vendredi 7 novembre 2025

Elisabeth Antébi - Les Evadés du futur (1973)

la fiche du film tel qu'il fut présenté aux Utopiales 2025.
Evadés du futur, et déjà prisonniers du passé.
Je ne sais plus qui a dit ça, mais je crois que c'est moi :  
  
"Le présent est l'instant éternellement fuyant et impalpable au cours duquel nous sommes expropriés du passé pour être projetés vers le futur (..) Pas étonnant que cette perspective nous terrifie au point de chercher refuge dans les raisonnements qui se mordent la queue, dans des tentatives hypermnésiques de remonter en 1973 pour y établir un camp de base puis une colonie de peuplement, ou dans l'humour, quantique ou non." 

Voici une nouvelle tentative de remonter en 1973, époque bénie où la télévision française n'hésitait pas à produire un documentaire réalisé par une femme (Une Femme ! dans la SF de 1973 !!!) qui réunit plusieurs auteurs majeurs de SF de l’époque : Isaac Asimov, Philip K. Dick, Théodore Sturgeon, Norman Spinrad, John Brunner, Robert Silverberg...
Tant qu'à geeker, autant que ça serve à kek choz', et que ça profite à touffes, et à troutes. 

Par ordre d'apparition :
- Une interview géniale de l'autrice du film :

- Un entretien avec Philip K. DICK, par Elisabeth Antébi, ainsi que pas mal d'autres trucs intéressants pour faire chuter la productivité de sa journée : 

- Les liens mystérieux aux noms imprononçables qui mènent aux 2 parties du film, visionnables en ligne ou téléchargeables :

 1ère partie : fiction

2ème partie : science et politique



attention, ne clique pas sur cette image, ce n'est qu'un jpeg
et tu risques de te retrouver en 1973 !

vendredi 31 octobre 2025

Les Utopiales 2025 : Brian Evenson contre les Evadés du futur

En route vers le totalitarisme cognitif.
Comment résister ?
Qu'irions-nous faire aux Utopiales 2025, dont nous avons pourtant gagné une place sur l'intranet de notre entreprise ? Donald Trump est le président le plus dystopique dont nous puissions rêver, et même dans les comic books outranciers et pseudo-transgressifs de Warren Ellis, Mark Millar ou Garth Ennis, ils n'en ont pas des comme ça. On pourrait rebaptiser l'évènement Les Dystopiales 2025, ça aurait meilleure gueule. 
Trump et ses séides transhumains et christo_fascistes veulent ravaler l'humanité au rang du borborygme, et rendent la littérature de SF kitsch et obsolète, un quart d'heure avant que le monde se délite en une bruine de flocons cendreux. 
Autant lire Cyberpunk - Le nouveau système totalitaire, un essai d'Asma Mhalla, écrit un peu vite mais c'est synchrone avec l'urgence de notre agonie démocratique.
https://www.lemonde.fr/livres/article/2025/09/19/cyberpunk-d-asma-mhalla-la-chronique-essai-de-roger-pol-droit_6641905_3260.html

Et si l'horreur était le sentiment
le plus légitime des artistes 
sensibles aux exigences de l'avenir ? 
Hein ?
Ou alors, perdre le peu de raison qu'il nous reste en errant dans les boyaux obscurs et malodorants des nouvelles de Brian Evenson, invité du festival cette année, lui qui défriche de nouveaux territoires horrifiques, et peut-être bien qu'il réinvente la SF aussi, mais je n'ai pas encore tout découvert du bonhomme, même si j'intuite que pour lui, le nihilisme est juste une blague un peu mièvre. A quoi bon aller me faire dédicacer sa Comptine pour la dissolution du monde, sinon pour me dédouaner de l'avoir emprunté sur z-library.sk et avoir oublié de le rendre ? Je déchiffre au compte-gouttes ses histoires dérangeantes, hermétiques et perverses; c'est du brutal. Lors de la parution de son premier recueil, alors qu'il était encore membre de l'Eglise Mormone, une de ses étudiantes expliqua qu’à la lecture de l’ouvrage, elle « s’est sentie comme quelqu’un qui aurait mangé quelque chose d’empoisonné et qui tenterait désespérément de s’en débarrasser. » C'est tout à fait ça, moi j'ai obtenu la sensation imminente d'un accident vasculaire cérébral, on est d'accord sur le fond, il ne me manque que son 06 pour débriefer.
Je préfère aussi relire la SF pessimiste et visionnaire des années 70. 
Brunner avait tout vu venir.

Aux Utopiales, il y a donc des livres, leurs auteurs vivants, mais aussi des expos, des débats, et des films de cinéma. Vu mon état, proche de l'Ohio, pas étonnant que je flashe sur la projection à venir des Evadés du futur, un documentaire réalisé en 1973 pour le Service de la Recherche de l’ORTF, qui réunit six des plus importants auteurs de SF de l’époque : John Brunner, Norman Spinrad, Philip K. Dick, Théodore Sturgeon, Isaac Asimov et Robert Silverberg. Un document rare et précieux, invisible sur les écrans depuis sa première diffusion télévisuelle il y a plus de 50 ans ! C'est vrai, il y a dans ce pays une fracture numérique, mais je dispose d'un compte Inamediapro, et je peux le voir quand je veux. Je risque toutefois d'être un peu blasé, à force de m'injecter de la SF périmée. 

