dire que les disques Longue durée 30cm, c'était sans doute pas facile à tchourer. Alors qu'avec internet, et l'immatérialité des fichiers... peut-on parler de lâcheté numérique ?
Et ce qui me blesse, aussi, c'est que je me croyais immortel, surtout depuis mes 2 cancers, et intraçable sur le Net. La menace de la sanction me démontre que j'avais surtout perdu le sens des réalités. Mes proches ne comprennent pas pourquoi je m'adonne à cette passion funeste du "partage" (le fait d'héberger les fichiers et de les mettre à disposition des autres internautes quand mon ordi est allumé), et me suggèrent de souscrire un abonnement Netflix. Si je me contentais de streamer un contenu ou de faire du direct download, j'aurais pas ces soucis : seuls les adeptes du partage en réseau sont accessibles aux gendarmes : la Hadopi (aujourd'hui l'Arcom) ne peut intervenir que contre l’utilisation de réseaux P2P, où les partages de films ou d’albums de musique sont réalisés sur la place publique, à l’exception des rares réseaux P2P chiffrés.
C'est vrai que si je me fais choper, la troisième fois c'est 1500 €, quand même. On peut en acheter, des Blurays, avec ça. Mais je n'ai pas de lecteur Bluray. A un moment donné, je n'ai pas eu envie de racheter en Bluray ce que j'avais déjà acheté en VHS, puis en DVD, et je me suis laissé tenter par l'illégalité. Où l'offre, en quantité comme en qualité, était bien supérieure à ce qu'on trouvait sur le marché officiel.

Heureusement, on ne peut pas télécharger illégalement le pain
(ça serait la ruine des boulangers)

Je me demande un peu où est passée notre fougue à diffuser et à incarner les intuitions de Roland Barthes sur la société de consommation, insistant sur le fait qu'elle crée une dépendance où les individus sont encouragés à acheter toujours plus de biens et de services pour atteindre le bonheur et l’épanouissement et dénonçant une société qui privilégie l’apparence et la superficialité au détriment d’une véritable compréhension et d’une réflexion sur les enjeux sociaux et culturels. Faut croire que comme l’alcool et les cravates de notaires, les séries télé et les intégrales des bootlegs de Bob Dylan sont puissantes, déroutantes, sournoises. La sédation est profonde. Le capitalisme nous réserve à chacun selon ses goûts un anesthésiant de première bourre. Aah ça, j'en ai vu, des films et des séries, et j'en ai stocké 10 fois plus sur mes disques durs, mais en x années de téléchargement clandestin, je suis devenu un genre un peu exotique de gros con, un rebelle qui regarde sa télévision piratée après y avoir bossé toute la journée. C’est pour ça qu’y tourne en boucle. Je vois ça grâce à la méditation, que je reprends maintenant que je peux m'asseoir sans souffrir de la pièce manquante autour de mon premier chakra. Alors allons-y pour la complainte du repenti, le return de la revenge of son of Hadopi. Malgré tous mes efforts, je ne parviendrai jamais à égaler le style d'Alexandre Vialatte dans son recueil d'articles "Et c'est ainsi qu'Allah est grand". Desproges lui doit beaucoup. Ou alors ils s'abreuvaient à la même source poétique. L'esprit souffle où il veut. Mais quand ça veut pas, ça veut pas.

l'important, c'est de reconnaitre son erreur

Au début des années 2000, j'ai été comme beaucoup d'autres geeks attiré par les sirènes du BitTorrent. Ce protocole de partage de fichiers "de pair à pair" permettait à chaque internaute de devenir à la fois serveur et client de ses semblables; pas comme dans un bistrot, non, comme dans un réseau informatique; je finis par être recruté sur des trackers privés, ces serveurs qui facilitent la recherche de pairs (seeders et leechers) pour le partage de fichiers via le protocole peer-to-peer, réservés aux membres inscrits, avec souvent des règles de ratio pour limiter l’accès, et je vis s'ouvrir à moi des casernes d'Ali-Baba, remplies de rayonnages à l'étendue vertigineuse, des entrepôts Amazon sans caisse de sortie, à s'en prendre les pieds dans l'étagère du bas quand on lève la tête pour contempler l'armoire qui monte jusqu'au ciel, et là c'est le drame. Chez les trackers privés, c'était une pépinière de cinéphiles, qui encodaient eux-mêmes, trouvaient des sous-titres à des films improbables et introuvables sur le marché légal. Les mots-clés, chez moi, c'était curiosité, avidité, immunité. A mon tour, je me suis formé, j'ai traduit, j'ai sous-titré, j'ai encodé, j'ai partagé. C'était tendance. Le royaume de la copie privée. Avec la même émulation que dans les années 70, quand on recopiait les disques vinyle qu'on achetait dans le commerce sur une cassette audio, pour dépanner nos camarades de lycée, mais avec ici un effet démultiplié par le réseau de potes "virtuels". Les cassettes analogiques, audio ou vidéo, supportaient mal la recopie, alors que du fait de la non-altération de la copie numérique et des commodités du réseau "de pair à pair", on peut cloner et recloner le même fichier à l'infini, il reste identique à l'original. Même si j'ai perdu beaucoup de temps à me pâmer devant cette alchimie, ça reste plus fascinant pour moi que les embardées de ChatGPT.

