samedi 22 février 2020

Robert Sheckley - Les univers de Robert Sheckley (1972)

Un jour récent où je n'avais envie de rien, ça n'a pas duré longtemps, et je me suis vite retrouvé accablé du désir subtil mais impétueux de revoir le recueil de nouvelles de Robert Sheckley qui avait enluminé mon adolescence. En ce temps-là, le Club du Livre d'Anticipation de chez Opta était le sceau de la Valeur Absolue de la Science-Fiction. Ses membres étaient de fins lettrés qui nous prêtaient les grimoires fleurons de leur bibliothèque parce qu'ils voyaient bien qu'on bavait devant, grelottant sous l'effet d'une fièvre maligne. 
Mais ça, c'est passé, et ça ne reviendra pas. Je ne vois guère le Club du Livre d'Anticipation renaitre des cendres de ses éditeurs, de ses auteurs ou de ses adhérents. L'autre jour, donc, je n'avais pas envie de posséder l'objet, non, les objets, on m'a déjà fait le coup plusieurs fois, et j'en possède aujourd'hui tant que j'ai du mal à passer l'aspirateur dans la chambre devant l'amoncellement de livres non lus, et j'apprends avec les jeunes à à faire mon deuil des objets et à accueillir les flux, qui sont les vrais objets du futur d'hier qu'est aujourd'hui, à la fois ondes et particules, et d'ailleurs Les univers de Robert Sheckley, j'ai regardé, on peut très bien l'acquérir chez les vendeurs d'occasion du net, entre 40 et 60 €, mais ce dont j'avais envie c'était de relire les nouvelles, pas de m'encombrer de l'objet, même si je me rappelais de chouettes illustrations de Moebius dans les teintes verdâtres.
J'ai relu mon petit Kornfield de poche (Après l'extase la lessive) pour saluer mon deuil des objets :
Le véritable devoir de la vie spirituelle ne se trouve ni dans des lieux éloignés ni dans des états de conscience sortant de l'ordinaire. Il prend place ici, dans l'instant présent. Cela exige un esprit bienveillant, prêt à accueillir d'un cœur sage, respectueux et bon, tout ce que la vie nous présente. Nous pouvons saluer aussi bien la beauté que la souffrance, nos troubles, notre confusion, nos peurs et les injustices de ce monde. Honorer ainsi la vérité est le chemin de la libération. S'incliner devant ce qui est, plutôt qu'au pied d'un idéal, n'est pas nécessairement chose facile mais, quelles que soient les difficultés, c'est l'une des pratiques les plus utiles et louables.
C'était largement hors-sujet, mais ça avait de la gueule, et ça pourrait toujours servir.
Renonçant derechef à ma quête, je donnai deux-trois clicks quand même pour être sûr, et sur quoi tombai-je, sur un serveur russe ?
Je vous le donne Emile ?
(au format epuB)

Oooh la jolie couverture moche kitsch
Ils sont forts, ces Russes, quand même.
Le jour où ils voudront déstabiliser l'Occident, ils n'auront pas de gros efforts à fournir. Un candidat aux municipales un peu branlant, une vidéo rigolote, et hop, tout le château de cartes de la démocratie parlementaire par terre, et 20 points de plus au RN aux élections, fingerz in the noise.
Pour en revenir à Sheckley, c'est de la SF un peu vintage, et relativement bon enfant par rapport à celle de maintenant, beaucoup de ses nouvelles confrontent l'Homme (enfin, l'homo americanus des années 60) à des civilisations plus raffinées ou si différentes de la notre qu'elles nous apparaissent barbares, mais au final c'est nous qui en faisons les frais par notre compréhension étriquée, et il a un sens de l'absurde superbement développé, je m'amuse bien à relire ça.
Et il y a une justice : les illustrations de Moebius sont très mal reproduites, pour ça il faudrait revenir à l'objet, mais heureusement, j'ai mon mantra de Kornfield pour éviter ça, plaquette Vapona.