Déjà que. 
Le cinéma SF de maintenant a le même goût bizarre que les livres : bien que le Mickey 17 de Bong Joon Hoo m'ait fait rire, c'est pas vraiment de la SF, c'est un pamphlet, un film politique sur le monde d'aujourd'hui, comme Evanouis (Weapons) qui est plutôt une bonne surprise, lui qui s'inscrit ostensiblement dans la filiation des films de variétés de Maritie, Gilbert et John Carpentier (Top à the Thing, Numéro Un NewYork 1997, etc). 
Le scénario et l'ambiance d'Evanouis m'évoquent aussi les nouvelles contemporaines de Maria Enriquez. Elles ne contreviennent pas au principe de Murphy de Warsen :  si le Mal Absolu avait besoin de se justifier, il serait Témoin de Jéhovah.

Je préfère quand même celles de Brian Evenson, beaucoup plus tordues, mais qui sont infilmables, parce qu'il bidouille le code source du langage pour parvenir à déclencher un Bataclan littéraire avec nos neurones dans le rôle des victimes consentantes. 
La SF cyberpounque à l'écran, aujourd'hui c'est plus les séries télé, Black Mirror, Upload, Mr Robot, Alien : Earth... En musique de terreur, on retiendra cette semaine le tuto de Bernard Herrmann pour composer la musique de Psychose, trouvé dans les rushes d’un reportage que j’ai monté hier sur des tailleurs de pierre.



[Ajout tardif]

- un compte rendu un peu moins fumiste que le mien :

https://www.en-attendant-nadeau.fr/2025/11/14/utopiales-2025-diversites-en-resistance/

- les podcasts de ActuSF : les tables rondes des Utopiales

https://www.actusf.com/detail-d-un-article/utopiales-2025-r%C3%A9sistance-absolue

jeudi 16 octobre 2025

OM - BBC Radio 1 (2019)

Blasphème ou Révélation ?
Théophanie ou marchands du temple ?
Quand il était petit, le groupe OM produisait une sorte de doom metal hypnotique, fruste et masturbatoire, qu'ils eurent la bonne idée, un jour qu'ils revenaient bredouilles de la cueillette des champignons, de pimenter aux chants liturgiques. 
Une guitare basse furibonde et placide qui ferait peur à Lemmy Kilminster, un bûcheron bien membré à bord d'une moissonneuse-batteuse qui a coûté un bras en leasing au Crédit Agricole, et ce nappage de chants religieux issus des trois monothéismes de l'Occident. Et un peu de sitar et de tablas, voire du violoncelle (qui inspire la même terreur sacrée que le mellotron dans les vieux King Crimson) et éventuellement des voix féminines quand le budget le permet, parce que ça fait vendre. Oh dis donc mais c'est que ça commence à faire du monde en studio, je ne sais pas si la production va payer le déjeuner de tous ces gens à la cantine ce midi. Et puis, nous vomissons l'Islam politique, mais apprécions les extraits du Coran psalmodiés par un muezzin en goguette, à partir du moment où c'est remixé par des Occidentaux, comme David Byrne et Brian Eno dans My life in the bush of ghosts, nous n'y voyons nulle hypocrisie, on s'en fout de ce qu'il psalmodie, parce que ça fait joli et que nous n'en sommes plus à une contradiction près.

Nos joyeux lurons sont doués pour
enchaîner d'entrainantes gigues
Lors de la dernière pandémie, comme ils tapaient comme des sourds et déclamaient des textes hermétiques d'un air arrogant,  j'ai trouvé OM très sain(t), et pour contrer les effets délétères de la prochaine, je suis en quête d'un nouveau substitut sonique, dans la même gamme de coloris, et c'est pas facile. Car OM n'a enregistré que 3 albums studio entre 2007 et 2012, ceux qu'on trouve sur l'étagère du haut de cette page de Pitchfork, et qui creusent le macro-sillon de la pollinisation croisée entre la spiritualité fastueuse de Dead can Dance et les rototos acidulés du Pink Floyd période Set the secrets for the heart of the sun, période qui n'a duré que le temps de ce morceau, le tout finement entrelardé d'un hachis de doom / stoner, en tout cas ce sont les étiquettes qu'on leur colle le plus souvent.

Est-ce que ça fâcherait Dieu d'être immortalisé 
sur une pochette de disque de rock ? 
c'est mon album préféré, 
et c'était déjà la fin.
Il existe aussi une quantité d'EPs sur scène, d'une thrashitude lassante car un peu morne. Le doom, au départ on se dit que c'est sympa pour les groupes qui ne savent pas jouer, ils participent à la sarabande metal, un peu au ralenti, en léger différé, comme des personnes en situation de handicap et sous lithium, alors les piles durent trois fois plus longtemps. 
La légende de Saint Wiki, auquel il est judicieux de faire l'offrande d'une dizaine de sesterces en ce moment, raconte qu'ils auraient donné des concerts qui duraient 5 heures à Jérusalem, tellement ils jouaient lentement, et BHL y a trouvé matière à les accuser d'antisémitisme, alors que c'était peut-être juste de l'antisionisme. 
Va savoir. 