La corne d'abondance est le symbole 
de cette offre pléthorique sur les réseaux
En fait, l'article sur les ravages du pire-to pire est quasiment rédigé dans cet état des lieux de 2014.
Je me plaignais déjà de la surabondance de l'offre, de la sensation d'étouffement et de mon épuisement à chercher la pépite qu'il me fallait absolument ramener pour justifier les heures que je passais à chercher quoi regarder. Alors c'est vrai que j'ai consommé films et séries gratuitement jusqu'à plus soif, que je me prenais pour un petit malin qui niquait Babylone, auquel la réponse répressive aurait été synonyme de l’obscurantisme des partisans d’un droit d’auteur maximaliste, complètement inadapté à l’ère numérique, qui refusent de voir que le partage est au fondement même de la culture et de la création (La quadrature du net).

les vraies femmes ne se téléchargent pas.
Elles se vivent au quotidien.
Au début, je me disais que je ne piratais que les majors, mais finalement les trucs mainstream ça me fait rapidement suer, donc j'ai commencé à emprunter des films indépendants à cette médiathèque de prêt à très long terme, et après j'ai énoncé que si une œuvre piratée me plaisait je l'achetais, mais dans les faits ça ne s'est traduit que pour les livres et les disques (ce qui est déjà pas mal). Qui irait voir au cinéma un film qui lui a plu en version tombée du camion ?
Sans parler de l'antéchronologie quantique : quarante-sept ans après avoir acheté le Pavane de Keith Roberts en livre de poche à la Librairie du Centre de Perros-Guirec, je me rappelle soudain ne pas l'avoir lu, j'en emprunte une copie numérique sur z-library, et là, je le lis ! Je considère en avoir déjà acquitté les droits jadis, donc ça ne me pose pas de problème insurmontable. Pavane est une uchronie de la fin des années 60, qui préfigure la SF steampunk. Mais après ça, où trouver  les Seigneurs des moissons, paru en France dans le Galaxie bis n° 73 de 1981 qui contient les nouvelles de l'auteur situées dans le même univers, mais qui n'ont pu trouver place dans Pavane 
C'est encore z-library qui gagne à tous les coups. Aucun libraire ne peut se procurer le Galaxie bis n° 73 de 1981. Sauf moi qui ai dû les diffuser quelque part sur ce blog parce que justement, ils étaient introuvables ailleurs. Et où se procurer tous les vieux disques que Gérard Manset a envoyés au pilon depuis des décennies, au fur et à mesure qu'il devenait plus bougon et mécontent de son œuvre passée ? Hein ? hein ? nulle part ailleurs qu'au sein de communautés privées d'adorateurs qui partagent leurs reliques en peer-to-peer. Et l'intégrale d'Henri Salvador, qu'il fallait rendre disponible quelque part puisqu'elle ne l'était pas ? ah non, ça aussi, je l'ai mise sur mon blog
Mais avant, je l'avais bien trouvée sur un réseau. 

