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jeudi 13 juin 2024

Plus haut dans les ténèbres (sans La France Libre)

La semaine dernière, j'ironisais tristement sur ce pauvre Lalanne, l'écorché vif qu'on aimerait parfois finir à l'épluche-légumes. Cette semaine, Dieudonné et lui, ivres de chloroquine et de victimisation complotiste, auto-séquestrés au siège des cabinets de leur micro-parti La France Libre, n'ont pas été élus aux Européennes 2024.
On respire.
Enfin, presque.
Car on se trouve aussi face aux dégâts collatéraux du scrutin. 
Pas plus tard que cette nuit, un renard s'est introduit dans mon poulailler et il a emporté Blandine, Josette et Odette. C'est pas un truc qu'il aurait fait avant le résultat des élections de dimanche dernier. Le goupil s'est visiblement enhardi, d'autant plus que cette année la mairie a voté la "tonte écologique" du p'tit bois derrière chez moi, traduire "plus de tonte du tout", donc la biodiversité fait 1,50 m au garrot, crache ses pollens tant qu'elle peut, et sangliers et renards peuvent circuler à couvert, même avant le couvre-feu. J'aurais bien aimé accuser la fouine du quartier, qui m'a déjà baisé une poule il y a quelques années, mais justement, selon les indices retrouvés sur place, les fouines n'ont pas le même modus operandi (je vous passe les détails fournis par le médecin légiste, qui n'a retrouvé qu'un cadavre sur les trois)
https://johnwarsen.blogspot.com/2016/01/sale-temps-dans-la-filiere-volaille.html

Blandine, Josette et Odette vous accueillaient à toute heure à la porte d'entrée,
surtout si vous aviez des graines de tournesol dans la poche.

"Fn", le glyphe taggé par le renard comme un Furtif de Damasio au coin du poulailler pour faire injustement accuser la vermine judéo-fouineuse, c'est un peu gros comme pièce à conviction. Et puis si Fouine = Fn, on sait bien que Renard = Rn. On voit bien d'où est parti le coup : les nomades qui vivent dans des tunnels aux confins de la zone périurbaine, et qui tentent de survivre à la boboïsation rampante des campagnes. Les fouines et les renards ont aussi des petits à nourrir, et elles les aiment, comme nous aimons les notres. Bref. Ces poules pondeuses nous avaient adoptés depuis plusieurs années, elles avaient chacune leur petit caractère, car c'est assez intelligent, une poule, malgré un tout petit cerveau; nous avions appris à les connaitre et c'était d'excellents ovipares de compagnie. D'accord, Blandine (la rousse) était LFI et un peu chiante avec ses keffieh et ses drapeaux "Free Palestine" qu'elle étendait au coin du potager (où elle était interdite de séjour pour cause de harcèlement des salades), Josette soutenait Glücksmann en qui elle voyait un nouveau Hollande (sic) et Odette militait activement à Horizons, parce qu'elle avait flashé dans sa jeunesse sur l'alopécie d'Edouard Philippe, la maladie auto-immune qui fit blanchir sa barbe presque aussi vite que les cheveux de Leland Palmer dans Twin Peaks, mais finalement nous parlions très peu politique en leur portant nos restes de repas, et  malgré leur fin tragique elles vécurent une longue et belle vie de poulettes en plein air nourries au grain et sans regarder TFI sur les 1000 m2 de la parcelle dont elles réduisaient la biodiversité (lézards, insectes, rampants et volants) mais produisaient des oeufs, fertilisaient le compost et absorbaient la quasi totalité de nos déchets organiques, excepté nos eaux usées qui partaient vers la station d'épuration, un mot qui revient à la mode. 
On va pas sangloter comme des tafioles, nous consommons du poulet sans états d'âme. Mais là, c'était pas pareil. Jamais nous n'aurions mangé nos poules. 
Et ce gros pédé de chat, il aurait pas pu nous alerter, cette nuit ? il sort beaucoup en nocturne, et c'est aussi un ennemi résolu de la biodiversité, quoiqu'une enfance en zone de guerre ait durablement perturbé ses repères cognitifs. 

Comme Francis et Dieudonné, ce chat a été trop souvent menacé d'être écorché vif
à l'épluche-légumes quand il était petit, et ne s'en est jamais vraiment remis. 
Ici, ses tortionnaires s'en prennent à une innocente courgette du Modem.

Car ce chat était un réfugié assyrien provenant de la ville de Donges, dont le bourg a été anéanti durant les bombardements des 24 et 25 juillet 1944 et reconstruit à 1 km à l'intérieur des terres. La ville est classée en zone à risque Seveso 3 car elle comprend la deuxième raffinerie de pétrole de France et le plus grand terminal méthanier européen, ainsi qu'un certain nombre de sites industriels chimiques. De nuit, la traversée de la zone industrielle de Donges ressemble à un film de Wong Kar Wai sous acide revu par David Lynch sous méditation transcendantale. Si tu allumes ta clope au mauvais endroit au mauvais moment, tu fais un cratère de 50 km, et on entend l’explosion jusqu’à Bordeaux. 
C'est pourquoi les chats y sont réputés plus résistants. 
Le problème c'est que ce chat a conservé des séquelles psychologiques de cette première vie, que comme résistant il n'est pas très fiable, il est plus désormais plus Lacombe Lucien que Jean Moulin, et aussi que les Français ont complètement oublié la différence entre un résistant et un collabo, puisque le pays qui célébrait le Débarquement contre le fascisme il y a une semaine a massivement voté pour le fascisme trois jours plus tard.
https://www.legorafi.fr/2024/06/10/le-pays-qui-celebrait-le-debarquement-contre-le-fascisme-il-y-a-trois-jours-vote-massivement-pour-le-fascisme/
En tout cas la nuit du drame le chat n'a pas bronché, et encore moins lancé l'alerte enlèvement, peut-être qu'il s'est dit que comme il n'était pas ovipare, ça ne le concernait pas, comme nous leurs compagnons à deux pattes quand on a vu la Hongrie, l'Italie, la Slovaquie, être pris en main par l'extrême-droite, puisque nous n'étions ni slovaques ni ritals et encore moins hongrois.

Un camp de vacances pour chats sponsorisés par Royal Canin, j'aurais dû me méfier.