En tout cas, sans pouvoir deviner si la démarche mixant doom et religiosité de façade était putassière, émanant de prétentieux qui se la pètent, ou au contraire relevait d'une élévation spirituelle et artistique à faire pâlir bien des candidats à la crucifixion, ils étaient bien partis pour monter en puissance avec leurs arrangements de plus en plus chiadés, sous la houlette de Steve Albini, et puis l'aventure tourna court. 
Snif. 

Méfions-nous, car le groupe peut rester en sommeil pendant des décennies, tel Cthulhu lové sur lui-même, quand on est plein de tentacules c'est fastoche, dans les profondeurs englouties de R'lyeh-la-vieille, au fond de l'océan Pacifique où meurent les récifs coralliens sous les coups du GIEC, attendant le moment où les étoiles seront alignées pour se réveiller et reconquérir le monde, et d'un seul coup  il y a ce live de 2019, enregistré dans les studios de la BBC, que même ChatGPT a été incapable de me trouver une explication, à part d'aller repomper les données sur discogs.com, et il est pas mal, ce live, à part qu'il n'est plus disponible sur bandcamp, dont acte. 
Il donne une bonne idée du potentiel de OM, et puis maintenant que les otages israéliens survivants sont libérés et que les dead can dance, ça vaudrait le coup de refaire un concert à Jerusalem, un peu moins bourrin que la dernière fois. Ou alors à Gaza. Unplugged dans les gravats, s'il le faut. 
Ca serait pas pire.

les liens qui libèrent pas :

https://www.sputnikmusic.com/review/51084/Om-Advaitic-Songs/

https://theobelisk.net/obelisk/2019/10/23/om-bbc-radio-1-review/

jeudi 9 octobre 2025

Kangding Ray - Sirāt Soundtrack (2025)

- Personne veut aller au Super U
racheter des champis ?
Peu importe que le film ratisse très large en termes d'allégories de l'épuisement de l'Occident - on peut même y voir sous un certain angle un clip de prévention un peu longuet contre les rave-parties illégales, financé en sous-main par le gouvernement marocain.
Sur le moment, c'est d'abord une chouette expérience de cinéma en THX® et gRRR (groupe de Réalité Réelle Ratée) qu'on n'est pas prêt d'oublier, surtout quand on a pris le soin de ne rien lire sur le film avant d'aller à sa rencontre, film qui retourne les boyaux et nous arrache la mousse des coussins longtemps après la projection, ce qui est désormais assez rare , et nous pensions à tort avoir déjà tout lu, tout vu, tout bu.
Avec ses oripeaux d'Easy Rider postmoderne, ses  minauderies dignes des films de droguiste de Barbet Schroeder jeune, ses tributs à Un taxi pour Tobrouk, au Salaire de la peur, au Burning man du Nevada et ses accès contemplatifs dignes d'Antonioni quand il était aussi rave qu'un céleri, il ouvre tellement de portes que chacun peut s'y découper à l'opinel dans les banquettes du van la signification ultime de son choix.
La bande-son, réalisée par un vrai DJ instille un univers auditif puissant qui assoit la crédibilité de cette fuite au désert d'une communauté de marginaux plus préoccupés du bien commun que bien des députés métropolitains, dans un contexte d'effondrement sociétal et un climat de fin du monde.
En plus, c'est un Français qui signe la musique, et il a fait plein d'autres disques très intéressants, pour peu qu'on soit sensible à l'électrotech minimaliste parcourue de glitches et saupoudrée de stridulations d'élytres !

jeudi 2 octobre 2025

Yvan Dautin - La Plume Au Coeur (2021)

Pauvre Yvan Dautin. 
Il est un peu un prisonnier de l'inutile poète maudit de la chanson française, au moins par rapport à moi, qui ne suis que maudit, et encore, que par ma femme. 
Parmi ses influences évidentes, on pense à Boby Lapointe et à Julien Clerc, dont il assura un temps les premières parties. Mais sans avoir le génie des mathématiques langagières de Boby, ni le charisme de chèvre revêche, et encore moins le sens de la rengaine du chanteur populaire. Alors que tant de gens utilisent l'I.A. pour produire des versions d'eux-mêmes améliorées, Yvan Dautin  n'a jamais été doté que de sa seule intelligence naturelle et de sa sensibilité d'écorché vif avec un couteau à huitres pas bien rincé pour débagouler ses ritournelles, alors il est à la fois grinçant et d'une mélancolie sourde, mais pas muette, un mélange inédit mais pas forcément réussi de burlesque et de tragique, parfois inextricablement imbriqués dans la même chanson; comment voulez-vous qu'on s'y retrouve ? Le public ne peut tolérer la confusion des genres, et encore moins la savourer. Surtout quand dans l'écriture tout est suggéré à petites touches énigmatiques, qu'on ne peut plus discerner l'art du cochon. 
Si vous êtes hermétiques à la polysémie poétique, convenons que l'affaire est assez mal engagée, et restons-en là.  
Le coffret des 4 CDs  rétrospectifs est à 16 € chez EPM, hors frais de port. 
J'en ai eu pour mon argent.
Je vous mets le premier CD. 
Il couvre la période 1971/1975, où l'on pouvait encore croire qu'un jour, ça marcherait. 

jeudi 25 septembre 2025

Joris & Marieke - Quota (2024)

