mercredi 24 juin 2020

Monty Frippon's Flying Circus

1967
Graham Chapman, John Cleese, Terry Gilliam, Eric Idle, Terry Jones, Michael Palin et Robert Fripp créént pour la BBC le Monty Python's Flying Circus, une série télévisée britannique qui fera rire des millions de Français dès que l'ORTF mettra la main dessus, flairant la bonne aubaine, à peine 35 ans plus tard. 

L'équipe d'origine, sans Terry Gilliam, excusé pour raisons de dessin animé en papier découpé à finir.
1968
Mais Robert Fripp se sent vite à l'étroit dans le carcan trop formaté d'un 26 minutes humoristique bimensuel, au cours duquel les mêmes ficelles sont sans cesse tirées et retirées pour faire rire les Britanniques, bien souvent à leurs propres dépens : les névroses liées à la sexualité, le poids des conventions sociales, le non-sens bien de chez nous eux, et le système des castes, rapporté des Colonies, qui mine alors la Grande-Bretagne de l'intérieur, comme dans Alien.
Robert ne tarde donc pas à quitter le collectif; il est remplacé au pied levé par Boris Johnson, séduit par l'opportunité de donner libre cours à son talent d'improvisateur.
L'heure est au flower power, tout le monde se déchaine et se lâche, ça ne rigole pas.

On a retrouvé Terry Gilliam,  et on a chopé Boris en prime. Time.
La photo de l'année précédente a été honteusement retouchée, pour minimiser l'apport de Fripp.
Staline utilisera les mêmes procédés pour se débarrasser des collaborateurs
ne lui ayant pas donné entière satisfaction. Belle mentalité.
1969
Robert Fripp fonde King Crimson, qui doit lui apporter gloire et cachets d'intermittents, avec une poignée de copains comiques troupiers issus de la diversité. Lors de la première tournée du groupe, il démarre backstage avec Greg Lake une partie de "Je te tiens, tu me tiens par la barbichette", ce jeu au cours duquel chacun tient l'autre par la barbichette et où le premier de nous deux qui rira aura une tapette, partie qui doit être interrompue car il est déjà l'heure de monter sur scène, et on se dit qu'on la finira après le concert.
D'ici là, surtout, ne pas rire.
Ça pourrait compter.

En 1969, tous les coups sont permis pour ne pas montrer qu'on rigole.

2016
Greg Lake meurt, sans avoir pu achever la partie de barbichette démarrée 47 ans auparavant avec Robert, qui n'a toujours pas ri, car il ne voulait pas avoir une tapette.

Dans l'espoir de continuer à ne pas rire pendant toutes ces années,
Robert a brièvement embrassé la carrière de conseiller funéraire à la Banque Postale,
mais sa responsable lui faisait des chatouilles, et la situation devenait critique,
alors il reforma plusieurs fois King Crimson, la solution finale pour arrêter d'avoir envie de rigoler,
et tout cela ne fut bientôt plus qu'un mauvais souvenir.
2017
John Warsen consacre un article amusant quoiqu'un peu bourrin aux efforts de Robert pour retourner en 1973, y établir un campement provisoire, puis une colonie pénitentiaire de peuplement. 
Mais c'est l'échec. Car ce qui ronge secrètement John, c'est l'espoir inavoué de remonter en 1979, pour y retrouver une vieille marilouise quand elle était encore jeune, ainsi que sa collection du magazine Rock et Folk. comme quoi des fois c'est celui qui dit qui y est, comme à la barbichette.