Maintenant que j'y pense, c'est un peu normal qu'il n'ait pas réagi, ça fait un mois qu'il est parti dans un de ces camp de vacances qui ouvrent un peu partout dans le pays, camps pour chats, camps pour islamo-gauchistes, pour musiciens de jazz transgenres (y'en a qui cumulent), dont pas grand-monde ne ressort après la fin du séjour, un peu comme dans le Complot contre l'Amérique de Philip Roth

Allons-nous réagir avant qu'il ne soit trop tard ? 
Sommes-nous promis à la destinée jadis esquissée par François Béranger dans Magouille Blues, et ferons-nous prochainement partie des gens qui s 'ront fichés / Et qui un jour vont s 'retrouver / Dans un stade militairement gardé / Où on pourra toujours chanter ?
En tout cas, c'est pas en râlant tout seul devant sa télé (ou son écran d'ordinateur) que ça va y changer quelque chose. 
Manifester non plus, c'est dans les urnes que ça va se passer. 
Et pas les funéraires. 
Pas tout de suite, en tout cas.
Ach, ach, ach.

J'ai cherché "Front populaire" sur le wiki, mais ça s'est pas très bien fini.
[EDIT du 14/6]

Malgré l'amertume du constat, et la vague brune comme une bébète qui monte qui monte, tout en sanglotant sur mes poules de gauche et en ramassant de l'autre main leurs plumes sur la pelouse parce que le renard en a vraiment foutu partout, je ne pense pas qu'on puisse en trois semaines faire changer d'avis les électeurs du FN de dimanche dernier, qui voteront sans doute pareil fin juin. Ils sont sur le fantasme d'essayer quelque chose d'inédit, après ce qu'ils pensent être l'échec de la gauche et de la droite, qui est surtout l'échec du capitalisme à ne pas nous faire crever
Ce sont les abstentionnistes des Européennes que nous devons essayer de mobiliser partout où nous les trouvons ; le quartier où nous vivons, l'entreprise où nous travaillons, le blog sur lequel nous suons, etc... A ce titre, je trouve plein d'arguments dans In Extremis : la newsletter sur les extrêmes droites que Mediapart diffuse gratuitement si on s'inscrit ici

J'ai retrouvé le dernier selfie que mon fidèle Pandémiaou m'a envoyé de son camp de vacances
avant de se murer dans un silence inquiétant. Il avait l'air de bien s'amuser, 
mais il y avait quand même des indices qui auraient dû me mettre la puce à l'oreille. 
J'étais peut-être trop occupé à militer sur les réseaux sociaux pour que les renards deviennent vegan,
ou encore à dénoncer l'addiction à la pornographie sur les forums consacrés à la dépendance sexuelle.
" On asservit les peuples plus facilement avec de la pornographie qu'avec des miradors."
disait Soljenitsyne. Finalement, si on fait rien, on aura les deux.


jeudi 23 mai 2024

Jean-Jacques Charbonier - Contacter nos défunts par l'hypnose (2018)

Tout est dit dans le titre.
Le Royaume du bullshit s'étend au delà.
Si j'avais réfléchi un peu,
je me serais épargné cette rédaction.
Je crois en avoir eu conscience un bref instant,
puis je suis parti à délirer.
extraits de mails
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27/02
salut gars !
...loin de moi l’idée de repiquer au vieux truc du canular téléphonique ou cybernétique, cette blague de jadis qu'on se faisait à deux, un farceur et un farcé, qui a été remplacée par les fake news, version à plusieurs infiniment triste dans laquelle le locuteur croit et surtout veut faire croire à la foutaise qu’il émet comme une « vérité alternative » ... mais quand même, ce matin j’étais au Leclerc culturel, en train de maugréer contre l’absence en rayon de l’intégrale de Raymond Chandler, et en passant devant le rayon « ésotérisme et bricolage », je remarque une couverture rigolote : « Contacter nos défunts par l’hypnose », alors je me dis « tiens, enfin une suggestion de mauvais goût à faire à LJ pour sa copine coincée dans son deuil », en plus la couverture s’orne d’une promesse du célèbre bonimenteur Guy Trédaniel, qui dit que ce livre va « contribuer à l’émergence d’une civilisation post-matérialiste et d’un monde meilleur » dont je venais de discuter avec le commis du Leclerc Poissonnerie, qui était bien d’accord que ça urgeait parce que si les dauphins venaient manger les poissons près des côtes et provoquaient l’interdiction de sortie des chalutiers, Guy Trédaniel était sans doute mieux placé que Michel-Edouard pour savoir qu’est-ce qui était bon pour la planète, et pour le remercier de ce moment d'échange je lui ai pris sa langouste royale vivante qui était en promo à 114€ le kilo. 
Mais je m’égare, car cinq minutes plus tard au rayon « marivaudage tantrique et épilation des chakras » , je dévore la quatrième de couverture de « Contacter nos défunts par l’hypnose », parce que je ne vois pas revenir ma femme du rayon littérature générale, elle est coincée sous un éboulivres (un éboulis de livres) de piles de Guillaume Musso et de Maxime Chattam qui se sont effondrés à son passage, mais j'en ignore tout, et je me mets à ricaner, car je découvre que Jean-Jacques Charbonier, l’auteur de « Contacter nos défunts par l’hypnose », a aussi écrit « J’ai envoyé dix mille personnes dans l’au-delà » et apparemment il n'est toujours pas en cabane !

Qui se souvient de Lobsang Rampa ?
Certainement pas les Tibétains.
Bien sûr, je lutte contre le sentiment de supériorité qui s’empare de moi devant cette réédition en poche et chez J’ai Lu de « Contacter nos défunts par l’hypnose »qui m’évoque les plus grands succès de leur ancienne collection "l'aventure mystérieuse", comme Le Troisième Oeil de Lobsang Rampa, dont me bassinait Arnaud J. (takavouar où ça l’a mené), et toutes les billevesées que nous ingurgitâmes goulûment lorsqu’adolescents nous fûmes pris de l’envie de chercher d’autres mythes que ceux que voulait nous imposer René Haby (ministre de l'éducation quand nous étions lycéens, NDLR)
Je ne peux pas me payer le luxe spirituel de mépriser spontanément les chercheurs en au-delà, les marchands de portes ouvertes sur l’infini et de vérandas karmiquement profitables. Le dernier Goossens devait révéler les secrets d'une pose réussie de la porte de l’univers, en fait il y a juste une blagounette terrible sur Corto Maltese que je t’ai mise là :
https://jesuisunetombe.blogspot.com/2022/06/daniel-goossens-la-porte-de-lunivers.html
Je revois très bien mon père suggérer d'un air entendu « on a écrit des bibliothèques entières sur les vertus de la prière » et je me rappelle avoir connu des temps difficiles où moi aussi j’errais au rayon spiritualité de la Fnac (le Leclerc culturel de l’époque, devenu le Darty de maintenant) dans l’espoir d’y trouver des ouvrages inspirés qui me réconcilieraient avec mes dysfonctionnements les plus gênants (pour moi et pour les autres) bon je m’arrête là sinon tu vas croire que j’ai repris des champis ou pire, des antideps. J’ai emprunté sur internet une version électronique du très saint livre « Contacter nos défunts par l’hypnose », je le lirai pendant ma sieste de midi et je te dirai si ça vaut kekchoze, surtout si comme je le suspecte t’en as moins que rien à taper ! Heureusement que je reprends le collier demain ! J’ai bien fait de me vanter hier que je n’écrivais plus !
a+

