samedi 26 février 2022

Vladimir P.'s House Music (2022)




« Concernant ses valeurs fondamentales, jusqu’à quel point un individu préfère-t-il mourir plutôt que de faire des compromis et vivre ? Des millions de gens, à l’époque contemporaine, ont été confrontés à la décision de savoir si, pour sauver leur vie, ils seraient ou non disposés à trahir leurs amis ou leurs proches, à complaire à un dictateur, à vivre en esclavage ou à préférer l’exil. Les nations et les sociétés ont parfois à prendre collectivement des décisions similaires. Toutes ces décisions impliquent des paris sur l’avenir, faute de la certitude que la perpétuation de certaines valeurs conduise à l’échec ni leur préservation au succès. (..) Parmi les cinq petits pays d’Europe de l’Est confrontés à la puissance irrésistible des armées russes, les Estoniens, les Lettons et les Lituaniens ont renoncé à leur indépendance en 1939 sans combattre, alors que les Finlandais se sont battus en 1939-1940 et ont sauvegardé leur indépendance ; les Hongrois, eux, se sont battus en 1956 et ils ont été défaits. Qui d’entre nous peut dire quel pays a été plus sage et qui aurait pu prévoir à l’avance que seuls les Finlandais gagneraient leur pari ? »


 Jared Diamond. « Effondrement. Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie » (2005)

jeudi 24 février 2022

[Repost] Mark Lanegan - Elégie Funèbre (2014)

ven. 8 juin 2018

Quelque part dans le Multivers, plus précisément sur Terre_42, il existe une version de la bande son de la saison 2 de Lésion exclusivement composée de fragments de La mort d'Orion de Gérard Manchié (je suis d'accord que son nom diverge un peu trivialement de celui qu'il porte sur notre bonne vieille Terre_13).
Gérard avait Orion,
nous on a l'Ukraine.
Rappelons à nos plus jeunes lecteurs tentaculaires et/ou pseudopodés que la mort d'Orion, dans la plupart des mondes connus, c'est un opéra rock concocté en studio par Gérard Manset au début des années 70, un invraisemblable salmigondis musical à base de space opéra, de nuages de violons gorgés de reverb, de bouts de scénario galacticoedipiens déclamés par des mercenaires de la Comédie Française qui à l'époque faisaient aussi des piges pour "les grands disques de l'aventure" car j'ai reconnu des voix issues de Blake et Mortimer contre la marque Jaune et de Bob Morane contre l'ombre jaune aussi, bref la mort d'Orion c'est un artefact alien à nul autre pareil dans l'histoire de l'onirisme musical français, un geste d'une originalité et d'une audace comme il n'y en a qu'un par décennie et par galaxie...
Voici donc la version du cantique de fin d'album qui a fait fureur sur Terre_42 dans la saison 2 de Lésion, reprise par le farouche Farouk (dont nul n'ignore que c'est le pseudo scénique le plus usité de Gérard Manchié, et vu qu'il n'a plus de corps depuis la saison 1 de Lésion ce n'est guère étonnant qu'il ait de tels problèmes intestinaux) et l'abrasif Mark Lanegan, qui est décidément partout sauf là où on l'attend pour le Ramadan.



Je l'ai trouvée là, assortie de commentaires de l'intéressé.

http://gonzai.com/rencontre-avec-une-armoire-a-grace/

et la version Lanegan tout seul, en provenance de Terre_43



qui est encore plus meilleure, je trouve; apparemment, Lanegan s'est impliqué dans tellement de collaborations diverses ces dernières années, qu'il y aurait de quoi faire plusieurs compilations pour les regrouper, je ne sais pas ce qui m'empêche de faire une crise maniaque et de m'y mettre.

jeu. 24 février 2022

Fin de partie pour Mark Lanegan. C'est bien triste. 


Finalement, il semble que survivre à des addictions aussi puissantes que l'alcool ou l'héroïne ne rende pas immortel. 
En plus d'être triste, je suis déçu.
En tapant "Lanegan" dans le moteur de recherche interne de mon blog, il se passe des trucs. 
Ou pas.

lundi 21 février 2022

The Sopranos - Peppers And Eggs - Music From The HBO Original Series (2001)

Deuxième salve de musiques entendues dans la série les Soprano, qui ne glorifie pas du tout la mafia, au contraire de certains films de genre, Coppola, Scorcese & associés. Les soldats de cette autre armée des ombres sont dépeints comme des petits patrons de PME bas du front, incultes, déclinistes, viscéralement réactionnaires, totalement ploucs et bien à la peine quand il s'agit de recruter de nouveaux candidats pour faire carrière dans le crime organisé (la mortalité est forte car le milieu professionnel est très accidentogène, et les ambitions plus grandes que les compétences, même si ça ne se met pas dans un CV, ça se devine)