Les cyberpotes qu'on se fait dans les communautés 
peer-to-peer prennent un malin plaisir
à travestir leur identité avec un VPN facial
Et je constate depuis que j'ai acheté une télé connectée que le téléchargement illégal est désormais totalement obsolète en tant que pratique culturelle (en plus d'avoir une facture carbone rédhibitoire, parce que déplacer des gigaoctets, ça fait fumer les serveurs en basse-Californie, ce qui provoque ensuite des déluges au Texas où ne périssent pas que des climato-sceptiques) puisque l'offre légale, ne serait-ce que tous les replays disponibles sur Arte, décourage toute tentative de contre-programmation avec un lecteur multimédia lisant les fichiers .mkv en 4K : tous les films et toutes les séries seront un jour prochain disponibles  sur une plate-forme gratuite, alors à quoi bon se faire suer le burnous ? 
Je vois dans Télérama que l'émission Rembob' INA de Patrick Cohen est consacrée cette semaine à Raymond Devos et rediffuse une archive des années 70, vite je la télécharge tout de suite avec l'aspirateur video downloadHelper sur le site de la chaine LCP... puis je découvre qu'elle est disponible en replay sur ma télé Orange. Le plus excitant c'était de la télécharger... pour les dépendants à la nouveauté, allergiques au cinéma en salle mais pas au fait de voir un film avant tout le monde, il y a deux arguments. Celui entendu il y a quelques siècles sur le forum du cafard cosmique, à propos des excès de la vie digitale :

"Le fait qu'il y ai de bons acteurs pourrait encore à la rigueur donner envie d'aller voir le film afin qu'ils soient rémunérés en conséquence, et que cela leur donne la motivation de continuer, mais l'écart entre leurs bénefs et ceux des grands pontes est tellement terrifiant que je préfère garder mon fric. Toutefois ce n'est pas pour ça qu'il ne faut pas aller le voir, j'ai toujours bien aimé les Harry Potter....Téléchargés.
- Je ne comprends pas... Tu ne veux pas payer pour les films Harry Potter, mais tu les aimes bien? Genre tu vas aux putes, tu t'amuses bien, et au moment de payer tu t'enfuis en sautillant, le pantalons sur les chevilles, parce que les macs c'est vraiment des connards ? je suis choqué."

Le Chadopi est moins affectueux
que Chat GPT, mais
quand il vous tient, il vous lâche plus
L'esprit souffle où il veut et l'intelligence est toujours un régal pour l'intelligence, où qu'elle se manifeste et se déploie. L'autre argument est de nature technoïde : le délire du "partage", c'est vraiment les années 2000/2010, aujourd'hui une nouvelle génération de fripouilles arrive sur le marché avec du streaming décomplexé de qualité, dans des tavernes bien louches comme Rogzov
ou Stremio, qui fait encore plus fort : si on le configure correctement en installant le plug Torrentio, il offre un catalogue cinéma et séries stupéfiant, qui va de l'Antiquité à nos jours; sur le plan technique j'ai l'impression qu'il vampirise des fichiers Bittorent. Je ne sais pas si c'est très moral : les pirates peuvent-ils impunément se pirater eux-mêmes ?
"Only thieves can steal from themselves
Only the stupid cam learn
Only the prisoner can be set free
Only the dead can live"

Et si j'empile et thésaurise trop de films tombés du camion dans mon disque dur sans les regarder, convulsé par des fièvres de gloutonnerie numérique, je deviens moi aussi, comme Gérard Manchié, prisonnier de l'inutile; la frustration augmente, bien plus vite que la vitesse de download. Comme disait Clémenceau, le meilleur moment de l'amour, c'est quand on monte l'escalier. Et le meilleur moment, dans le bitTorrent, c'est quand ça télécharge. Encore que si je n'avais pas aspiré illégalement la musique du film Arrival, je n'aurais pas trippé à mort dessus, je n'aurais pas utilisé Heptapode B dans un reportage monté hier pour la station de télévision où j'officie, et je n'aurais pas déclenché des royalties pour Jóhann Jóhannsson. Bon d'accord, il est mort, mais un jour, quand ils liront ce blog, ses ayants-droits me remercieront.

les effets pervers de la riposte graduée
(quand tu pirates l'adresse IP de ton voisin)