Y'en a que 7 de bonnes, 
mais une infinité de mauvaises. 
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19/04
D. va mieux. Il m'appelle beaucoup moins souvent, et il est plus posé; je ne le sens plus du tout dans l'émotionnel déconstruit dû aux effets secondaires de son trauma crânien; tu as sans doute constaté toi aussi une baisse de la fréquence des appels, et une volubilité moindre. Bon, hier soir il m'a appelé, je voyais pas trop le motif, et il a mis un moment à me cracher le morceau, il avait fait piquer son chat le jour même, son chat, putain, la seule personne avec qui il avait des rapports humains, donc je lui ai suggéré de prendre le temps du deuil, que c'était quand même difficile, 
qu'il fallait accepter la tristesse etc...

Le titre est du côté obscur de la farce.
10 000 personnes parties dans l'au-delà,
et pas un seul apparte qui se soit libéré ?
d'où la crise actuelle du logement d'occasion.



De mon côté, je chemine aussi vers la sobriété émotionnelle, surtout depuis que j'ai lu l'ouvrage dont je t'avais parlé, "Contacter nos défunts par l'hypnose", et la TransCommunication Hypnotique m'apparait encore plus sujette à caution après l'avoir parcouru qu'avant.
Sans doute qu'il faudrait mesurer la valeur de ces thérapies à l'aune des bienfaits qu'elles apportent aux hommes et femmes dévasté.e.s par l'affliction du deuil, plutôt qu'à leur absence totale de base scientifique; m'enfin, après avoir lu le bouquin, je trouve que ça craint un peu, et comme disait Clémenceau, la tolérance, y'a des maisons pour ça. J'ai l'impression que le docteur Charbonier s'adresse à des âmes simples, et exploite leur détresse née d'un chagrin sans remède. 
On pense à Macbeth, acte 5 scène 3, surtout quand on vient de le lire chez FeydRautha :

« Ne peux-tu donc soigner un esprit malade, arracher de la mémoire un chagrin enraciné, effacer les soucis gravés dans le cerveau, et, par la vertu de quelque bienfaisant antidote d’oubli, nettoyer le sein encombré de cette matière pernicieuse qui pèse sur le cœur ? »

On pense à Blackula, prince des Ténèbres Noires, quand il m'écrivit à propos d'une amie disparue : "Elle avait l'air cool comme meuf. L'avantage avec la mort c'est qu'on y passe tous. Du coup impossible d'être tristes trop longtemps." Et sa parole fut un baume sur ma plaie. Le même Blackula qui m'avait réconcilié avec Dieu, le jour où il m'avait avoué :

"I prayed to god for a bicycle, but then I realized god doesn't work like that, so I stole a bicycle and prayed for forgiveness. "

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brouillon de mail
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13/05

Aah, voilà. Là, on voit un peu mieux
où il voulait en venir.
Ca sent le complot facile.
La mort d’un être cher est révoltante. 
Même après celle de tant d’autres, même si à partir d'un certain âge, ça devient une routine, certains trépas semblent injustes, inacceptables, et on se dit qu'il y aurait de quoi mettre Dieu aux Prud’hommes. On hésite à lancer la procédure, parce qu’on sait qu’il est rare qu’Il Daigne Se Pointer à l’audience. Et pour dire quoi ? Il nous ferait ses petits raisonnements à la con, comme quoi la mort n'est pas le contraire de la vie, que la vie n'a pas de contraire, que la mort c'est juste l'inverse de la naissance, juste un passage, et ça nous ferait une belle jambe. On l’Imagine Très Occupé à chercher une nouvelle hypothèse de travail, après avoir foiré avec les dinosaures, et pourtant ils étaient bien partis, c’est ballot qu’au bout de 160 petits millions d’années une bête météorite ait mis fin à leur civilisation, après avoir foiré avec l’homme, à peine 300 000 ans pour foutre la planète à feu et à sang, bravo les gars, vous passerez prendre votre chèque à la réception, inutile de laisser un CV, on vous rappellera pas.
Alors comment faire son deuil ? après les désolations, on se tourne vers les consolations spirituelles. Et dans l'état de faiblesse de l'endeuillé, pourquoi pas l'hypnose, si on a été assez fragilisé, et pourquoi pas l'irrationnel, puisqu'aucune réponse satisfaisante n'émerge, et que la mort reste scandaleuse ? 
C'est comme ça que Conan Doyle avait sombré dans le spiritisme après la perte de son fils, lui qui était l'incarnation même de la raison et de la logique hypothéco-déductive. 
Dans les voyages organisés par Jean-Jacques Charbonier sous transe hypnotique pour rencontrer ses proches disparus, les défunts se présentent toujours sous leur meilleur jour, bien habillés, jeunes et en bonne santé, heureux et cools, ils profèrent des conseils d'un conformisme rare et d'une mièvrerie insondable, "tu as fait le bon choix", "tu as bien travaillé, tu peux être fier de toi", ils font tous les mêmes grimaces compassées, derrière lesquelles on devine le (manque de) talent littéraire de Jean-Jacques lui-même, et bien joli qu'il n'ait pas tout inventé lui-même.
On est dans un au-delà atrocement cucul-la-praline. Au moins, ça donne envie de ne jamais mourir, pour ne pas risquer de revenir sous forme de zombie shooté à la guimauve. Et s'il existe une après-vie, ce dont je ne puis présumer ici, n'étant encore jamais mort, laissez-moi vous dire que vous lui faites une piètre publicité, monsieur Charbonier. 
Les ouvrages de Philippe Charlier sur la mort et l'au-delà, et les croyances qui vont avec, me semblent infiniment plus sensés que les votres.  Enfin (d'article) on découvre sur votre wiki votre vrai visage de fripouille de l'après-vie, bon vivant à la tête d'un juteux business de réconfort hypnotique d'endeuillés, sans parler de vos positions scabreuses sur le Covid et les extraterrestres, et on se dit que la prochaine fois qu'on passera à la librairie du Leclerc culturel, on évitera de regarder les ouvrages en tête de gondole, même pour rire; d'ailleurs, n'avait-on pas cessé d'écrire ? 

