samedi 13 août 2022

Steve Tibbetts - Hellbound Train : An Anthology (2022)

Ce matin, j'ai fait ma rentrée des classes au bureau, avec mon nouveau cartable en bandoulière. J'y suis même allé à vélo, une heure à descendre la Sèvre nantaise à la fraîche, ça se refuse pas. Après déjeuner, où j'ai pris une bonne soupe phở parce que ça requinque par ces chaleurs, j'ai été visité par une splendide anthologie d'un guitariste manifestement en roue libre et hors catégorie (mais qui reprend quand même un titre de Led Zeppelin, niché au creux de l'écrin secret de son abondante discographie) dont la pochette me semblait tendance.



Comme il est dit dans la notice d'emploi, "avec ses mélodies et textures liquides, ses motifs et pulsations hypnotiques subtilement influencés par la musique de nombreuses cultures, c'est une introduction idéale à une œuvre unique. À différentes époques, Tibbetts peut sembler plus proche du minimalisme, du rock alternatif ou de la musique ambiante, mais sa signature artistique est inimitable". Il semble relativement connu des amateurs de musiques transgenres, et pas du tout en tant qu'olibrius qui se permet de fricoter avec des bibis fricotins tibétains du fait qu'il s'appelle Tibbetts, et pourtant ça fricote assez dur. 

L'affiche du flim est de James Jean
et elle est à son image : 
une métaphore de la quête paroxystique
perpétuelle de l'espèce humaine
(qui durera nonobstant moins longtemps que les impôts)

Après ça, pour découvrir à qui j'avais affaire, alors que sa musique me révélait déjà amplement tout ce que j'avais à savoir de lui, je me suis baladé dans le multivers (un peu comme dans le film Everything Everywhere tout en même temps, regardé hier soir en v.o.s.t.v.o. malgré la chaleur et le risque avéré d'embolie cérébrale chez la personne âgée cyberdépendante) et j'ai finalement atterri sur une magnifique base de données en forme d'article Pitchfork vantant les charmes du catalogue ECM.
https://pitchfork.com/thepitch/12-must-hear-albums-from-ecm-the-influential-jazz-and-classical-label-finally-on-streaming-services/
Comme il est dit en début d'article : espace, ombre, atmosphère. Décriées jadis, des qualités recherchées aujourd'hui, autant en musique qu'au fond de mon puisard à sec, qui ne me permet plus de faire pousser mes salades, et encore moins de les vendre au marché depuis début juin.
Bon, c'est pas tout ça, mais j'en ai pour quelques jours à écouter tout ça, et il me faut encore remonter la Sèvre à vélo avant le crépuscule.

jeudi 11 août 2022

[Repost] Imago - derrière le rideau (1978)

mer. 18 mars 2009
Je n'ai pas beaucoup écouté ce troisième album du groupe à l'époque de sa sortie, j'étais passé aux Sex Pistols et à Thiéfaine. Un lecteur du blog me l'a posté, alors je partage. De l'écouter aujourd'hui, on sent l'annonce du faire-part imminent (et poli) de la faillite des utopies 70. Idéal pour se tirer une balle en murmurant "Monde de merde", comme Georges Abitbol dans Le grand détournement. Tiens, faudra que je poste du Bénin (Môrice), j'avais rippé mes vyniles achetés dans l'Ariège par correspondance.
 (lien megaupload périmé de chez périmé)

[EDIT 06/07/2022]

Découvert sur un serveur russe une version à 320 kbps pas meilleure que celle à 160 dénichée jadis. La routine. Forte suspicion de repompage d'après source youtube tronçonnée par les bouchers de  Lyssytchansk. Apopo, 800 pieds. Réécoute quasi-reigieuse, qui ne changera rien au passé, qui n'a pas d'amis quand il vient lécher les statues. La routine. Remise en ligne, ajout des pochettes dans l'article, et retour à la base. Roger. Apopo, 800 pieds. 










