jeudi 27 juin 2024

La playlist de Métal hurlant (2023)

Il fait un temps à racheter Charlie-Hebdo plutôt que Métal HurlantSauf que les mecs qui écrivaient bien dans Charlie-Hebdo sont tous morts d'un coup en 2015, ce qui fait que le journal est aujourd'hui de facture médiocre, alors que les princes de la BD de SF qui bossaient à Métal Hurlant dans les années 70 nous quittent de mort naturelle, discrètement et en ordre dispersé, sauf Dionnet et Manoeuvre, qui s'accrochent comme des moules à leur rocher, sont multi-interviewés pré-mortem, et encensés en direct live dans les colonnes du magazine comme les anges tutélaires qu'ils furent, et Dieu sait si nous aurons besoin d'anges après le 7 juillet. 
Charlie-Hebdo devrait prendre exemple sur Métal Hurlant, et rediffuser les meilleurs dessins d'actualité de Reiser, Wolinski et Gébé, dont certains n'ont pas pris une ride, ça serait bath et ça boosterait ses ventes : les numéros testimoniaux de Métal Hurlant, qui distillent des extraits choisis du patrimoine métallique sont pour l'instant les plus réussis, ceux qui font appel à des créateurs contemporains et qui tentent de s'inscrire dans le futur de maintenant se heurtant au fait indubitable que Acier couinant, c'était mieux avant. 

MÉTAL HURLANT NUMÉRO 9
numéro non-testimonial daté de novembre 2023, avec que des jeunes pousses
(à ne pas confondre avec Métal Hurlant numéro 9 Canal Historique)

Druillet n'a jamais su dessiner les visages humains, 
et on s'en foutait complètement.
C'était le bon temps.
C'est plus difficile de produire de la SF aujourd'hui, vu que toutes les prévisions des auteurs pessimisto-gauchistes des années 70 sont en passe d'advenir In Real Life, le techno-fascisme en sus. Jerry Frissen se démène pour rester le Jean-Pierre Dionnet de sa génération, il fait plaisir à voir en rédacteur en chef de la nouvelle formule du journal, c'est juste moi qui suis peiné à Lara Biatta de ne pas trouver les auteurs contemporains à la hauteur de ceux d'hier. A ce propos, Philippe Druillet citait Baudelaire dans la préface de La Nuit (1976) :

" D'où vous vient, disiez-vous, cette tristesse étrange,
Montant comme la mer sur le roc noir et nu ? "
- Quand notre cœur a fait une fois sa vendange,
Vivre est un mal. C'est un secret de tous connu."

C'est peut-être ça que j'ai : mon cœur a trop battu d'attendre Métal hurlant, qui arrivait très irrégulièrement en kiosques à l'âge où c'était vital pour moi de lire le prochain numéro, et maintenant que mon coeur a fait sa vidange, macache bonobo pour retrouver l'élan vital. Merci Druillet, merci Baudelaire. Dans le numéro 9 du trimestriel rebooté, j'ai toutefois trouvé une histoire particulièrement réussie, c'est d'un auteur espagnol, on dirait un épisode de Black Mirror. Black Mirror ça serait vraiment le Métal Hurlant de maintenant si Métal Hurlant était rené sous forme de série télé, Black Mirror dont la saison 6 marque quand même un certain épuisement de l'imaginaire de Charlie Brooker qui lui servait de fécond terreau, il lui faudrait sans doute un reboot, après une mort symbolique. C'est tendance : le reboot du Front National en Rassemblement éponyme lui a bien profité. Par contre, le reboot de "En Marche" sous la franchise "Renaissance", ça ne enmarche pas terrible. Pour renaitre, il faudrait déjà avoir mouru. Comme Charlie Hebdo et Métal Hurlant







Vous lirez le reste de l'histoire dans ce numéro 9 du nouveau Métal Hurlant. Vous y trouverez aussi des suggestions d'écoute musicale, sous la forme d'une playlist égrénée dans tout le magazine, et que j'ai regroupée ci-dessous ici-bas, je me suis dit que ça allait m'ouvrir de nouveaux horizons sonores, mais ça ne m'incite pas à revenir vers le rock, je suis vraiment trop vieux, mon cœur a fait sa vidange etc...
Pour revenir à la BD de SF, où sont aujourd'hui les équivalents BD d'auteurs de SF littéraire Adrian Tchaikovsky, Rich Larson, Ray Nayler ? pour ne citer que les contemporains qui me semblent revivifier le genre. C'est à dire où sont les Moebius, Druillet et Bilal d'aujourd'hui ? peut-être qu'ils bossent dans le jeu vidéo. Peut-être qu'on n'est plus dans une époque qui puisse en engendrer. Allez, tu nous saoules, fais péter la playlist.

jeudi 20 juin 2024

L'année dernière à Avoriaz

Mon Dieu qu'elles étaient moches, ces affiches.
On en venait à regretter celles de Siudmak
pour le festival concurrent.
Quand j'étais petit, j'ai beaucoup bavé (malgré mon bavoir) devant les émissions télévisées consacrées à la promotion du festival d'Avoriaz, qui diffusaient des extraits plus qu'inquiétants des films sélectionnés, propres à enflammer l'imagination de nos chères têtes blondes, que j'avais brune; j'étais loin d'imaginer que ce festival du film fantastique avait été créé par un promoteur immobilier pour servir de publicité à la station de sports d'hiver. 
Lui-même était encore plus loin d'imaginer que cinquante ans plus tard, le réchauffement climatique ferait du ski de piste un loisir coupable, parce que hideusement coûteux en carbone. 
Etant légèrement obsolète moi-même, j'y suis allé en janvier dernier, car ma géographie approximative situait Avoriaz dans les Hautes-Pyrénées, et j'ignorais que le festival avait disparu trente ans plus tôt du fait du déclin tragique du cinéma de genre qui lui avait donné un prétexte pour naitre.

