jeudi 16 juin 2022

Daniel Goossens - La porte de l'univers (2022)

de mon temps,  Falaouide Glazioule
s'appelait encore Fouloude Glozyol.
Daniel Goossens est le dernier dinosaure encore en activité de Fluide Glacial Canal Historique. Nous y avons fait nos premiers pas ensemble, en 1977, lui en tant qu'auteur, moi en tant que lecteur. Dès le début nous éprouvâmes une affection mutuelle, qui ne se démentit pas à travers les z'ans, malgré nos coups de mou, de bambou et de grisou, dont nos vies pourtant bourrées à craquer furent néanmoins riches de calvaires existentiels en tous genres, même si on n'est pas aussi bipolaires que Benoit Poelvoorde, lui aussi grand fan des histoires de Daniel.



La porte de l'univers était fermée de l'intérieur
Il y a longtemps que je ne lis plus Fluide Glacial car je n'y connais plus personne, à part Daniel Goossens, qui ne me ferait même pas coucou à travers la vitre si je passais devant, car nous ne sommes rencontrés qu'une fois en 1986 à l'occasion d'un projet de dessin animé qui ne s'est jamais fait tellement j'étais intimidé, alors ça va plus vite d'acheter ses livres en découpant le bon de commande page 69.
"La porte de l'univers", son dernier album encensé par la critique unanime criant au chef-d'oeuvre comme si l'on se trouvait à l'intérieur d'un album de Goossens ? d'habitude, quand on lit Goossens on rit beaucoup, surtout moi, mais là, presque pas. Ou alors, j'ai un problème avec le rire, dont je ne veux pas parler, on a eu des mots, on s'est fâchés, et maintenant je dors à l'auberge du cul tourné. 


Sauf la blague sur Corto Maltese, parce qu'un jour, à un sondage "qu'est-ce qui vous a aidé à traverser les années 70 ?" quelqu'un avait répondu "Corto Maltese", et ce n'était pas drôle, mais ça m'avait ouvert la porte de l'univers de la perception et contraint à réévaluer l'oeuvre d'Hugo Pratt, et du coup parvenir à se moquer de ce que j'ai de plus sacré, en faisant basculer Corto dans le grotesque, c'est vraiment le dernier tabou qui tombe, et je trouve ça hilarant. Mais je peux me tromper, personne n'a la science infuse, sauf Albert Einstein quand il était dessiné par Goossens.


Quelle idée aussi de s'embarquer pour un récit de 65 planches, alors qu'on a toujours excellé dans les formats courts. Si c'est un testament, il est scabreux, et on se sent déshérité. Si c'est un chant du cygne, il a au moins la myxomatose. On ne voulait pas croire que Daniel Goossens puisse un jour radoter, s'assoupir sur ses prémisses comme d'autres vieillards s'endorment dans leur pisse. On pardonne difficilement aux génies de ne pas l'être tout le temps. C'est cruel de notre part. Ils ont bien le droit de s'enfermer dans leurs systèmes de pensées, et de s'y épuiser en vaines parodies de films de guerre américains des années 50 usés jusqu'à la trame, à répéter les mêmes contorsions & simagrées qui ne soulèvent plus qu'un amusement de complaisance, en souvenir de ce qu'ils ont été. Nous qui avons acheté l'album de trop, qui restons avec nos ricanements forcés sur les bras, à qui pourrions-nous nous en prendre, sinon à l'éditeur, qui n'a pas fait son boulot en disant à son poulain de revoir sa copie ?

6 commentaires:

  1. Myxomatose du cygne ? Tu ne confonds pas avec la coccinelle ?

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  2. Si. Merci de ta vigilance vétérinaire. Je rectifierai dans le second épisode, parce que j'ai pas tout craché de quel bois je me chauffe.

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  3. Oui, c'est un effet secondaire du mélanome, je vais plus lentement sur internet. Moins souvent, aussi. Surtout si c'est pour brûler les idoles. Il faudrait revoir l'idôlatrie, surtout, mais le temps manque.

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  4. Bah, tu dis ça juste parce que tu es en colère.

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  5. Non, c'est parce que j'oublie de remonter de la créature (Goossens) au Créateur.
    J'ai pris Goossens pour le Créateur, répétant l'erreur dénoncée naguère par Flo :
    "on absolutise les créatures (fascination), on oublie Dieu, et le résultat, c’est la colère, car la créature est vide en soi, même si, d’une certaine manière, Dieu ne réside pas en dehors d’elle. Adorer l’apparence à la place de l’absolu est une erreur, mais croire que l’absolu réside en-dehors de l’apparence est aussi une erreur."
    https://johnwarsen.blogspot.com/2008/06/rdemption-de-lobjet-fascinatoire-vieil.html
    Cela fait quelques éons que le déclin créatif de Goossens est perceptible. Depuis la fin de la saga Georges et Louis, en fait. Perceptible par moi en tant que lecteur, tout du moins. Mais peut-être a-t-il simplement épuisé le filon, et il faudrait qu'il aille donner des coups de pioche un peu plus loin dans la mine.
    Ah oui mais alors, c'est toi qui as raison. Grrr.

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