Pour aller plus loin :




https://www.mediacites.fr/enquete/toulouse/2019/04/23/il-pretend-aider-a-contacter-les-morts-le-business-du-sulfureux-docteur-charbonier/ 

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[EDIT du 26/5]

J'apprends à l'instant que David Cronenberg (81 ans), veuf depuis 2017, imagine dans "Les linceuls", présenté cette année à Cannes, une façon moins ésotérique de rester en contact avec les défunts.

"Karsh, riche entrepreneur de Toronto, entre autres de pompes funèbres high-tech, ne se remet pas de la mort de sa femme, Rebecca (Diane Kruger). En conséquence, il a mis au point un système de tombe connectée, qu’il commercialise dans son parc de cimetières équipés. Au cœur de cette technologie, un linceul équipé de capteurs prend une image par contact du corps enseveli, retransmise sur un écran intégré à la pierre tombale. L’ingénieur inconsolé peut ainsi suivre au jour le jour la décomposition du cadavre adoré : la relation se perpétue au-delà de la mort, pour un corps qui continue de se transformer. Mais Karsh observe bientôt à la surface du squelette la formation d’étranges nodules qui l’alertent sur l’intégrité de la dépouille."

https://www.lemonde.fr/culture/article/2024/05/20/cannes-2024-les-linceuls-david-cronenberg-a-la-vie-a-la-mort_6234472_3246.html

L'article manque de précisions, comme le souligne un malicieux lecteur : 

"splendides scènes oniriques d’une grande puissance d’émotion – les étreintes nocturnes dont Karsh rêve la nuit avec le fantôme de sa femme au corps rapiécé, strié de cicatrices, tombant en lambeaux"...Ok. Mais on voit les vers ? Parce que sinon, j'y vais pas."

Je ne vais pas me bousculer pour aller le voir, je préfère les Cronenberg des années 80, mais ça m'a pas l'air plus insensé que la méthode à Jean-Jacques. 

jeudi 2 février 2023

Dead can dance - Spirit (1993)

Allons bon. 
V'là autre chose.
Ma belle-mère nous a quittés ce matin, après une longue bonne santé (95 ans). 
Elle va pouvoir bientôt danser la gigue gothique sur Dead can Dance
J'ai récemment re-flashé, sans doute en prévision de l'évènement, sur leur éblouissant "Spirit", paru jadis sur Into The LabyrinthEnfin, dans certains pays, parce que dans d'autres c'était une piste en bonus sur "A Passage in Time" deux ans plus tôt. 
https://en.wikipedia.org/wiki/A_Passage_in_Time_(Dead_Can_Dance_album)
-heuuuu... attends un peu, je veux bien croire que y'a pas d'heure pour geeker, et puis ça détend l'atmosphère, mais tu crois pas qu'on s'en fout un peu, alors que mamie est fraichement mourue, et son corps encore tiède ?
Anyway, la chanson est inusable, et pourtant très peu usée.
A ma belle-mère, elle va comme un gant de toilette mortuaire.

I thought I'd found a reason to live
Just like before when I was a child
Only to find dreams made of sand
Would just fall apart and slip through my hands
But the spirit of life keeps us strong
And the spirit of life is the will to carry on
Adversity what have I done to you
To cause this reclusive silence
That has come between me and you?

Aah, (et même aargh !), punaise, Dead Can Dance... toute ma jeunesse ;-))))
Well, say therefore... 
(ben dis donc, en anglais), 
faut croire que rouvrir le caveau me rend bavard. 
Je déborde de liens hypertexte, pas de larmes. 
A quoi bon ? elle a bien vécu, elle fut une meilleure grand-mère pour mes enfants que mon père ne le sera jamais même en se faisant opérer des amis d'Al, 
C'est d'autant plus facile à dire que je n'étais pas à ses côtés. 
Elle vivait à 650 km d'ici. 
Son décès était attendu, mais pas programmé. 
Adieu, mamie.
Je me rends à ta sépulture en sautillant à cloche-pied, puisque je me suis cassé l'autre le 31 décembre dernier, sur le port de Pornic, frétillant de joie mais un peu jauni à l'idée d'entrer dans la soixantaine, tonton tontaine. 
A mon retour, j'irai écouter sur mes béquilles les nouveaux Dead Can Dance, puisque ils font rien qu'à copier sur moi, ils se quittent, ils se reforment, se dissolvent à nouveau puis se réagrègent... prétextant tout comme moi des raisons obscures, qui font ricaner même les auto-addictologues les plus endurcis.

https://www.verdammnis.com/news/dead-can-dance-decoche-une-nouvelle-fleche

https://en.wikipedia.org/wiki/Into_the_Labyrinth_(Dead_Can_Dance_album)

https://pitchfork.com/reviews/albums/16906-anastasis/

(sur lequel ils reprennent peut-être Béranger : Anastasis, l'ennui m'anesthésis...)

jeudi 20 octobre 2022

Philippe Charlier - Comment faire l’amour avec un fantôme ? (2022)

VOIR L’INVISIBLE — Fantômes, “yokai”, ancêtres, zombies… D’où vient le besoin de jeter des ponts avec le monde des esprits ? La question hante le médecin légiste, archéologue et anthropologue Philippe Charlier, auteur de “Comment faire l’amour avec un fantôme ?”.
Philippe Charlier dans son bureau du musée du Quai Branly,
où il dirige le département de la recherche et de l’enseignement, le 30 juin.
“Dans de nombreuses sociétés, l’invisible est cet espace
qui fait le lien entre les non-humains et les humains”


Quand on appelle le médecin légiste, il est toujours trop tard ; il n’est en revanche jamais trop tôt pour se con-fronter à l’invisible. Après s’être intéressé aux cadavres, Philippe Charlier, médecin, anthropologue et archéologue, né en 1977 — alias « Doc trop tard » sur Twitter —, se con-sacre désormais aux fantômes. Les fantômes, avez-vous lu ? Oui, ces êtres invisibles qui hantent le monde des vivants, d’où ils n’ont donc pas irrémédiablement disparu… « Je travaille autour de ceux qui refusent de voir la mort comme une fin inéluctable, mais qui la considèrent au contraire comme un passage, explique celui qui, en 2018, est aussi devenu directeur du département de la recherche et de l’enseignement au musée du Quai Branly. Dans de nombreuses sociétés extra-occidentales, l’invisible est cet espace qui fait le lien entre les non-humains et les humains, les deux mondes n’étant pas séparés. » Dans son bureau ouvert sur le mur végétal du musée, qui réunit plus de trois cents espèces de plantes, Philippe Charlier est décidément très bien entouré : des œuvres d’art et objets rituels en tous genres issus de -civilisations d’Afrique, d’Océanie, d’Asie et des Amériques cohabitent. « Ici, nous ne sommes pas seuls, avec tous les fétiches qu’il y a »… Bienvenue dans l’invisible.

