jeudi 20 juillet 2023

The White Lotus Saison 2 Soundtrack (2022)

Quand le bonheur apparaît, on le reconnaît ;
on se dit : « Ce n’est pas certain », 
et puis il passe.
Quand le malheur apparaît, on le reconnaît ;
on se dit : « Ce n’est pas certain », voilà tout.

Ajahn Chah. « Tout apparaît, tout disparaît :
Enseignements sur l'impermanence
et la fin de la souffrance. »

Salauds de riches. L'accumulation de leur capital, né de la spéculation boursière sur les fruits de la location à bas coût (capitale de l'Azerbaïdjan) de notre force de travail, nous prive de toute possibilité de nous épanouir dans l'hyper-luxe, et le minimum syndical de la décence, ça serait qu'ils soient heureux de dépenser leur argent spolié à la sueur de notre front. Mais penses-tu. Ils se meurent en frustrations et en déceptions, encore plus minablement que des pauvres qui seraient partis claquer intelligemment le pognon des riches.
Je me disais ça hier en revoyant dans ma ford intérieure la galerie de personnages de la saison 2 de The White Lotus, plus ambitieuse, et aussi plus réussie que la 1. C’est assez rare pour être surligné en rouge. Et pourtant, la saison 1 se suffisait à elle-même :

Un hôtel de luxe à Hawaï, parfait condensé des hypocrisies sociales et des injustices qui régissent le monde (...) en six épisodes inconfortables et hilarants, une impitoyable critique d’une certaine Amérique, de ses privilèges et de la façon dont elle écrase les minorités qui l’entourent. Un jeu de massacre pourtant étrangement attachant, porté par une distribution impeccable, dont Connie Britton, parfaite en femme d’affaires workaholic.

A l'époque, je m'en étais fait des gorges chaudes, mais peu profondes.
Problème rencontré et surmonté : qu’est-ce que j’en ai à faire des aigreurs et des déconvenues de ces riches Américains en vacances, avec qui je n’ai en commun que l’air que je respire? Bien sûr, si on remonte 80 000 ans en arrière, on est sans doute sortis du même vagin, l'occasion pour Baptiste Morizot de nous mégabassiner avec son lyrisme éditorial, comme quoi on fait tous partie de la grande tribu du vivant...
trop tard, si on a survécu à l'épisode 1, c'est comme dans Fleabag, la Grande Compassion s’installe, insidieuse... et on rempile pour la saison 2, qui se déroule en Sicile. Par rapport à la première saison, les scénaristes ont eu la bonne idée de sortir les personnages de l’hôtel. Il faut dire qu'elle avait été tournée pendant Confinement_1. Et le romantisme juvénile y est malmené. Ca m’a fait mal pour eux. D’un autre côté, c’est salubre de perdre ses illusions quand on est jeune; on peut encore corriger le tir.
Les effondrements de la masculinité toxique sous les cieux pisseux et confinés de ce complexe hôtelier d'Hawaï avaient quelque chose de cafardeux et de crépusculaire, alors que les débâcles intimes des privilégiés au soleil de la Sicile dégagent quelque chose de frais et de lumineux, soutenues qu’elles sont par la Beauté Rayonnante de Gloire des Siècles Passés des ruines de la civilisation romaine, ses pompes et ses ors, je pense au petit manoir Airb’n’b qu’ils vont visiter en milieu de saison.
La Réalité Réelle Ratée, ça serait mieux en film ?
Voici ce qu'en pense un journaliste du Monde :

Au bout de cinq épisodes (il en reste deux à découvrir), chaque personnage s’est enfoncé un peu plus avant dans son enfer personnel. Tout le plaisir, un peu pervers, que procure The White Lotus tient à la précision de l’écriture de Mike White. Chaque personnage est à la fois une création tragi-comique minutieusement détaillée et un rouage dans le mécanisme du récit. Pour ne prendre qu’un exemple, Bert Di Grasso, le patriarche lubrique que joue F. Murray Abraham, tient, comme tous ses congénères, la ligne de crête entre ridicule et pathétique. Incarnation d’une forme de patriarcat en apparence obsolète, il est aussi le révélateur de la permanence d’un système qui se transmet et se modifie de génération en génération, comme le démontrent le divorce de son fils Dominic (Michael Imperioli) et la fragilité de l’idéalisme de son petit-fils Albie (Adam DiMarco).
Symétriquement, la liberté affichée des jeunes Siciliennes qui hantent, moyennant finances, les nuits des hôtes mâles du White Lotus ne résiste pas longtemps à l’inégalité du rapport de force économique. 

