Manufrance, c'est vraiment la French Touch de la bonne dérouillée que les Boches n'auront pas. |
Au lieu de faire chauffer ma machine à auto-flagellation que j'ai commandée à Manufrance pour Noël afin de me punir d'avoir uppé ici des disques qu'on ne trouvait plus dans le commerce mais des fois quand même, si, je me suis mis à en acheter sur Bandcamp.
Des disques. Bien sûr, si on doit $100 000 à la Mafia, on ne s'acquitte pas de sa dette en achetant une pizza à la pizzeria Cosa Nostra du coin ! Mais il faut bien commencer quelque part.
Bandcamp rémunère les auteurs de façon plus satisfaisante que bien des sites de streaming. En tout cas c'est ce que j'en pensais avant d'oser poser la question à Jak :
" Si j’achète ton disque virtuel sur bandcamp pour 10 €, le minimum syndical suggéré, combien tu touches ?
- Ils m'en prennent un peu mais je garde 82%, et pour aider durant la pandémie ils ne prennent pas de charge le premier vendredi de chaque mois..."
Alors maintenant, chaque premier vendredi de chaque mois, je parcours les immenses rayonnages de cette audiothèque virtuelle qu'est Bandcamp, et j'achète des disques.
Je redécouvre le bon usage d'internet, loin de DarkSide et des ransomwares ukrainiens. Bien sûr, c'est fragile, surtout quand je retombe sur des blogs, des forums ou des trackers bittorrent en open bar, avec des sous-catégories plus affriolantes les unes que les autres, comme du porno lituanien LGBTQAI+ avec des oursons nains.
Li-An est un génie. |
Mais le disque de Jak Belghit, je l'ai acheté. Autant Ferenczy n'a pas besoin de moi pour vivre puisqu'il est mort, autant Jak Belghit, dont le génie est aussi peu reconnu que celui de Li-An ou de Francis Masse, je sais que pour lui, chaque euro compte.
Et je sais que c'est un artiste total : quand il vient manger à la maison et que pour faciliter sa digestion je lui propose de m'aider à scarifier la pelouse, quitte à lui faire l'honneur de lui prêter mon râteau Wolf Multi Star - UGM30, il est capable de passer 4 heures à jouer tout Gershwin sur les verres à moutarde en faisant semblant de ne pas m'avoir entendu.
Par rapport à l'album précédent de Jak, celui-ci est tout grésillant d'électricité, presque autant que quand Jeff Beck s'entoure d'un aéropage de jeunes femmes punkoïdes.
D'ailleurs les deux disques commencent pareil, par des crépitements de cordes frottées pour faire se lever les orages désirés.
Le rêve d'un caillou, d'abord j'ai cru que c'était un hommage à Steve Roach, la personnalité de l'année selon certains influenceurs dont surtout moi, parce qu'il y a du didgeridoo dedans, mais après je me suis dit , ce disque, est-ce que c'est jak qui rêve d'un caillou ou le caillou qui rêve de musique, ou même de jak ? ce qui expliquerait sa résistance quasi minérale face à certains phénomènes apparus dans sa vie devant lesquels il ne rompt ni ne plie, et le disque est surtout plein d'expérimentations électro-acoustiques à base de samples, de percussions trafiquées, de couinements samplés et distordus mais faut pas le dire passque sinon ça fait trop peur et après on peut plus s'empêcher de penser à la séquence de la douche dans scarface avec la tronçonneuse, mais enfin tout un bestiaire s'exalte ici, qui évoque les psychédélices à la fraise, les dragées au poivre, les acides à l'huile motul, et puis on ne sait jamais si c'est Jak qui rêve d'un caillou qui jouerait de la guitare ou l'inverse, mais je crois avoir déjà évoqué ce problème, et nos ingénieurs doivent déjà être sur le coup pour rectifier ça au prochain tir. Aucun titre ne nous guide vraiment vers la solution, ni "chronofer", onirico-concassant, ni "sirènes et cyclopes" , ni les autres.
Elle, si elle faisait des disques sur Bandcamp, je les achèterais pas. J'irais plutôt la voir en concert. |
Force est toutefois de constater que même confiné aux heures sombres dans sa tour d'ivoire de Babybel, uniquement entouré de ses outils informatiques et ses guitares pendant que la femme qui l'aime lui fait à bouffer, l'homme de talent peut accomplir de fantastiques voyages d'Electro Rock Instrumental assis immobile dans son studio sans ressentir à tout bout de champ le besoin compulsif et stérile d'aller consulter sa messagerie gmail. En tout cas c'est vrai que j'étais là tout à l'heure à m'extasier mollement comme une quiche au jambon pas très cuite devant la carrière solo de Robert Plant, qui n'est pas resté les deux pieds dans le même plat de nouilles depuis la fin de Led Zeppelin, alors que Jak Belghit joue quand même beaucoup mieux de la guitare sèche, à condition de se produire sous une bâche pendant les giboulées saisonnières dans cette région quand même humide pour laquelle il a quitté la lésion parigienne depuis un an déjà.