Les autres albums d'Imago, disponibles derrière le rideau et sous le manteau :




françois béranger au milieu de sa campagne de promotion de ses petits camarades, 
qui devaient faire sa première partie à l'époque, 
je n'ai pas tout les détails et j'ai volé cette photo sur le fessebouque du groupe
qui reprend du service, mais chut, on en reparlera)

 

jeudi 4 août 2022

Daniel Goossens - Introuvables mais retrouvés (1977/2022)

Une compilation faite à la main d'histoires courtes de Daniel Goossens, parues essentiellement dans 40 ans de Fluide Glacial. Certaines ont été reprises, postérieurement à ma sélection, dans Ga, et dans Adieu Mélancolie. Je n'ai pas le courage d'enlever celles parues à l'époque en albums ("le messie est revenu", "l'esprit le corps et la graine"...) (car en vérité, comme je le lis dans le nouveau Métal Hurlant n°3,  les geeks qui achetaient les revues de BD dans les années 70 les conservaient, et du coup n'achetaient pas les albums, et je ne les ai pas pour comparer) ni de vérifier dans les bibliographies qui font autorité (le p.l.g.p.p.u.r. de 1986 que je n'ai pas encore retrouvé au garage, la monographie de frémion, la phénoménale bibliographie de bdoubliées), c'est déjà bien assez de boulot que de les rassembler avec un semblant d'ordre chronologique.

Je voulais pas faire de couverture pourrie avec photoche,
mais mon éditeur m'a forcé ! 


un lien intéressant :


Le mode d'emploi idéal de votre lecture de l'été !
N'oublie pas tes 18 piles 1.5v pour alimenter ta tablette sur la plage !

le lien vers le fichier :

Après avoir relu tout cela, m'apercevoir que Goossens décrit la laideur, la médiocrité, les processus psychologiques de compensation du moi déficient, la sexualité comme une névrose sans remède, et que c'est pour ça que je l'aime. C'est un peu triste. 

jeudi 28 juillet 2022

Jon Brion - Something you can't return to (2008)

Voici une descente harmonique qui évoque et accompagne admirablement les sentiments de perte, de deuil, d'impossibilité d'accomplir quoi que ce soit de non-dérisoire avant la mort, de fuite du temps, d'accablement, d'impuissance et de désespoir arômatisé goût caramel du film Synecdoche (dans l'appartement en combustion spontanée permanente dans le film, puisque le caramel, c'est du sucre qui brûle dans une casserole dont l'eau se retire).
Morceau fort justement titré "quelque chose vers quoi tu ne peux retourner"

et son retour, qu'on n'espère pas éternel.



 Et pourtant, c'est pas faute d'essayer.

Et la petite chanson qui achève bien les chevals.

A part ça, Jon Brion est surtout connu pour le Theme d'une implacable mélancolie écrit pour la musique de le film Eternal Sunshine of the Spotless Mind.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jon_Brion

jeudi 21 juillet 2022

Morris et Giraud - variations western (1973)

trouvé dans le Pilote annuel 1973, une lecture d'été idéale, une planche de Lucky Luke relookée par Giraud, ainsi qu'une planche de Blueberry revisitée par Morris.




Comme quoi Blutch n'avait rien inventé, avec ses variations
(qui m'ont laissé indifférent voire offusqué de l'inanité de la chose, toute arty qu'elle fusse)
Et moi non plus, je n'ai rien inventé, puisque j'ai ensuite trouvé une chronique sur ces variations chez Li-An
mais c'était trop tard, mon article était déjà chez Li-mprimeur.

jeudi 14 juillet 2022

Dan Romer - Station Eleven Soundtrack (2021)