 

Ne l'écoutez pas : les prostituées y sont de magnifiques filles de joie, faisant mentir Brassens, pleines de vie et d’enthousiasme, propres à susciter bien des vocations parmi les rares gourgandines qui verront la série. C’est du grand art sériel, Balzac, Zola, Dostoievski et Bergman se sont penchés sur le berceau du White Lotus, et il faut de plus une vraie convergence de talents et une conspiration de bonnes volontés, pour qu'elle soit aussi réussie sur tous les plans, tout en restant plaisante à regarder. Même le casting est somptueux. A côté de ça, le « Sans filtre » du suédois dément Ruben Östlund, sur le thème des hyper-riches confrontés au prolétariat lors d’une croisière de luxe fait pâle figure. C’est un peu la Grande Bouffe versus L’aventure Du Poséidon, aussi sinistre mais moins grotesque que je ne l'espérais. 
Un journaliste des Inrocks dit tout haut ce que je pense tout bas, dommage que j'aie résilié mon abonnement avant sa naissance.
https://www.lesinrocks.com/cinema/the-white-lotus-versus-sans-filtre-deux-poids-deux-mesures-514131-16-11-2022/
À vrai dire, c’est surtout une raison extérieure à la série de Mike White qui nous fait l’aimer inconditionnellement : la confrontation avec un film qui dans son principe à tout à voir avec The White Lotus, mais en est in fine l’absolu opposé, Sans filtre de Ruben Östlund. On retrouve dans la Palme d’or 2022 beaucoup des composantes de la série : l’isolement de personnages fortunés et puissants dans une situation de villégiature, la description satirique de leur égocentrisme autoritaire comme de leur culpabilité hypocrite, la violence de classe tapie sous la servilité marchande, toutes les lignes de force qui traversent le champ contemporain (problématiques de genre, discriminations sexistes, racisées…) condensées dans un creuset en ébullition…Mais avec une visée similaire, les deux œuvres optent pour des moyens contraires. La série de Mike White sait être fine plutôt que caricaturale, corrosive plutôt que nihiliste, élégante plutôt que grossière. Et surtout n’envisage pas le terrain de jeu de la fiction comme une partie de bowling où il s’agit de dégommer un par un des personnages considérés comme de simples quilles. Sous sa surface plaisamment sarcastique, The White Lotus est une série profondément humaniste. Elle est l’idéal remède à la misanthropie dérégulée et inflammatoire de Sans filtre. Car contrairement au film de Ruben Östlund, elle comporte un filtre. Et c’est un filtre d’amour.
C'est pas usurpé, et d'Östlund, je préfère de beaucoup son film précédent, « The Square », satire ambigüe du milieu de l’art contemporain. Tiens, je vais le reprendre au Shopi, ça devrait plaire à ma crypto-marxiste de femme, et ça sera peut-être votre prochain spectacle. Maintenant y’a plus qu’à attendre que la saison 3 de White Lotus soit tournée en Thaïlande.
Et la musique de la série, au fait ? 
C'est Cristobal Tapia de Veer, donc c'est fouillé et luxuriant.


 Il faudrait aussi vanter les charmes de la sélection de tubes italiens des années 60 entendus pendant la saison 2 de White Lotus, et les réunir en coffret.
Dès que je me casse l'autre pied, je m'y colle;

4 commentaires:

  1. C’est sur quoi à part le piratage, The White Lotus ? À oui, de Veer, j’aime bien aussi.

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  2. Je ne sais pas ( il y a pas marqué Télérama) mais c'est une série HBO.

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    1. Si, si, je vois en tout petit, sous le nombril, "Télémérou"

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    2. Ooooooh, peut-être sur Canal+Séries (je l’ai gratuite via un pack cadeau). Il faut que je vérifie.

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