vendredi 31 octobre 2025

Les Utopiales 2025 : Brian Evenson contre les Evadés du futur

En route vers le totalitarisme cognitif.
Comment résister ?
Qu'irions-nous faire aux Utopiales 2025, dont nous avons pourtant gagné une place sur l'intranet de notre entreprise ? Donald Trump est le président le plus dystopique dont nous puissions rêver, et même dans les comic books outranciers et pseudo-transgressifs de Warren Ellis, Mark Millar ou Garth Ennis, ils n'en ont pas des comme ça. On pourrait rebaptiser l'évènement Les Dystopiales 2025, ça aurait meilleure gueule. 
Trump et ses séides transhumains et christo_fascistes veulent ravaler l'humanité au rang du borborygme, et rendent la littérature de SF kitsch et obsolète, un quart d'heure avant que le monde se délite en une bruine de flocons cendreux. 
Autant lire Cyberpunk - Le nouveau système totalitaire, un essai d'Asma Mhalla, écrit un peu vite mais c'est synchrone avec l'urgence de notre agonie démocratique.
https://www.lemonde.fr/livres/article/2025/09/19/cyberpunk-d-asma-mhalla-la-chronique-essai-de-roger-pol-droit_6641905_3260.html

Et si l'horreur était le sentiment
le plus légitime des artistes 
sensibles aux exigences de l'avenir ? 
Hein ?
Ou alors, perdre le peu de raison qu'il nous reste en errant dans les boyaux obscurs et malodorants des nouvelles de Brian Evenson, invité du festival cette année, lui qui défriche de nouveaux territoires horrifiques, et peut-être bien qu'il réinvente la SF aussi, mais je n'ai pas encore tout découvert du bonhomme, même si j'intuite que pour lui, le nihilisme est juste une blague un peu mièvre. A quoi bon aller me faire dédicacer sa Comptine pour la dissolution du monde, sinon pour me dédouaner de l'avoir emprunté sur z-library.sk et avoir oublié de le rendre ? Je déchiffre au compte-gouttes ses histoires dérangeantes, hermétiques et perverses; c'est du brutal. Lors de la parution de son premier recueil, alors qu'il était encore membre de l'Eglise Mormone, une de ses étudiantes expliqua qu’à la lecture de l’ouvrage, elle « s’est sentie comme quelqu’un qui aurait mangé quelque chose d’empoisonné et qui tenterait désespérément de s’en débarrasser. » C'est tout à fait ça, moi j'ai obtenu la sensation imminente d'un accident vasculaire cérébral, on est d'accord sur le fond, il ne me manque que son 06 pour débriefer.
Je préfère aussi relire la SF pessimiste et visionnaire des années 70. 
Brunner avait tout vu venir.

Aux Utopiales, il y a donc des livres, leurs auteurs vivants, mais aussi des expos, des débats, et des films de cinéma. Vu mon état, proche de l'Ohio, pas étonnant que je flashe sur la projection à venir des Evadés du futur, un documentaire réalisé en 1973 pour le Service de la Recherche de l’ORTF, qui réunit six des plus importants auteurs de SF de l’époque : John Brunner, Norman Spinrad, Philip K. Dick, Théodore Sturgeon, Isaac Asimov et Robert Silverberg. Un document rare et précieux, invisible sur les écrans depuis sa première diffusion télévisuelle il y a plus de 50 ans ! C'est vrai, il y a dans ce pays une fracture numérique, mais je dispose d'un compte Inamediapro, et je peux le voir quand je veux. Je risque toutefois d'être un peu blasé, à force de m'injecter de la SF périmée. 

Déjà que. 
Le cinéma SF de maintenant a le même goût bizarre que les livres : bien que le Mickey 17 de Bong Joon Hoo m'ait fait rire, c'est pas vraiment de la SF, c'est un pamphlet, un film politique sur le monde d'aujourd'hui, comme Evanouis (Weapons) qui est plutôt une bonne surprise, lui qui s'inscrit ostensiblement dans la filiation des films de variétés de Maritie, Gilbert et John Carpentier (Top à the Thing, Numéro Un NewYork 1997, etc). 
Le scénario et l'ambiance d'Evanouis m'évoquent aussi les nouvelles contemporaines de Maria Enriquez. Elles ne contreviennent pas au principe de Murphy de Warsen :  si le Mal Absolu avait besoin de se justifier, il serait Témoin de Jéhovah.

Je préfère quand même celles de Brian Evenson, beaucoup plus tordues, mais qui sont infilmables, parce qu'il bidouille le code source du langage pour parvenir à déclencher un Bataclan littéraire avec nos neurones dans le rôle des victimes consentantes. 
La SF cyberpounque à l'écran, aujourd'hui c'est plus les séries télé, Black Mirror, Upload, Mr Robot, Alien : Earth... En musique de terreur, on retiendra cette semaine le tuto de Bernard Herrmann pour composer la musique de Psychose, trouvé dans les rushes d’un reportage que j’ai monté hier sur des tailleurs de pierre.



[Ajout tardif]

- un compte rendu un peu moins fumiste que le mien :

https://www.en-attendant-nadeau.fr/2025/11/14/utopiales-2025-diversites-en-resistance/

- les podcasts de ActuSF : les tables rondes des Utopiales

https://www.actusf.com/detail-d-un-article/utopiales-2025-r%C3%A9sistance-absolue

5 commentaires:

  1. L’affiche de cette année est assez étrange - pas dans le sens dérangeant, mais plutôt l’inverse. Si tu avais une machine à remonter le temps, tu aurais pu m’y croiser il y a vingt ans.

    RépondreSupprimer
  2. Si j'avais une mobylette quantique, est-ce que mon moi d'il y a 20 ans aurait trouvé quelque chose à dire à ton moi d'il y a 20 ans ? parce que quand on remonte le temps, il faut se dépouiller de tout ce qu'on accumulé psychiquement depuis.
    C'est une règle peu connue des auteurs de SF, mais avérée par tous ceux qui retournent dans le passé à la force de leur esprit.
    Sans parler de ceux qui bidouillent avec le tutoriel de l'invention de Morel.
    Il y a 20 ans, à toutes les Toussaint j'allais voir ma belle-mère à Albi. Et je faisais mon deuil des Utopiales. J'ai fini par faire le deuil de ma belle-mère, et maintenant je vais aux Utopiales. Mais c'est pas pareil, et j'ai perdu la foi dans les futurs incertains qu'ils nous prédisaient à l'époque. Jancovici reste le seul auteur de poids sur le marché. "L'avenir est un chien crevé sous un meuble", chantait Lavilliers dans son brûlot cyberpounque "Pouvoirs", mais c'était en 78.
    Je ne suis même pas fichu de retrouver sur viméo, devenu un foutouar Bitoubi, la trace de mes vieux films de SF que j'aurais pu présenter au festival, si la complexité de l'auto-production ne m'avait pas épuisé.
    Ah, si.
    https://vimeo.com/37508723?fl=pl&fe=sh

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Une 3D de folie. Je reconnais que j’ai en ce moment plus de plaisir à lire de la fantasy que de la SF. C’est terrible.

      Supprimer
  3. L'affiche de cette année est moins moche que d'habitude, c'est normal, elle est due à une femme, qui dessine surtout des comics, dommage, tu n'en lis pas.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ah ah ah. C’est vrai. ⦁ Hélène de Wyndhorn me faisait de l’œil mais le résumé m’a refroidi.

      Supprimer