Le jour du 14 juillet, je reste dans mon nid douillet. La musique qui marche au pas, cela ne me regarde pas. Sauf s'il s'agit des fanfares berlinoises d'avant-guerre, ou alors des mélopées issues des films et séries qui me meuvent.
le space opéra,
ce truc pour les mémés de droite, 
qui lisent Zemmour et Heinlein.
C'est après m'être retapé les 5 saisons de The Expanse avec le fiston avant d'être bien déçu par la 6ème être tombé presque par hasard qui n'existe pas sur le pilote de Station Eleven, une mini-série qu'un bloggueur m'avait vendu comme une trouvaille majeure sur son lit de mort, que je me suis rendu compte que question science-fiction, le space-opera est un sous-genre appartenant définitivement au passé bourrin, réactionnaire et en état de mort cérébrale de la SF (sauf Tchaikowski).
D'ailleurs nous ne sommes mêmes pas fichus de retourner sur la lune cinquante ans après Louis Armstrong, lune qui si ça trouve n'existe même pas, sauf dans les chansons rétrofuturistes de Guy Béart et les bédés de Daniel Goossens, sans parler des interminables tutoriels pour utiliser des toilettes en gravité zéro, qui ne sont que du lobbying à peine déguisé de la NASA qui nous prend pour des quiches; alors que face à Station Eleven, j'étais soudain en présence de l'anticipation du turfu. 

Photo décadrée + musique raffinée
= la Classe à Dallas
Station Eleven est une fiction post-pandémique dont je n'attendais rien, d'ailleurs rien qu'à l'annonce du thème j'ai failli me barrer, alors quand j'ai été attrapé, ben... j'ai été bien attrapé. Encore du rata pandémique ? bof bof me disais-je dans ma ford intérieure; vu qu'il m'arrive encore d'oublier de mettre mon masque en parcourant d'un air guilleret les rayons de monsieur bricolage chaque fois que ma femme s'absente une semaine et que je suis pris d'une incoercible envie de rénover la terrasse en bois exotique pour qu'elle puisse en jouir dès son retour, on dirait bien que j'ai presque oublié l'infâme microbe qui nous a tenu la dragée haute pendant deux ans, alors que lui continue sans doute de penser à moi avec la bave aux lèvres, s'il en a, et en fiction sérielle, c'est pas un sujet qui m'attirait. Ultimement, son sujet d'étude est l'humanité intrinsèque des êtres humains, et comment elle peut faciliter (ou pas) la transition sociétale lors d'un effondrement civilisationnel. Ah tiens, c'est encore moins sexy raconté comme ça. Tant pis.
C'est une série branchée "réconciliation avec l'Autre", suggérant des pistes d'atterrissage dans des aéroports désaffectés pour la résolution des conflits humains avec le minimum de violence et de casse sociale possibles. 
Bien sûr, en vrai, dans un monde post-apo, issu en droite ligne de l'ancien où nous étions condamnés à manger du poulet et du poisson d'élevage à tous les repas jusqu'à ce que rupture de stock s'ensuive, les survivants ne passeraient pas leur temps à jouer du Shakespeare sur des scènes itinérantes, le long d'un parcours circulaire annuel autour du lac Michigan; Shakespeare ?(dont il est beaucoup question dans la série, mais chut, je suis en train de parler d'autre chose et on ne va pas ouvrir trois bataillons de parenthèses comme dans le Manuscrit Trouvé à Saragosse) ils n'auraient guère le temps de jouer Shakespeare, ils cultiveraient des pommes de terre, se disputeraient âprement les femelles, et  les mâles les plus alpha réinventeraient le mormonisme.

dans le monde vraiment post-apo qui vient pas pour de rire,
les vegans femelles finiront en salade de thons
Mais c'est sympa de privilégier la Beauté du Geste plutôt que de nous bourrer le crâne avec du survivalisme à la mords-moi-le-Walking Dead, qui finira par nous faire pousser la porte d'une armurerie pour nous acheter de quoi nous défendre de nos voisins, et là ça sera l'escalade. Ca nous change un peu des réflexes de l'archéocortex. Il y a comme un pari sur l'humain et sa capacité de résilience, sans s'infliger tout Cyrulnik, même en édition de poche. Au final, on voudrait nous contraindre à une empathie un peu suintante par les commissures de la fiction, qui pousserait presque à faire des câlins à des inconnus, voire des conseillers de la banque postale, même si ça serait pas des gens pas vus depuis très longtemps, qu'on ne s'y prendrait pas autrement pour que cette émotion bisounours à large spectre nous contamine d'une compassion diffuse envers tous les personnages de la série, idée qui nous aurait révulsé avant l'irruption du Covid_19, mais qui est ici tout à fait stimulante.
une image de Station Eleven bien rafraichissante par ces chaleurs, madame Michu.