mercredi 19 février 2020

Lovecraft Facts (9) : Steve Roach - Journey of one (2012)

5 février 2014

Logiquement, 2014 nous débarassera enfin de la vermine sonique du dark ambient, en même temps que du reste.
Dans cette attente, voici une sélection, qui va durer une bonne semaine, de nos meilleures nappes molles et sombres, dont la curiosité principale réside dans le fait que certains y sont physiquement allergiques, d'autres accros, mais qu'elles ne laissent personne indifférent, comme on dit.
Sauf ceux qui font de l'indifférence une profession de foi.

(lien turbobit obsolète de chez périmé)

 [Repost] 16 février 2020

Je réécoute avec anxiété cet album acheté par correspondance près de chez Steve, dans l'Arizona;  l'Arizona ressemblant très fort à une usine de cailloux en surproduction, des fois il joint à son envoi un petit caillou dédicacé, ils ne savent plus où les mettre alors quand il arrive à en glisser un dans l'enveloppe ça les débarrasse un peu, là je me rappelle que comme c'est un double album il m'avait envoyé la moitié de Monument Valley stabilotée au marker gros grain, le facteur avait un peu gueulé parce que les frais de port (2 timbres à $5, 50) avaient été un peu sous-dimensionnés. 
Concernant le contenu lui-même, les années 90 furent sans doute les meilleures de ce monsieur Roach sur le plan créatif. Nous avons droit à un concert de 1996, sur deux ambiances assez différentes. Le premier CD s'inscrit très clairement dans la mouvance Lovecraft Facts qui a récemment contaminé les infortunés passagers de ce blog à la suite du capitaine, et quand je l'écoute je pense assez rapidement à des choses très positives genre l'espèce humaine est condamnée à brève échéance, on voit des individus qui ont des parcours extraordinaires en termes d'achèvement et de destinée, mais globalement, collectivement, nous sommes quand même les Gros Boulets de l'Evolution, nous allons de guerre en famine, de famine en épidémie, les massacres du siècle dernier ne nous ont rien appris, nous nous apprêtons à bien pire, sans compter que l'épuisement des ressources non-renouvelables nous emmène droit dans le mur et nous condamne à une longue agonie, nous le savons mais ne pouvons nous empêcher d'y aller, victimes d'illusions égotistes qui seront notre tombeau. 
Ou alors je pense à quand j'avais quatre ans et que j'avais coincé une pomme dans mon pupitre, en classe de maternelle, je n'ai pas osé en parler à la maitresse, et un jour elle a découvert la pomme toute pourrite que je n'avais pu déloger, et j'ai eu très honte.
Et c'était indicible. 
Et le jour où elle m'a ramené chez moi en disant à ma mère sur le pas de la porte "je sais pas ce qu'il a mais ça va pas", et ma mère elle m'a dit plus tard que elle, à l'odeur, elle avait tout de suite compris ce qui n'allait pas.
Et c'était à nouveau indicible, ce qui allait me prédisposer à lire Lovecraft, dont les anti-héros découvrent souvent qu'ils avaient un morceau de kryptonite dans la culotte sans le savoir, et c'est pour ça qu'ils se sentaient pas bien. 
Steve Roach attendant mon chèque pour faire un nouveau disque
Ou alors j'ai l'impression d'être en transit dans les bardos avec Piotr Pavlenski, un pistolet à clous et deux caisses de neuroleptiques.
Ou dans un des romans d'Antoine Volodine qui explorent ces royaumes inconfortables de l'au-delà.  Je veux dire, si Steve Roach prétend explorer les mondes au-delà du delà du monde à bord de ses synthés et de son didgeridoo nucléaire, celui du premier CD de Journey of One est clairement inhabitable pour l'homme. Rien de strident ou de violent, mais on y cultive un incertain malaise, parce que l'oreille occidentale est ainsi faite que sans harmonies discernables, sans mélodie et sans instruments identifiables, avec des voix qui marmonnent d'indistinctes malédictions ancestrales dans des langues oubliées et maudites, c'est un voyage incertain, entre Chernobyl et la Vallée de la Mort, on y entend tant de dissonances qu'on y est plongé dans l'angoisse de l'incertitude de qu'est-ce que je vais leur faire à manger ce soir (je suis plus sensible à la dimension anxiogène du disque parce qu'en ce moment je fais pas mal de sophrologie pour mes acouphènes, du coup mes impressions sont vachement moins indicibles que quand j'étais petit)
C'est une ballade dans les Limbes. Ou tout du moins dans l'idée de l'espace sonore que s'en fait Steve, parce que j'ai entendu dire que quand on s'y trouve en vrai, pour revenir des Limbes c'est aussi galère que pour le jeune clandestin de 15 ans qui a quitté le Cameroun à bord de ses pieds et qui a parcouru 9000 km en 17 mois pour atteindre finalement Saint-Brieuc et tomber sur un ange gardien qui fait qu'ils sont passés ce soir sur le 28 minutes d'Arte.
Si le gamin il avait écouté Steve Roach sur son walkman, il serait pas aujourd'hui miraculé du désastre migratoire, il serait allé se noyer direct dans l'Atlantique, et on aurait tous économisé du carbone, parce que maintenant il est en terminale à Saint-Brieuc et il va devenir citoyen à part entière de la République.
Je n'ai pas dit que l'écoute du disque, c'était désagréable. Mais il n'y a ni repères, ni mode d'emploi. Disons que ça ne va pas réconcilier les gens avec le dark ambient si ils étaient déjà fâchés.
Le second CD est plus orchestral, tribal, rythmé, new age, et les chamans y font moins entendre leur gastro que sur le premier disque.