Quand on a attrapé le virus du partage numérique, on  n'en a jamais assez. Parce qu'on passe de plus en plus de temps à surveiller ce qui sort, à capturer dans ses filets ce qui tient sur le disque, au mépris du temps d'écran télé disponible pour regarder tout ça; on veut tout voir (sous-entendu que le meilleur sera toujours assez bon pour nous) et on finit par ne plus allumer sa télé, parce que la traque nous a épuisé et mis sur le flanc; sur le plan psychopathologique, il y a 19 ans je notais à propos d'autre chose que 
des concepts tels que subtiliser, en cachette et jouissance se sont très nettement agrégés au sein de ma conscience diurne qui s’en est retrouvée brusquement onirisée. Il y a quelque part en moi l’idée que l’impossibilité existentielle d’accéder au plaisir induit la recherche délinquante de braconner celui de l’autre.
J'observe qu'il y a aussi un peu de cela dans cette satisfaction impossible de la pulsion scopique. Bon, allez, on se calme, d'autant plus que l'urologue m'a dit hier qu'il fallait faire le deuil de l'érection, sauf à envisager des piqûres dans la verge, ce à quoi mon romantisme et ma femme répugnent pour l'instant. Sans parler de la pharmacienne, qui ne voudra jamais venir me piquer à domicile. Pour l'instant, j'ai encore l'impression d'avoir prêté ma prostate à un ami dans le le besoin, et qu'il tarde à me la rendre. 
Je le comprends. 
Mais avec quoi vais-je compenser ce manque, si j'en crois la prophétie auto-réalisatrice freudienne deux lignes plus bas, si j'arrête de télécharger ? 
Le renoncement, c'est bien joli comme concept, mais dans les faits nous ne savons renoncer à rien, nous ne savons qu'échanger une chose contre une autre. (en fait c'est pas une prophétie, mais un postulat). Force est de constater que quand je consacre 1 heure par soir à la lecture, ça va quand même mieux, intellectuellement, que si je me fais subir Mad Max : Furiosa en 2160p sur ma Samsung The Frame 55 pouces. 
Et en plus, ça fout la trouille au chat. J'ai totalement perdu mon objectif premier, qui était de passer un bon moment devant la télé. La technologie n'est pas neutre, et elle induit des usages dont nous n'interrogeons pas assez les présupposés. Alors que par exemple, Apocalypse : now version Redux, qui passe de 2h30 à près de 3h20, si on a une version 1080p, c'est absolument fascinant. Ainsi que les vieilles séries produites dans les studios de Villeneuve-la-Vieille, (Le prisonnier, datant de 1967 et dont il circule de nouvelles versions tellement remasterisées qu'on a l'impression d'avoir de nouveaux yeux, qui permettent de voir les épisodes enfin dans l'ordre), mais aussi toutes les séries du début des années 2000 qui flottent à la surface de la face lumineuse du Darkweb qu'on appelle dans notre jargon caverneux le Warez ) elles aussi dans de somptueuses versions restaurées, Les Sopranos, Six Feet Under, The Shield, Deadwood, Carnivale, Breaking Bad, qui sont animées d'une ampleur et possèdent un souffle romanesque qui n'a pas vieilli, par rapport aux séries bofbof de maintenant, alors vas-y, télécharge-moi tout ça, maintenant que t'as changé d'ordi ça devrait pas poser de problème, et puis sinon t'auras qu'à racheter de la mémoire de stockage)

Tel est pris qui croyait se pendre.
illustration by courtesy of Ador
En conclusion, qui trop embrasse, mal étreint. L'inconfort, la frustration née de l'errance dans les entrepôts culturels sans caissière sont insolubles dans le téléchargement illégal. Pour quelqu'un comme moi, avec une structure addictive, c'est comme boire de l'eau salée quand on a soif. Mieux vaut retourner au cinéma, avant que nos pratiques contre-nature l'aient tué.
Si en plus vous vous faites attraper la trompe dans le bol par l'Arcom, vous pouvez toujours recopier cette réponse de Numérama au bas de cet article, par ailleurs remarquable pour faire le point sur la chasse aux pirates.
Mais si entretemps vous avez pris un VPN pour continuer votre siphonnage décomplexé des réseaux sans vous faire ennuyer par l'Arcom, assurez-vous d'avoir correctement configuré le killswitch. Sinon, que Benalla vous vienne en aide. 
Pour mémoire, tandis que je rédigeais ce laborieux pensum, le dernier repaire de malfaiteurs sans but lucratif (ni ratio de seed / leech) dans lequel je mettais un peu d'animation est tombé en rade, peu avant que j'uploade l'hallucinante série John from Cincinnati de David Milch et Kem Nunn (2006). Que la terre leur soit légère.


[ Mise à jour du 20 Aout ]
un point de vue convergent sur le Cul-De-Sac Des Étagères Infinies, c’est à dire l’immensité de catalogues de contenus dans lesquels on passe davantage de temps à choisir quoi regarder plutôt qu’à simplement … regarder. Ok, c'est un problème de riche, mais n'est pas pauvre qui désire beaucoup, et si la réponse spontanée au problème (i.e. "la sobriété numérique") émerge d'elle-même comme la Vérité sort du Puits quand les Fake News n'y sont pas, la question suivante c'est comment parvenir à incarner cette sobriété.