J'abomine l'expression "récit choral", mais faut reconnaître que là, ça en est. Les éléments de l'intrigue sont d'abord juxtaposés dans un savant désordre temporel, dont le raccommodage façon puzzle se fait très progressivement, et avec un peu de malice, mais si ils énonçaient les faits dans l'ordre chronologique, est-ce que ça serait aussi réussi ? les esprits chagrins et chafouins pensent que non, mais on les emmerde. 
Le labyrinthe causal ne bloque pas l'émotion, et s'écoule avec fluidité dans les rigoles prévues à cet effet. 
Ce qui m'a séduit et convaincu de rester, ce sont ces allusions croisées (et tout d'abord poétiques mais obscures) à une bande dessinée faite à la main et tirée à 5 exemplaires, dont certaines réparties, répétés ad libitum et nauseam, deviennent des prophéties auto-réalisatrices, ce qui m'a évoqué un bon souvenir télé : la première saison d'Utopia, où il y a aussi un comic-book handmade, et une pandémie, non, tulirapa téléramadan pour récupérer tes souvenirs d'icelle, et puis rapidement, l'argument pandémique passe à l'arrière-plan, le vrai sujet je l'ai dit c'est l'humanité (réelle ou simulée) des personnages, dans un contexte civilisationnel inédit.

la couverture du roman graphique au tirage confidentiel imaginé dans la série
(art from Maria Nguyen)

C'est une fable philosophique. L'univers est prenant, les personnages attachants, les acteurs magnifiques, la direction artistique très jolie, et la musique de Dan Romer nous berce comme du Calmolive, le savon des stars qui adoucit aussi les prunes, en tout cas c'est ce que disait Desproges, bref c'est une belle réussite que je recommande, dit-il à la cantonade.
une autre série de Patrick Somerville
déroutante et acidulée, 
comme je viens de le dire en face.
Patrick Somerville invente ici le feel good post-pan TV show. Je suis touché, alors je m'intéresse alors à ses autres travaux :
Maniac, sa précédente série, était déroutante et acidulée. Je me suis tenu loin de The Leftovers, co-écrit avec les scénaristes incontinentsmalhonnêtes, enfumés, responsables de Lost. Surtout moralement et pénalement.
Mais il faut quand même que j'essaye Made for love, une autre de ses créations récentes. Parce que Station Eleven c'est surprenant, et que c'est difficile d'être surpris, quand on n'est plus un perdreau de l'année. Et au contraire de beaucoup de denrées périssables comme l'huile de tournesol et la moutarde forte, plus je partage mon désir, et plus il y en a, comme Chuck Norris Jésus multipliant les pains.
Et la musique de Dan Romer ? ben elle est pas mal.
Elle va droit au cœur, sans fioritures. 
Contrairement à cet article. 

jeudi 7 juillet 2022

Alain Souchon Anthologie [Disc 16] Versions Étrangères Et Live, Poèmes Inédits (2019)

 descriptif du fournisseur :

Ce coffret limité regroupe pour la première fois la quasi-totalité de ses albums studio, dans leurs pochettes originales cartonnées reproduites de façon incroyablement cheap.
Inclus aussi 2 CD bonus proposant des titres hors albums, de rares versions live ou étrangères, et des inédits (Les versions anglaises Jim's Story et Just as You Please, lecture de poèmes de Musset, Apollinaire, Verlaine, Baudelaire...)

commentaire utilisateur :

attention, ne pas avale, sinon fini la garanti (référence au gag d'Edika qui a fait long feu dans nos colonnes)