Tony Soprano est de plus affligé d'une mère acariâtre, d'une épouse intraitable, d'associés bien teubés, de pulsions insatiables; il faut le voir embobiner sa ravissante psy, le Dr Melfi, et tisser autour d'elle sa toile mortifère. Il utilise tout ce qu'elle lui suggère pour "aller mieux" et étendre d'autant son Empire du Mal en devenant plus efficient, puisque c’est ce que les psys recherchent à obtenir chez leurs patients. Le Dr Melfi c'est la jolie, élégante et très maligne psychanalyste, qui se rend compte trop tard qu'on ne fait pas impunément la psychothérapie du Diable, parce que s'il va mieux, c'est d'autant plus d'humains qui vont s'engluer dans sa toile, puis mourir de façon scabreuse, et qui iront légitimement en Enfer, une annexe du New Jersey située quelque part dans l’arrière-pays. (peut-être le Delaware.)
Du coup, la psy, c’est un peu la Gourdasse Sublime, quoi. 
Il en faut, pour démythifier les psys, tout autant que la criminalité organisée.

Comme regarder la télé, par exemple
Ce qui est impressionnant dans Les Sopranos, c’est le mensonge. Chez les mafieux, encore, on peut le comprendre, ces gens c’est de la racaille, mais le problème, c’est que tout le monde se comporte comme eux. D’une certaine manière, ça les justifie. Tony Soprano gagne son argent d’une manière pour le moins craignos, mais quand sa psy accepte cet argent, quel message fait-elle passer ? Elle pourra toujours lui dire que ce qu’il fait n’est pas correct, en prenant son argent elle l’encourage de fait à continuer. J’ai particulièrement apprécié l’épisode où Carmela (la femme de Tony) va voir un vieux psy qui lui dit qu’elle doit divorcer sous peine de se sentir mal toute sa vie, et qui lui dit qu’il ne veut pas de son argent. En effet, il ne peut pas prendre cet argent et lui dire d’un autre côté qu’elle ne doit pas le prendre. C’est le seul type qui y voit clair de toute la série. Tous les autres sont complètement dans le coltar, dans des compromissions permanentes. (Flopinette de la Croisette, 2006)
t'as qu'à croire; Et puis t'as qu'à voir.

Je me demande si la série toute entière n’est pas une métaphore désenchantée  et crépusculaire sur le capitalisme et la libre entreprise évoqués sans ambages dans leurs dimensions autophages. Comme le dit un critique du Monde : "Pour savoir ce que raconte la vie des Soprano, il faudrait savoir ce que raconte la nôtre."

https://www.discogs.com/release/2919834-Various-The-Sopranos-Peppers-Eggs-Music-From-The-HBO-Original-Series

jeudi 17 février 2022

McDonald And Giles - McDonald And Giles (1970)

Un album prophétique à plus d'un titre
(Le disque en comptait cinq, et ils l'étaient tous)
Ian McDonald, musicien multi-instrumentiste de King Crimson version 1.0 a fusionné avec le Grand Tout la semaine dernière. 
Il fut un contributeur important de l'architecture sonore et de l'ambiance si particulière de l'album In the Court of the Crimson King, véritable acte de naissance du rock progressif que j'aurais tendance à confondre avec son faire-part de décès, tant son existence fut brêve mais intense. Si Dieu le veut, j'entendrai la flûte de Ian McDonald (sur "I talk to the wind") et son mellotron funèbre (sur "Epitaph") en entrant dans les bardös.



Prophétique, on vous dit.
Quel est le mot que vous comprenez pas
dans "prophétique" ?
Libération et Le Monde se sont fendus de nécrologies érudites et instructives, mais n'ont pas joint le disque souvenir pour 3,99€ prix maximum, parce qu'on n'est pas chez Pif Gadget, ni aux Editions Atlas.
McDonald et les frères Giles avaient quitté King Crimson juste après l'enregistrement du premier album du groupe (et juste avant de se faire virer par le stalinien Robert Fripp) pour râler ferrailleur ce "McDonald And Giles" qui sonne carrément comme un disque inédit de King Crimson 1.0 - hormis pour l'inspiration de Peter Sinfield, le parolier d'origine, responsable des « bûchers funéraires de politiciens » et autres « innocents violés au napalm » dans 21st Century Schizoïd Man, qui n'était pas de la partie. 