2017, c'est aussi l'année où Adrian Belew se fait définitivement évincer du groupe
après avoir perdu une partie de barbichette contre un Robert Fripp
décidément en grande forme grâce à ses nouvelles lunettes
fabriquées à pas cher par les opticiens mutualistes.
Robert dans sa célèbre imitation de Mister Magoo
juste avant l'invention des opticiens mutualistes.
2020
Un jeune lecteur mélomane et préretraité, qui est aussi un ami, tantôt réel et tantôt imaginaire, selon les fluctuations de mon automédication, m'envoie un article d'un de ces tabloïds à scandale anglais dont il me sait friand, et dans lequel Robert est à nouveau impliqué, m'assimilant au passage à une sorte d'éditeur de contenus agrégeant le meilleur de Closer, Gala et Voici dans le Landerneau interlope du rock progressif. Ça fait toujours plaisir d'être reconnu à sa vraie valeur.
Le secret du jeu de guitare
si particulier de Robert
En effet, Robert Fripp se lâche, avec une impudeur à laquelle il ne nous avait guère habitués. Je pensais même qu'il gèlerait en enfer avant que d'assister à ça, et je me suis pincé devant certains des clips postés. Bien sûr, il faut resituer les choses dans leur contexte. Nous sommes alors en mai 2020, l'Angleterre se remet tout doucement de la perte de ses Colonies tout au long du XXème siècle, en même temps qu'elle se prépare aux rigueurs du Brexit, et se résout aux joies tristes du confinement pour tous, finalement promulgué par un premier ministre qui semble regretter le temps où il faisait partie d'un collectif d'amuseurs publics sans autre responsabilité que celle de faire rire les sujets de la perfide Albion.



Comme dans ce vieux sketch remis au goût du jour, dont nous avons retrouvé le script, car nous ne comprenions pas tout, un peu comme dans celui avec le perroquet mort.
http://montypython.50webs.com/scripts/Life_of_Brian/10.htm
Ce qui n'est guère étonnant, car nous apprîmes l'anglais dans les pochettes des disques de groupes de rock progressif essentiellement instrumentaux.

C'est ainsi qu'à la lecture du récit de réclusion de Robert  « in lockdown with his wife of 34 years » nous crûmes comprendre que sa femme était âgée de 34 ans, et nous nous dîmes, sacré Robert, il en a une perfecte paire ! Moi, quand j'en ai eu trois d'une paire parfaite, je suis allé me faire enlever la surnuméraire chez l'urologue.
Las, nous finîmes par nous rendre à l'évidence : Toyah Wilcox est née en 58, ce qui lui donne un an de plus que ma femme, et ils sont mariés depuis 34 ans, car il y a une différence entre woman et wife. Mais les voir danser le jerk dans leur cuisine, c’est grand. Et ça fait du bien de voir des vieux, amoureux, que ça n’envoie pas en réanimation.
En abeilles, ils sont immenses.



Ca me rappelle Oui-oui, évidemment.



et surtout Robert a un petit air fripp-on, limite lubrique, qu’on ne lui connaissait pas.
La promesse de ne pas rigoler, faite à Greg Lake sur son lit de mort, semble bien loin.
Et en licornes, c’est pas mal non plus.



C’est pas dans l’oeil qu’il va lui mettre sa corne, à maman, c’est sûr. Je vais regarder sur amazon si je ne trouve pas le même déguisement, pour changer un peu des parades amoureuses que je faisais tantôt avec mon vieux masque de Cthulhu, sans doute moins attractif, même après l'avoir enduit de phéromones. Enfin, si elle attend la fin du Boléro, elle a encore le temps de se réfugier aux toilettes et d’appeler les secours par le vasistas. Genre, après ça si on se réenchante pas au quotidien, on est des gros nazes, bons pour la contamination. De toutes façons, j’ai réfléchi, ça ne m’aurait rien rapporté karmiquement de me moquer de Robert. Je l’ai déjà beaucoup fait.
Je ferais mieux d’admettre mes piètres talents de traducteur, et de guitariste, aussi.

2021
Ayant repris leurs esprits après être restés plus d'un an évanouis dans leur cuisine sans qu'un voisin déconfiné vienne s'enquérir de ce qu'il en était, Robert et Toyah enregistrent immédiatement une version alternative de "Heroes", en hommage aux soignants, pour rattraper le temps perdu.



Faut-il imprudemment reconfiner un couple déconfiné ?
Un commentateur remarque sobrement : The guy in the back smiled, that can't be Robert Fripp.
Mais il dit ça par jalousie, après avoir perdu contre Bob à la barbichette.

2030
Transporté en urgence au CHU de Kensington-Sud parce qu'il tousse beaucoup, Robert demande dans un grand sourire à l'anesthésiste s'il ne veut pas reformer King Crimson avec lui. Celui-ci lui donne alors une tapette, l'intube et le plonge dans le coma artificiel pour les 100 000 prochaines années. Puis il arrache son masque de latex en ricanant : c'était Greg Lake, qui avait faké sa mort en 2017 pour avoir le dernier mot dans la partie de barbichette démarrée en 1969. Sacré Greg. 
Dans les boites de nuit d'Amsterdam, on joue les vieux King Crimson à donf pour fêter ça.