Les affiches de Siudmak n'avaient
peut-être pas de stouquette,
mais elles avaient de la gueule.
Le peu de neige tombée était artificielle et de glissabilité médiocre. Seul le bas de la station était ensemencé par les canons, alors après deux jours sur les pistes vertes, j'ai préféré grimper à pied vers le col des chamois, mais le silence de la montagne y était sali, violé, reviolé puis assassiné par les chuintements industriels des canons à neige et le grincement des télésièges, qui tournaient à vide, toute la journée, pour amortir les forfaits. Bravo aux gros bras et aux petites mains du technocapitalisme, qui nous impose un monde inhumain où la géo-ingénierie résoudra tout, au profit de milliardaires visant l’immortalité. 
En percevant par mes sens (aiguisés par l'obscénité de mon forfait remontées mécaniques) les blessures secrètes de la montagne, je prenais conscience du fait qu'"Ils" avaient réussi à dénaturer la Nature, et à en faire une zone industrielle et commerciale, avec sa bande-son à la David Lynch et ses parkings déserts. 
On se serait cru dans un livre d'Hervé Kempf. 

Un soir, après un bon grog tilleul-mescaline, l’animateur du centre de vacances ORTF nous a présenté un très beau film de montagne qui a gagné plein de prix dans les festivals, et que j'ai retrouvé en ligne, mais ce n'était ni de la SF ni un film de chtrouille.
Car le film de montagne est lui aussi un film de genre, en tout cas un genre de films, avec ses fans, et ses festivals. Je me demande bien comment le cinéaste a pu financer son projet, qui dépasse de beaucoup le budget des petites blagues de Roger Corman (le Jean-Pierre Mocky américain du film de trouille d'exploitationet de ses disciples, diffusées jadis à Avoriaz. 

Moi aussi je peux tourner des survivals à petit budget avec mon smartphone.
Quand je n'ai plus entendu les canons à neige, je me suis perdu. 
L'éventualité d'un hiver nucléaire, provoqué par Poutine ou par un de ses enthousiastes outsiders ne constituerait sans doute pas la réponse la plus écologique au changement climatique, qui accélère la fonte du support des sports de glisse, mais si elle me permet de skier en combinaison antiradiations sur une neige faite des cendres de notre civilisation retombant en doux flocons sur les pentes de la station, après tout, pourquoi pas ? 
ça ferait un petit film de vacances post-apo qui nous changerait des sempiternels retours et préquels de Mad Marx dans le désert australien. Et ça relancerait le festival d'Avoriaz !
Aujourd'hui, grâce à la puissance de l'outil télématique (bien qu'on puisse regretter la concision du bon vieux minitel, face à l'inflation d'informations disponibles sur Tout) j'ai accès à la base de données ultime : l'ensemble des films de la sélection d'Avoriaz, pendant les 20 ans qu'a duré le festival. 

Il me semble que celui-ci (de 1974)
m'avait particulièrement impressionné.
On y contait l'enfance
de Abdul Ger'al-Darmalin. 
Et grâce à VPN mon amour, et à l'étonnant cabinet de curiosités recensées ici,  je peux télécharger ces films, en toute illégalité, hmmm c'est délicieux, d'être un délinquant sénile. Même si la neige elle a fondu, et que le festival il a mouru.
A condition de me rappeler quel film m'avait fait frissonner vers 14 ans. Mais au vu des bandes-annonces de l'époque, je ne sais pas si c'est les films qui ont pris aussi cher que moi, mais la rencontre aura du mal à se faire entre le consommateur et le produit. Nous ne sommes plus les mêmes. Voir un film d’épouvante 50 ans après l’avoir ardemment désiré, c’est miser sur la déception. Parce qu'on a changé, qu'on a grandi, et que rien n'est plus irrémédiable que la maturité.
Même en sacrifiant au vieux rituel hypnotique, en tamisant la lumière, en enfilant sa nuisette comme pour un rendez-vous intime avec soi-même, on pose le Rip du Bluray sur la platine, mais dès les premiers flonflons, on sent un grand froid, et qu'on s'était tout à fait trompé, les endorphines restent aux abonnés absents, la fête est finie avant d'avoir commencé.

Il y a quand même le risque de se confronter à une civilisation disparue, rencontre pleine de charme ; Enfer mécanique (The Car, 1977) m'a récemment ému, en me parlant d'une version de l'Ouest profond des Etats-Unis qui a totalement disparu depuis. Dans l'Utah de 1977 décrit ici, la petite communauté rurale est soudée autour de l’idéal républicain et des valeurs chrétiennes, les institutrices risquent leur vie pour protéger les enfants, les forces de l’ordre sont profondément respectueuses de la population, d’ailleurs il y a une fliquette d’origine autochtone qui n’est absolument pas racisée par ses collègues, l’autostoppeur hippie de passage est propret, et au lieu de prendre du LSD, les jeunes du coin vont faire du vélo dans les canyons.
Le véhicule diabolique, vague avatar du poids lourd vu dans Duel de Spielberg, est lui-même tenu en respect par le divin et ne peut pénétrer dans le cimetière, qui est un « espace consacré ». 
A mon avis, cet engin du diable est une métaphore de la modernité, dont personne ne veut entendre parler dans le coin, et qui va néanmoins déferler sur le pays.
En le découvrant 50 ans après sa sortie, j’y découvre une vision formidablement naïve et touchante du Mal, très éloignée de la malignité cinématographique telle qu’elle a pu se déployer depuis (je ne donne pas de nom, ça lui ferait trop plaisir).
Ne vaudrait-il pas mieux relire La maison des damnés, de Richard Matheson ? je me souviens avoir vomi d'horreur lorsque je dévorai l'ouvrage, vers 13 ans et demi. Vomir en dévorant, c'était pas évident. Et comment retrouver l'émotion qui me saisit quand je parvins à trainer mes parents à la séance de Phantom of the Paradise, qui fut le grand prix d'Avoriaz en 1975 ? 
L'autre jour, j'ai revu par erreur Hurlements, Prix de la Critique du Festival d'Avoriaz en 1981. Au départ, je voulais voir un autre film de Joe Dante, "The Second Civil War", un téléfilm réalisé en 1997, pour pouvoir le comparer au Civil War dystopique d'Alex Garland en 2024, et puis je me suis dit que tant que j'y étais, je pouvais réévaluer toute son œuvre. Joe Dante est réputé avoir mauvais esprit, et avoir eu beaucoup de difficultés à monter ses projets, en seconde partie de carrière. L'amertume avait pris le pas sur les ricanements.