Cet été j'ai eu une discussion un peu acerbe avec des amis retraités qui font plusieurs voyages de tourisme par an à l'étranger, de préférence loin, ils s'y rendent donc en avion. Je leur ai parlé d'empreinte carbone, ce qui est le moyen le plus sûr d'animer les soirées quand on arrive à l'âge où elles tendent à mollir. Comme ils m'opposaient des arguments douteux sur les Chinois et leurs centrales à charbon qui polluent bien plus que nous réunis, j'ai surenchéri sur le fait que mes amis hypothéquaient gravement l'avenir de leurs propres enfants, voire qu'ils les condamnaient à court terme, par leur comportement de bourgeois humanistes à l'abri du besoin, soi-disant lucides et conscients grâce à la lecture assidue de télérama, et encore assez valides pour remplir les charters de Ryan Air. J'ai bien senti qu'en les accusant de tuer leurs gosses, je touchais un point sensible, mais j'ai supposé qu'ils me connaissaient assez pour savoir qu'on ne peut jamais savoir si je suis sérieux quand je ne le suis pas, vu que je fais souvent semblant de l'être. J'ai appris plus tard que depuis cette soirée, ils ne voulaient plus me voir. il parait que j'ai été odieux. Odieux ? MOI ? C'est l'idée même de leur présenter des excuses qui m'apparait odieuse. Des excuses pour avoir énoncé des faits ? Qu'ils restent fâchés, avec leur bonne conscience blessée et leur posture victimaire de boomers outrés. Ouat ze phoque ?

Mes potes âgés en Bolivie. Une métaphore du surtourisme à eux tout seuls.

Plus tard dans l'été, on a commencé à s'invectiver par WhatsApp avec mon frère et ma soeur sur celui qui avait la plus grosse (empreinte carbone) et j'ai désamorcé la brouille fratricide et soeuricide en leur faisant observer que jusqu'ici, les industriels sont parvenus à culpabiliser les citoyens-consommateurs sur leurs émissions de gaz à effet de serre et à détourner leur attention des vrais responsables de notre prochaine extinction en tant qu'espèce, au lieu de prendre les décisions collectives qui s'imposaient. Car en définitive, l'espèce humaine est-elle un collectif, ou un empilement d'individus aux intérêts divergents, voire antagonistes ? hein ? hein ? Tant qu'il n'y a pas de gouvernement mondial, au moins pour réguler les émissions de GES, on n'arrivera pas à grand-chose, et ça n'en prend pas le chemin.
Y'a qu'à lire Le déluge, fiction d'anticipation climatique plus réaliste que la Réalité Réelle Ratée. Désormais, que nous allions à Zanzibar en pédalo ou à Tokyo en vélo, notre futur climatique est compromis. Mes mauvaises blagues d'éco-terroriste sur l'empreinte carbone de mes voisins ne nous mènent nulle part. Et ma télé 55 pouces sur laquelle je peux regarder Jancovisqueux consomme sans doute trois fois plus de terres rares que celle d'avant. Heureusement que notre civilisation va s'effondrer, et bon courage aux survivants. Il fait chaud ce soir hein ?
Et puis il y avait cet article, dans Telerama 3922, qui datait au moins du mois de mars et que je relisais aux cabinets du bas, des fois que quelque chose m'ait échappé après l'avoir parcouru quelques temps plus tôt dans ceux du haut.



Il nous faut donc un changement systémique : ce n'est pas une poignée d'activistes hypersensibles aux exigences de l'avenir mais aussi sexy que Greta Thunberg et Jancovici réunis dans une soirée échangiste qui peuvent inciter les masses à changer leurs comportements, et encore moins à empêcher les ultra-riches de foutre en l'air le peu d'humanité qu'il nous reste et les minces chances de la transmettre à des générations futures qui relèvent de la science-fiction la plus échevelée. Mes ex-potes ont beaucoup de mal à admettre leur responsabilité et à renoncer à leur droit à polluer, alors qu'ils estiment leur désir d'évasion légitime, après avoir trimé toute leur vie, ils ne voient pas au nom de quoi et de qui ils sacrifieraient leur soif de découverte et de voyages. Et quand je serai en retraite, le même dilemne s'imposera à moi.
J'en étais là dans mes impasses cognitives quand soudain j'ai découvert Quota sur Arte. Ce court métrage propose des solutions innovantes, et me venge de tous mes atermoiements, car l'empreinte carbone de ce blog n'est pas nulle, et si je fermais ma cyber-gueule, ça ferait du bien à la planète.

Annexe
Jancovici présente ici le graphique le plus limpide sur les émissions de gaz à effet de serre. Enjoy, or die trying !

[EDIT]

Les techno-solutionnistes pensent qu'on peut tout résoudre 
en bricolant un peu la biosphère. Mon oeil !
©Emilie Möri, Global warming

Certains d'entre vous, à la lecture de cet article pas très jouasse, seraient tentés d'éprouver un désir bureaucratique d'extraction extracapsulaire.
Dites-vous bien que ça serait faire le jeu de la droite, et dérouler le tapis rouge pour nos amis racistes aux prochaines élections.

jeudi 18 septembre 2025

Le Rock D'Ici - Volume 5 (2015)

De jeunes lecteurs m'ont signalé au cours de l'épisode précédent que l'anthologie réalisée pour le compte de la concurrence "ARTISTES DIVERS ~ Le Rock D'Ici - Volume 5 " n'était plus disponible dans le commerce illicite. Le rédactionnel de l'article restant valable, je ne vous le remets pas ici. Je remets juste les chansons avant de filer à la manif, où je compte bien m'emparer de la sono de la CGT pour substituer ma compile à l'incontournable "Motivés" par Zebda qu'on entend depuis le stand Merguez jusqu'à la station de bus en grêve.