À la question « quel est le prochain livre que vous allez lire » posée à Colin L. Powell, l’ancien secrétaire d’État sous Bush fils, dans le Book Review du NYTimes d’aujourd’hui, il répond:

« Sigh ». C’est ça le problème. Je n’arrête pas de télécharger de nouveaux livres sur ma liseuse, et je n’arrive pas à me décider lequel lire. Le désir d’acquérir des livres électroniques se fait tellement de façon impulsive, instinctive, que je ne sais plus à la fin ce qui se trouve sur mes étagères électroniques (e-shelfs). Et quand je regarde, j’y vois des titres que je ne reconnais même pas, ou du moins dont je ne me rappelle ni avoir voulu ou ni avoir acheté» (dimanche 1 juillet 2012, page 8)

http://www.zeroseconde.com/2012/07/le-cul-de-sac-des-etageres-infinies/

Je ne lui soufflerai pas l'adresse des Lecteurs Anonymes. Ce n'est pas un problème de lecture, mais de désir, et de compulsion, d'où nait l'empilage. Et puis, ça serait l'hôpital qui se fout de la charité.

jeudi 27 juin 2024

La playlist de Métal hurlant (2023)

Il fait un temps à racheter Charlie-Hebdo plutôt que Métal HurlantSauf que les mecs qui écrivaient bien dans Charlie-Hebdo sont tous morts d'un coup en 2015, ce qui fait que le journal est aujourd'hui de facture médiocre, alors que les princes de la BD de SF qui bossaient à Métal Hurlant dans les années 70 nous quittent de mort naturelle, discrètement et en ordre dispersé, sauf Dionnet et Manoeuvre, qui s'accrochent comme des moules à leur rocher, sont multi-interviewés pré-mortem, et encensés en direct live dans les colonnes du magazine comme les anges tutélaires qu'ils furent, et Dieu sait si nous aurons besoin d'anges après le 7 juillet. 
Charlie-Hebdo devrait prendre exemple sur Métal Hurlant, et rediffuser les meilleurs dessins d'actualité de Reiser, Wolinski et Gébé, dont certains n'ont pas pris une ride, ça serait bath et ça boosterait ses ventes : les numéros testimoniaux de Métal Hurlant, qui distillent des extraits choisis du patrimoine métallique sont pour l'instant les plus réussis, ceux qui font appel à des créateurs contemporains et qui tentent de s'inscrire dans le futur de maintenant se heurtant au fait indubitable que Acier couinant, c'était mieux avant. 

MÉTAL HURLANT NUMÉRO 9
numéro non-testimonial daté de novembre 2023, avec que des jeunes pousses
(à ne pas confondre avec Métal Hurlant numéro 9 Canal Historique)

Druillet n'a jamais su dessiner les visages humains, 
et on s'en foutait complètement.
C'était le bon temps.
C'est plus difficile de produire de la SF aujourd'hui, vu que toutes les prévisions des auteurs pessimisto-gauchistes des années 70 sont en passe d'advenir In Real Life, le techno-fascisme en sus. Jerry Frissen se démène pour rester le Jean-Pierre Dionnet de sa génération, il fait plaisir à voir en rédacteur en chef de la nouvelle formule du journal, c'est juste moi qui suis peiné à Lara Biatta de ne pas trouver les auteurs contemporains à la hauteur de ceux d'hier. A ce propos, Philippe Druillet citait Baudelaire dans la préface de La Nuit (1976) :

" D'où vous vient, disiez-vous, cette tristesse étrange,
Montant comme la mer sur le roc noir et nu ? "
- Quand notre cœur a fait une fois sa vendange,
Vivre est un mal. C'est un secret de tous connu."