Je t'offre la jaquette collector de la version française.

Après avoir revu Hurlements, je me disais que les Américains restaient de grands enfants, ça faisait film d'horreur pour ados, mais après avoir lu la critique de DVD classik, j'y trouve une thématique plus adulte.
l'état de loup-garou est libérateur, le seul qui soit finalement normal pour les concernés, celui où s'épanouissent le plaisir et le goût de la chair, qu'elle soit à dévorer ou dans laquelle on peut s'ébattre. La civilisation et l'humanité (et par extension la psychanalyse, comme on l'apprendra à la fin) sont une entrave à l'expression d'une animalité qui constitue le seul état qui vaille d'être vécu.
Emoustillé par la performance d'animalité pure proposée par Elisabeth Brooks - l'argument-choc du film pour soutenir cette thèse, avec une scène de nu intégral évoquant une époque où les femmes à poil l'étaient vraiment. 
Et à part ça ? Un personnage du film contaminé par la lycanthropie comprend que l'animalité n'est pas un chemin praticable vers l'humanité (pas le journal, le concept) qui est en nous, et atteint au sublime en se sacrifiant pour alerter le monde du danger de la morsure du loup garou. C'est pas mal, comme idée, dans un film de genre de ce genre.
Encore faudrait-il faire le distinguo entre animalité et bestialité, et regarder si Jean-Baptiste Morizot n'a pas dit quelque chose d'extrêmement chiadé sur le sujet du loup pas garou, qu'on pourrait replacer à l'occasion. Au moins comme ça on ne pourrait pas dire que comme nous, la culture ne sait plus où elle habite. 

Elisabeth Brooks. C'est le rôle de sa vie.
Quand même, on cherche les autres apparitions d' Elisabeth Brooks à l'écran. Hélas, elle succombe à un cancer du cerveau après s'être battue deux ans et demi, à l'âge de 46 ans. Thanatos met une bonne branlée à Eros, qui n'est pas prête à s'en relever.
Aujourd'hui, pas besoin de fictions pour se faire des vrais films d'horreur, en attendant Godot qui devrait se pointer au soir du second tour des élections législatives anticipées (ce billet a été écrit en mai, il faut bien que je le remaquille un peu avant de l'envoyer sous les sunlights).
Y'a qu'à lire l'article de Télérama consacré à l'épouvante des humanitaires à Gaza 
ou consulter l'insta du photographe qui illustre l'article
Aussi affreux que l'errance des photojournalistes de Civil war, film au demeurant assez creux, mais en vrai.

Pour aller plus loin :

https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/06/17/avoriaz-vie-et-mort-d-un-festival_5316607_3234.html

https://fr.wikipedia.org/wiki/Roger_Corman

http://filmmaker.over-blog.com/article-le-festival-d-avoriaz-1973-1993-72234330.html

https://myduckisdead.org/the-howling-1981-joe-dante/

jeudi 13 juin 2024

Plus haut dans les ténèbres (sans La France Libre)

La semaine dernière, j'ironisais tristement sur ce pauvre Lalanne, l'écorché vif qu'on aimerait parfois finir à l'épluche-légumes. Cette semaine, Dieudonné et lui, ivres de chloroquine et de victimisation complotiste, auto-séquestrés au siège des cabinets de leur micro-parti La France Libre, n'ont pas été élus aux Européennes 2024.
On respire.
Enfin, presque.
Car on se trouve aussi face aux dégâts collatéraux du scrutin. 
Pas plus tard que cette nuit, un renard s'est introduit dans mon poulailler et il a emporté Blandine, Josette et Odette. C'est pas un truc qu'il aurait fait avant le résultat des élections de dimanche dernier. Le goupil s'est visiblement enhardi, d'autant plus que cette année la mairie a voté la "tonte écologique" du p'tit bois derrière chez moi, traduire "plus de tonte du tout", donc la biodiversité fait 1,50 m au garrot, crache ses pollens tant qu'elle peut, et sangliers et renards peuvent circuler à couvert, même avant le couvre-feu. J'aurais bien aimé accuser la fouine du quartier, qui m'a déjà baisé une poule il y a quelques années, mais justement, selon les indices retrouvés sur place, les fouines n'ont pas le même modus operandi (je vous passe les détails fournis par le médecin légiste, qui n'a retrouvé qu'un cadavre sur les trois)
https://johnwarsen.blogspot.com/2016/01/sale-temps-dans-la-filiere-volaille.html

Blandine, Josette et Odette vous accueillaient à toute heure à la porte d'entrée,
surtout si vous aviez des graines de tournesol dans la poche.