Seul Warsen semble s'être inquiété de savoir si l'on trouvait encore ce disque en ligne. N'ayant pas découvert de version mp3 accessible aisément sur des blogs musicaux, j'en remets une copie ici.


un fragment pas du tout passéiste de la pochette du disque
C'était ça ou finaliser ma compile en cours pour envahir l'Ukraine, qui n'est pas tout à fait prête. "Quand j'écoute King Crimsogne / J'envahirais bien la Pologne / Quand c'est du John_Warzen / J'éclaterais bien l'Ukraine" (Vladimir P., chanteur et lead-guitar du groupe de rockprog russe "The Moscow Butchers", bientôt de passage dans votre ville si vous habitez à l'Ouest de Kiev)

Elle est fraiche ma nécro :

https://www.liberation.fr/culture/musique/ian-mcdonald-le-sax-de-king-crimson-et-de-21st-century-schizoid-man-est-mort-20220211_TCCJ6DQHVVG6LKDCJY3W6LNCTI/

https://www.rythmes-croises.org/ian-mcdonald-un-birdman-sest-envole-dans-le-vent/

de bien chouettes chroniques sur le disque incriminé (disponibles partout sauf en Crimée)
- en français

https://classicrock80.wordpress.com/2022/02/13/mcdonald-and-giles-mcdonald-and-giles-1970/

 - english spoken

https://presentingmyrecordcollection.blogspot.com/2020/04/mcdonald-and-giles-mcdonald-and-giles.html

http://jivetimerecords.com/2018/08/mcdonald-and-giles-mcdonald-and-giles-island-1970/

https://basilios.wordpress.com/2006/05/01/mcdonald-and-giles-mcdonald-and-giles-1970/

https://jazzrocksoul.com/artists/mcdonald-and-giles/

- l'album sur youtube pour goûter si ça sent bon et de quoi ça parle

https://www.youtube.com/watch?v=LMff9CM7yPU

hors collection et sur devis :
- Pourquoi y-a-t-il quelque chose au lieu de rien ?

https://www.youtube.com/watch?v=zORUUqJd81M

21 façons de rester en paix

https://thework.fr/21-manieres-de-rester-en-paix-selon-byron-katie/

non mais sans blague.

jeudi 10 février 2022

The Sopranos - Music from the HBO Original Series (1999)

Nouvelles têtes sur mon blog de vieux.
Quoique...
J'écoute des vieux disques. Je lis des vieux livres. Je fréquente des blogs de vieux, bien que ce terme soit désormais pléonastique. Pourquoi ne pas regarder des vieilles séries, en attendant la saison 4 de the Marvelous Mrs Maisel qui démarre le 18 février ? Car à vouloir me refaire une culture corporate, j'ai imprudemment ingurgité en l'espace de deux semaines (et sous la menace de la mère de mes enfants) l'intégralité des 4 saisons disponibles de 10 pour cent, la série humoristique française sur le métier d'agent artistique, bien écrite, interprétée et rythmée. A chaque épisode, une vedette de cinéma joue son propre rôle avec une certaine autodérision. Uh-uh. Ça marche du feu de dieu, à tel point qu'un remake anglais est en cours. Il est néanmoins temps de me ressourcer sur mes vraies valeurs hard-boiled badass humanistes nihilistes woke LGBTQAI+.

Au début des années 2000, deux séries télévisées ont bâti des figures du Mal Absolu très réalistes : - Tony Soprano dans Les Soprano, un mafieux italo-américain souffrant de crises de panique qui le poussent à fréquenter une psychiatre, mais qui reste un prédateur-né pendant sa thérapie; il est doté d'un sixième sens pour sentir les lignes de faille en tout être humain puis s'engouffrer dedans pour y jouer son petit air à base de fracturation hydraulique, muni d'une simple perceuse et d'une mêche Ø 12.
- Vic Mackey, flic corrompu des mauvais quartiers de Los Angeles dans The Shield, qui bascule du côté obscur de la Force pour de bonnes raisons au départ, mais après ça se met de moins en moins bien. Ni Glenn Close ni Forest Whitaker ne parviendront à le remettre dans le droit chemin.

Tony Soprano écoutant sa thérapeute (jouée dans le contrechamp par l'immense Lorraine Bracco)
lui raconter l'anecdote suivante : le dimanche 27 août 1909, en fin d'après-midi, Freud, Jung et Ferenczi, accoudés au bastingage, voient New-York se profiler derrière la statue de la liberté.
C'est alors que Freud aurait dit ce mot légendaire qui fait partie de la saga du mouvement psychanalytique : " Ils ne savent pas que nous leur apportons la peste ! " La psychanalyse est alors considérée aux États-Unis comme un cocktail plutôt nauséabond, composé pour moitié de mysticisme et pour moitié de pornographie.

