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27/02
salut gars !
...loin de moi l’idée de repiquer au vieux truc du canular téléphonique ou cybernétique, cette blague de jadis qu'on se faisait à deux, un farceur et un farcé, qui a été remplacée par les fake news, version à plusieurs infiniment triste dans laquelle le locuteur croit et surtout veut faire croire à la foutaise qu’il émet comme une « vérité alternative » ... mais quand même, ce matin j’étais au Leclerc culturel, en train de maugréer contre l’absence en rayon de l’intégrale de Raymond Chandler, et en passant devant le rayon « ésotérisme et bricolage », je remarque une couverture rigolote : « Contacter nos défunts par l’hypnose », alors je me dis « tiens, enfin une suggestion de mauvais goût à faire à LJ pour sa copine coincée dans son deuil », en plus la couverture s’orne d’une promesse du célèbre bonimenteur Guy Trédaniel, qui dit que ce livre va « contribuer à l’émergence d’une civilisation post-matérialiste et d’un monde meilleur » dont je venais de discuter avec le commis du Leclerc Poissonnerie, qui était bien d’accord que ça urgeait parce que si les dauphins venaient manger les poissons près des côtes et provoquaient l’interdiction de sortie des chalutiers, Guy Trédaniel était sans doute mieux placé que Michel-Edouard pour savoir qu’est-ce qui était bon pour la planète, et pour le remercier de ce moment d'échange je lui ai pris sa langouste royale vivante qui était en promo à 114€ le kilo.
Mais je m’égare, car cinq minutes plus tard au rayon « marivaudage tantrique et épilation des chakras » , je dévore la quatrième de couverture de « Contacter nos défunts par l’hypnose », parce que je ne vois pas revenir ma femme du rayon littérature générale, elle est coincée sous un éboulivres (un éboulis de livres) de piles de Guillaume Musso et de Maxime Chattam qui se sont effondrés à son passage, mais j'en ignore tout, et je me mets à ricaner, car je découvre que Jean-Jacques Charbonier, l’auteur de « Contacter nos défunts par l’hypnose », a aussi écrit « J’ai envoyé dix mille personnes dans l’au-delà » et apparemment il n'est toujours pas en cabane !
Qui se souvient de Lobsang Rampa ? Certainement pas les Tibétains. |
Bien sûr, je lutte contre le sentiment de supériorité qui s’empare de moi devant cette réédition en poche et chez J’ai Lu de « Contacter nos défunts par l’hypnose », qui m’évoque les plus grands succès de leur ancienne collection "l'aventure mystérieuse", comme Le Troisième Oeil de Lobsang Rampa, dont me bassinait Arnaud J. (takavouar où ça l’a mené), et toutes les billevesées que nous ingurgitâmes goulûment lorsqu’adolescents nous fûmes pris de l’envie de chercher d’autres mythes que ceux que voulait nous imposer René Haby (ministre de l'éducation quand nous étions lycéens, NDLR).
Je ne peux pas me payer le luxe spirituel de mépriser spontanément les chercheurs en au-delà, les marchands de portes ouvertes sur l’infini et de vérandas karmiquement profitables. Le dernier Goossens devait révéler les secrets d'une pose réussie de la porte de l’univers, en fait il y a juste une blagounette terrible sur Corto Maltese que je t’ai mise là :
https://jesuisunetombe.blogspot.com/2022/06/daniel-goossens-la-porte-de-lunivers.html
Je revois très bien mon père suggérer d'un air entendu « on a écrit des bibliothèques entières sur les vertus de la prière » et je me rappelle avoir connu des temps difficiles où moi aussi j’errais au rayon spiritualité de la Fnac (le Leclerc culturel de l’époque, devenu le Darty de maintenant) dans l’espoir d’y trouver des ouvrages inspirés qui me réconcilieraient avec mes dysfonctionnements les plus gênants (pour moi et pour les autres) bon je m’arrête là sinon tu vas croire que j’ai repris des champis ou pire, des antideps. J’ai emprunté sur internet une version électronique du très saint livre « Contacter nos défunts par l’hypnose », je le lirai pendant ma sieste de midi et je te dirai si ça vaut kekchoze, surtout si comme je le suspecte t’en as moins que rien à taper ! Heureusement que je reprends le collier demain ! J’ai bien fait de me vanter hier que je n’écrivais plus !