"Fn", le glyphe taggé par le renard comme un Furtif de Damasio au coin du poulailler pour faire injustement accuser la vermine judéo-fouineuse, c'est un peu gros comme pièce à conviction. Et puis si Fouine = Fn, on sait bien que Renard = Rn. On voit bien d'où est parti le coup : les nomades qui vivent dans des tunnels aux confins de la zone périurbaine, et qui tentent de survivre à la boboïsation rampante des campagnes. Les fouines et les renards ont aussi des petits à nourrir, et elles les aiment, comme nous aimons les notres. Bref. Ces poules pondeuses nous avaient adoptés depuis plusieurs années, elles avaient chacune leur petit caractère, car c'est assez intelligent, une poule, malgré un tout petit cerveau; nous avions appris à les connaitre et c'était d'excellents ovipares de compagnie. D'accord, Blandine (la rousse) était LFI et un peu chiante avec ses keffieh et ses drapeaux "Free Palestine" qu'elle étendait au coin du potager (où elle était interdite de séjour pour cause de harcèlement des salades), Josette soutenait Glücksmann en qui elle voyait un nouveau Hollande (sic) et Odette militait activement à Horizons, parce qu'elle avait flashé dans sa jeunesse sur l'alopécie d'Edouard Philippe, la maladie auto-immune qui fit blanchir sa barbe presque aussi vite que les cheveux de Leland Palmer dans Twin Peaks, mais finalement nous parlions très peu politique en leur portant nos restes de repas, et  malgré leur fin tragique elles vécurent une longue et belle vie de poulettes en plein air nourries au grain et sans regarder TFI sur les 1000 m2 de la parcelle dont elles réduisaient la biodiversité (lézards, insectes, rampants et volants) mais produisaient des oeufs, fertilisaient le compost et absorbaient la quasi totalité de nos déchets organiques, excepté nos eaux usées qui partaient vers la station d'épuration, un mot qui revient à la mode. 
On va pas sangloter comme des tafioles, nous consommons du poulet sans états d'âme. Mais là, c'était pas pareil. Jamais nous n'aurions mangé nos poules. 
Et ce gros pédé de chat, il aurait pas pu nous alerter, cette nuit ? il sort beaucoup en nocturne, et c'est aussi un ennemi résolu de la biodiversité, quoiqu'une enfance en zone de guerre ait durablement perturbé ses repères cognitifs. 

Comme Francis et Dieudonné, ce chat a été trop souvent menacé d'être écorché vif
à l'épluche-légumes quand il était petit, et ne s'en est jamais vraiment remis. 
Ici, ses tortionnaires s'en prennent à une innocente courgette du Modem.

Car ce chat était un réfugié assyrien provenant de la ville de Donges, dont le bourg a été anéanti durant les bombardements des 24 et 25 juillet 1944 et reconstruit à 1 km à l'intérieur des terres. La ville est classée en zone à risque Seveso 3 car elle comprend la deuxième raffinerie de pétrole de France et le plus grand terminal méthanier européen, ainsi qu'un certain nombre de sites industriels chimiques. De nuit, la traversée de la zone industrielle de Donges ressemble à un film de Wong Kar Wai sous acide revu par David Lynch sous méditation transcendantale. Si tu allumes ta clope au mauvais endroit au mauvais moment, tu fais un cratère de 50 km, et on entend l’explosion jusqu’à Bordeaux. 
C'est pourquoi les chats y sont réputés plus résistants. 
Le problème c'est que ce chat a conservé des séquelles psychologiques de cette première vie, que comme résistant il n'est pas très fiable, il est plus désormais plus Lacombe Lucien que Jean Moulin, et aussi que les Français ont complètement oublié la différence entre un résistant et un collabo, puisque le pays qui célébrait le Débarquement contre le fascisme il y a une semaine a massivement voté pour le fascisme trois jours plus tard.
https://www.legorafi.fr/2024/06/10/le-pays-qui-celebrait-le-debarquement-contre-le-fascisme-il-y-a-trois-jours-vote-massivement-pour-le-fascisme/
En tout cas la nuit du drame le chat n'a pas bronché, et encore moins lancé l'alerte enlèvement, peut-être qu'il s'est dit que comme il n'était pas ovipare, ça ne le concernait pas, comme nous leurs compagnons à deux pattes quand on a vu la Hongrie, l'Italie, la Slovaquie, être pris en main par l'extrême-droite, puisque nous n'étions ni slovaques ni ritals et encore moins hongrois.

Un camp de vacances pour chats sponsorisés par Royal Canin, j'aurais dû me méfier.

Maintenant que j'y pense, c'est un peu normal qu'il n'ait pas réagi, ça fait un mois qu'il est parti dans un de ces camp de vacances qui ouvrent un peu partout dans le pays, camps pour chats, camps pour islamo-gauchistes, pour musiciens de jazz transgenres (y'en a qui cumulent), dont pas grand-monde ne ressort après la fin du séjour, un peu comme dans le Complot contre l'Amérique de Philip Roth

Allons-nous réagir avant qu'il ne soit trop tard ? 
Sommes-nous promis à la destinée jadis esquissée par François Béranger dans Magouille Blues, et ferons-nous prochainement partie des gens qui s 'ront fichés / Et qui un jour vont s 'retrouver / Dans un stade militairement gardé / Où on pourra toujours chanter ?
En tout cas, c'est pas en râlant tout seul devant sa télé (ou son écran d'ordinateur) que ça va y changer quelque chose. 
Manifester non plus, c'est dans les urnes que ça va se passer. 
Et pas les funéraires. 
Pas tout de suite, en tout cas.
Ach, ach, ach.