l'écouter avant :

https://projektrecords.bandcamp.com/album/journey-of-one-the-tribal-ambient-era-live-1996

l'emprunter après :

https://www.mediafire.com/file/4hb5ce2ewtzlvru/SR-JOO-96.zip/file

lundi 17 février 2020

Graeme Allwright - Le jour de clarté (1968)

Comme disait ma femme en partant au boulot ce matin en entendant s'échapper les échos assourdis du néo-zélandais trépassé d'hier par le soupirail de ma caverne électronique, "tu vas pas commencer à nous bassiner avec Graeme Allwright, tu l'écoutais déjà pas quand il était vivant"
Evidemment, cette Cassandre au petit pied n'était pas là quand j'avais 14 ans et que je déchiffrais laborieusement les tablatures de "La Ligne Holworth" en picking dans la méthode de guitare à Dadi.
A 93 ans, Graeme vivait en maison de retraite depuis un an, ce qui est la méthode la plus efficace pour partir rapidement. Pensez-y quand la cohabitation avec vos ascendants conservés à la maison devient trop pénible.

(c'était un message de notre sponsor que je suis obligé de passer : 
si j'avais le choix, y serait pas funéraire.)


https://www.mediafire.com/file/jq662d8d4cn9x75/GA-LJC.zip/file

vendredi 14 février 2020

Talking Heads - Rome Concert (1980)