a+
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19/04
D. va mieux. Il m'appelle beaucoup moins souvent, et il est plus posé; je ne le sens plus du tout dans l'émotionnel déconstruit dû aux effets secondaires de son trauma crânien; tu as sans doute constaté toi aussi une baisse de la fréquence des appels, et une volubilité moindre. Bon, hier soir il m'a appelé, je voyais pas trop le motif, et il a mis un moment à me cracher le morceau, il avait fait piquer son chat le jour même, son chat, putain, la seule personne avec qui il avait des rapports humains, donc je lui ai suggéré de prendre le temps du deuil, que c'était quand même difficile,
qu'il fallait accepter la tristesse etc...
Le titre est du côté obscur de la farce. 10 000 personnes parties dans l'au-delà, et pas un seul apparte qui se soit libéré ? d'où la crise actuelle du logement d'occasion. |
De mon côté, je chemine aussi vers la sobriété émotionnelle, surtout depuis que j'ai lu l'ouvrage dont je t'avais parlé, "Contacter nos défunts par l'hypnose", et la TransCommunication Hypnotique m'apparait encore plus sujette à caution après l'avoir parcouru qu'avant.
Sans doute qu'il faudrait mesurer la valeur de ces thérapies à l'aune des bienfaits qu'elles apportent aux hommes et femmes dévasté.e.s par l'affliction du deuil, plutôt qu'à leur absence totale de base scientifique; m'enfin, après avoir lu le bouquin, je trouve que ça craint un peu, et comme disait Clémenceau, la tolérance, y'a des maisons pour ça. J'ai l'impression que le docteur Charbonier s'adresse à des âmes simples, et exploite leur détresse née d'un chagrin sans remède.
On pense à Macbeth, acte 5 scène 3, surtout quand on vient de le lire chez FeydRautha :
« Ne peux-tu donc soigner un esprit malade, arracher de la mémoire un chagrin enraciné, effacer les soucis gravés dans le cerveau, et, par la vertu de quelque bienfaisant antidote d’oubli, nettoyer le sein encombré de cette matière pernicieuse qui pèse sur le cœur ? »
On pense à Blackula, prince des Ténèbres Noires, quand il m'écrivit à propos d'une amie disparue : "Elle avait l'air cool comme meuf. L'avantage avec la mort c'est qu'on y passe tous. Du coup impossible d'être tristes trop longtemps." Et sa parole fut un baume sur ma plaie. Le même Blackula qui m'avait réconcilié avec Dieu, le jour où il m'avait avoué :
"I prayed to god for a bicycle, but then I realized god doesn't work like that, so I stole a bicycle and prayed for forgiveness. "
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brouillon de mail
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La mort d’un être cher est révoltante.
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13/05
Aah, voilà. Là, on voit un peu mieux où il voulait en venir. Ca sent le complot facile. |
Même après celle de tant d’autres, même si à partir d'un certain âge, ça devient une routine, certains trépas semblent injustes, inacceptables, et on se dit qu'il y aurait de quoi mettre Dieu aux Prud’hommes. On hésite à lancer la procédure, parce qu’on sait qu’il est rare qu’Il Daigne Se Pointer à l’audience. Et pour dire quoi ? Il nous ferait ses petits raisonnements à la con, comme quoi la mort n'est pas le contraire de la vie, que la vie n'a pas de contraire, que la mort c'est juste l'inverse de la naissance, juste un passage, et ça nous ferait une belle jambe. On l’Imagine Très Occupé à chercher une nouvelle hypothèse de travail, après avoir foiré avec les dinosaures, et pourtant ils étaient bien partis, c’est ballot qu’au bout de 160 petits millions d’années une bête météorite ait mis fin à leur civilisation, après avoir foiré avec l’homme, à peine 300 000 ans pour foutre la planète à feu et à sang, bravo les gars, vous passerez prendre votre chèque à la réception, inutile de laisser un CV, on vous rappellera pas.