J'ai cherché "Front populaire" sur le wiki, mais ça s'est pas très bien fini.
[EDIT du 14/6]

Malgré l'amertume du constat, et la vague brune comme une bébète qui monte qui monte, tout en sanglotant sur mes poules de gauche et en ramassant de l'autre main leurs plumes sur la pelouse parce que le renard en a vraiment foutu partout, je ne pense pas qu'on puisse en trois semaines faire changer d'avis les électeurs du FN de dimanche dernier, qui voteront sans doute pareil fin juin. Ils sont sur le fantasme d'essayer quelque chose d'inédit, après ce qu'ils pensent être l'échec de la gauche et de la droite, qui est surtout l'échec du capitalisme à ne pas nous faire crever
Ce sont les abstentionnistes des Européennes que nous devons essayer de mobiliser partout où nous les trouvons ; le quartier où nous vivons, l'entreprise où nous travaillons, le blog sur lequel nous suons, etc... A ce titre, je trouve plein d'arguments dans In Extremis : la newsletter sur les extrêmes droites que Mediapart diffuse gratuitement si on s'inscrit ici

J'ai retrouvé le dernier selfie que mon fidèle Pandémiaou m'a envoyé de son camp de vacances
avant de se murer dans un silence inquiétant. Il avait l'air de bien s'amuser, 
mais il y avait quand même des indices qui auraient dû me mettre la puce à l'oreille. 
J'étais peut-être trop occupé à militer sur les réseaux sociaux pour que les renards deviennent vegan,
ou encore à dénoncer l'addiction à la pornographie sur les forums consacrés à la dépendance sexuelle.
" On asservit les peuples plus facilement avec de la pornographie qu'avec des miradors."
disait Soljenitsyne. Finalement, si on fait rien, on aura les deux.


jeudi 6 juin 2024

Plus haut dans les ténèbres avec La France Libre

"Si Dieudonné était antisémite, je ne pourrais pas être son ami.
Tout le monde connait mon engagement pour Israël. 
Tous mes meilleurs amis sont juifs. 
Mon fils est juif."

Francis Lalanne dans : 

Alerté par téléphone et par ma femme Brunhilde Warsen, à qui je dois tout, y compris l'air que je respire, pour l'instant sans abonnement tant sa bienveillance est éclairée, elle qui est partie s'ébattre quelques jours sur les plages du débarquement de sa mère morte, j'ai consulté les professions de foi des candidats aux élections européennes, car il est à nouveau l'heure d'aller voter.

Au lieu d'aller voter Lalanne aux Européennes,
de Gaulle est allé à la plage : sous l'eau,
l'hydre national-socialiste joue les gros bras.
Comme disait Jordan, ça va barder, là. 
En 2019, on avait voté Lalanne, et on n'avait pas eu à le regretter, car il n'avait pas du tout été élu. Mais c'est de plus en plus rock'n'roll, de le soutenir. Lui qui incarna jadis l'incandescence de la jeunesse, il vient de s'acoquiner avec un ex-comique complotiste d'extrême droite (en situation de handicap car souffrant de multiples biais cognitifs) pour former une liste "France Libre" aux élections européennes. 
Abusé par Google, j'ai même cru un instant que le général de Gaulle appelait à voter pour eux.
Francis est sans doute une victime collatérale de la deuxième loi de la thermodynamique, qui énonce que dans un système isolé, l'entropie tend à augmenter au fil du temps... Il doit être un système isolé, comme nous le sommes tous, bien qu’aucun Terrien ne soit une île, ça devient carrément cringe (malaisant, gênant, embarrassant, inconfortable, incommode) de le croiser dans ses incarnations de plus en plus décrépites. Plus ridicule à lui tout seul que BHL tout entier. 

 https://www.dailymotion.com/video/x8zdyj2

Et puis, dans ces professions de foi, il y a des éléments de langage accablants.

https://programme-candidats.interieur.gouv.fr/index.html

Dès la première de la liste, "Pour Une Humanité Souveraine", ils parlent de "révoquer les juges et magistrats corrompus qui encourage le désordre familiale". Je dis pas que c'est pas légitime, comme idée, mais y'a deux fautes d'orthographe dans la phrase. Le niveau baisse. Depuis que Bernar Pivo é dcd, la Franss va à volo. 

un roman pré-apo : tout s'effondre, 
mais l'apocalypse, comme Madeleine, n'arrive pas.
En plus d'être appelés aux urnes, les déclinistes le sont à se réjouir. Je ne détaille pas les 38 listes en lice, ça serait des pixels gâchés. Beaucoup d'entre elles sont pittoresques, mais nombreuses sont celles qui ne font pas rire. Et pourtant, il va bien falloir se décider en faveur d'un candidat ou autour d'un programme, en pensant à tous les pays où les élections sont un mythe ou un simulacre. Bien que l'idée soit aussi stimulante que quand on te disait enfant de finir ton assiette en pensant à tous les enfants qui mouraient de faim dans le monde. Par voie de conséquence, je cherche l'inspiration dans le roman "Plus haut dans les ténèbres " (How High We Go in the Dark) de Sequoia Nagamatsu, dans lequel beaucoup d'enfants meurent, et c'est assez triste de leur survivre, même quand c'est pas les votres. L'ouvrage semble suggérer que quoi que ce soit que je mette dans l'urne, réchauffement et pandémies modèleront notre futur un peu plus radicalement que ce scrutin des Européennes. 
On est ici plus dans l'anthropologie que dans la SF, et si l'on veut esquisser des accointances, plus proche du tragique et de la sensibilité de l'intime à la Station Eleven que du burlesque noirâtre de Des parasites comme nous
comment l'humanité va-t-elle évoluer, confrontée au deuil de masse ? 
C'est ce que nous saurons en lisant vivant le prochain épisode.

