jeudi 28 septembre 2023

« L’écologie sans lutte des classes, c’est du gaspillage »

Le Nutella, c’est de droite ou de gauche ? 
Tes petits gestes individuels, à quoi ça sert vraiment ?
T’es écolo, mais t’aimes la (bonne) viande ?
Pour l’écologie, tu renonces à quoi ?
C’est la même façon de voir les choses, qu’on soit ouvrière ou employé ? 
ou de la petite bourgeoisie culturelle ? 
ou de la grande bourgeoisie ? 
Ça veut dire quoi, changer la société pour sauver la planète ? 
C’est possible de changer la société sans changer l’ordre social ? 
L’écologie est-elle forcément communiste ? 
Voilà le genre de questions posées par la conférence gesticulée d’Anthony Pouliquen et Jean-Baptiste Comby. Ils interrogent le rapport à l’écologie selon notre classe sociale ; ils se penchent sur l’intérêt des « petits gestes » et la place du collectif…


La conférence gesticulée, c’est un outil d’expression politique issu de l’éducation populaire, qui mêle des expériences personnelles (savoirs « chauds ») et des savoirs théoriques et documentés (savoirs « froids »). C’est sur une scène, mais ce n’est pas du théâtre, c’est militant, mais ce n’est pas du discours, ça fait rire (pas toujours), réfléchir et grandir.
Mardi 26 septembre 2023, salle du Seil quartier Château (allée de Provence, Rezé), 20 h

C'était ma première conférence gesticulée. J'y suis allé en trainant des pieds, j'en suis revenu en serrant les dents, un peu épuisé par leur flow anticapitaliste, des idées plein la tête... sur le plan formel, on dirait un peu deux prêtres ouvriers, mais en vrai c'est un sociologue et un éducateur, qui savent très bien qu'ils s'adressent à la fraction du peuple de gauche qu'ils appellent la petite-bourgeoisie culturelle, celle qui selon eux lit Télérama sans regarder la télé, et ça fait sourire, sauf qu'on n'est pas chez Font et Val, on rit peu, et jaune, bien que le vieux lecteur de Télérama se laisse chamaniser sans chichis et que la conclusion de la conférence, c'est que tant que les Bourgeois possèdent les outils de production pour reproduire l'ordre social ancien, on n'est pas sortis de la destruction de la planète qui nous pend au nez... 
La conférence se tenait dans une salle communale au pied des HLM de la proche banlieue nantaise, et aucun pauvre n'est venu y assister. C'est bien dommage. S'ils viennent se produire vers chez vous, n'hésitez pas, on passe un bon moment, ils sont juste un peu speed...

des liens :
les ouvrages de Jean-Baptiste :

les vidéos d'Anthony :

le paperboard des deux compères
à la fin de la conférence : 
c'est un peu chargé,
mais on a l'impression d'avoir tout compris.
(photo courtesy © ma femme)

jeudi 21 septembre 2023

Cardon : Ras-le-bol (2022)


A part la chanson de Gilles Servat "Les prolétaires", redécouverte la semaine dernière, je ne connais rien de plus déprimant ni désespérant que les dessins de Jacques-Armand Cardon, qui dépeignent de manière magistrale et allégorique les souffrances de la condition ouvrière humaine au vingtième siècle. 
(Daniel Goossens a décrit par ailleurs les souffrances de la condition ouvrière fourmi au vingtième siècle, comme ça à eux deux ils ont fait le tour du problème). 
Cardon, je l'avais totalement oublié, depuis les illustrations muettes dans l'Humanité-Dimanche des années 70, qui me laissaient blême après les avoir contemplées d'un œil d'enfant impie et hagard (longtemps avant que mon œil vire hippie et hangar).

Les dessins de Cardon sont reconnaissables au premier coup d'oeil, 
même si ça fait 50 ans qu'on n'en a pas vu la queue d'un (sic). 
On retombe dessus par hasard, et on s'écrie "Cardon, putain, Cardon !"
aussi fort que si on se rappelait tout d'un coup
qu'on s'était fait violer par Georges Marchais quand on était petit,

mais que on avait tout oublié suite à un syndrome post-traumatique aigü.

J'ignorais alors tout de Kafka, Topor, Gébé, ou Francis Masse, s'il existait une version muette de Francis Masse, dont le lettrage des phylactères serait infiniment plus reposant pour les yeux, et qui sont les cousins germains de ce Cardon qui réussit à beaucoup publier dans la presse communiste de l'époque alors qu'il n'était pas du sérail (Pif le Chien fut publié plus longtemps que les bonhommes déshérités de leurs fringues et du reste de Cardon, mais Pif le chien c'était en strips quotidiens dans l'Humanité (pas -Dimanche).