Nomenclature du contenu du disque 16 ci-inclus:



jeudi 30 juin 2022

Charlie Kaufman - Antkind (2022)

l'édition originale
en v.o.s.t.v.o.
Depuis que j’ai assassiné virtuellement le père Goossens symbolique avec un torchon de cuisine, les spectres de Georges et Louis me hantent à jamais, surtout à travers « Antkind », le récent roman de Charlie Kaufman.
Jamais rien lu d’aussi drôle (au sens goossensien du terme, comportant donc une bonne dose de tragique) sur le genre, la race, et les névroses obsessionnelles "de compétition".
Livre hilarant et savamment tordu, certes, mais aussi bourratif, à partir de la moitié, et un peu interminable, surtout vers la fin (qui pour moi commence à la moitié, mais ce n'est qu'un avis). 
Le récit tout d'abord incisif, farfelu mais brillant, a insensiblement muté en quelque chose  d'asphyxié, cryptique et crépusculaire, quelque part entre Beckett et Lynch, avec des gros bouts de Laurel et Hardy dedans, mais du coup le burlesque y est plus anxiogène qu'autre chose. 
C’est fatigant les trucs sympas qui virent abscons, quand il fait chaud, alors qu’un bon rape and revenge, comme Saani Kaayidhamen sortant du travail ça détend.

On dirait que Charlie s’est fixé pour objectif de s’aventurer en rampant dans une cavité creusée à mains nues à l’intérieur de son propre cerveau, jusqu’à y découvrir la source d’où sourdent ses pensées, juste avant qu’elles fussent verbalisées, de rester tapi en amont de celles-ci, afin de les déconstruire (à la Derrida, tra déri déra tralala) dès leur apparition, ce qui devrait nous procurer une imprenable vue d'artiste de la nature ultime de l'esprit humain (dans sa version sexagénaire new-yorkaise) en même temps qu'une expérience de lecture innovante. Il y a plein de pages atrocement hilarantes sur des sujets vraiment très variés, et qui se chassent l'un l'autre en une farandole prise de démence juvénile. Mais à la fin, on a juste envie d’en finir.

"Je veux juste en finir",
la campagne promotionnelle.
Ca fait envie, hein ?
Comme dans son dernier film 
" I'm Thinking of Ending Things" (2020), qui commençait bien, avant de barrer sérieusement en couille, et à propos duquel j'avais noté, sur un forum bourré d'amis imaginaires restant toujours cachés à la périphérie de ma vision, avoir successivement songé à :
- Eraserhead
- la séquence finale de 2001 l'Odyssée de l'espace, avec plus de peyotl dedans
- Enemy, le dédale dépressif de Denis Villeneuve (toute la partie relevant des troubles de l'identité)
- Fargo (à cause du méchant de la saison 3 dont on retrouve ici l'acteur dans un rôle savoureux et flippant)
- Beetle Juice, pour l'ambiance dans la maison
- West Side Story adapté par Philip K. Dick.
Il a l'air de se croire malin. Et il a raison : il l'est.
Mais qu'il se méfie : à malin, Darmanin et demi.

- et peut-être même un zeste de Apichatpong Weerasethakul, tellement c'est bavard et peut-être un peu bouddhiste par moments, et tellement on se balade dans des niveaux de réalité plus proches de l'état intermédiaire des bardös que de la réalité réelle ratée que nous connaissons de nos jours et à laquelle même ce forum ne permet pas d'échapper durablement, malgré tous les efforts du staff. (1)
En résumé, j'ai passé un bon moment de télévision 4/3, à la fin j'ai cru que je faisais un AVC, mais non, c'est le générique qui était flou et le film qui était fini.