2520
Cinq cent ans après le Grand Confinement, les vidéos de "Bob à la licorne" sont exhumées, et donnent naissance à un culte un peu particulier, dont les adeptes errent nus dans les pizzerias et les boites de nuit en fredonnant Heroes. L'arrière-arrière petit-fils de Robert et Toyah fait réaliser un clip prônant ce mode de vie hédoniste en diable.


Le clip de Chapiron évoque un peu l’esthétique des films profondément humanistes de ce farceur de Gaspar Noé, avant de basculer vers un onirisme de bon aloi sur le thème « si nous vivions tout nus, nous ne pourrions plus prétendre être ce que nous ne sommes pas, car les corps ne mentent pas » enfin c’est moi qui choisis d’y voir ça, si ça se trouve le scénario parle d’autre chose, ou le clip est juste un tract un peu léché de la CGT-nudistes du Cap d’Agde.

2666
L'année où se situe le best-seller de Roberto Bolaño est aussi celle où le message de Robert "surtout ne jamais rire tant que la partie de barbichette n'est pas finie" a été totalement subverti et vidé de sa substance, tout est à refaire.
Mais c'est pas grave : flottant dans l'espace au large de cette bonne vieille Gaïa, un foetus angélique interplanétaire sorti tout droit du final imbitable de 2001, l'Odyssée de l'Espace, attend son heure pour une nouvelle incarnation. Et qui sait, pour reformer King Crimson.

bonus offert par le site des fenêtres qui donnent sur des murs :

9 commentaires:

  1. Et quand on n’a jamais écouté au grand jamais un titre des Crimson ? Et je croyais que tu avais arrêté le visionnage de choses coquines ?

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    1. En fait, le vrai truc, c'est que si on laisse la représentation de la nudité aux pornographes, comme si c'était leur monopole et leur chasse gardée, ils ont gagné, et on est foutus... et on n'a plus qu'à aller se rhabiller.

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  2. deux questions, deux réponses :
    1/ ton cas n'est pas désespéré; tu peux toujours combler cette lacune, et sans mon concours ça sera sans doute mieux fait; mon article n'incite pas vraiment à en écouter, et se suffit à lui-même, en tout cas c'est l'impression qu'il m'a fait quand il m'a été dicté par une entité qui ne m'a pas laissé ses coordonnées avant de s'évanouir.
    2/ Le clip de Chapiron n'est pas vraiment coquin. Il évoque la nudité comme mode de vie, sans rien éluder des problèmes que ça pose. Mais je peux te transmettre mon historique de navigation, si c'est plutôt ça la question.

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  3. Ma vie est une boite de nuit de jour. Pas toi ?

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    1. Tu veux dire par là que tu déambules nu dans ta cuisine ?

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  4. Ca m'arrive. Surtout le matin, quand le bus scolaire passe devant la maison. Comme la cuisine est au premier, je suis juste à la hauteur des gamins. Non, ce que je veux dire, c'est que j'essaye de vivre sans masque. Comme si j'étais nu dans une boite de nuit, lieu de tous les travestissements par excellence. Je ne sais pas, peut-être qu'on n'est pas au bon endroit pour parler de ce genre de choses.

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  5. 2 remarques :
    - Entièrement d'accord sur ton concept de représentation de la nudité ! Dire que l'on a classé X un film comme "Love", c'est une hérésie, il devrait être montré à tous les ados...
    - ce qui leur éviterait d'écouter Pink Noise et de s'éclater plutôt sur le Maggot brain de Funkadelic, musicalement, ça change tout...
    Thierry

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  6. Autre commentaire : je trouve que les deux vidéos de Robert Fripp sont superbes... et tellement éloignées de l'art pompier qu'il nous propose sur scène avec ses 3 batteurs.
    Surtout que depuis le duo Aynsley Dunbar et Chester Thompson, il n'y a plus rien à inventer de ce côté-là...
    Thierry
    Zappa un jour, Zappa toujours...

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