L'autre jour j'ai assez mal parlé d'Adrian Belew, et je m'en excuse ici même en images; car j'ai depuis ce jour maudit révisé mon jugement, me faisant subir comme mortifications un paquet de concerts de King Crimson du début des années 80, et comme je recevais des messages télépathiques du fantôme de David Byrne de la même période par mon oreille non-acouphénée, j'ai fini par trouver sur un serveur russe un concert des Talking Heads enregistré à Rome en 1980, dans un état difficile à regarder, mais après l'avoir passé dans différentes moulinettes à laver les pixels et dénouer les noeuds qui ont séjourné dans l'eau (MacX DVD Ripper Pro, Handbrake, Compressor), je me suis retrouvé en possession d'un témoignage assez stupéfiant sur ce qu'était le groupe en tournée en 1980, entre leurs albums studio Fear of Music et Remain in Light, qui composent l'essentiel du répertoire de cette transe en danse scénique.
La mise en images est assez médiocre, on se croirait un peu au théâtre de l'Empire du Chorus d'Antoine de Caunes (post précédent) et le cadre 4/3 se prête assez mal à la valorisation du cheptel afro-funk qui se tortille sur scène, une bonne dizaine de gugusses en tout, et qui font un sacré boucan. Et parmi eux, oui, Adrian Belew, dont je découvre qu'il est l'auteur avec sa guitare d'un bon nombre de zigouigouis sonores que j'attribuais imprudemment à Brian Eno et ses synthés sur l'album Remain in Light dont celui-ci assura la pharaonique production. 
Malgré la frugalité de la captation vidéo, les musiciens emportent le morceau, après l'avoir joué sur place, parce qu'ils ont tous l'air possédés, en plus de prendre un plaisir évident et communicatif à jouer ensemble, les petits blancs new-yorkais maigrichons membres de la formation initiale et les pièces rapportées du Togo sous une bâche avec des vieux pneus pour ne pas les déclarer en douane.
J'étais un peu passé à côté du phénomène "Talking Heads, bêtes de scène", heureusement, il n'est jamais trop tard pour admettre ses erreurs grâce aux vidéos tombées du camion d'Internet.
D'ailleurs je ne manque jamais une occasion de remercier Internet, sans qui j'aurais sombré beaucoup moins vite dans la démence et le radotage à propos de choses disparues quand je n'étais pas présent pour les accompagner vers l'oubli réparateur et miséricordieux.
Le répertoire du concert filmé et le line-up du groupe à l'époque chevauchent hardiment celui du disque 2 du double CD The Name Of This Band Is Talking Heads mais la prestation est plus frénétique à Rome, sans doute à cause de la proximité du Pape, fan du groupe de la première heure.
J'ai aussi trouvé un Youtube soi-disant HD pour présenter le concert, mais n'oublions pas que la HD, il y a 40 ans, c'était du super-VHS (j'ai dit ça au pif mais évidemment, je découvre après-coup que ça a existé) 
Donc je vous mets la jaquette du DVD, le fichier vidéo désanamorphosé (il était en 16/9) et le clip promotionnel de Youtube pour 69,99 € dans l'attente du T-shirt dès que vous m'aurez fait les premiers virements sur mon compte Paypal aux Bahamas. 







https://www.mediafire.com/file/x2n6z8y9twfnbix/TH-1980.zip/file

et la traditionnelle vidéo pédagogique de pitchfork (vive pitchfork !)




lundi 10 février 2020

Rembob'INA : "Chorus" avec Antoine De Caunes (2020)

Cette semaine j'avais décidé de me taire. Ca part assez mal, avec la première diffusion sur LCP de la célèbre émission à base d'archives "Rembob'Ina" consacrée hier soir au magazine de rock Chorus présenté le dimanche midi par Antoine de Caunes entre 1978 et 1981. Replay sur le site de la chaine jusqu'à je sais pas quand. Pas d'inédits par rapport au triple DVD déjà édité par l'INA, mais belle madeleine de Proute pour ceux qui n'ont pas eu droit à la version piratée par leur grand-oncle geek.

http://www.lcp.fr/emissions/296412-rembob-ina-40-fevr20

samedi 8 février 2020

Heron Oblivion ‎- Heron Oblivion (2016)




Bon, y'en a un peu marre de toutes ces vieilleries.
Place aux jeunes qui se croient en 1969.
Pour toujours et à jamais.
Pour complaire à Greta Thunberg, je n'ai acheté l'album qu'en digital, c'est à dire sans support, auprès de la maison de disques plutôt que sur bandcamp, parce qu'ils avaient l'air de proposer en plus un digital booklet qui ferait un substitut-subutex aux notes de pochette.
Et y'a pas à dire, le support me manque.
Mais c'est sans doute un combat d'arrière-garde.