Est-ce votre activité de médecin légiste qui vous a conduit à vous tourner vers l’invisible ?

J’ai pratiqué quelque deux mille autopsies sur une période de dix ans, tout en travaillant en archéologie sur quantité de squelettes et momies. À force d’être confronté à ces corps issus d’époques et de civilisations différentes, je me suis interrogé sur l’éthique des pratiques humaines autour de la mort. Je ne suis pas fasciné par les cadavres en tant que tels… Je m’intéresse en revanche à l’ensemble des rituels mis en place pour accompagner l’agonie et faire -accepter le décès. Jusqu’aux croyances dans l’au-delà qui soutiennent le pari de l’existence d’un autre monde. La mort est alors considérée comme une porte ouverte sur un monde invisible, et notre existence terrestre comme entourée, en permanence, par les défunts, les revenants, les fantômes, les esprits, et aussi ceux qu’on appelle les supra-humains, les ancêtres mythiques, les créatures surnaturelles, comme les yokai au Japon ou les loas en Haïti. C’est ce lien incessant entre la mort biologique et sa dimension anthropologique qui m’intéresse.

Comment définir cette « anthropologie de l’invisible » ?

Je ne me suis jamais posé la question de savoir si les fantômes existaient, mais pourquoi les gens y croyaient. À qui profitent les revenants et leurs manifestations ? Aux vivants, car ces apparitions sont toujours là pour mettre en évidence ou résoudre un problème, réparer une injustice. L’anthropologie de l’invisible consiste à mieux comprendre comment et pourquoi certaines civilisations établissent de telles relations entre les humains et le surnaturel. À quoi correspond cet au-delà ? Quelles sont ces entités invisibles ? Comment communiquer avec elles ? Qu’apportent-elles aux humains, sachant qu’elles ne sont pas toutes bienveillantes ?

Pourquoi fascinent-elles autant ?

Aujourd’hui, l’invisible régresse partout, dans les sciences chimiques ou physiques, en géographie, etc. Grâce aux progrès exponentiels de l’imagerie, on commence à pouvoir tout voir. Le médecin légiste que je suis est bien placé pour le savoir : lors d’une autopsie « blanche », on peut ne trouver aucune cause du décès, mais la microscopie ou la toxicologie peuvent révéler une anomalie, l’invisible devenant ainsi visible. Alors que la science occupe tous les champs aujourd’hui, les domaines les moins explorés par elle, comme la mort et l’au-delà, deviennent le refuge de multiples croyances. Si les pratiques religieuses et spirituelles extra-occidentales ont autant le vent en poupe, c’est parce que l’on va y chercher l’invisible.

L’invisible, c’est l’irrationnel ?

Je préfère le terme de surnaturel. L’irrationnel, c’est ce qui n’obéit pas à l’entendement, à la raison humaine. Le surnaturel, c’est ce qui est au-delà de la nature classique, au-delà de sa classification biologique et encyclopédique. J’aime à dire que l’invisible, c’est ce qu’on voit mieux quand on ferme les yeux… Tous nos sens sont alors mis en valeur pour saisir l’insaisissable, et permettre aux initiés de sentir, d’entendre parfois, les signes de la présence de ces entités surnaturelles. Nombre de cérémonies en lien avec les revenants se déroulent d’ailleurs à la tombée du jour parce que l’on fait alors moins bien la différence entre ce qui est réel et ce qui est fantasmé, entre ce qui est palpable et ce qui reste indéfinissable. Les fantômes peuvent apparaître quand on les appelle via un médium ou des objets intercesseurs (masques, fétiches, statues, vêtements cérémoniels…). Vers 1900, par exemple, des seins d’Eva Carrière (1884-1943), la « papesse des matérialisations », coulaient des filets ectoplasmiques… C’est par le corps érotisé de la médium qu’une partie du fantôme se manifestait, devenait palpable.

Pourquoi est-ce à la fin du XIXe siècle, au moment où la science triomphe, que le spiritisme s’impose ?

En effet, Thomas Edison (1847-1931), le scientifique américain, a inventé le phonographe, ancêtre du téléphone, mais aussi le nécrophone, qui devait permettre d’entrer en communication avec les morts ! Pour « placer le spiritisme sur une base scientifique […] et écarter définitivement les charlatans et les médiums », écrivait-il dans Le Royaume de l’au-delà. De nombreux autres scientifiques ont adhéré à des croyances surnaturelles. L’astronome Camille Flammarion (1842-1925), qui fréquentait des médiums, croyait aux fantômes, et tout un fonds photographique le montre dans des séances de tables tournantes. En tant qu’homme de science, il voulait explorer le pouvoir de l’esprit, les forces physiques, mécaniques, ou encore inconnues, que celui-ci pouvait exercer.

Le christianisme, de son côté, a parfois pris en compte le surnaturel pour légitimer les prières en faveur des âmes errantes du purgatoire…

C’est encore le cas à Naples, où il y a énormément de petits autels qui leur sont dédiés. En fait, les fantômes ont servi le christianisme lorsque l’Église a été décontenancée par l’avancée du cartésianisme — pour Descartes, Dieu existe mais il n’a qu’un rôle secondaire. Mais devant l’importance prise par le spiritisme devenu une quasi-religion, l’Église a réagi en mettant à l’index les livres du fondateur de la philosophie spirite, le Français Allan Kardec (1804-1869). Les ouvrages de spiritisme étaient même brûlés sur le parvis de la cathédrale de Barcelone.

Certaines conditions historiques favorisent-elles l’attrait de l’invisible ?

Ce fut le cas lors de la guerre de Sécession, aux États-Unis (1861-1865), quand le deuil des victimes, dont les corps n’avaient pas été retrouvés, était impossible. Pour que la mort soit acceptée, le mort doit être à sa place, ni trop près ni trop loin des vivants. Dans un tout autre contexte, la pandémie de Covid-19 a également entraîné une résurgence de croyances occultes. Partout en France de nombreuses familles se sont tournées vers le spiritisme, quand elles n’ont pu accompagner le proche mort et procéder aux rituels funèbres : pas de toilette pour les musulmans, pas de prière au moment du dernier souffle pour les juifs et les chrétiens. Ces « mauvaises morts » font rôder des âmes errantes, des fantômes et revenants insatisfaits. Une des façons de les apaiser est d’entrer en contact avec eux. Certaines personnes, on le sait, sont mortes seules durant l’épidémie. Une image qu’on a appelée « la main de Dieu » m’a bouleversé : le personnel soignant avait mis un gant en latex rempli avec du sérum physiologique chaud sur la main d’un patient pour qu’il ait l’impression qu’on lui tenait la main.