jeudi 30 mai 2024

Le petit Steve Roach illustré : Une année 2023

Jean-Jacques et Geneviève
(oui, la veuve à Michel) : 
priez pour qu'ils ne viennent pas 
jouer du Steve Roach chez vous.
"Il faut vérifier soigneusement les connexions de tous les câbles ainsi que le transfert du son de l’oreille gauche vers la droite pour que l’effet de relief hypnotique de ma voix puisse se produire. La lumière de la pièce baisse, les masques de nuit sont mis. L’hypnose peut commencer. Bon voyage ! La musique qui est diffusée en fond sonore est directement inspirée de celle de Steve Roach. Ce compositeur américain est, selon mon ami expérienceur Gilles Bédard le seul artiste parvenu à recréer l’ambiance sonore vécue lors de son EMP. Dix ans après son expérience, l’écoute de l’album Structures from Silence « le replongea instantanément de l’autre côté », dit-il avec un grand enthousiasme communicatif lorsqu’on l’interroge sur ce choix."
in "Contacter nos défunts par l'hypnose : 
La TransCommunication Hypnotique, une nouvelle thérapie pour le deuil", by Jean-Jacques Charbonier (voir post précédent)

Une musique directement inspirée de celle de Steve Roach ! Diable ! Lui qui si souvent s'inspire de ses anciens travaux, se plagie et se repompe lui-même ! Je n'en veux pour preuve que les 209 disques sur lesquels il a apposé sa signature ces quarante dernières années.

https://jesuisunetombe.blogspot.com/search/label/Steve%20Roach 

Alors, que s'est-il passé en 2023 dans la life du pape de la musique des sphères, meufs ?

Rest of Life (2023)

Genevière Delpech anonymisée
Parmi les innombrables disques d'ambiance texturée par des nappes synthétiques réverbérées dans des églises anglicanes désertes créés par Steve Roach au cours du dernier million d'années, pourquoi être attiré vers celui-ci plus qu'un autre ? Je ne sais pas. Peut-être que j'étais plus réceptif, lors de sa sortie, à la paix et la plénitude qu'il cherche à induire dans l'âme de l'auditeur, si tant est qu'il en ait une. Rien ne distingue cet album de ses milliers de frères et sœurs extirpés par wagons de l'Incréé, nébuleux, impalpables, poudre d'étoiles mortes, bande-son idéale à une soirée diapos si vous étiez en vacances dans la galaxie du Centaure et que vous avez assisté à la mort d'Orion.

(4/5)

The Weaving Way (2023)

Un disque de Steve de seulement 31 minutes, même s'il ne comporte qu'un seul morceau, c'est comme un 45 tours pour un artiste normal. Sur la page bancamp du disque, on apprend que le morceau est extrait de son premier concert en direct depuis la maison en 2020, qu'on peut le retrouver en vidéo, et mesurer combien le barde intemporel a vieilli.
A part ça, c'est assez schulzien : cascades d'arpèges,  fontaines de cristal etc... La routine, quoi.

(3,5/5)


Second Nature (2023)
par Steve Roach & Robert Logan 

ce disque ne m'inspire guère, et fut jadis chroniqué ici
car en vérité, il date de 2016 (je suis obligé de suivre l'historique bandcamp de l'artiste car le geek qui abondait la discographie de Steve sur son site d'origine a mis fin à ses jours, il trouvait que tout ça tournait un peu en rond.)



Alive in the City of Angels (2023)

Qu'est-ce qui ressemble plus à un concert de Steve dans une cathédrale qu'un concert de Steve dans une cathédrale ? Envoyez vos réponses à la rédaction, le premier qui trouve la bonne réponse ("deux concerts de Steve dans une cathédrale ") recevra en cadeau un deux CD d'un concert de Steve dans une cathédrale.

(4/5)

Sanctuary of Desire (2023)

Vous parcourez timidement d'immenses halls de gare parsemés de coussins en mousse hypoallergéniques, qui accueillent mollement votre fessier. Une fois allongé, vous levez les yeux vers les voûtes, et en particulier la croisée du transept, parfois appelée intertransept, qui est la partie du plan d'une église située à l'intersection du transept et du vaisseau principal de la nef. Quand vous vous réveillez, vous avez un peu mal au cul, et votre portefeuille a disparu, mais vous ne regrettez pas ce moment de rencontre avec le Sacré.

(4/5)





Integration Being  (2023)
 
des versions "extended remix" de morceaux issus de l'album précédent.
Plus c'est long, plus c'est bon ? 
ça dépend avec qui.









Stream of Thought  (2023)
par Steve Roach & Erik Wollo

Qui va wollo va mollo, c'est une réédition de l'album violemment tiède chroniqué ici


En résumé, en 2023, Steve Roach est resté très actif, mais on ignore s'il a investi dans les cryptomonnaies. C'était Jean-Pierre Gaillard, en direct de la Bourse de Paris.

jeudi 23 mai 2024

Jean-Jacques Charbonier - Contacter nos défunts par l'hypnose (2018)

