Dans Schnock, somptueuse revue de vioques qui parle aux vioques de trucs de vioques, périmés, obsolètes, caduques et surannés, les rédacteurs évoquent souvent avec malice des oeuvres artistiques (cinéma, musique, littérature) très recommandables, mais disparu(e)s depuis belle lurette des rayons de la Fnac. Je les suspecte d'y prendre un malin plaisir, genre " nous on les a, nananère, et pas toi, nanana." Bref. L'article de Schnock (dans le n° 39) consacré à Areski et Fontaine m'a rappelé leur disque de 1977, que je n'avais pas vraiment écouté à l'époque :
A l'époque, on les traitait de doux dingues. Musicalement, l'amalgame était vite fait. Claude Villers et/ou Jean-Louis Foulquier les passaient un peu sur Inter, surtout le "Vous et nous" qui donne son titre à l'album. Mais j'en garde un faux souvenir avec sitar et tablas, alors méfions-nous. Et l'époque était plus tolérante avec les loufs qu'aujourd'hui, ou alors il faut afficher une certaine radicalité exacerbée. Quarante-cinq ans plus tard, leurs chansons resplendissent en divergence, encore et encore, pour reprendre une expression entendue dans un disque pirate tout mal enregistré de Robert Fripp à l'époque où il glissait des fragments de l'enseignement de Gurdjeff dedans. Mais l'époque était plus tolérante qu'aujourd'hui.(1)
Nonobstant mon incessant babil, je voulus derechef réentendre l'album de Fontaine & Areski. Ce ne fut pas facile, même sur les serveurs russes farcis d' Ebola.
Le voici déniché en écoute gratuite et à l'achat payant :
https://store.kythibong.org/album/vous-et-nous
Merci Internet, de rendre tout cela possible. L'époque était plus tolérante, mais y'avait pas Internet. C'est fromage ou dessert. Maintenant que j'y pense, faut que je vous dise, c'est un disque difficile à écouter. Exigeant. Eprouvant. On ne peut pas faire grand chose d'autre en même temps, contrairement à Steve Roach. Les textes, leur interprétation, les orchestrations, tout réclame une attention extrême. Il y a du gauchisme vintage, du féminisme outré, du rap préhistorique, limite situationniste, de la radicalité travestie en sagesse, de la déconne intransigeante, des comptines avec guitares en bois faussement hippies, pleines de chausses-trappes, de ce faux folk qui sera toujours d'avant-garde, et du mysticisme en fiches pratiques, encore mieux que comme s'il en pleuvait au rayon spiritualité vivante & développement personnel de la Fnac : "Oublie d'avoir raison et tu comprendras tout / Perds un peu ta raison / Tu ne perdras que ta prison" (Patriarcat). J'aimerais bien revenir en 77 pour élargir ma conscience cosmique en direct, là c'est un peu tard.
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(1)Oooh punaise, je viens de le retrouver, et y'avait aussi David Byrne dans le coup. David, laisse-moi te dire que ton concert filmé l'an dernier par Spike Lee dans une petite salle de New York est magnifique, et suscite un enthousiasme qu'on croyait englouti avec le GIEC et la pandémie. Je retire tout ce que j'ai dit sur l'époque. Ton concert sera d'ailleurs chroniqué dans Schnock n° 3956, à paraitre en 2277.