Et encore, on a de la chance, ce n'est pas un scénario original de Kaufman, mais l'adaptation d'un roman. Faudrait voir le bouquin, et surtout l'ouvrir pour voir ce qu'il a dans le ventre. Mais c'est très kaufmanisé, de torsion en torsion.
Torsion du réel, torsion du langage, torsion du cinéma, torsions et contorsions du cerveau du spectateur, qui demande grâce, mais elle lui est refusée, pour les raisons habituelles; et vous, vous l'accepteriez, la grâce, si elle vous tombait dessus ? c'est aussi un film sur la nature ultime de la réalité, c'est pour ça que je l'associe de façon un peu cavalière à Weerasethakul, qui me saoule souvent, mais je mise tous les ronds qu'il me reste avant impôts sur Oncle Boonmee, mon dernier espoir de capter quelque chose au Verhoeven thaïlandais. Je ne développe pas plus sur les interprétations possibles de "I'm Thinking of Ending Things", j'en ai tellement lu sur sens critique que je songe à en finir, moi aussi. Comme dans le film. 
Citation de "Antkind", le livre qui pour l'instant n'est pas un film :
« — Vous avez l’air juif, m’a-t-elle dit.
— Il paraît. Mais je veux que vous sachiez que je ne le suis pas.
— OK. Votre livre sur Greaves est incroyable.
C’est elle qui était incroyable. Elle était tous les personnages afro-américains positifs qu’on voit à la télé réunis en un seul, des personnages créés pour combattre les stéréotypes noirs négatifs qu’on voit tous les jours aux infos. Elle s’exprimait bien, elle était instruite, athlétique, belle, charmante, extrêmement sophistiquée. Et je me disais que j’avais une chance avec elle. Ça ferait un bien fou à mon amour-propre, ainsi qu’à ma position dans la communauté universitaire. Je lui ai proposé de prendre un café. Non que je la visse comme un accessoire ou une chose à posséder ou une ligne de plus dans mon CV. Bon, tout ça jouait bien sûr, mais je ne voulais pas l’admettre. Je me suis promis de travailler sur ces réflexions désagréables, de les chasser. Je savais qu’elles étaient honteuses. Et je savais qu’elles ne résumaient pas ma pensée. J’allais donc les garder secrètes et me concentrer plutôt sur l’attraction sincère que je ressentais pour cette femme. La nouveauté de son afro-américanité finirait par diminuer, et je savais qu’il n’y aurait plus qu’un pur amour pour elle, une femme de n’importe quelle couleur, d’aucune couleur : une femme claire. Même si je comprenais que mes sentiments à l’égard des femmes n’étaient pas purs en général. Le charme était un facteur déterminant, ce qui est mal. Et bien sûr les caractéristiques exotiques raciales, culturelles ou nationales m’attiraient. Je serais aussi excité d’exhiber une petite amie cambodgienne ou maorie ou française ou islandaise ou mexicaine ou inuit qu’une petite amie afro-américaine. Presque. C’était là quelque chose que je devais m’efforcer de mieux comprendre à mon sujet. Je devais combattre mes instincts à chaque instant. »

la couve de l'édition v.f.s.t.v.f.
Comme le dit Téléramadan, qui trouve un ton informatif assez juste en restant à la fois pudique et complaisant sur la monstruosité littéraire de l'entreprise, parce que Téléramadan, c'est quand même rien que des putains de professionnels de la profession de la critique littéraire :

