dimanche 23 avril 2023

Georges Warsen : Dans le port de Pornic (2023)

Le kinésithérapeute ne veut plus me voir. Il dit que je n'ai qu'à marcher vers mon destin, et que la rééducation se finira toute seule. Il en a peut-être marre que je lui mime Jésus-Christ sur une croix gammée, pour lui montrer comment je me remuscle la voute plantaire. Vais-je pour autant ouvrir un nouveau blog, comme à chaque fois qu'on m'enlève une béquille ? Non. Car voici venu le temps des rires et des chants dans l'ile aux enfants c'est tous les jours le printemps de l'enregistrement de ma version personnelle du port d'Amsterdam de Brel. Qui est un peu foirée. Mais c'est la mienne.
2 heures d’écriture (fin janvier) + 1 heure d’enregistrement (trois mois plus tard, soit hier après midi, pendant que mon Surmoi et ma femme regardaient ailleurs) + trois heures de mix, ce matin, mais il est à reprendre. Car des fois Logic X ne répond qu’à lui-même, et en plus ça sonne occupé. Je ne sais pas ce qu’en pense mon surmoi, et s’il me donnerait des coups de pieds au cul pour que je bosse un peu. En tout cas ça, comme ça c’est fait, c’est soldé. Je marche vers mon destin, sans trainer le boulet de cette parodie avortée, puisque je l'ai déposée ici.

Les rimes en sont paresseuses, et l'interprétation désincarnée. Et j'ai collé dessus une vidéo réalisée pendant Confinement_3, quand je ne parlais qu'à mes télécommandes. Mais le cerveau refuse de suivre deux sources asynchrones, et de lire des sous-titres qui n'ont rien à voir avec la chanson. Il se lasse, puis retourne à la base. 
En clair, on n'y croit pas. 
On sent bien que j'ai enregistré ça après deux enterrements, et que le cœur ne pouvant pomper qu'une quantité limitée de sang, il n'y est pas... 
Tant pis.
Et encore, cette semaine j'ai échappé à la crémation du voisin d'en face,  j'étais en vadrouille, purée, lui qu'était si gentil, mais Alzheimer + cancer du poumon, c'était difficilement surmontable comme handicap, alors j'espère que y'a d'la miséricorde dans l'air, parce que question justice divine, je la vois pas trop. 
Je suis un peu comme la nounou de ma fille, qui avait perdu et abjuré sa foi chrétienne après que la moitié de ses sœurs soient venues mourir chez elle (après avoir pris un ticket à l'accueil, dans l'ordre et le calme, mais quand même...) 

Bien sûr, tout cela ne vaut pas un clair de Lune à Maubeuge, ou encore Soleil enculé par Arlt (il doit avoir un gros Surmoi)
On me demande en régie pourquoi j'ai fait une chanson sur mon pied cassé, et pas sur mon mélanome, qui aurait pu s'appeler aussi Soleil Enculé, même si c'était déjà pris. Merci pour ces questions que je n'avais pas anticipées mais qui tombent très bien. Disons que me casser la figure sur le port de Pornic m'a appris à regarder où je mettais les pieds, ce qui est trivial mais utile, un peu comme dans la blague qui n'en est pas une, rapportée par Philip Kapleau dans les trois piliers du zen :

 

Un jour, un homme du peuple dit au maitre du zen Ikkyu : Maitre, vous plairait-il d’écrire pour moi quelques maximes de la plus haute sagesse ? Ikkyu prit immédiatement son pinceau et écrivit le mot « Attention ».
- C'est tout ? demanda l’homme. N’ajouterez-vous pas quelque chose ? Ikkyu écrivit alors deux fois de suite : « Attention. Attention. » 
Irrité, l’homme lui dit : 
- Je ne vois vraiment pas beaucoup de profondeur ou de subtilité dans ce que vous venez d’écrire.
Alors Ikkyu écrivit le même mot trois fois de suite : « Attention. Attention. Attention. » L’homme, presque en colère, demanda : 
- Que signifie ce mot, en fin de compte ? Et Ikkyu répondit gentiment : 
- Attention signifie attention.
Pas de quoi chanter la Traviata, ni se passer les paupières à la crème de chester avec une tringle à rideau de fer, mais si j'attendais qu'un événement mérite quelque chose pour être saisi du démon de la parodie, j'attendrais longtemps. Alors que concernant le mélanome, il faut être malin et demi pour lui consacrer une chanson une fois que tu es sorti de son viseur, et je ne me le sens pas. Mon oncologue m'a promis que notre prochain rendez-vous serait le dernier, je suis ravi qu'elle aussi me laisse tomber.
Je suis convaincu que ces bestioles ont la mémoire longue, donc je ferme ma bouche (je lui ai quand même consacré quelques articles sur mon blog de boloss, et c'est tout ce qu'il méritait; nonobstant le fait que j'ai quand même passé 40 ans à chanter "crème solaire, enculée ! " donc c'était quand même pas non plus totalement immérité, comme châtiment (c'est le retour de la justice divine par la petite porte : celle de derrière) et le mélanome, j'en suis quand même autant responsable que du pied cassé. 
Pas coupable, hein, responsable. Je fais bien la différence, maintenant qu'il est un peu tard pour y changer quoi que ce soit.
Bon, je n'avais pas réfléchi aux implications de tout ça, je me félicite que ton épicerie du sens commun soit rouverte. Merci aussi les champignons, j'ai hâte d'y retourner, bien que ça ne soit pas de tout repos. Quelqu'un qui en a pris pas mal me suggère plutôt une retraite vipassana chez goenka.
Bon, ça commence un peu trop à ressembler à un article de mon autre blog, je me casse.

