La semaine dernière, j'ironisais tristement sur ce pauvre Lalanne, l'écorché vif qu'on aimerait parfois finir à l'épluche-légumes. Cette semaine, Dieudonné et lui, ivres de chloroquine et de victimisation complotiste, auto-séquestrés au siège des cabinets de leur micro-parti La France Libre, n'ont pas été élus aux Européennes 2024.
On respire.
Enfin, presque.
Car on se trouve aussi face aux dégâts collatéraux du scrutin.
Pas plus tard que cette nuit, un renard s'est introduit dans mon poulailler et il a emporté Blandine, Josette et Odette. C'est pas un truc qu'il aurait fait avant le résultat des élections de dimanche dernier. Le goupil s'est visiblement enhardi, d'autant plus que cette année la mairie a voté la "tonte écologique" du p'tit bois derrière chez moi, traduire "plus de tonte du tout", donc la biodiversité fait 1,50 m au garrot, crache ses pollens tant qu'elle peut, et sangliers et renards peuvent circuler à couvert, même avant le couvre-feu. J'aurais bien aimé accuser la fouine du quartier, qui m'a déjà baisé une poule il y a quelques années, mais justement, selon les indices retrouvés sur place, les fouines n'ont pas le même modus operandi (je vous passe les détails fournis par le médecin légiste, qui n'a retrouvé qu'un cadavre sur les trois)
https://johnwarsen.blogspot.com/2016/01/sale-temps-dans-la-filiere-volaille.htmlBlandine, Josette et Odette vous accueillaient à toute heure à la porte d'entrée, surtout si vous aviez des graines de tournesol dans la poche. |
"Fn", le glyphe taggé par le renard comme un Furtif de Damasio au coin du poulailler pour faire injustement accuser la vermine judéo-fouineuse, c'est un peu gros comme pièce à conviction. Et puis si Fouine = Fn, on sait bien que Renard = Rn. On voit bien d'où est parti le coup : les nomades qui vivent dans des tunnels aux confins de la zone périurbaine, et qui tentent de survivre à la boboïsation rampante des campagnes. Les fouines et les renards ont aussi des petits à nourrir, et elles les aiment, comme nous aimons les notres. Bref. Ces poules pondeuses nous avaient adoptés depuis plusieurs années, elles avaient chacune leur petit caractère, car c'est assez intelligent, une poule, malgré un tout petit cerveau; nous avions appris à les connaitre et c'était d'excellents ovipares de compagnie. D'accord, Blandine (la rousse) était LFI et un peu chiante avec ses keffieh et ses drapeaux "Free Palestine" qu'elle étendait au coin du potager (où elle était interdite de séjour pour cause de harcèlement des salades), Josette soutenait Glücksmann en qui elle voyait un nouveau Hollande (sic) et Odette militait activement à Horizons, parce qu'elle avait flashé dans sa jeunesse sur l'alopécie d'Edouard Philippe, la maladie auto-immune qui fit blanchir sa barbe presque aussi vite que les cheveux de Leland Palmer dans Twin Peaks, mais finalement nous parlions très peu politique en leur portant nos restes de repas, et malgré leur fin tragique elles vécurent une longue et belle vie de poulettes en plein air nourries au grain et sans regarder TFI sur les 1000 m2 de la parcelle dont elles réduisaient la biodiversité (lézards, insectes, rampants et volants) mais produisaient des oeufs, fertilisaient le compost et absorbaient la quasi totalité de nos déchets organiques, excepté nos eaux usées qui partaient vers la station d'épuration, un mot qui revient à la mode.
On va pas sangloter comme des tafioles, nous consommons du poulet sans états d'âme. Mais là, c'était pas pareil. Jamais nous n'aurions mangé nos poules.
Et ce gros pédé de chat, il aurait pas pu nous alerter, cette nuit ? il sort beaucoup en nocturne, et c'est aussi un ennemi résolu de la biodiversité, quoiqu'une enfance en zone de guerre ait durablement perturbé ses repères cognitifs.