https://www.mediafire.com/file/0msqmn01nfmjnc2/Le+Rock+D'Ici+-+Volume+5.zip/file


01 - STILETTOS - Le Dernier Rock Avant La Crise

02 - ARTHUR H - L'Abondance

03 - DEDE ET MIREILLE - Pour Coiffeur

04 - SAPHO - Mécanique

05 - MANSET - Manteau Rouge

06 - HUBERT-FELIX THIEFAINE - Narcisse 81

07 - RAOUL PETITE - Georges Cloné

08 - BERNARD LAVILLIERS - Lettre Ouverte

09 - EMMANUEL BOOZ - Les Morts

10 - HELDON - Ouais, Marchais, Mieux Qu'En 68 (Le Voyageur)

11 - SAX PUSTULS - Emmène-Moi

12 - HONEYMOON KILLERS - Fonce A Mort

13 - LUTIN BLEU - Martine

14 - BABX - Mourir Au Japon

15 - LES FATALS PICARDS - Seul Et Célibataire

16 - LES SATELLITES - Les Américains

17 - NINO FERRER - Ma Vie Pour Rien

18 - RODOLPHE BURGER - L'Homme Usé

19 - AU BONHEUR DES DAMES - Ça M'Enerve

20 - FRENCH COWBOYS - Happy As Can Be

21 - ARLT - Tu M'As Encore Crevé Un Cheval

22 - BULLDOZER - Il Etait Une Tranche De Foie Dans L'Ouest

23 - JOHNNY HALLYDAY - Jesus-Christ

jeudi 11 septembre 2025

Knower : The Government Knows (2016)

En France, le rock rigolo, à vocation parodique ou abrasive, est une tradition vivace, et dispose de racines vigoureuses bien implantées dans le fécond terreau du "bête et méchant" né avec Hara-Kiri dans les années 60, je dis ça comme si j'avais avalé un critique de rock genre Phil Manœuvre quand il était petit, mais j'ai un peu étudié le sujet, bien qu'à ma connaissance, Ramon Pipin (qui en est le parrain encore bien vivant, même s'il n'est que 12h23, sauf à vouloir remonter à Henri Salvador puis par son truchement à Ray Ventura, et ensuite à Rabelais) reste bientôt le seul représentant encore en activité de cette tendance à mélanger humour et musique musclée.
Et je ne vois pas beaucoup d'artistes américains s'aventurer sur le terrain de la critique sociale par le biais d'une ironie décapante, à part Frank Zappa, mais ses blagues sont souvent difficiles à décoder pour nous, les mangeurs de grenouilles, et puis il est mort en 1993, et il persiste à le rester, ce qui est une blague d'assez mauvais goût, mais il faut faire avec, c'est à dire sans. 
Je suis donc ravi de découvrir le groupe Knower, une des émanations de Louis Cole, un musicien polymorphe qui s'épanouit tous azimuts, pour le dire proprement.
The Government Knows est un scopitone qui s'amuse à détourner joyeusement les codes de l'electro funk pop technoïde (les joyeux lurons semblent sortir du Suicide Squad de James Gunn, que je te conseille fortement) pour délivrer un message libertaire et éveiller les consciences. Ils parviennent à se moquer simultanément du folklore rock, des conspirationnistes, des masturbateurs, et de sans doute pas mal d'autres trucs dont je n'ai pas les filtres culturels pour les décoder tout de suite, mais le gouvernement y travaillera dès qu'il sera constitué. Et quel tintamarre !


Le gouvernement sait
Le gouvernement sait quand tu te masturbes
Le gouvernement sait quand tu te sens seul
Et il se fait tard, et tu es assis à la maison
Regardant droit dans ta webcam
L'Oncle Sam te regarde
Regarde-le dans les yeux, les couilles à la main
Et mets-la lui, à ce connard
Fixe l'écran en envoyant la purée
Le gouvernement te regarde en retour
C'est comme ça qu'ils te connaissent le mieux
Avec une bite dans la main droite et une souris dans la main gauche
(..)
La taille n'a pas d'importance pour la CIA
Ils peuvent voir ta bite depuis l'espace
(..)
Ils sont partout, ils sont omniscients
La seule bite qu'ils n'ont pas vue est celle d'Edward Snowden

En France, cette chanson marcherait moins bien, car si tu remplaces "Oncle Sam" par "François Bayrou", ça fait quand même beaucoup moins peur... ou alors faut impliquer Retailleau, mais difficile de se masturber en évoquant sa figure tutélaire...

Un avis très pertinent, et en français :
"Un peu comme une réincarnation californienne de Areski et Fontaine 50 ans plus tard."
https://rateyourmusic.com/release/album/knower/louis-cole-and-genevieve-artadi/

Le wiki (en anglais) de Clown Core, une autre incarnation de Louis Cole, est absolument hilarant, tout autant que leurs vidéos maléfiques

mardi 2 septembre 2025

Le foreverisme, pour toujours et à jamais (2) : le reboot du spin-off du prequel

L’avenir n’est plus dans le progrès ? 
Très bien, rapportons le passé dans le présent 
et faisons en sorte qu’il ne nous échappe plus jamais. 