C'est peut-être ça que j'ai : mon cœur a trop battu d'attendre Métal hurlant, qui arrivait très irrégulièrement en kiosques à l'âge où c'était vital pour moi de lire le prochain numéro, et maintenant que mon coeur a fait sa vidange, macache bonobo pour retrouver l'élan vital. Merci Druillet, merci Baudelaire. Dans le numéro 9 du trimestriel rebooté, j'ai toutefois trouvé une histoire particulièrement réussie, c'est d'un auteur espagnol, on dirait un épisode de Black Mirror. Black Mirror ça serait vraiment le Métal Hurlant de maintenant si Métal Hurlant était rené sous forme de série télé, Black Mirror dont la saison 6 marque quand même un certain épuisement de l'imaginaire de Charlie Brooker qui lui servait de fécond terreau, il lui faudrait sans doute un reboot, après une mort symbolique. C'est tendance : le reboot du Front National en Rassemblement éponyme lui a bien profité. Par contre, le reboot de "En Marche" sous la franchise "Renaissance", ça ne enmarche pas terrible. Pour renaitre, il faudrait déjà avoir mouru. Comme Charlie Hebdo et Métal Hurlant







Vous lirez le reste de l'histoire dans ce numéro 9 du nouveau Métal Hurlant. Vous y trouverez aussi des suggestions d'écoute musicale, sous la forme d'une playlist égrénée dans tout le magazine, et que j'ai regroupée ci-dessous ici-bas, je me suis dit que ça allait m'ouvrir de nouveaux horizons sonores, mais ça ne m'incite pas à revenir vers le rock, je suis vraiment trop vieux, mon cœur a fait sa vidange etc...
Pour revenir à la BD de SF, où sont aujourd'hui les équivalents BD d'auteurs de SF littéraire Adrian Tchaikovsky, Rich Larson, Ray Nayler ? pour ne citer que les contemporains qui me semblent revivifier le genre. C'est à dire où sont les Moebius, Druillet et Bilal d'aujourd'hui ? peut-être qu'ils bossent dans le jeu vidéo. Peut-être qu'on n'est plus dans une époque qui puisse en engendrer. Allez, tu nous saoules, fais péter la playlist.

dimanche 24 avril 2022

Sanseverino - Je n'en veux pas (2021)


"Payer 135 euros parce que
mon tarin dépasse du masque
ou rentrer coupable et merdeux
20 minutes après le couvre-feu
Areva s'appelle Orano
le nucléaire a changé de peau
l'EDF qui s'appelle Engie
me propose un compteur Linky
ben j'en veux pas 
(...) 
Voir la police du roi taper 
sur des ados, sur des mémés
la bombe lacrymo, c'est pas bon
ni pour l'acné, ni pour la tension
obligé d'partir en courant
Avant 'voir débouler les agents
c'est le karting de la matraque
et me faire courser par la BAC
je ne veux pas
ça je n'veux pas"
Sanseverino continue d'écrire des chansons (un peu trop vite à mon goût, elles mériteraient d'être plus travaillées) et à sortir des disques à fond les ballons, mais c'est peut-être parce qu'il a une conscience exacerbée de sa finitude, qui est aussi la notre. 
Surtout le jour du deuxième tour. 
Le jour du "Je n'en veux pas". 
On vit vraiment maintenant au jour d'aujourd'hui dans une société du rejet et de la répulsion mutuelle.
Pour les ni-ni, les adeptes du barrage républicain et tous ceux qui vivent encore en démocratie, qu'ils le croient ou non. Si le premier quinquennat n'était que le teaser du second, on risque d'en avoir pour notre argent, et on va pas s'embêter une seule minute.
" oui mais
je cours tout nu la teub à l'air
chercher une guitare, un revolver
ceinturé par les infirmiers
qui m'attachent devant BFM TV
une soupe de légumes une compote
sur mon carrelage, moi qui grelotte
mourir tout seul pyjama crade
abandonné dans un EHPAD
je ne veux pas
ça j'en veux pas"
J'espère que c'est pas une prophétie auto-réalisatrice, pour lui comme pour nous. Si tous les gens qui méprisent le peu de choix qui nous est laissé devant les urnes s'abstiennent d'aller voter, ils pourraient bien hériter du présidentiable qu'ils méritent. Sauf Arno, le Flamant rock qui est mort hier. Vraisemblablement du fait que en tant que citoyen belge, il ne pouvait pas aller voter, donc c’est tout ce qu’il a trouvé pour protester contre l’équation du second tour
Ah  ça, pour protester, on est là. 
C'est pas demain qu'il faudra venir couiner.
Ca sera trop tard.

l'image de Sanseverino qui va bien, quelle que soit l'issue du scrutin.
L'enterrement de la démocratie ? N'ayez pas de chagrin, elle n'a pas souffert.