Alors comment faire son deuil ? après les désolations, on se tourne vers les consolations spirituelles. Et dans l'état de faiblesse de l'endeuillé, pourquoi pas l'hypnose, si on a été assez fragilisé, et pourquoi pas l'irrationnel, puisqu'aucune réponse satisfaisante n'émerge, et que la mort reste scandaleuse ?
C'est comme ça que Conan Doyle avait sombré dans le spiritisme après la perte de son fils, lui qui était l'incarnation même de la raison et de la logique hypothéco-déductive.
Dans les voyages organisés par Jean-Jacques Charbonier sous transe hypnotique pour rencontrer ses proches disparus, les défunts se présentent toujours sous leur meilleur jour, bien habillés, jeunes et en bonne santé, heureux et cools, ils profèrent des conseils d'un conformisme rare et d'une mièvrerie insondable, "tu as fait le bon choix", "tu as bien travaillé, tu peux être fier de toi", ils font tous les mêmes grimaces compassées, derrière lesquelles on devine le (manque de) talent littéraire de Jean-Jacques lui-même, et bien joli qu'il n'ait pas tout inventé lui-même.
On est dans un au-delà atrocement cucul-la-praline. Au moins, ça donne envie de ne jamais mourir, pour ne pas risquer de revenir sous forme de zombie shooté à la guimauve. Et s'il existe une après-vie, ce dont je ne puis présumer ici, n'étant encore jamais mort, laissez-moi vous dire que vous lui faites une piètre publicité, monsieur Charbonier.
Les ouvrages de Philippe Charlier sur la mort et l'au-delà, et les croyances qui vont avec, me semblent infiniment plus sensés que les votres. Enfin (d'article) on découvre sur votre wiki votre vrai visage de fripouille de l'après-vie, bon vivant à la tête d'un juteux business de réconfort hypnotique d'endeuillés, sans parler de vos positions scabreuses sur le Covid et les extraterrestres, et on se dit que la prochaine fois qu'on passera à la librairie du Leclerc culturel, on évitera de regarder les ouvrages en tête de gondole, même pour rire; d'ailleurs, n'avait-on pas cessé d'écrire ?
Pour aller plus loin :
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[EDIT du 26/5]
J'apprends à l'instant que David Cronenberg (81 ans), veuf depuis 2017, imagine dans "Les linceuls", présenté cette année à Cannes, une façon moins ésotérique de rester en contact avec les défunts.
"Karsh, riche entrepreneur de Toronto, entre autres de pompes funèbres high-tech, ne se remet pas de la mort de sa femme, Rebecca (Diane Kruger). En conséquence, il a mis au point un système de tombe connectée, qu’il commercialise dans son parc de cimetières équipés. Au cœur de cette technologie, un linceul équipé de capteurs prend une image par contact du corps enseveli, retransmise sur un écran intégré à la pierre tombale. L’ingénieur inconsolé peut ainsi suivre au jour le jour la décomposition du cadavre adoré : la relation se perpétue au-delà de la mort, pour un corps qui continue de se transformer. Mais Karsh observe bientôt à la surface du squelette la formation d’étranges nodules qui l’alertent sur l’intégrité de la dépouille."
L'article manque de précisions, comme le souligne un malicieux lecteur :
"splendides scènes oniriques d’une grande puissance d’émotion – les étreintes nocturnes dont Karsh rêve la nuit avec le fantôme de sa femme au corps rapiécé, strié de cicatrices, tombant en lambeaux"...Ok. Mais on voit les vers ? Parce que sinon, j'y vais pas."
Je ne vais pas me bousculer pour aller le voir, je préfère les Cronenberg des années 80, mais ça m'a pas l'air plus insensé que la méthode à Jean-Jacques.