21 commentaires:

  1. Y’a un manga Ikkyu qui est pas mal - même si je ne sais pas si l’anecdote y est narrée ça fait longtemps que je ne l’ai pas relu. Et à la question philosophique "pourquoi les gens bons sont aussi frappés par le malheur ?", les philosophes ont tous esquivés la question si j’en crois un quart d’heure sur France Cul. En tous les cas, la prière ne sert à rien. Demande à JP2.

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    1. Il faut dire que france cul est un peu occidentalo-centré. Les bouddhistes ramènent le problème sur plusieurs vies avec le karma... tout ça... Même le Bouddha himself subissait encore le karma de ses précédentes vies.

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    2. je ne spécule plus sur le karma des vies antérieures. Je trouve que y'a déjà de quoi faire avec celui récolté dans celle-là.

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    3. Il s'agit moins de spéculer que de se souvenir et de comprendre la coproduction conditionnée. Se souvenir qu'on a été vendeur de légumes dans une vie passée ne présente pas beaucoup d'intérêt. Ce qui présente un intérêt c'est la dimension répétitive. On a tendance à répéter les mêmes erreurs inlassablement du moins tant qu'on ne s'en souvient pas. Une vie on est cowboy et la vie suivante indien. Et quand on est indien et que toute sa famille a été décimée et qu'on a la rage tenace on peut attendre la vie suivante pour se venger. Et quand un gamin ouvre le feu dans une école on peut penser que les enfants qui sont tuées n'ont rien fait pour mériter ça ("gens bons frappés par le malheur"). Penser la chose à l'échelle de plusieurs vies ne consolera pas les parents. Mais faudra bien que certains se coltinent le travail d'enrayer les cycles de la violence. Mieux vaut travailler sur le fait devenir un saint plutôt qu'un enculé même si le soleil brille pareil... parce que le saint sait comment faire pour rester saint de vie en vie et sortir du jeu.

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    4. Je viens de lire aux cabinets sur mon téléphone une brève comme quoi un gamin a été tué à la hache dans une crèche, ce qui a entrainé un truc vachement plus grave encore : la suspension de la messagerie Telegram au Brésil. Comment peut-on tuer un gamin à la hache dans une crèche ? je suis complètement largué. Je vais relire ton commentaire à la lumière noire de cet article.
      https://www.lemonde.fr/international/article/2023/04/27/la-justice-bresilienne-suspend-la-messagerie-telegram_6171158_3210.html
      dans cette attente, peux-tu me dire si tu as des flashs de tes vies antérieures qui confirmeraient tes assertions ?

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    5. Pas un gamin, pardon, quatre.
      Et à la question " Comment peut-on tuer quatre gamins à la hache dans une crèche ?", une réponse possible se dessine pendant ma pause déjeuner : c'est parce que les armes à feu sont moins facilement disponibles qu'en Amérique du Nord.

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    6. En fait, j’ai été surpris d’apprendre que le type y est allé comme un bûcheron alors que Bolsonaro a beaucoup aidé à la facilitation d’achat d’armes à feu au Brésil. Rappelons qu’en France, un abruti est allé dégommer des gamins au prétexte qu’ils étaient Juifs et que d’aucuns le considèrent encore comme un héros.

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    7. Des flashs de mes vies antérieures? Je me souviens avoir été une femme et être morte à Paris. J'ai trouvé le temps long entre deux vies faut dire que j'avais des exigences sur ma vie suivante. Je voulais être un homme et avoir des enfants (que je n'ai pas eu dans ma vie précédente). Je voulais aussi m'en souvenir pour ne pas être un goujat dans cette vie-ci (ce qui est loin d'être facile). J'ai cherché dans les avis de décès des années 70 une femme morte à paris dont le nom me dirait quelque chose sans rien trouver. Je me suis couché bredouille en me disant que ce serait plus facile si je me souvenais de son nom... et le lendemain matin je me suis réveillé avec un nom et un prénom... j'ai cherché sur internet et j'ai trouvé sur un site ma fiche généalogique qui correspond bien avec mes souvenirs... mon enfance à Lyon, mon mariage tardif à 40 ans avec un capitaine (photographe à ses heures) appartenant à l'état major du Maréchal Foch mais je me souviens surtout de ce petit polisson de Clemenceau (qui était déjà âgé) qui est venu plusieurs fois diner à la maison (toujours avec son bonnet Tibétain sur la tête). Il était intarissable sur le bouddhisme asiatique. Je meurs en 1972 à Paris pour renaître en 1974 en région parisienne.

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    8. Ce sont des insights chopés en méditation ?