(reste à savoir si c'est vrai qu'il n'a pas de compteur linky)

jeudi 28 octobre 2021

Hector Zazou - Strong Currents (2003)

La pochette d'origine, classieuse
(je dis ça pour dissiper toute équivoque)

Il existe deux pochettes pour cet album, l'une assez élégante, l'autre beaucoup moins. C'est un des mystères de l'existence des directeurs artistiques à travers les âges. 

La réédition 6 mois plus tard, augmentée d'un titre
(pochette qui dissipe aussi toute équivoque, mais pas pareil)

Quand j'ai envie de pleurer sans prendre prétexte de réécouter Gérard Manset, j'écoute cet album d'Hector Zazou. Ou si je n'en ai pas l'opportunité, il me suffit de penser à la pochette version "mon cul sur la commode, avec la photo d'Hector mort au mur, et qui ne peut même pas en profiter, vu qu'il est du mauvais côté".
En effet, quand on est mort, la rigidité cadavérique nous interdit de nous retourner pour apprécier une paire de fesses dont nous n'avons pourtant plus l'usage (dans rigidité cadavérique, le mot clé c'est cadavérique, et non rigidité).
Voici un de ses projets les plus mélancoliques, sorte de symphonie trip-hop très 90's, tantôt anémiée, tantôt symphonique, réalisé avec une dizaine de chanteuses souffrant toutes d'une carence en lithium, l'ensemble se révélant d'une mélancolie brouillardeuse à ronger les os. Enfin, c'est l'effet que ça me fait, je ne veux forcer personne à ressentir mes états intérieurs qui sont copyright© moi.
Fragments d'une discographie zazouesque
Un article raisonnablement élogieux
où l'on peut en écouter des extraits, un peu comme à la Fnac quand le vendeur était d'accord pour fendre le cellophane du 33 tours sur la tranche et nous placer dans une cabine d'écoute, ce qui ne nous rajeunit pas.
Un autre
En tout une douzaine de titres souvent vaporeux, langoureux, cafardeux, mais le cafard susurré par une jolie voix féminine c'est quand même mieux que le cafard tout seul, des fois on jurerait entendre Björk, la chanteuse islandaise tellement ravagée qu'elle porte le nom d'un petit déjeuner aux céréales, d'autres fois la pulpeuse chanteuse de Elysian Fields, hé bien non, dans les deux cas on aurait tort. C'est pas elles. Mais on n'a pas peur d'avoir tort, ce qu'il faut craindre c'est le besoin d'avoir raison. 
Il y a sur l'album des chansons plus mortifères que d'autres. Mais le souci constant de Zazou de s'entourer de jolies femmes qui chantent avec suavité les effondrements de l'âme plaide en la faveur de quelqu'un qu'on ne peut vraiment suspecter de détester la vie, même s'il l'a quittée depuis. 
Parti pêcher le maquereau, Hector revint avec de belles morues. 
On pense aux remèdes à la mélancolie énumérés par Ramon Pipin dans Chèque baby chèque : "Je ne chante la solitude qu'entouré de vingt personnes / mes histoires d'amour sont prudes mais à tous les vices je m'adonne / les mélodies du malheur restent ma spécialité / et je mets toute ma ferveur à ne jamais rigoler." Certes, la stratégie d'Hector est plus subtile et n'inclut pas de dimension parodique; encore que, en contemplant la version 2 de la pochette, on puisse avoir des doutes. Et les photos du livret sont signées John B.Root, un pornographe qui eut son heure de gloire dans les milieuxXX autorisés; et alors ? Zazou est mouru en 2008, nous privant de la possibilité de l'interroger à ce sujet; s'est-il moqué du monde ou pas, avec ce trip-hop languide ? Rêvait-il de se taper son aréopage de chanteuses dépressives et mystérieuses, et ne le pouvant, il leur a sublimé des textes et des écrins musicaux pour les y enchâsser ? 
A la longue, la puissance vénéneuse des pièces du disque s'estompe, au profit d'un vague à l'âme complice. Si vous absorbez un champignon moyennement toxique tous les jours, l'effet du poison s'atténue. 
Autre cas : quand vous vivez avec un cancer, que vous apprivoisez, à condition d'être dépisté à temps, et que vous finissez par tutoyer. Si lui commence à vous parler, par contre, n'hésitez pas à consulter votre oncologue. Ou à lui passer Strong Currents. Les textes du disque semblent d'une insondable intimité. L'élégance le dispute-t-elle à la préciosité ? ou lui-colle-t-elle un atémi à la carotide, comme Chuck Norris ratatine Gérard Manset ? La gravité féminine qui nimbe le projet dans son ensemble est un peu intimidante, pour qui n'a jamais su parler aux femmes quand elles étaient en train d'enregistrer, parce qu'elles étaient bien capables de répondre "mais Chut-euh, tu vois pas que j'enregistre, connard ?"
Si l'on s'interroge sans fin, il faut alors scruter d'un oeil rougi par l'anxiété et le manque de sommeil les explications sur la genèse du projet :
qui n'expliquent rien en tout petit, mais évoquent bien le destin de Zazou, passeur.
Il faudrait sans doute fumer quelque chose de plus costaud que du CBD en écoutant ça pour avoir une révélation divine. Mais je ne fume pas de CBD, pour la même raison que je ne mange pas de cassoulet light.