Cardon et Pif le Chien dans l'Huma
sont les deux mamelles que j'ai sucées
pour nourrir ma conscience politique naissante.

Cardon, je l'ai vu l'autre soir sur LCP dans l'émission de Patrick Cohen "Rembob'INA" dans laquelle Patrick réhabilite le patrimoine télévisuel qui sinon pourrirait doucement comme Swamp Thing dans les archives de l'INA, ce jour-là l'émission portait sur "Du Tac au Tac", joute graphique en forme de cadavre exquis entre auteurs de BD du début des années 70, imaginée par Jean Frapat. Une idée géniale, réalisée avec trois francs six sous, et qui a dû susciter bien des vocations de dessinateurs.
D'ailleurs, je le crois pas, mais le jour où je rédige cet article ils viennent de mettre l'émission en ligne, ce qui est le signe que j'attendais du Ciel où trône mon dieu laïque pour poursuivre mon effort rédactionnel.


(l'émission a été retirée du réseau de diffusion entretemps, et c'est bien dommage)
Du jour où j'ai revu Cardon sur LCP, sémillant malgré son grand âge et l'amertume sans nom qui suinte de ses dessins, mon amnésie a été levée d'un coup. Il a fallu que je coure à la librairie acheter Ras-le-bol, somptueux recueil de ses demi-pages parues dans l’Humanité Dimanche et à Politique Hebdo de 1970 à 1976.
C'est publié aux Requins Marteaux, sans la faucille.
C'est du grand Art. 
Contemporain. 
(Alors que l'art contemporain me fait désespérer et de l'art, et de mes contemporains). J'aurais préféré y trouver ses dessins muets, plus intemporels, dont il en existe plusieurs recueils, plus rares et aussi convoités que le Nécronomicon de l'arabe dément Abdul Al-Hazred :
mais on va pas chipoter pour si peu. Réécouter un vieux Cure en même temps, c'est la garantie assurée sur facture de ne pas survivre à la prochaine soirée Théma sur Arte, dont les choix éditoriaux sont le prétexte rêvé à tant de suicide-parties que les Boches n'auront pas, sauf ceux qui regardent Arte.

Quelques dessins, toutes périodes confondues :










quelques scans que j'ai faits de "Ras-le-bol" :
(clique sur les images, n'aie pas peur, ce n'est pas sale,
et tu les verras en plus grand)

quelques liens, bien trop peu nombreux :

https://www.lambiek.net/artists/c/cardon_jacques_armand.htm

https://ecc-cartoonbooksclub.blogspot.com/2015/05/satirix-cardon-edition.html

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques-Armand_Cardon

https://lanticapitaliste.org/opinions/culture/ras-le-bol-de-bernard-cardon

https://www.benzinemag.net/2023/03/26/ras-le-bol-de-cardon-ces-annees-70-qui-sonnerent-le-glas-des-illusions/

https://superlotoeditions.fr/livres/ras-le-bol/

Le Cardon : Dessins est épuisé.
Moi aussi.

jeudi 14 septembre 2023

Gilles Servat - Les Prolétaires (1972)

La nocivité du capitalisme financier sur les humains qui en subissent les conséquences en attendant la mort n'a jamais été aussi bien décrite que dans cette chanson de Gilles Servat, qui a déjà cinquante ans. Je ne comprends pas que La France Insoumise, Thomas Piketty et David Graeber ne lui aient pas encore dédié un mémorial. Si l'interprétation incantatoire de l'imprécateur breton (dont le timbre de voix m'évoque à tort ou à raison feu Serge Reggiani) vous indispose, vous pouvez toujours vous contenter de lire les paroles et d'opiner du bonnet.
Respect, gast ar c’hast !
 
 

LES PROLÉTAIRES

Y’a des pétroliers super
Qui foutent le deuil sur l’onde.
Avec 10 hommes d’équipage,
On s’en va au bout du monde.
Avant, il en fallait 30,
C’était pas rentable,
En voilà 20 au chômage!
Les prix seront plus supportables.
Mais de tous ces matelots,
Qu’est-ce qu’on va en faire?
Mais de tous ces matelots,
Qu’est-ce qu’on va en faire?
Ils s’en iront à la ville a la la la lair
On les mettra à l’usine.
On manque toujours de prolétaires

Assez travaillé pour soi.
La petite exploitation
Maintient l'Europe en retard
Hors de la compétition.
Il y a trop d’agriculteurs.
C’est pas raisonnable.
Quelques millions au chômage
Et l’Europe verte sera viable.
Mais de tous ces paysans
Qu’est-ce qu’on va en faire?
Mais de tous ces paysans
Qu’est-ce qu’on va en faire?
Ils s’en iront à la ville tra la la la lair
On les mettra à l’usine.
On manque toujours de prolétaires !

