J'ai déjà rippé un vinyle de Maurice (dit aussi Morice, et on pourrait carrément dire Momo en voyant ses photos de jeunesse) sur ce blog mais je n'arrive pas à le retrouver.
Toujours est-il qu'à force d'écouter le concert de Thiéfaine inédit de 78 - qui n'est pas pire que ça - j'ai eu des réminiscences, et je me suis mis à farfouiller dans mes 30 cm au garage, dans la période où l'utopie avait le vent en poupe.
Et voilà comment j'ai fini par fiche mon après-midi en l'air.
Maurice Bénin était un croisement contestataire, contestable et improbable entre / rappelait de très loin par temps de brouillard / Maxime Le Forestier pour les guitares en bois, Léo Ferré pour l'imprécation libertaire, mâtiné de Bernard Lavilliers pour son questionnement sur le rapport au public et sur le statut de l'artiste, tout ça en beaucoup moins rigolo que Font et Val et beaucoup plus biologique que François Béranger.
Je dis cela pour vous faire fuir, car son oeuvre est d'une radicale altérité irréductiblement protéiforme et marginale.
Quarante ans après avoir subi pour la première fois ses harangues métaphysiques, j'en ai encore la chair de poule. Elles me hantent parfois autant que certaines égéries prépubères de l'époque, c'est dire. Certaines restent d'une actualité brûlantes (pas les égéries, depuis longtemps retournées en poussière, les questions, celles qui touchent à l'environnement, au rapport à soi, aux masques sociaux), d'autres ne se posent plus depuis que le gouvernement met des trucs dans notre bouffe pour qu'on ne se rappelle pas des trucs qui fâchent.
A notre époque, avec sa grosse tête de bougnoule protestataire, Maurice se serait sans doute radicalisé sur Internet, par chance dans les années 70 il n'a pu qu'aller vivre en communauté et vendre ses disques par correspondance - c'est comme ça que je me les suis procurés, et ils mettaient un putain de mois pour arriver.
Il faut l'entendre éructer "Parce qu'un jour j'ai dégusté des patates auvergnates / un jour de manifestation de cultivateurs bretons / je suis un chanteur engagé / parce qu'un jour je me suis étonné du prix des chaussettes en nylon / comparativement au prix du beurre / qui ne cesse d'augmenter / je suis un chanteur engagé" avec un accent péruvien sur un air faussement traditionnel pour mesurer combien il pouvait décalotter les cerveaux adolescents sous Pompidou et Giscard.
Rip 192 kbit/s à la platine
scan des pochettes à la main par Skâhn de Traviole
la saucisse du chef est livrée dans son étui
Ça fleure bon la parodie par les Nuls ou les Inconnus. Ce qui ne nous rajeunit pas. Tu es sûr qu’il a bien tourné ?
RépondreSupprimerOui, il n'a pas tourné comme Jean Meyrand, défenseur de la chanson française, mais il aurait pu. Là où beaucoup de libertaires se sont stalinisés, lui s'est tourné vers la poésie. Mais c'est le personnage des premiers albums autoproduits qui me fascine.
RépondreSupprimerAh, voilà donc vraiment un artiste courageux.
RépondreSupprimerBeaucoup le pensent mort ou disparu mais...Môrice Bénin continue tranquillement à offrir ses mots à qui veut l'eécouter.
RépondreSupprimerJe l'ai vu en concert l'an dernier chez l'habitant, dans la campagne bretonne; nous étions une petite cinquantaine et ensuite nous avons partagé un repas tous ensemble.
Un beau moment plein de poésie et de délicatesse.
Belle journée à vous
:-)
La poésie et la délicatesse, c'est ce que j'essaye d'offrir tous les jours à mes éventuels lecteurs.
RépondreSupprimerMerci pour ces bonnes nouvelles de Maurice, et pardon pour l'exhibition des reliques ; c'est plus fort que moi.
Merci de m'avoir aiguillé vers ce post car j'étais complètement passé à côté de ce "Peut-être". Comme toujours avec Maurice le contenant interroge. Et le contenu tout autant !
RépondreSupprimerOui, et en plus, contrairement à Lacan, le signifié n'est pas veuf du signifiant.
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