Pendant les journées de plomb qui m'ont vu rédiger laborieusement mon pensum en forme de testament spirituel sur The Lighthouse, l'illustrateur japonais Toshio Saeki se mourait. Il aurait pu dessiner haut la main le storyboard des scènes oniriques du film avec la sirène, n'eut été le tabou nippon frappant les organes génitaux d'interdiction de représentation.
En fait, Toshio Saeki nous quitta le 21 novembre 2019 à l'âge de 74 ans, mais l'annonce de son décès par sa famille n'eut lieu que le 14 janvier 2020. Une preuve supplémentaire, s'il en était encore besoin, de la fourberie asiatique.
Donc techniquement il était déjà entré puis ressorti des bardös, dont la visite ne dure que 49 jours maximum, mais ses proches avaient dissimulé son trépas, pour des raisons sans doute patrimoniales, car il doit être compliqué de revendiquer son héritage. Qui pourrait reprendre pour le faire fructifier son petit bazar de l'épouvante Ero-Guro (terme japonais contractant les mots érotisme et grotesque), un genre artistique qui semble avoir été inventé pour lui tout seul et qui voit surgir des scolopendres en plein coït, des décapitations pendant les préliminaires sexuels, des asticots dans les sushis et tout un bestiaire du malaise vagal venir s'épanouir avec la suffocante familiarité des rêves qui tournent mal ?
Attention, n'essaye pas de refaire ça chez toi ! |
On ne peut pas du tout le rattacher à la tradition Wasp de l'épouvante à la Lovecraft, car celui-ci faisait ceinture l'impasse sur la sexualité, mais dès qu'il était question de mêler macabre, grotesque, sexe et violence, le tout avec une ligne claire digne des plus grands de la franco-belgitude, Saeki envoyait du pâté.
Qui mieux que lui pouvait faire enfourcher le vélo sans selle de Thanatos à la gracile Eros ?
Je vous aurais bien proposé une visite du monastère, mais il y eut en l'an de grâce 2018 une Grande Purge du contenu adulte sur Tumblr, visant à débarrasser la plateforme communautaire de micro-blogging de la racaille pédopornographique et nationaliste, purge sans doute légitime dans ses aspirations bien que fomentée par des rejetons puritains et bâtards de Lovecraft auprès de laquelle celles de Staline ne furent qu'aimables séjours de cure thermale à Lamalou-les-Bains. Les algorithmes des logiciels de reconnaissance fessiale mis à contribution pour trier le bon grain de ce qui était innommable, indicible et inmontrable chauffèrent un peu devant les images ambigües de Saeki, mais dans le doute ne s'abstinrent pas d'effacer tous les contenus suspects.
A la suite de quoi il devint malaisé de trouver des dessins d'Ero-Guro sur Tumblr. Ou même quelque esquisse de téton ou brouillon d'appendice caudal que ce soit. C'est le problème avec l'intelligence artificielle, elle ne fait pas dans la dentelle.
J'ai déterré un certain nombre d'articles en lien avec l'étonnant disparu, et j'ai appris tout ce qu'il y avait à en savoir dans le petit portrait vidéo concocté par Tracks.
Prudence avec ces images, elles sont neurotoxiques, et tout ce que nous regardons nous envahit.
Ca non plus ! |
(extrait de l'émission Tracks sur Arte)
Quelques dessins anciens
Somptueuse Interview avec poison (supplément + 3€)
Encore une biographie, assez détaillée, images inédites
Quelques images ayant survécu à la Purge
Une gallerie assez riche de 2011
Que peut-on dire de gentil, de propre et de sain sur Toshio Saeki sans déshonorer sa mémoire ni sa famille ? Que quand il était petit, il a peut-être vécu dans la baie de Minamata, ce qui expliquerait bien des choses.
Je dois avoir un receuil de ses illustrations de chez l’Écho des Savanes ? Un petit billet serait peut-être utile - même si je ne suis pas un super fan.
RépondreSupprimerEn tous les cas, tes billets m’ont fait faire un cauchemar bien angoissant où je me sentais contaminé par des spores et je me suis réveillé quand je me suis rendu compte que j’étais dans un bouquin de Vandermeer.
Je reconnais que la série "Lovecraft Facts" n'est pas très marrante à écrire, mais ne doit pas l'être non plus à lire. Même si je m'instruie sur des trucs que j'avais pas forcément envie de savoir, mais qui me titillaient quand même, je trouve ça quand même moins chiant que mon blog de slips sales.
RépondreSupprimerJe ferais sans doute mieux de me taire et de lire les livres recommandées par Saint Yossarian.
Le premier de nous deux qui parvient à cesser de poster ici a gagné.
Zut, perdu.
RépondreSupprimerT'inquiète. Je regarde la suite de Shining, je vais reprendre la main.
RépondreSupprimerEh bien , tu m'apprends pour ce tabou nippon , quand je vois la profusion de hentaï qui viennent de là-bas , je les croyais plutôt très libre
RépondreSupprimerCela n'a pas sans doute pas toujours été le cas , avec par exemple un artiste comme Hosukaï , (j'espère que Li-An ne va pas rêver de tentacules)
HOKUSAI (pardon , je me suis emmêlé les tentacules ..)
Supprimeron en a parlé dans les commentaires de celui-là
RépondreSupprimerhttp://jesuisunetombe.blogspot.com/2020/01/lovecraft-facts-5_13.html
Li-An rêve de ce qu'il peut, comme nous tous.