Et toi, petit commerçant,
Tu mourras d’la TVA.
Mais si on aide ces gens-là,
La bombe, comment on la fera ?
Le petit commerce doit mourir,
Il est pas rentable.
Va t’en au supermarché,
Les prix seront plus supportables.
Mais de tous ces commerçants,
Qu’est-ce qu’on va en faire?
Mais de tous ces commerçants,
Qu’est-ce qu’on va en faire?
Ils s’en iront à la ville tra la la la lair
On les mettra à l’usine.
On manque toujours de prolétaires.

A Nantes, à Rennes ou à Brest,
Du travail, il n’y en a guère.
Ils voudraient rester chez eux.
Alors comment faire?
Déplacer toutes les usines?
C’est complètement con!
Eux! Qu’ils viennent dans la capitale.
Pour le patron, c’est plus valable.
Mais de tous ces immigrants,
Qu’est-ce qu’on va en faire?
Mais de tous ces immigrants,
Qu’est-ce qu’on va en faire?
S’ils viennent dans la capitale, tra la la la lair
Même en faisant plein de fonctionnaires,
Y’ aura toujours trop de prolétaires.

S’il y a trop de chômeurs,
Y’aura du désordre.
Il faudra des policiers
Pour maintenir l’ordre.
Hitler le disait déjà :
"Un chômeur c’est pas rentable.
Un soldat, ça coûte moins cher.
Et c’est bien plus raisonnable."
Mais de tous ces policiers,
Qu’est-ce qu’on va en faire?
Mais de tous ces policiers,
Qu’est-ce qu’on va en faire?
Ils s’en iront à la ville, tra la la la lair,
Taper sur les ouvriers,
Taper sur leurs frères.
Ils s’en iront à la ville, tra la la la lair,
Taper sur les ouvriers,
Taper sur leurs frères !

J'ai trouvé l'album original de 72 sur un des blogs de ymer, mais suis incapable de le géolocaliser à nouveau. Du coup je remets le lien vers mon blog, le fichier est rarissime. 
En dehors des Prolétaires, qui transcende le régionalisme exacerbé de monsieur Servat, plusieurs chansons y traitent de la douloureuse acculturation des Bretons par les Francs, pas mieux traités selon l'auteur que les amérindiens lors de la conquête du Phare Ouest par les Tuniques Bleues, et La Blanche Hermine l'enverrait aujourd'hui croupir dans les geôles du cardinal Darmanin, pour appel à l'insurrection armée. Heureusement, comme pour les frasques du cardinal Darmanin quand il était jeune homme, un bon avocat obtiendrait sans doute un non-lieu.

jeudi 7 septembre 2023

Asaf & Tomer Hanuka & Lavie Boaz - The Divine (2015)


Ca fait longtemps que je n'ai pas été étonné par une bédé (à part La Bibliomule de Cordoue de Lupano et Chemineau).
Voici donc un fac-similé cybernétique de "The Divine", récit fantastique et guerrier délivré par un trio d'auteurs israéliens qui a bénéficié d'une version française chez Dargaud, et pour ne pas leur faire d'ombre nous ne passerons que la version originale en américain.
Tout ce qu'on peut avoir à en savoir en cas d'interro-surprise et sans se faire divulgâcher la figure tient finalement en peu de lignes :

https://www.planetebd.com/bd/dargaud/le-divin/-/25196.html#fil





L'argument de base de l'œuvre est emprunté à l'édition française :

mais on peut noter que dans la version originale, 
la photo était en couleur et la mise en page un peu plus racée,
c'est ça la classe américaine, on l'a ou pas. 


Quelques illustrations des frères Tanuka, qui parsèment l'album.
Les frères Tanuka, c'est les jumeaux Bogdanov de la BD, 
en tout cas ceux qu'on croisait dans la Lucha Libre de Jerry Frissen,
mais en mieux, et surtout en moins morts.


et l'album en V.O., sans autre forme de procès :


Merci à un collègue amateur d'articles funéraires caverneux et oubliés pour la fourniture du fichier. Les frères Hanuka, qui se prononcent peut-être comme Hanoucca, la fête juive des lumières, ont chacun leur blog, bien qu'ils ne soient pas des Frères Ennemis, dont l'un des deux a mystérieusement disparu en 1984, je sais pas si c'était le Big Brother, mais on ne l'a jamais retrouvé. S'il est chez vous, merci de le ramener au journal, qui transmettra. 
Idem si vous retrouvez une émission de "Pas de panique" de Claude Villers incluant "les aventures d'Adolf, le petit peintre viennois" que votre grand-mère aurait enregistré par miracle en 1973 sur cassette ferrochrome.


et sinon, The Divine, c'est comment ?
ben c'est comme ça.