Les avis autorisés sont là
https://www.lesinrocks.com/musique/critique-album/heron-oblivion/
et là
https://www.soul-kitchen.fr/62356-heron-oblivion-heron-oblivion

jeudi 6 février 2020

Jean-Pierre Alarcen - Tableau N°1 (1979)

De loin, la nuit, par temps de brouillard, bourré sous acide (aujourd'hui on dirait plutôt binge-drinké aux benzodiazeps') on pourrait confondre la pochette du premier album de Jean-Pierre Alarcen avec celle d'un groupe de rock progressif grand-breton bien connu de tous les vioques du tiéquar, sauf de moi qui ai toujours fait un blocage. 
J'ai longtemps cotoyé les deux albums dans les bacs des soldeurs sans qu'ils ne m'évoquent quoi que ce soit de palpable, comme chantait Béranger dans Le Vieux.
Que voulez-vous, j'étais jeune, je conjuguais l'ignorance et la puissance, et je n'en savais rien. Chevauchant maintenant leurs antonymes, je vous assure que j'ai fière allure.


Jean-Pierre Alarcen est un guitariste que j'ai longtemps associé abusivement à François Béranger, puisqu'il a certes co-signé plusieurs de ses albums en tant qu'arrangeur, mais pas qu'eux. Alarcen fut aussi musicien "de session" (il me semble qu'on appelait ça avec mépris des "requins de studio", ce que confirme le wiki, mais c'était au temps où l'on pouvait vivre de son art, qu'on fasse de la musique, de la BD ou qu'on écrive des livres sans images). Vous trouverez tout ça sur le lien discogs plus bas, je vous fais confiance. Il a également enregistré à la fin des années 70 deux albums de rock progressif (rires) symphonique (toussotements gênés) luxueusement produits, on parle alors de Alarcen rupin. (les rires reprennent au bout d'un moment) et un autre "Tableau n°2" vingt ans plus tard, que je n'ai pas encore écouté.
Que vous dire ? ses deux premiers albums réunis en 1988 ont leurs moments surannés, mais aussi leurs bons moments. Je dirais que c'est de la musique comme on n'en fait plus, mais il faut se méfier, avec les jeunes de maintenant, ils sont capables de tout.
Ici sur votre gauche vous avez le Tableau n°1 en prévisualisation Youtube de votre achat sur mon site, je vous laisse trouver comment insérer votre CB dans l'écran, je ne suis pas sans contact, plutôt tactile  même comme garçon, c'est pour ça que plein d'aspects d'internet me désolent et me désincarnent, qu'elle était siliconée ma vallée.


pleins de liens pour faire redécouvrir Alarcen, bien qu'il ne soit pas encore mort à ma connaissance et à l'heure qu'il est (9h35) :

Alarcen est énorme au Japon.
l'incontournable wiki, que on en vient à se demander comment on faisait avant
https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Pierre_Alarcen

une biographie autorisée avec des photos amusantes
http://pressibus.free.fr/zuzudisco/Alarcen/alarmain.htm

une discographie avec les crédits des musiciens
http://www.musikafrance.com/index.php/Jean-Pierre-Alarcen/Jean-Pierre-Alarcen.html

un article détaillé sur l'album de 1998
http://clairetobscur.fr/jean-pierre-alarcen-tableau-n/

l'avis d'un disquaire passionné
http://musicali.over-blog.com/article-jean-pierre-alarcen-88622370.html

l'avis d'un bloguiste enthousiaste
http://docoverblog.blogspot.com/2018/01/alternative-et-progressive.html

dans un univers parallèle, Alarcen part jouer avec Lavilliers (au lieu de Béranger) après le split de Montrose Sandrose
https://www.rockmadeinfrance.com/encyclo/sandrose/27928/

l'état des stocks chez discogs, le paradis du discomaniaque
https://www.discogs.com/artist/532430-Jean-Pierre-Alarcen