Donald Trump (raconté par Grafton Tanner)

Mais le passé n'a pas d'amis
Quand il vient lécher les statues
On m'a reléguée dans la nuit
Au milieu des vieux tas d'invendus

Hubert-Félix Thiéfaine

les gars du marketing, c'est que de la racaille.
J'ai du mal à me remettre de ma rencontre récente avec le foreverisme, ce concept marketing forgé par des industriels soucieux de prolonger la vie commerciale de produits ayant dépassé leur date de péremption y’a déjà un bail, concept dont j'ai immédiatement élargi le spectre pour découvrir qu'il gangrénait les fondements de mon existence depuis son origine. Et question gangrène dans le fondement, j'en connais désormais un rayon de radiothérapie.
J'ai déjà copieusement grabouillé, raclé et regrifougné l'article précédent comme un putain de palimpseste pendant que vous dormiez, j'en attaque donc un nouveau. J'ai découvert que le foreverisme ne concernait pas que les films de superhéros tentant d'endiguer le déclin de l'empire américain, les clones australiens en simili Pink Floyd ou les disques posthumes de Jimi Hendrix enregistrés sous la pluie à travers un sac de couchage... 

Je vois bien que les tentatives périodiques de Métal Hurlant de ressusciter l'héritage de Dionnet ou celles de LFI pour ressusciter celui de Staline, les relances constantes du Centre des Impôts et celles d'anciennes meufs égéries soi-disant retirées du marché voire de la galaxie, le succès grandissant des franchises évangéliques pour rebooter le christianisme, tous ces phénomènes rentrent dans la même catégorie des produits culturels obsolètes qu'on ressort sur les présentoirs au cas où le consommateur prisonnier de ses pulsions ne fasse plus la différence entre l'original et la contrefaçon. 
C'est lui accorder bien peu de jugeote, en attendant que l'IA finisse son travail de décervelage. Disant cela, je confonds malicieusement comme un imbécile heureux le concept de "produit culturel" à décliner ad libitum avec la tendance de mon esprit à croire éternelles des choses disparues, à mélanger comme un imbécile malheureux le passé et le présent, au risque de trouver à mon futur un petit goût de déjà vu, de déjà vécu, mais en moins bien, l'âge venant diminuer les plaisirs quand il ne les abolit pas tout court, comme en atteste mon état un peu prématuré à mon goût de retraité sexuel. On ne choisit pas ce qui nous arrive, on peut juste moduler notre façon d'y réagir.

L'astuce ultime du foreverisme, c'est la zombification.
Seuls les morts étant immortels, 
ils sont aussi corvéables à merci et déclinables à l'infini.
Le reboot de Bambi mort-vivant, je le sens moyen.
Je vais y envoyer mes petits-enfants
en éclaireurs avec mon pass Culture.
Non seulement je combats le foreverisme culturel mais je dois aussi le traquer en tant que croyance erronée en la permanence des choses et des êtres. Heureusement que je n'écris plus sur mon blog de slips sales, ça serait un bon prétexte pour m'y lamenter de ce biais cognitif, une fois franchie la limite au-delà de laquelle mon ticket n'est plus valable. Comme George R.R. Martin, qui n’a selon Télérama que deux passions : ne pas écrire la suite de Game of Thrones, et se plaindre dans la presse de ne pas y arriver. 
Dans le temps je me disais "si le sentiment survit à la personne qui l'a suscité, c'est que c'était pas une hallu", formule-choc dont le sens s'est un peu perdu. Enfin, je vois bien pourquoi je disais ça, et je comprends aussi pourquoi je ne le prétends plus : l'autre jour, au bureau, j’ai fait pleurer une fille. Il m'a suffi d'évoquer un certain incident, elle est remontée dans son souvenir et crac ! elle l'a revécu, c'était très douloureux, et ça a tout de suite débordé. Mes gros pieds dans ses petits plats. Quel con. C'était sans intention malveillante au départ, et quand je lui ai expliqué en sus, aussi déconfit qu’un fruit périmé, que ça faisait longtemps que je n'avais pas fait pleurer une femme, vu que je n'ai plus de prostate, elle a réussi à pleurer de rire en même temps ! et elle est repartie vers son bureau dans ce triste état, j'espère qu'elle avait une culotte de rechange ! Ca m'a appris à distinguer l’hypermnésie émotionnelle de l’hypermnésie autobiographique qu'on trouve parfois sur des blogues de vioques, même s'ils inventent la plupart des détails comme ça leur chante.
Pour l'esprit, les barrières temporelles sont plus perméables que les spatiales. On les franchit par la pensée, et ça peut aller assez vite. Une photo de facture donne le mal du pays, et très peu de choses séparent la nostalgie (l'acceptation du manque né de la perte, acceptation qui peut être elle-même joyeuse) du foreverisme, le désir forcené de permanence, qui en est l'antithèse et le déni.


Cette planche de Goossens illustre bien
les inconvénients de revivre un traumatisme rien qu'en l'évoquant...