Dans votre livre, Picasso sorcier, vous évoquez un autre gant : celui de la photographe Dora Maar, couvert de sang…

De double ascendance italienne et arabo-andalouse, Picasso était très superstitieux. Grand collectionneur d’arts extra-européens, il prêtait une âme aux objets et ne laissait jamais traîner ses cheveux, ses ongles, ses vêtements, les traces de son sang ou de son écriture, craignant la magie noire et les envoûtements. Il confiait ces parties de lui-même aux femmes de sa vie et recueillait les leurs… Parmi ces reliques, le sang de sa muse Dora Maar sur un gant, voire des morceaux de la peau des pieds de sa compagne Marie-Thérèse Walter, sur lesquels il écrivait ! Le peintre était en alerte permanente, par crainte que des forces invisibles le possèdent et se retournent contre lui. La matérialité de son œuvre était une façon de se protéger de ce risque, et d’exercer une emprise sur le monde. Mystérieux génie dont le corps fut embaumé, Picasso se pense démiurge, dieu créateur, et associe femmes et enfants à sa création, en incorporant à ses œuvres des petits bouts de lui-même et de ses proches.

Des rites qui ne sont pas sans évoquer le vaudou, sur lequel vous avez beaucoup écrit.

Dans le vaudou haïtien ou béninois — mais aussi au Cameroun ou en Thaïlande —, on ne laisse rien traîner de soi. Il n’y a vraiment qu’en Occident qu’on oublie ses cheveux chez le coiffeur… Les poupées vaudoues en Haïti, achetées à l’entrée des cimetières, et ouvertes au niveau du flanc gauche comme les momies égyptiennes, sont ainsi remplies des traces de la personne ciblée, la future victime : ses notes manuscrites, sa signature dans l’idéal, ses cheveux, ses ongles, ou encore de la terre de son habitation, un bouton de chemise, une boucle d’oreille, etc. La poupée est ensuite clouée, près d’une tombe, à un arbre dont la sève est supposée être le sang des morts. Les défunts vont alors devenir les postiers infernaux de la transmission du mauvais sort.

Les zombies sont-ils aussi associés au mauvais sort ?

Le fantôme est une âme sans corps ; le zombie, un corps sans âme. Il en existe environ cinquante mille en Haïti, qui n’ont rien à voir avec les morts-vivants putréfiés des films de George Romero ou des séries comme The Walking Dead, qui reposent sur la peur panique du retour des morts, sur le fantasme de la mort contagieuse. Ces zombies-là sont au contraire réels et bien vivants ! Après le séisme de 2010 en Haïti, et la misère et le chaos qui s’en sont suivis, a eu lieu une véritable épidémie de zombies. Voleurs, violeurs, assassins, néfastes à la société, furent alors « zombifiés », c’est-à-dire jugés, enfermés dans des cercueils et drogués par des sociétés secrètes vaudoues qui en firent ensuite des esclaves dans des champs de canne à sucre. D’autres sont des personnes qui ont tout perdu, famille et biens, et qui vont volontairement remplacer un disparu dans une autre famille, combler un manque. Ces zombies incarnent une mort sociale, qui rappelle celle que l’on connaît en Occident. J’ai été médecin de prison pendant trois ans, confronté à des patients en état d’invisibilité sociale, comme le sont les SDF, certains pensionnaires des Ehpad ou chômeurs de longue durée.

Dans Autopsie des fantômes, vous évoquez la photographie spirite qui, au XIXe siècle, a participé de « la fièvre de l’au-delà ».

Elle est effectivement apparue de façon concomitante avec le spiritisme et prétendait fixer sur plaques des entités surnaturelles que l’œil ne voyait pas. Le photographe américain William H. Mumler, en 1861, sur la photo de son autoportrait a vu celle de son cousin mort douze ans auparavant. En réalité, il ne s’agissait que d’un défaut de -nettoyage de la plaque mais le procédé pouvait se révéler lucrativement profitable. Dans le même genre, une photo célèbre représente la veuve d’Abraham Lincoln photographiée avec, en arrière-plan, la silhouette spectrale de son mari. Des milliers de personnes ont ainsi voulu se faire photographier avec un défunt, même quand, assez rapidement, des procès ont établi la supercherie du procédé. Mais ça ne mit pas fin à la frénésie technologique de nombreux chasseurs de fantômes se lançant dans l’expérimentation de nouvelles machines. Il reste que, dans d’autres contextes culturels, la question se pose différemment. En Haïti, par exemple, la photo s’incline.

Que voulez-vous dire ?

Les zombies sont visibles, mais on ne peut pas les photographier tant qu’ils sont sous l’emprise d’un sortilège. J’ai ainsi tenté d’en prendre un en photo alors qu’il travaillait dans un champ de canne à sucre, et j’ai vécu une expérience qui se situe entre ma culture scientifique et le surnaturel. Sur tous mes clichés, en effet, j’ai bien capturé le paysage mais pas le zombie, qui aurait dû être au milieu du cadrage…

Comment l’expliquez-vous ?

Je ne l’explique pas rationnellement et suis à la limite de ma zone de confort scientifique. Avant l’exposition sur les zombies, qui se tiendra au Quai Branly en 2025, j’aimerais bien tirer au clair cette question du zombie que j’avais photographié et qui n’apparaît pas. Car si c’est un fait qui est reproductible, le phénomène devient vraiment intéressant sur le plan scientifique.

 - Débats & Reportages -
article de Gilles Heuré, Juliette Cerf paru dans Télérama le 01/08/22


PHILIPPE CHARLIER EN QUELQUES DATES 

1977 Naissance à Meaux. 
2002 Thèse en médecine légale et anatomopathologie. 
2005 Thèse en archéo-anthropologie. 
2014 Thèse en éthique biomédicale. 
2015 Zombis. Enquête anthropologique sur les morts-vivants (éd. Tallandier). 
2018 Directeur du département de la recherche et l’enseignement du musée du Quai Branly-Jacques Chirac. 
2021 Autopsie des fantômes. Une histoire du surnaturel (éd. Tallandier) et Comment faire l’amour avec un fantôme ? Anthropologie de l’invisible (éd. du Cerf). 2
021 Dirige la collection « Terre humaine » (éd. Plon). 
2022 Picasso sorcier, avec Diana Widmaier-Ruiz-Picasso (éd. Gallimard).

À lire

Comment faire l’amour avec un fantôme ? Anthropologie de l’invisible, éd. du Cerf, 248 p., 20 €.