Tout est dit dans le titre.
Le Royaume du bullshit s'étend au delà.
Si j'avais réfléchi un peu,
je me serais épargné cette rédaction.
Je crois en avoir eu conscience un bref instant,
puis je suis parti à délirer.
extraits de mails
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27/02
salut gars !
...loin de moi l’idée de repiquer au vieux truc du canular téléphonique ou cybernétique, cette blague de jadis qu'on se faisait à deux, un farceur et un farcé, qui a été remplacée par les fake news, version à plusieurs infiniment triste dans laquelle le locuteur croit et surtout veut faire croire à la foutaise qu’il émet comme une « vérité alternative » ... mais quand même, ce matin j’étais au Leclerc culturel, en train de maugréer contre l’absence en rayon de l’intégrale de Raymond Chandler, et en passant devant le rayon « ésotérisme et bricolage », je remarque une couverture rigolote : « Contacter nos défunts par l’hypnose », alors je me dis « tiens, enfin une suggestion de mauvais goût à faire à LJ pour sa copine coincée dans son deuil », en plus la couverture s’orne d’une promesse du célèbre bonimenteur Guy Trédaniel, qui dit que ce livre va « contribuer à l’émergence d’une civilisation post-matérialiste et d’un monde meilleur » dont je venais de discuter avec le commis du Leclerc Poissonnerie, qui était bien d’accord que ça urgeait parce que si les dauphins venaient manger les poissons près des côtes et provoquaient l’interdiction de sortie des chalutiers, Guy Trédaniel était sans doute mieux placé que Michel-Edouard pour savoir qu’est-ce qui était bon pour la planète, et pour le remercier de ce moment d'échange je lui ai pris sa langouste royale vivante qui était en promo à 114€ le kilo. 
Mais je m’égare, car cinq minutes plus tard au rayon « marivaudage tantrique et épilation des chakras » , je dévore la quatrième de couverture de « Contacter nos défunts par l’hypnose », parce que je ne vois pas revenir ma femme du rayon littérature générale, elle est coincée sous un éboulivres (un éboulis de livres) de piles de Guillaume Musso et de Maxime Chattam qui se sont effondrés à son passage, mais j'en ignore tout, et je me mets à ricaner, car je découvre que Jean-Jacques Charbonier, l’auteur de « Contacter nos défunts par l’hypnose », a aussi écrit « J’ai envoyé dix mille personnes dans l’au-delà » et apparemment il n'est toujours pas en cabane !

Qui se souvient de Lobsang Rampa ?
Certainement pas les Tibétains.
Bien sûr, je lutte contre le sentiment de supériorité qui s’empare de moi devant cette réédition en poche et chez J’ai Lu de « Contacter nos défunts par l’hypnose »qui m’évoque les plus grands succès de leur ancienne collection "l'aventure mystérieuse", comme Le Troisième Oeil de Lobsang Rampa, dont me bassinait Arnaud J. (takavouar où ça l’a mené), et toutes les billevesées que nous ingurgitâmes goulûment lorsqu’adolescents nous fûmes pris de l’envie de chercher d’autres mythes que ceux que voulait nous imposer René Haby (ministre de l'éducation quand nous étions lycéens, NDLR)
Je ne peux pas me payer le luxe spirituel de mépriser spontanément les chercheurs en au-delà, les marchands de portes ouvertes sur l’infini et de vérandas karmiquement profitables. Le dernier Goossens devait révéler les secrets d'une pose réussie de la porte de l’univers, en fait il y a juste une blagounette terrible sur Corto Maltese que je t’ai mise là :
https://jesuisunetombe.blogspot.com/2022/06/daniel-goossens-la-porte-de-lunivers.html
Je revois très bien mon père suggérer d'un air entendu « on a écrit des bibliothèques entières sur les vertus de la prière » et je me rappelle avoir connu des temps difficiles où moi aussi j’errais au rayon spiritualité de la Fnac (le Leclerc culturel de l’époque, devenu le Darty de maintenant) dans l’espoir d’y trouver des ouvrages inspirés qui me réconcilieraient avec mes dysfonctionnements les plus gênants (pour moi et pour les autres) bon je m’arrête là sinon tu vas croire que j’ai repris des champis ou pire, des antideps. J’ai emprunté sur internet une version électronique du très saint livre « Contacter nos défunts par l’hypnose », je le lirai pendant ma sieste de midi et je te dirai si ça vaut kekchoze, surtout si comme je le suspecte t’en as moins que rien à taper ! Heureusement que je reprends le collier demain ! J’ai bien fait de me vanter hier que je n’écrivais plus !
a+

Y'en a que 7 de bonnes, 
mais une infinité de mauvaises. 
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19/04
D. va mieux. Il m'appelle beaucoup moins souvent, et il est plus posé; je ne le sens plus du tout dans l'émotionnel déconstruit dû aux effets secondaires de son trauma crânien; tu as sans doute constaté toi aussi une baisse de la fréquence des appels, et une volubilité moindre. Bon, hier soir il m'a appelé, je voyais pas trop le motif, et il a mis un moment à me cracher le morceau, il avait fait piquer son chat le jour même, son chat, putain, la seule personne avec qui il avait des rapports humains, donc je lui ai suggéré de prendre le temps du deuil, que c'était quand même difficile, 
qu'il fallait accepter la tristesse etc...

Le titre est du côté obscur de la farce.
10 000 personnes parties dans l'au-delà,
et pas un seul apparte qui se soit libéré ?
d'où la crise actuelle du logement d'occasion.



De mon côté, je chemine aussi vers la sobriété émotionnelle, surtout depuis que j'ai lu l'ouvrage dont je t'avais parlé, "Contacter nos défunts par l'hypnose", et la TransCommunication Hypnotique m'apparait encore plus sujette à caution après l'avoir parcouru qu'avant.
Sans doute qu'il faudrait mesurer la valeur de ces thérapies à l'aune des bienfaits qu'elles apportent aux hommes et femmes dévasté.e.s par l'affliction du deuil, plutôt qu'à leur absence totale de base scientifique; m'enfin, après avoir lu le bouquin, je trouve que ça craint un peu, et comme disait Clémenceau, la tolérance, y'a des maisons pour ça. J'ai l'impression que le docteur Charbonier s'adresse à des âmes simples, et exploite leur détresse née d'un chagrin sans remède. 
On pense à Macbeth, acte 5 scène 3, surtout quand on vient de le lire chez FeydRautha :

« Ne peux-tu donc soigner un esprit malade, arracher de la mémoire un chagrin enraciné, effacer les soucis gravés dans le cerveau, et, par la vertu de quelque bienfaisant antidote d’oubli, nettoyer le sein encombré de cette matière pernicieuse qui pèse sur le cœur ? »