L'identité, c'est la mémoire, donc c'est normal que mon esprit fasse souvent des "accès disque" vers des évènements passés, c'est la façon qu'il a de se renseigner sur la légitimité de la tache qu'il est en train d'effectuer. Que ma conscience passe une partie de ma vie diurne à revivre des choses en esprit dans l'espoir d'y changer quelque chose ou de les revivre en mieux, ça aussi, c'est humain. Tant que je reste conscient de ce bruit de fond (faudrait que je creuse la question du Réseau du mode par défaut) et que je ne le laisse pas me submerger, je pense que ça va. C'est gérable. Je ne suis pas comme Robert Fripp, dont le projet, depuis ces dix vingt dernières années, est sans ambiguïté : retourner en 1973, y établir un campement provisoire, puis une colonie de peuplement.
Il cumule ainsi une approche marketing et le handicap psychologique du foreverisme.
Mais tout ça ne nous rendra pas Frank Zappa, que j'ai revu l'autre soir jouer Chunga's Revenge dans feu l'émission Chorus d'Antoine de Caunes qu'on regardait à la télé le dimanche midi en se demandant ce qu'on ferait quand on serait grands, sans savoir qu'on serait alors pris dans une boucle temporelle à rechercher les émissions télé de quand on était petits.
https://jesuisunetombe.blogspot.com/2010/01/what-ever-happened-to-all-fun-in-world.html


vendredi 15 août 2025

Le foreverisme, pour toujours et à jamais

Dans la volupté indicible et d'une actualité sans cesse renouvelée (en tout cas jusqu'à aujourd'hui) de l'éternel instant présent, je découvre le foreverisme (à ne pas confondre avec l'éternalisme d'Alan Moore) grâce à Télérama.
Si vous n'êtes pas comme moi un abonné Premioume® du magazine, qui se veut une déclinaison des Inrocks à destination des boomers blancs racisés intersectionnels et fétichistes,(1) en plébiscitant à tout prix des artistes issus de la diversité, quitte à faire fi de leurs qualités artistiques intrinsèques, vous n'aurez pas accès à l'article en entier, que je vous forwarde.

En 2012, le critique musical britannique Simon Reynolds publiait Rétromania, un essai dans lequel il interrogeait l’obsession de la pop music à recycler son passé au lieu d’inventer un avenir. Treize ans plus tard, le philosophe américain Grafton Tanner s’est penché sur cette crise de nostalgie aiguë qui semble frapper toujours plus la pop culture. Il en a tiré une conclusion contre-intuitive : la rétromanie aurait été remplacée par une autre force marketing — le « foreverisme » —, un passé transformé en présent perpétuel plus lucratif encore pour les industries culturelles. Il s’en explique.

À première vue, le foreverisme ressemble à une version extrême de la rétromanie…
La nostalgie est une émotion humaine. Tout le monde y est plus ou moins confronté, en réaction au changement ou au temps qui passe. La rétromanie cherchait à susciter des sentiments nostalgiques chez les auditeurs. À l’inverse, le foreverisme redémarre le passé pour l’enfermer et en saturer le présent afin qu’il ne manque plus à personne. Au fond, le foreverisme veut détruire la nostalgie. Il s’inscrit dans une longue lignée de discours qui, tout au long de l’histoire, l’ont combattue. Le terme « nostalgie », inventé en 1688 par un étudiant en médecine, Johannes Hofer, décrivait au départ une maladie mentale à vaincre. L’armée pensait qu’elle démotivait les troupes. Et contrairement à ce que certains pourraient supposer aujourd’hui, les sociétés capitalistes ont une véritable aversion pour cette émotion qui incite les individus à la réflexion, à la pause, au souvenir ; plus rarement à travailler ou à produire.

Les Covid triplet foreverism sisters :
"Viens jouer avec nous, Danny. Pour toujours, et à jamais."
Oui, et fais voir ton passe sanitaire, aussi.

De quand date l’invention du foreverisme ?
Le terme a été popularisé en 2009 par TrendWatching, une publication de conseil en marketing. Il s’agissait de donner la priorité aux expériences durables (le forever, « pour toujours ») afin de répondre à l’obsession du marketing pour les expériences éphémères et uniques (le now, l’instant présent). Au cours des années 2010, cette approche est devenue une stratégie viable dans les secteurs du divertissement, de la technologie, de l’automobile et de la consommation.

Auriez-vous des exemples ?
Les groupes de rock qui continuent sans un seul membre d’origine, l’expansion des « univers cinématographiques » de superhéros à succès comme Marvel. Les sociétés de production relancent de vieux récits mais, surtout, font durer ces histoires afin d’intéresser les fans le plus longtemps possible, et en tirer davantage de profits.

Aujourd’hui, beaucoup de gens pensent vraiment qu’aller de l’avant, c’est aller en arrière.
On a le sentiment que le foreverisme naît avec Internet…
Pas exactement, mais il s’est développé parallèlement à la croissance de la technologie, en particulier lorsque les sociétés de divertissement ont multiplié les redémarrages de franchises (reboot), et que le streaming est devenu le modèle économique. Grâce à lui, Disney a rendu son catalogue accessible en permanence, après avoir utilisé la rareté pendant des années, pour vendre ses nouveaux films : des versions contemporaines de ses classiques.