Autopsie des fantômes. Une histoire du surnaturel, éd. Tallandier, 320 p., 20,50 €.

vendredi 10 décembre 2021

La veuve Wolinski a rejoint son mari, où qu'il soit (ou ne soit pas)

Maryse Wolinski, romancière et journaliste, qui a partagé la vie du dessinateur Georges Wolinski pendant quarante-trois ans, est morte à 78 ans des suites d’une maladie.
Quand on lui demandait comment il appréhendait la mort, Georges Wolinski répondait par cette boutade : « J'ai dit à ma femme : tu jetteras les cendres dans les toilettes, comme cela je verrai tes fesses tous les jours. »

Wolinski a inventé le selfie de cul
au moins 50 ans avant que ça existe en vrai.
Respect pour sa femme.


Benicio Del Toro peignant Léa Seydoux dans un sketch du French Dispatch de Wes Anderson,
sous le regard complice de Wolinski

dimanche 5 décembre 2021

David Bowie - Toy (2001)

Sur discogs il existe tout plein de pochettes différentes de l'album "Toy" de Bowie
une sorte d'album imaginaire qui ne fut pas publié après son enregistrement en 2001, qui fuita clandestinement lors des BowieLeaks en 2011 et qui vient d'avoir une "vraie" sortie en 2021, lors de la parution du coffret de 11 CD "Brilliant Adventure (1992-2001)", une rétrospective des sous-produits de la créativité débridée dont l'alien angliche fit preuve pendant cette décennie. Si la pandémie ne vous a pas déjà fait attraper la pauvreté, une occasion de s'endetter pour les fêtes, dont je puis vous prêter une copie pirate avant l'achat sans trop de re-morts car l'auteur est définitivement à l'abri du besoin et des soucis créatifs et financiers depuis fin 2016. Je ne suis pas un thuriféraire de Bowie, je suis sensible à certains aspects de sa personnalité et de son oeuvre, mais là c'est quand même l'occasion d'un petit cadeau virtuel et inédit (en principe) à destination des inconditionnels argentins désargentés.


"Brilliant Adventure (1992-2001)" : pour les fans, une tuerie. Pour leurs amis, juste une idée de cadeau.

Un rappel inopiné de l'affaire, inspiré par un journaliste du Monde passé boire un coup hier à l'improviste sur ma tombe :

Après lui, j'avais rencart avec un gars de Rolling Stone, encore plus pointu car après tout ce sont des musiciens frustrés professionnels :

celui d'un fan aigri par les privations, et moins soumis aux pressions des annonceurs :

Enfin, mes confrères de télérama, sans qui j'aurais du mal à savoir quoi télécharger pendant mes loisirs :

Petit événement de l’année, la présence dans ce coffret (avant une sortie indépendante au début de l’année prochaine) de Toy, disque enregistré en 2000 et aussitôt mis au rebut. Le projet est singulier, une relecture des chansons de jeunesse, certaines connues (London Boys), d’autres non. L’enthousiasme est palpable, un désir ardent de faire voyager les souvenirs et de leur donner une actualité. C’est parfois réussi – sur une version ralentie et lyrique de Conversation Piece, ou sur un Silly Boy Blue baroque –, parfois anecdotique et lourd. Une curiosité qui n’aurait sans doute bouleversé personne au début du millénaire. Et qui s’apprécie aujourd’hui comme une étrange pièce du puzzle.



" Religion is for people who fear hell,
spirituality is for people who have been there."
R.I.P. David Bowie
Ce que j'aime chez Bowie :

- sa prestation d'extraterrestre paumé dans "L'homme qui venait d'ailleurs", le film malade de Nicholas Roeg, dont tous les films sont malades mais ils sont bien quand même.

- l'album "Scary Monsters", avec Robert Fripp à la guitare nucléaire.

- l'album "Earthling", avec Reeves Gabrels à la guitare nucléaire.

-  l'album "Blackstar" de jazz funéraire, paru deux jours avant sa mort.

- le fait qu'il n'ait jamais cessé de se réinventer, alors qu'il semble que je tourne un peu en rond.

jeudi 22 novembre 2018

Ulf Wakenius & Eric Wakenius – Father and Son (2017)

Et voilà.
C'est déjà le premier anniversaire d'un article assez réussi dans le genre pipeau vaporeux
https://jesuisunetombe.blogspot.com/2017/11/manna-51-1998.html
qui m'a rapporté $ 4576,57 sur le second marché grâce aux Google Ads habilement dissimulées dedans.
J'aimerais bien pouvoir écrire à nouveau des articles comme ça
d'un autre côté c'est quand même beaucoup de travail et de fatigue nerveuse pour pas grand-chose
et quand je commence à ne plus mettre de ponctuation ni de majuscules en début de phrase c'est pas bon signe
nan mais là c'est juste pour vous faire montrer
c'est pas encore la crise de mid-50's pour l'ours bipolaire
je venais vous dire que parmi les cyberquintaux de disques empruntés à la médiathèque l'an dernier sans forcément les avoir rendus dans les délais, je suis tombé sur ce "Father and Son" enregistré par Wakenius Père et Fils
et faut croire que le Saint-Esprit était au mix, parce que ça sonne divinement
comme du John MacLaughlin qui jouerait des mélodies sensibles au commun des mortels
Ulf (le père) vient du jazz et Eric (le fils) du rock, ensemble ils créent une musique d'une puissance et d'une délicatesse incroyables
et surtout bouleversante
c'est sûr que c'est pas à moi que ça arriverait
de sortir un disque comme ça avec mon père
enfin je viens de télécharger la partition de "la dernière séance"
pour pouvoir la lui jouer à Noël en version nu-metal
mais n'en disons pas plus
ça serait gâché



samedi 3 décembre 2016

Sabled Sun – 2148 (2016)


J’étais un rat normal, je craignais la lumière. 
J’écoutais Sabled Sun, tapi dans ma tanière.
(putains d’alexandrins, je devrais écrire des tragédies en vers)
Je me suis fait choper par un biologiste nommé Georges Ungar, désireux de tester ses hypothèses sur la transmission d'information culturelle par ingestion orale (non, pas tout à fait comme quand on se refile l’adresse de sites de download par la bouche ou sous le manteau)
A coups de décharges électriques, il a traité mon aversion pour la lumière, et m’a dressé à craindre l’obscurité, ce qui n’est pas très sympa et plutôt(1) contre-nature, mais bon, en tant que rat de labo, j’ai quand même la bouffe gratos, vaut mieux pas cracher dans la soupe quand on la reboit après.
Le résultat de cet apprentissage fut la production d’un peptide spécifique dans mon cerveau, qu’il appela scotophobine, (de skotos : obscurité et phobos : peur)…
Hé ouais, j’en connais des mots compliqués maintenant que j’ai été rééduqué, hein ?
Contraint à accueillir dans mes acides nucléiques une information opposée à celle que j’avais héritée de mes pères, je viole maintenant mes instincts de noctambule comme David Hamilton dérapait dans ses modèles prépubères au Cap d’Agde.
Et le plus fort de café, c’est que la scotophobine extraite de mon cerveau et injectée à des rats naïfs suscite les mêmes comportements, fait que eux aussi se mettent à fuir l'ombre, se plaire au grand jour et s'exposer idiotement aux initiatives de leurs prédateurs.
L'asservissement biochimique qui en résulte se nourrit en cercle fermé de sa propre substance : la crainte de l'obscurité produit la scotophobine qui engendre la crainte de l'obscurité.
Le résultat du conditionnement produit la substance qui renforçe le conditionnement.
Voilà pourquoi je ne peux plus écouter Sabled Sun.
Dommage pour moi.