On pense à Blackula, prince des Ténèbres Noires, quand il m'écrivit à propos d'une amie disparue : "Elle avait l'air cool comme meuf. L'avantage avec la mort c'est qu'on y passe tous. Du coup impossible d'être tristes trop longtemps." Et sa parole fut un baume sur ma plaie. Le même Blackula qui m'avait réconcilié avec Dieu, le jour où il m'avait avoué :

"I prayed to god for a bicycle, but then I realized god doesn't work like that, so I stole a bicycle and prayed for forgiveness. "

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brouillon de mail
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13/05

Aah, voilà. Là, on voit un peu mieux
où il voulait en venir.
Ca sent le complot facile.
La mort d’un être cher est révoltante. 
Même après celle de tant d’autres, même si à partir d'un certain âge, ça devient une routine, certains trépas semblent injustes, inacceptables, et on se dit qu'il y aurait de quoi mettre Dieu aux Prud’hommes. On hésite à lancer la procédure, parce qu’on sait qu’il est rare qu’Il Daigne Se Pointer à l’audience. Et pour dire quoi ? Il nous ferait ses petits raisonnements à la con, comme quoi la mort n'est pas le contraire de la vie, que la vie n'a pas de contraire, que la mort c'est juste l'inverse de la naissance, juste un passage, et ça nous ferait une belle jambe. On l’Imagine Très Occupé à chercher une nouvelle hypothèse de travail, après avoir foiré avec les dinosaures, et pourtant ils étaient bien partis, c’est ballot qu’au bout de 160 petits millions d’années une bête météorite ait mis fin à leur civilisation, après avoir foiré avec l’homme, à peine 300 000 ans pour foutre la planète à feu et à sang, bravo les gars, vous passerez prendre votre chèque à la réception, inutile de laisser un CV, on vous rappellera pas.
Alors comment faire son deuil ? après les désolations, on se tourne vers les consolations spirituelles. Et dans l'état de faiblesse de l'endeuillé, pourquoi pas l'hypnose, si on a été assez fragilisé, et pourquoi pas l'irrationnel, puisqu'aucune réponse satisfaisante n'émerge, et que la mort reste scandaleuse ? 
C'est comme ça que Conan Doyle avait sombré dans le spiritisme après la perte de son fils, lui qui était l'incarnation même de la raison et de la logique hypothéco-déductive. 
Dans les voyages organisés par Jean-Jacques Charbonier sous transe hypnotique pour rencontrer ses proches disparus, les défunts se présentent toujours sous leur meilleur jour, bien habillés, jeunes et en bonne santé, heureux et cools, ils profèrent des conseils d'un conformisme rare et d'une mièvrerie insondable, "tu as fait le bon choix", "tu as bien travaillé, tu peux être fier de toi", ils font tous les mêmes grimaces compassées, derrière lesquelles on devine le (manque de) talent littéraire de Jean-Jacques lui-même, et bien joli qu'il n'ait pas tout inventé lui-même.
On est dans un au-delà atrocement cucul-la-praline. Au moins, ça donne envie de ne jamais mourir, pour ne pas risquer de revenir sous forme de zombie shooté à la guimauve. Et s'il existe une après-vie, ce dont je ne puis présumer ici, n'étant encore jamais mort, laissez-moi vous dire que vous lui faites une piètre publicité, monsieur Charbonier. 
Les ouvrages de Philippe Charlier sur la mort et l'au-delà, et les croyances qui vont avec, me semblent infiniment plus sensés que les votres.  Enfin (d'article) on découvre sur votre wiki votre vrai visage de fripouille de l'après-vie, bon vivant à la tête d'un juteux business de réconfort hypnotique d'endeuillés, sans parler de vos positions scabreuses sur le Covid et les extraterrestres, et on se dit que la prochaine fois qu'on passera à la librairie du Leclerc culturel, on évitera de regarder les ouvrages en tête de gondole, même pour rire; d'ailleurs, n'avait-on pas cessé d'écrire ? 

Pour aller plus loin :




https://www.mediacites.fr/enquete/toulouse/2019/04/23/il-pretend-aider-a-contacter-les-morts-le-business-du-sulfureux-docteur-charbonier/ 

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[EDIT du 26/5]

J'apprends à l'instant que David Cronenberg (81 ans), veuf depuis 2017, imagine dans "Les linceuls", présenté cette année à Cannes, une façon moins ésotérique de rester en contact avec les défunts.

"Karsh, riche entrepreneur de Toronto, entre autres de pompes funèbres high-tech, ne se remet pas de la mort de sa femme, Rebecca (Diane Kruger). En conséquence, il a mis au point un système de tombe connectée, qu’il commercialise dans son parc de cimetières équipés. Au cœur de cette technologie, un linceul équipé de capteurs prend une image par contact du corps enseveli, retransmise sur un écran intégré à la pierre tombale. L’ingénieur inconsolé peut ainsi suivre au jour le jour la décomposition du cadavre adoré : la relation se perpétue au-delà de la mort, pour un corps qui continue de se transformer. Mais Karsh observe bientôt à la surface du squelette la formation d’étranges nodules qui l’alertent sur l’intégrité de la dépouille."

https://www.lemonde.fr/culture/article/2024/05/20/cannes-2024-les-linceuls-david-cronenberg-a-la-vie-a-la-mort_6234472_3246.html

L'article manque de précisions, comme le souligne un malicieux lecteur : 

"splendides scènes oniriques d’une grande puissance d’émotion – les étreintes nocturnes dont Karsh rêve la nuit avec le fantôme de sa femme au corps rapiécé, strié de cicatrices, tombant en lambeaux"...Ok. Mais on voit les vers ? Parce que sinon, j'y vais pas."

Je ne vais pas me bousculer pour aller le voir, je préfère les Cronenberg des années 80, mais ça m'a pas l'air plus insensé que la méthode à Jean-Jacques.