Critique par Samuel Douhaire
Publié le 16/05/2022
Le scénariste et réalisateur américain publie un premier roman monumental, un livre-monde d’une démesure et d’une folie telles qu’il ne sera sans doute jamais porté à l’écran. Même s’il y est beaucoup question de cinéma…
Les spectateurs des films écrits et/ou réalisés par Charlie Kaufman connaissent sa propension aux histoires les plus surréalistes possible. Pour Dans la peau de John Malkovich, mis en scène par Spike Jonze en 1999, le scénariste imaginait qu’un marionnettiste, recruté dans une entreprise située au septième étage et demi (sic) d’un immeuble new-yorkais, découvrait une porte minuscule menant… à l’intérieur de l’acteur John Malkovich. Et dans Synecdoche, New York (2008), son premier long métrage derrière la caméra, un metteur en scène de théâtre faisait reconstruire les décors de son existence qu’un acteur rejouait dans les moindres détails, avant que ledit acteur construise à son tour un décor et fasse intervenir d’autres comédiens, qui à leur tour… Mais les fans de Charlie Kaufman n’avaient encore rien vu - ou, plutôt, rien lu. Car à 60 ans passés, l’auteur new-yorkais publie un premier roman monumental, un livre-monde, un livre-monstre d’une démesure, d’une complexité et d’une folie telles qu’il ne sera sans doute jamais porté à l’écran. Même s’il y est beaucoup question de cinéma…
une autre édition 
en v.o.s.t.v.o.
Le héros d’Antkind est un critique de film encore plus obsessionnel que ses semblables (lire ci-dessous), au point d’avoir baptisé son chien Au Hasard Balthazar, en hommage au classique de Bresson — dont le héros est, rappelons-le, un âne. B. Rosenberger Rosenberg, alias B., la cinquantaine bien tassée, est, surtout, un loser de compétition. Il porte une barbe « trop volumineuse pour [sa] tête chauve », destinée à dissimuler une tache de vin qui s’étend de la lèvre supérieure au sternum. Il a un avis, souvent négatif, sur tout — y compris les films de sa propre fille, auxquels il attribue systématiquement deux étoiles tout en les massacrant sur son blog — mais dans l’indifférence générale, car plus personne ne le lit. En Floride, où l’a conduit un projet d’essai sur « Genre et cinéma », B. fait la connaissance d’Ingo Curtbirth, un Afro-Américain qui prétend avoir 119 ans et a consacré quatre-vingt-dix années de sa vie à réaliser, seul et en secret, le plus long métrage jamais tourné : un film d’animation en stop motion (marionnettes animées image par image) d’une durée de trois mois… B. est époustouflé par ce chef-d’œuvre inédit en lequel il voit le dernier espoir de sauver l’humanité. Alors quand le vieux cinéaste autodidacte meurt au bout de dix-sept jours de projection, B. embarque les bobines du film et toutes les figurines conçues par Ingo afin de les révéler au monde — et, enfin, devenir célèbre. Mais sur le chemin du retour, la pellicule est détruite dans l’incendie de son camion. Un seul photogramme subsiste désormais, à partir duquel B., sorti de trois mois de coma, va tenter de reconstituer le film dont il a tout oublié, en tâchant de retrouver la mémoire avec l’aide d’un hypnotiseur peu fiable. (...)

une édition de poche
en v.o.s.t.v.o.
Un peu plus facile à lire et à décoder que L'Infinie Comédie, mais c'est la même racaille d'écrivains cérébraux, malsains et hypomaniaques, David Foster Wallace, Francis Masse, Thomas Pynchon, William Vollmann, avec des univers récursifs et inextricables en mode vache qui rit, et au final l'effet produit est toujours bien dépressif, ça sent un peu la corde, comme dit un copain qui se garde bien de déblogguer tout son saoul pour ne pas finir comme moi ou comme B. Rosenberger Rosenberg, je dis ça parce que du coup dans le doute je viens de regarder Synecdoche, un autre grand film malade de Charlie Kaufman tout entier empli de la Présence Absente de Philip Seymour Hoffman, qui se perd en route dans le film (et à la ville grand suicidé devant l'Eternel, comme Wallace) et pour l'instant c'est le pire film de Charlie K. que j'aie jamais vu. Je tombe immensément d'accord avec Léo Henry, dans sa vigoureuse mise en bière, qui relève le côté auto-suicidaire du forcené, et les capacités de Charlie à se saborder au milieu de l'océan de mots dans lequel il se baigne après nous en avoir inondés dans Antkind sont bien restées intactes depuis qu'il sabordait son propos dans Synecdoche, la boucle est bouclée, et la messe est dite.
C'est d'autant plus râlant que Antkind est bien énervé, pétillant et tranchant dans sa première moitié, avant de s'enfoncer dans les limbes d'une hideuse narcolepsie, ça démarre vraiment jouissif et jubilatoire, mais ensuite viennent les glissements progressifs du plaisir vers du Beckett mis en scène par Lynch, de moins en moins électrocuté de saillies burlesques… et ça se finit en un obscur boyau, qui voudrait sans doute se voir faire montrer comme la caverne de Platon revisitée pour l'homme post_moderne du XXIème siècle, car comme Warsen, Kaufman est un mec qui cède aux sirènes de l’auto-addiction en pensant que ça fait de lui un penseur contemporain. Mais bernique, ça tourne en queue de boudin.