Le foreverisme est-il une nouvelle version du conservatisme ?
Cela sert ses intérêts, c’est certain. Quand il s’agit de pop culture, on se dit que cela n’est pas très grave. Mais en matière politique, c’est plus inquiétant. La foi dans le progrès a été ébranlée au XXᵉ siècle, alimentant le discours foreveriste. Mais paradoxalement, le discours progressiste avait lui aussi combattu la nostalgie, en refusant d’accepter cette émotion qui ralentissait le progrès. D’une certaine façon, Donald Trump a joué avec. Il a dit : « L’avenir n’est plus dans le progrès ? Très bien, rapportons le passé dans le présent et faisons en sorte qu’il ne nous échappe plus jamais. » Aujourd’hui, beaucoup de gens pensent vraiment qu’aller de l’avant, c’est aller en arrière. Même si cela est impossible. Car l’illusion foreveriste se situe là : le passé disparaît en réalité. Et personne ne peut rien y faire.

Foreverism. Quand le monde devient un jour sans fin, de Grafton Tanner, éd. Façonnage.


Il me semble que le foreverisme, dans ses efforts marketing frénétiques pour nier la réalité de l'impermanence de tous les phénomènes, ne fait qu'exhiber son propre échec en tant que simulacre; qui va voir en concert The Australian Pink Floyd ou Queen Extravaganza (le groupe de reprises officiel de Queen), se raconte à lui-même le mensonge d'être confronté au Vrai plutôt qu'à l'ersatz. (au fuck simulé, lol). C'est pas un crime, et grand bien lui fasse, s'il tire un plaisir sain d'une croyance qu'il sait erronée. Je ne lui jetterai pas l'abbé Pierre, je me tape bien Alien  : Earth en espérant que Noah Hawley, brillant showrunner des séries Legion, Fargo et The Unusuals, retrouvera le lustre du Ridley Scott d'antan qui avait magnifiquement épouvanté ma jeunesse avec le premier Alien. La grâce des première fois. Face à l'épuisement des imaginaires, la tentation est grande de réinvestir des formes anciennes, et de voir si on peut les remplir d'espérance nouvelle, comme disent les chrétiens charismatiques. 
John Warsen dénonçant les mirages
du foreverisme sur une plage californienne
(droits réservés © 2008)
Et pourquoi pas ? Je ne sais pas si c'était mieux avant, mais je sens bien que ça va être pire après. Et je trouve que sur le plan créatif, on n'a jamais fait mieux que le mec qui a inventé les années 70. Donc je suis à priori le cœur de cible des rois du marketingMais c'est dans ma vie intime que je découvre que le foreverisme, comme Alien, est planqué dans des coins sombres où j'ai du mal à passer le balai, il déplace des caisses dans l'entrepôt de mes souvenirs et me fait croire que des choses sont encore là alors que ça fait bien longtemps qu'elles se sont tirées avec l'argenterie après s'être essuyé les fesses dans les rideaux du salon. Ca vaudrait le coup de faire mon deuil (les saluer et les laisser partir comme le suggère Jack Kornfield dans "Après l'extase, la lessive") plutôt que de m'entêter à me raconter des histoires. Je comprends qu'à partir d'un certain âge, on se dise que si on avance encore, c'est vers la mort. Mais reculer, c'est aller à rebours de la vie, et "ça ne plaisante pas du tout de ce côté-là", comme le notait Henri Michaux. Et c'est absurde de croire que le passé constitue un refuge sûr. Il est juste le tombeau de lui-même. 
Il y a aussi la difficulté à être dans l'ici et le maintenant, qui rend sans doute sensible aux sirènes vérolées et putassières du foreverisme. Oh putain, c'est beau, ce que je dis, mais faudrait que j'aille au Super U avant qu'ça ferme, c'est déjà scandaleux qu'il soit ouvert en matinée le jour de l'assomption, mais autant en profiter.
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(1)j'ai entendu hier une journaliste décrire en ces termes peu flatteurs les gars pâlots affligés de préférences sexuelles exotiques, et bien sûr ça m'en a mis un coup.

[ Mise à jour du 17 Aout ]
Je découvre une référence au foreverisme dans l'excellent quoiqu'effrayant article d'Olivier Ertzscheid
Selon le journal Les Echos, l'IA serait prochainement mise à contribution pour cloner les comédiens de « Caméra Café » et générer de nouveaux épisodes de la sitcom, en les "modernisant". Qu'avons-nous fait pour mériter ça ? Les enjeux techniques, éthiques, juridiques et économiques de cette foreverisation sont aussi abordés, et ça fait trop peur, qu'on se le dise.
L'article renvoie ensuite vers Usbek & Rica : 
et évoque l'instrumentalisation politique de la nostalgie par Trump et ses sbires transhumanistes, à vous dégouter d'éprouver ce doux sentiment pour toujours et à jamais. Et tout en bas de l'article, une vignette du barde de Northampton (celui qui finit ficelé avec un baillon sur la bouche dans les banquets de Grands-Bretons à la fin des albums d'Astérix en anglais) renvoie vers son interview, qui attribue la mort de la contre-culture à l'arrivée d'Internet, et en vient à postuler que " peut-être que le meilleur espoir pour l’avenir, c’est que la nostalgie actuelle finisse par mourir avec les personnes nostalgiques, et que dans le futur, personne ne regrette Donald Trump, Vladimir Poutine ou la pandémie..." Encore faudrait-il que demain advienne. Avec le foreverisme, c'est de moins en moins probable. " Demain n'arrive jamais", c'est pas le titre du prochain James Bond, ce parangon de la fiction foreveriste ? Pour toujours et à jamais, qu'on vous dit.