Car ce chat était un réfugié assyrien provenant de la ville de Donges, dont le bourg a été anéanti durant les bombardements des 24 et 25 juillet 1944 et reconstruit à 1 km à l'intérieur des terres. La ville est classée en zone à risque Seveso 3 car elle comprend la deuxième raffinerie de pétrole de France et le plus grand terminal méthanier européen, ainsi qu'un certain nombre de sites industriels chimiques. De nuit, la traversée de la zone industrielle de Donges ressemble à un film de Wong Kar Wai sous acide revu par David Lynch sous méditation transcendantale. Si tu allumes ta clope au mauvais endroit au mauvais moment, tu fais un cratère de 50 km, et on entend l’explosion jusqu’à Bordeaux.
C'est pourquoi les chats y sont réputés plus résistants.
Le problème c'est que ce chat a conservé des séquelles psychologiques de cette première vie, que comme résistant il n'est pas très fiable, il est plus désormais plus Lacombe Lucien que Jean Moulin, et aussi que les Français ont complètement oublié la différence entre un résistant et un collabo, puisque le pays qui célébrait le Débarquement contre le fascisme il y a une semaine a massivement voté pour le fascisme trois jours plus tard.
En tout cas la nuit du drame le chat n'a pas bronché, et encore moins lancé l'alerte enlèvement, peut-être qu'il s'est dit que comme il n'était pas ovipare, ça ne le concernait pas, comme nous leurs compagnons à deux pattes quand on a vu la Hongrie, l'Italie, la Slovaquie, être pris en main par l'extrême-droite, puisque nous n'étions ni slovaques ni ritals et encore moins hongrois.
Un camp de vacances pour chats sponsorisés par Royal Canin, j'aurais dû me méfier. |
Maintenant que j'y pense, c'est un peu normal qu'il n'ait pas réagi, ça fait un mois qu'il est parti dans un de ces camp de vacances qui ouvrent un peu partout dans le pays, camps pour chats, camps pour islamo-gauchistes, pour musiciens de jazz transgenres (y'en a qui cumulent), dont pas grand-monde ne ressort après la fin du séjour, un peu comme dans le Complot contre l'Amérique de Philip Roth
Allons-nous réagir avant qu'il ne soit trop tard ?
Sommes-nous promis à la destinée jadis esquissée par François Béranger dans Magouille Blues, et ferons-nous prochainement partie des gens qui s 'ront fichés / Et qui un jour vont s 'retrouver / Dans un stade militairement gardé / Où on pourra toujours chanter ?
En tout cas, c'est pas en râlant tout seul devant sa télé (ou son écran d'ordinateur) que ça va y changer quelque chose.
Manifester non plus, c'est dans les urnes que ça va se passer.
Et pas les funéraires.
Pas tout de suite, en tout cas.
Ach, ach, ach.
J'ai cherché "Front populaire" sur le wiki, mais ça s'est pas très bien fini. |
[EDIT du 14/6]
Malgré l'amertume du constat, et la vague brune comme une bébète qui monte qui monte, tout en sanglotant sur mes poules de gauche et en ramassant de l'autre main leurs plumes sur la pelouse parce que le renard en a vraiment foutu partout, je ne pense pas qu'on puisse en trois semaines faire changer d'avis les électeurs du FN de dimanche dernier, qui voteront sans doute pareil fin juin. Ils sont sur le fantasme d'essayer quelque chose d'inédit, après ce qu'ils pensent être l'échec de la gauche et de la droite, qui est surtout l'échec du capitalisme à ne pas nous faire crever.
Ce sont les abstentionnistes des Européennes que nous devons essayer de mobiliser partout où nous les trouvons ; le quartier où nous vivons, l'entreprise où nous travaillons, le blog sur lequel nous suons, etc... A ce titre, je trouve plein d'arguments dans In Extremis : la newsletter sur les extrêmes droites que Mediapart diffuse gratuitement si on s'inscrit ici