Nous parlerons de tout cela plus tard. Ou alors, j'en parlerai tout seul, seul devant Dieu et mon ordinateur, as usual. Pour l'instant, je ressors mes DVD de la saison 1 des Soprano (titre de la série en français, pour une fois assez bien traduit de l'anglais The Sopranos) qui servaient à caler l'armoire. 
Je regarde les épisodes 3 et 4 en croyant que c'est les 1 et 2, parce qu'aucun signe distinctif n'orne la rondelle du CD et que de ce fait je les ai mal rangés dans les boitiers il y a vingt ans, our sins cast long shadows, mais c'est pas grave, cette Amérique crépusculaire et dépressive, déjà confite dans la nostalgie du business florissant de la pègre du temps de Frank Sinatra et de Dean Martin,  je m'y sens comme chez moi, bien que j'aie grandi à Perros-Guirec, loin du New Jersey, et c'est dire l'influence maléfique de la télévision sur l'imaginaire provincial. 
Sauf que les épisodes sont encodés en 4/3. Je découvre dans un commentaire Amazon que j'ai été la proie des margoulins. L'édition 4 DVD en 16/9 est de loin préférable à l'ancienne édition 6 DVD qui était en 4/3 recadré (malgré les promesses de la jaquette) et qui a été maintenue pendant une durée inacceptable au catalogue français. 

Chouette ! D'avoir été blousé par la mafia des éditeurs de DVD ne va pas m'encourager à acheter les Blu-Ray; d'ailleurs je n'ai pas de lecteur. Hors de question de revisiter en 4/3 une série tournée en 16/9, et je suis contraint de me rabattre avec une joie dissimulée vers le marché noir, qui propose des copies 16/9 en 1080p auprès desquels mes DVD vont ressembler à des VHS. Et j'écoute le premier volume de la bande originale, redécouvrant de bonnes chansons d'Elvis Costello ou de Bob Dylan placées dans une nouvelle perspective. 

C'est des trucs qui n'arrivent que quand on écoute des bandes originales sans savoir pourquoi : en fait, c'était pour voir s'ouvrir des fenêtres auxquelles on n'aurait pas pensé. Mais on ne le sait qu'après.
Putain, c'est beau, ce que tu dis, Warsen. Tu devrais écrire.

https://www.discogs.com/fr/master/72684-Various-The-Sopranos-Music-From-The-HBO-Original-Series


Ne serait-ce que pour la découverte de "The Beast In Me" dans le générique de fin du pilote de la saison 1, chanson de Nick Lowe écrite pour son beau-père Johnny Cash. 
Magnifique.



jeudi 3 février 2022

Sylvain GirO & le chant de la griffe - La rue des lilas (2019)

L'avant-guerre, c'est maintenant : en prélude discret au conflit Russie/Ukraine, que je ne souhaite pas voir éclore mais qui s'annonce un peu incontournable dans les gazettes, John Warsen te propose ce soir deux expériences subjectives de la guerre conventionnelle, expériences antagonistes mais souvent complémentaires, à une époque où l'on pourrait se contenter de se combattre mollement via les drones Amazon de Jeff Bezos : 

- "Quand un soldat "le point de vue du soldat, donc, écrit par Francis Lemarque en 1951 ou 52, le wiki a la mémoire qui flanche concernant la date exacte, mais restitue finement le contexte, parce que des chansons antimilitaristes interprétées par Yves Montand en pleine guerre d'Indochine, ça le fait moyen. 

la photo du disque a été prise par un reporter de guerre,
juste avant qu'il se fasse sauter la rondelle.

Pas n'importe quel soldat : le militaire par défaut. Le conscrit, quoi. Celui qui ne considère pas que "l'ennemi est bête : il croit que l'ennemi, c'est nous" (Desproges) mais qui pense que la guerre est l'ennemie de la vie. Comme le Mattéo de Gibrat, quoi.
Quand un soldat est le précuseur du Déserteur de Boris Vian sorti en 1954, enfin quand je dis "sorti"' c'est une façon de parler puisque les deux chansons seront interdites de diffusion à la radio jusqu'en 1955.
Francis Lemarque recevra tardivement le grand prix de la Chanson française de l'Académie Charles-Cros des mains de Jack Lang en 1981, et sera encore plus tardivement nommé chevalier de la Légion d'honneur, ce qui a certainement réduit d'autant son espérance de vie. 



"La rue des lilas" évoque le point de vue du civil, qui sort lui aussi rarement grandi du conflit, écrit et interprété par Sylvain GirO (2019) qui chante les horreurs de la guerre comme s'il y était.