y'a pas que l'aubergine qui soit bien farcie
à la fin du bouquin, sans parler de l'article.
Et Warsen n'écrit pas des livres de 880 pages pour prouver combien il est drôle. Ecrire des articles à la one again sur Kaufman lui suffit amplement à prouver qu'il ne l'est pas. 
C'est vrai, c'est saoulant, à force. Et je jure que ce n'est pas moi qui ai rédigé sous pseudo la critique "amateur" de Antkind sur sens critique
https://www.senscritique.com/livre/antkind/critique/268090822 
à qui je donne partiellement tort, parce que les pages écrites "dans la peau de Donald Trump" sont parmi les plus réussies du livre. Mais ensuite, le lent glissement de terrain littéraire vers la fourmitude et les méditations subatomiques et sous-exposées sur la nature de la mémoire et du réel, toujours à travers les péripéties de notre malheureux narrateur lui-même totalement transformé en quelque chose d'inscrutable, ça me dépasse un peu en termes de capacités de nuisance à soi-même. Soit c'est beaucoup plus profond que ça n'en a pas l'air, soit ça mériterait de revoir la lumière pour tirer toute cette affaire au clair.

A trop vouloir zoomer sur l'objet de son étude,
la même mésaventure était arrivée à Daniel Goossens.
("Sauver le régionalisme, et puis sauver la culture aussi", pl.1)

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(1) la suite de ma harangue sourde, en léger différé (octobre 2020) de mon forum hyper-secret farci d'aubergines et d'amis imaginaires :

les amis de Charlie essayant de le dissuader
d'écrire un nouveau livre film livre
Je me suis permis d'insérer Weerasethakul dans le corpus textuel parce que d'abord il fait toujours joli et instruit où qu'on le place, Apichatpong, et puis pour faire redémarrer le fofo, Weerasethakul.
Cela marcha jusqu'à un certain point. 
Mais aussi parce qu'il me souvenait de ce fragment de dialogue “There is no objective reality,” explains Jake late in I’m Thinking of Ending Things. “You know there’s no colour in the universe, right? Only in the brain.” ce qui est très bouddhiste, dans l'esprit, comme je suspecte Apichatpong de l'être, Weerasethakul; mais je ne souvenais plus où je l'avais trouvé, et si Moïse a erré quarante ans dans le désert, c'est bien parce que les hommes ont horreur de demander leur chemin, alors que moi il ne m'a fallu que quatre jours pour retrouver le mien après avoir lu cette chronique.
Et il y aussi des wagons de théories afférentes, y'a qu'à se baisser Apichatpong pour les ramasser Weerasethakul. C'est un peu comme la première fois qu'on voit Mulholland Drive, on éprouve le besoin de confronter son expérience à celle d'autres hardis navigateurs de l'océan de blogs ciné consacrés au Lynchage. 

je n'ai pas réussi à caser l'affiche dans l'article, 
sais-tu où je pourrais me la mettre ? 
https://www.indiewire.com/2020/09/charlie-kaufman-explains-im-thinking-of-ending-things-1234584492/









 
Mmmmh mille putois ! tant de liens à lire, et si peu de temps pour voir le film... remarque, une fois que t'as lu les liens, t'as plus trop envie de voir le film, et ça gagne du temps pour rentrer chez toi avant le couvre-feu. Merci qui ?
Meuh non. Merci Charlie !