et finalement le fichier secret du téléchargement maudit


lundi 3 février 2020

Lovecraft Facts (8) : Adrian Belew

J'ai un vrai sourire
et ça transfigure ma disgrâce.
Non ?
Adrian Belew est un peu disgracieux. C'est un avis personnel. S'il aime la Nature, c'est avec Albert Jacquard, parce qu'ils ne sont pas rancuniers. Et ça ne s'arrange pas en vieillissant. Entendons-nous bien : l'auteur de ces lignes n'est pas sorti de la cuisse de Jupiter, mais ça ne nuit pas à sa vie professionnelle. Ou alors on m'aurait menti. En tout cas les gens se sont habitués, ou restent extrêmement discrets, et je n'en entends guère parler. Concernant Adrian, cette malédiction due à ses gênes est cruelle : il serait ingénieur informaticien, encore, ça passerait, mais ayant choisi la filière spectacle, c'est toujours un peu délicat pour lui de mettre sa tête sur les pochettes des disques (même si personne ne les achète plus) ou de s'exhiber en concert sans se mettre un sac poubelle 10 litres sur la tête, avec deux trous pour voir le manche de son outil de travail et un autre pour respirer. Et contrairement au personnage principal de Border, dont la laideur surnaturelle et préhumaine est due à des prothèses, lui ne peut se dessaisir le soir venu de sa hideur lovecraftienne en la mettant à tremper dans le verre à pied, et ses pieds dans le verre à dents. Elle est montée d'origine.
Si, j'ai regardé, hideur, ça existe bien dans le dictionnaire, même si personne ne l'emploie, pas même Lovecraft...ah si, tiens, Lovecraft, justement, dans Dagon : "Jamais je ne pourrai décrire telle que je la vis cette hideur innommable qui baignait dans le silence absolu d'une immensité nue. Il n'y a avait là rien à écouter, rien à voir, sauf un vaste territoire de vase. La peur que fit naître en moi ce paysage uniforme et muet m'oppressa tant que j'en eus la nausée." Il évoquait à mots couverts le visage d'Adrian, entr'aperçu dans un rêve lucide, ces songes au cours desquels la conscience onirique s'insurge du cauchemar qu'elle sait être en train de vivre et qui inspirent à l'innocent promeneur des sphères astrales, au sortir du sommeil, la rédaction de nouvelles d'épouvante un peu boursouflées, mais raisonnablement atroces.
Adrian essaye d'organiser une tournée en Chine
au profit des victimes du Coronavirus
mais ça ne prend pas longtemps avant qu'il soit reconnu.
Bien qu'il ait compensé sa relative laideur depuis tout petit en mettant au point une technique guitaristique hors pair et un phrasé tout à fait singulier, Adrian s'est quasiment fait virer pour mocheté de tous les groupes dans lesquels il a joué, les Talking Heads, Bowie, Frank Zappa (qui se pavanait pourtant volontiers sur les plateaux télé en se dépeignant sous les traits d'un progressiste refusant les diktats culturels en vigueur dans le monde du rock, comme par exemple les groupies, moi ça me parait admirable de pouvoir se refuser aux groupies, même si j'en ai fort peu et que ça serait donc virtuellement envisageable sans que ça soit ressenti comme un arrachement), King Crimson, au sein duquel il a pourtant cotisé trente ans, mais c'est vrai qu'ils faisaient des concours avec Robert Fripp pour savoir lequel avait le plus le charisme d'une moule et ça faisait fuir les trop rares clients, et finalement c'est Robert qui a gagné, et plus récemment Adrian s'est aussi fait lourder de Nine Inch Nails et de Porcupine Tree.
Si vous me croyez pas vous z'avez qu'à lire Internet, c'est écrit partout.
Et à chaque fois qu'il est remercié, il rentre chez sa mère, elle le console comme elle peut (les mères sont souvent balèzes en amour inconditionnel, c'est bien pratique quand on est un serial killer en fin de droits assedic ou un guitariste peu flatté par la nature) et il sort un album solo.
Un petit cercle d'initiés s'ébaubit alors "Rhhôôôhh bravo, Adrian, encore un beau crossover entre Mac Cartney et King Crimson", la presse spécialisée ronéotée  à un seul exemplaire sur le web s'en fait l'écho des savanes confidentielles, et l'artiste semble condamné à errer éternellement en quatorzième division blindée des Panzers de l'Echec Patent pour délit de sale gueule.
Ca fait déjà presque quarante ans que ça dure, et son dernier opus, Pop Sided, ne déroge pas à la règle, comme on dit dans le Landerneau des blogs musicaux : ni pire, ni vraiment meilleur que les précédents. Quoique Flux, un des plus récents, était vraiment pas mal. A condition de ne pas voir sa tête, évidemment, sinon ça fout tout par terre, dans ce monde où l'apparence compte plus que tout. Plus que d'avoir une belle guitare et de s'en servir, en tout cas.
Mais il existe une autre façon de voir les choses, si on sait les regarder avec l’œil du cœur : Adrian Belew, soi-disant parti de rien et arrivé nulle part, n'a finalement de merci à dire à personne. Il a joué dans beaucoup de groupes intéressants à des périodes où ceux-ci furent très créatifs, et en dehors de ça il a enregistré ce qu'il voulait comme il voulait, défrichant des champs expérimentaux dont aucun gratteux cyberculteur n'aurait osé retourner les grosses mottes avant lui; et en plus il a conçu des guitares, des applis mobiles et des racks d'effets.    
Et si ça se trouve, sa femme est ravissante.
Et il parvient tout à fait à vivre correctement de son art.
Lui.
Contrairement à moi et à Lovecraft.