https://cryochamber.bandcamp.com/album/2148

(1) le chien de mickey

samedi 1 février 2014

Il était temps

« Il était temps que janvier fît place à février. Janvier est de très loin le plus saumâtre, le plus grumeleux, le moins pétillant de l’année. Les plus sous-doués d’entre vous auront remarqué que janvier débute le premier. Je veux dire que ce n’est pas moi qui ai commencé. Et qu’est-ce que le premier janvier, sinon le jour honni entre tous où des brassées d’imbéciles joviaux se jettent sur leur téléphone pour vous rappeler l’inexorable progression de votre compte à rebours avant le départ vers le Père-Lachaise… Dieu Merci, cet hiver, afin de m’épargner au maximum les assauts grotesques de ces enthousiasmes hypocrites, j’ai modifié légèrement le message de mon répondeur téléphonique. Au lieu de “Bonjour à tous”, j’ai mis “Bonne année mon cul”. C’est net, c’est sobre, et ça vole suffisamment bas pour que les grossiers trouvent ça vulgaire. Plus encore que les quarante-cinq précédents mois de janvier que j’ai eu le malheur de traverser par la faute de ma mère, celui-ci est à marquer d’une pierre noire. Je n’en retiens pour ma part que les glauques et mornes soubresauts de l’actualité dont il fut parsemé. C’est un avocat très mûr qui tombe, sa veuve qui descend de son petit cheval pour monter sur ses grands chevaux. La gauche est dans un cul-de-sac. Mme Villemin est dans l’impasse, tandis que, de bitume en bitume, les graphologues de l’affaire qui ne dessoûlent plus continuent à jouer à Pince-mi et Grégory sont dans un bateau. Côté bouillon de culture, Francis Huster attrape le Cid avec Jean Marais. Au Progrès de Lyon, le spécialiste des chiens écrasés et le responsable des chats noyés, apprenant qu’Hersant rachète le journal, se dominent pour ne pas faire grève. Le 15, premier coup dur, Balavoine est mort. Le 16, deuxième coup dur, Chantal Goya est toujours vivante. L’Espagne — fallait-il qu’elle fût myope — reconnaît Israël. Le 19, on croit apercevoir mère Teresa chez Régine : c’était Bardot sous sa mantille en peau de phoque… Le 23, il fait 9 °C à Massy-Palaiseau. On n’avait pas vu ça, un23 janvier, depuis 1936. Et je pose la question : qu’est-ce que ça peut foutre ? Le 26, sur TF1, le roi des Enfoirés dégouline de charité chrétienne dans une entreprise de restauration cardiaque pour nouveaux pauvres : heureusement, j’ai mon Alka-Seltzer. Le 27, l’un des trois légionnaires assassins du Paris – Vintimille essaie timidement de se suicider dans sa cellule. Ses jours ne sont pas en danger. Je n’en dirais pas autant de ses nuits. Le 29, feu d’artifice tragique à Cap-Kennedy. Bilan : 380 tonnes d’hydrogène et d’oxygène liquides bêtement gâchées. Et le soir du 31, comme tous les soirs, Joëlle Kauffmann embrasse ses deux garçons. Et elle entre dans sa chambre. Elle est toute seule. Elle ne dort pas très bien. Enfin voici février. Sec comme un coup de trique et glacé comme un marron. Avec son Mardi gras qui nous court sur la crêpe. C’est le mois de saint Blaise, qui rit dans son ascèse, et de sainte Véronique, qui pleure dans les tuniques. C’est aussi le temps du carême, où les maigres chrétiens d’Éthiopie peuvent enfin jeûner la tête haute pour la seule gloire de Dieu. Les statistiques sont irréfutables : c’est en février que les hommes s’entre-tuent le moins dans le monde ; moins de tueries guerrières, moins de rixes crapuleuses, moins d’agressions nocturnes dans les rues sombres du 18e, où l’insécurité est telle habituellement que les Arabes n’osent même plus sortir le soir. Jusqu’au nombre des cambriolages qui diminue de 6 % en février. Et tout ça, pourquoi ? Après les enquêtes scientifiques les plus poussées, les sociologues sont parvenus à cette incroyable conclusion : si les hommes font moins de conneries en février, c’est parce qu’ils n’ont que 28 jours. Quant au mois de mars, je le dis sans aucune arrière-pensée politique, ça m’étonnerait qu’il passe l’hiver. » 
Pierre Desproges, février 1986.

jeudi 1 novembre 2012

Hommage tardif à Tuxedomoon

J'aurais bien aimé être Peter Principle, mais pas Winston Tong.
J'ai enregistré quelques maquettes, il y a un an, avant de comprendre que c'était la porte ouverte au Tout à l'Ego d'avoir tous ces musiciens non syndiqués dans mon ordinateur.

mercredi 14 mars 2012

En suivant les liens publicitaires qu'on trouve sur ce blog...

... je suis arrivé là :

La vache !

Effectivement, ça donne envie de mourir en paix, entouré de graphistes compétents et aux petits soins.

Je n'ai pas osé pousser l'investigation plus loin pour savoir ce qu'était un sublimatorium, mon ambition (démesurée, je le conçois, après des années passées dans la honte d'être ce que je suis, au mépris de toute logique, hélas l'orgueil n'est jamais que de la honte inversée,  il m'en reste quelques caisses et je n'y peux pas grand chose à part prier pour en être délivré, mais j'ai pas une main de libre en ce moment) mon ambition disais-je étant  que ma maison soit un vaste Sublimatorium® où je puisse vivre en paix entouré des miens et profiter en pleine conscience des quelques années qu'il me reste à tirer avant l'inévitable cancer du tabac auquel mon Ego croit pouvoir échapper sans dommages, dans son rêve imbécile d'immortalité sans cesse contredit par les statistiques...
Enfin, je suis quand même content d'avoir de nouveaux amis oeuvrant dans ma branche...