jeudi 10 juin 2021

Henri Salvador - Elle me donne (ah ! Ah ! ) (1954)

Je suis né avec des yeux d'ange
Et des fossettes au creux des joues
J'ai perdu mes joues et mes langes
Et j'ai cassé tous mes joujoux
(Clopin-clopant, aussi chanté par Montand,
et écrit par Pierre Dudan)
Dans la pile de centaines de papyrus et de tablettes de cire exhumés de la crypte secrète de la nécropole maudite et oubliée d'Henri Salvador, cette biguine de 1954 résonne d'un écho particulier. 
D'abord parce que toutes les versions trouvées sur youtube ont été remixées avec de la réverb, ce qui dénote d'un manque d'élégance et de courtoisie envers les artistes morts, et qui m'a contraint à repartir du master original, négocié à prix d'or auprès de Toutânkhamion, un trafiquant d'art du Caire, spécialisé dans le commerce des sarcophages suspects, gros et demi-gros.
Ensuite parce que l'argument développé, qui commence comme toutes les romances - Marivaux, Giraudoux, Barbara Cartland - tourne abruptement à la fable mesquine sur les mirages et déconvenues de l'amûûr une fois que la banane s'est dégonflée, et que c'est une mauvaise blague joliment troussée. 
Bien mieux que chez Houellebecq, par exemple. L'interprétation est jubilatoire, annonçant pourtant les crétineries futures du pitre Salvador et les sanctifiant par avance, ou en retard si on vivait dans un flux temporel inversé comme dans Peppermint Candy. 
Une excellente surprise, qui tourne en boucle depuis 15 jours, et qui commence à lasser les amatrices de Jorja Smith de moins de 26 ans dans mon entourage proche, surtout quand je l'alterne avec l'intégrale des Quatre Barbus. 


L'amour prétendument vécu comme un don, alors qu'on sous-entendait l'échange et la réciprocité. Et blam, la cabane sur le chien. Tant mieux, c'est plus honnête. C'est pas pour faire mon Morizot, mais si la Nature nous avait câblés des aptitudes au don inconditionnel, l'espèce humaine serait éteinte. On n'en est peut-être pas loin, du fait de l'excès inverse, n'en déplaise aux déclinistes. 
"Les philosophies les plus altruistes et les plus viables échouent face à l'intérêt personnel, cet impératif brutal du tronc cérébral."(Peter Watts)

La galette de cire de « Elle me donne » 

retrouvé dans la chambre funéraire 

de la Pyramide de Salvador 

et gravée en 78 tours cunéiforme 

est en vente 24,50€

sur archine.com

Et encore : "Nous nous percevons comme des réservoirs vides ne demandant qu’à être comblés, et l’autre devient alors cette source à laquelle nous aimerions nous abreuver. Qu’il s’agisse d’une rencontre avec un maître spirituel ou avec une maîtresse ou un amant, nous devons réaliser que cette manière de rencontrer l’autre comme s’il était source de notre plénitude est une erreur fondamentale.
Je ne dis pas que les relations doivent être évitées mais qu’elles doivent être vues pour ce qu’elles sont : des lieux possibles d’expression de l’amour mais pas des échoppes où l’on viendrait s’achalander." (Thierry Vissac)
Tout ça dans une bête chanson d'artiste de variétés. 
Elle est pas belle, la vie ?
Déstockage monstre (avant les soldes d'été) sur les citations à la con et les vieilles chansons inspirées. Tout doit disparaitre.