picC'est en tombant sur une vidéo récente ci-dessus que je me disais à nouveau qu'il n'avait pas de bol, parce que j'avais trouvé le disque Side Four enregistré avec cette formule de Power Trio très énergique, alors que la vidéo est un peu foirée : l'image est d'une hideuse frugalité, le son caméra n'est même pas repiqué de la console de mixage. Peut-être qu'il cherche plus à être qu'à avoir, et qu'au fond il s'en fout, à partir du moment où il conserve la liberté de faire ou de ne pas faire ce qu'il lui plait plait plait quand ça lui chante chante chante.Donc ce n'est peut-être triste que dans ma tête, cette histoire.
Et pour le happy end, je lis sur le french wiki que Jerry Harrison renoue avec Adrian Belew et s'accompagne du groupe Turkuaz pour rejouer Remain In Light sur scène en 2020, à l'occasion des quarante ans de l'album.
Alors il est où, le problème ?

english wiki, rich as my tailor :

Belew by discogs
https://www.discogs.com/artist/55902-Adrian-Belew


[EDIT]

Flux volume 2 - notes de pochette
(collection privée)
En complétant de manière raisonnée ma collection de Belews, je tombe par hasard sur la pochette intérieure de Flux (Volume 2) d’Adrian, qui consiste en une déclaration d'intention.
Je peux faire la fine bouche sur sa capacité à me faire rêver, mais Adrian est un pont entre les Anciens et les Modernes, son commentaire sur « la musique qui n’est jamais jamais deux fois la même » est inspiré comme un fragment d’Héraclite.
Nous, nous pensions que la musique, c’était des fichiers, et nous les collections avec avidité, les jeunes de maintenant la vivent comme un flux et ne se prennent pas la tête avec.



Adrian a mis autant d’enthousiasme à créer son appli  que Peter Gabriel en avait eu à faire son CD-rom interactif Eve en 1997.
Même si au final, toute randomisée que soit l’appli « Flux », la démo me porte à croire que ce qui sort du logiciel de Belew ne peut sonner que comme du Belew, le Géo Trouvetout du rock.