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    9. Haha je dis ça comme si ça les rendait plus valides. Ca en dit plus long sur mes croyances que sur tes pratiques.

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    10. En partie seulement. Je ne sais pas comment tu traduis insights? Disons intuition vécu comme une évidence en première personne. Mais le plus souvent ce sont des re-souvenirs ou déjà-vu dans des lieux où je n'étais jamais allé comme dans le XVIème à Paris. Ou en regardant des photos comme celle de Clémenceau... Oh bien sûr je pourrais inventer mais je n'invente rien en regardant une photo d'une personne que je n'ai pas connu alors que là ça vient tout seul et c'est teinté d'émotion. C'est une expérience curieuse à vivre parce qu'elle diffère du pur souvenir (souvenir de cette vie-ci) mais aussi de la pure invention. C'est aussi un sujet de plaisanterie dans ma petite famille car j'y fais souvent référence.

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    11. merci pour ta traduction d'insight, c'est toutafé ça. mes expériences à base de photos font bien rigoler chez moi aussi, car elles sont teintées d'émotionnel à fond les vélos (le photomaton de 82 de ma copine disparue m'a provoqué une anamnèse carabinée, mais mes proches croient que je passe mon temps à me regazéifier avec mon propre gaz)

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    12. Même si j'en sais déjà pas mal sur mon passé, j'aimerais bien en connaitre davantage... Le risque c'est quand même que le passé nous tire en arrière. C'est un peu le problème des photos...

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    13. Bien sûr que les photos nous tirent en arrière. C'est dans leur nature. Mais à l'usage, le passé se révèle inhabitable. A moins d'être mort. Et comme prendre conscience de quelque chose, c'est cesser d'en être inconscient, je vois bien que malgré tous mes efforts enthousiastes pour retourner en 1983, y établir un campement provisoire, puis une colonie de peuplement, force est de constater que ça ne marche pas comme ça.
      Donc youpie : à partir de l'hommage au passé, es photos me servent finalement à célébrer le réel, et le présent.

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    14. Célébrer le réel (raté) oui sans aucun doute mais le présent? en négatif? Il y a plus d'un an j'ai rencontré une femme dans le cadre de mon travail de photographe pour qui j'aurais été prêt à abandonner femme et enfants si ça avait été réciproque (heureusement que ça ne l'était pas). Sur internet j'avais trouvé une photo d'elle en noir et blanc pas trop mal mais depuis elle a changé de travail et une nouvelle photo catastrophique en couleur est apparue... toutes dents en avant... Comment ai-je pu m'emballer de la sorte? Où est le présent dans cette histoire?

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    15. "j'aurais été prêt à abandonner femme et enfants si ça avait été réciproque "
      => louons ton enthousiasme passé.
      Indépendamment de la personne qui l'a suscité. C'est un critère sûr : si le sentiment survit à la disparition de la personne qui l'a suscité, alors c'était pas une hallu !
      et si c'en était une, c'est l'occasion d'apprendre quelque chose sur soi. Même si on pensait avoir déjà commis cette erreur, et en être exempté à l'avenir du passé.
      "heureusement que ça ne l'était pas"
      => au moins, tu as été assez attentif aux signaux de ton environnement pour sortir de ta transe. Louons ta lucidité.
      "Comment ai-je pu m'emballer de la sorte ? Où est le présent dans cette histoire ?"
      => les réponses sont dans tes questions.
      tu passeras à mon cabinet, je te ferai une ordonnance.

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  2. Comme disait papa, on a écrit des bibliothèques entières sur les bénéfices de la prière; Si tu dis que ça ne sert à rien, c'est de n'avoir pas été en position d'essayer ça comme ultime recours. Quitte à te forger la prière utile, utilisable et de l'utiliser. Concernant l'absence de justice divine, ou la présence intermittente de Dieu au bureau, le grand métaphysicien contemporain Jean-Marie Bigard a dit un jour sur france-inter que le soleil brillait pareillement sur le Saint et sur l'Enculé (auquel j'adjoins donc une majuscule démocratique et honorifique), que ça l'avait longtemps perturbé, mais que à force de travail sur lui-même, il avait fini par l'accepter.
    Soleil enculé, on n'en sort pas, donc. Accepter le mal, c'est facile à dire, tant qu'il ne te frappe pas dans ta chair, auquel cas serrer les fesses et grincer des dents, et vice versa, n'y changent pas grand chose non plus.

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  3. Un tube évidemment
    Mais on pourrait aussi utiliser l'intelligence artificielle pour faire d'autres versions chantées par différents chanteurs (si si, c'est possible maintenant) on en ferait une compilation vendue par exemple au profit des fossoyeurs français qui vont devoir creuser dans le futur jusqu'à 67 ans
    (errata, pour la France ce n'est que 64 ans, veinards..pas comme chez nous)

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  4. Une lecture de Éric emmanuel Schmitt ”La nuit de feu” où l’auteur,perdu dans le Sahara ,sur les traces de Charles De Foucault, fut touché par la grâce.

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  5. Je ne l'ai pas lu, mais je n'ai pas un très bon feeling avec cet Éric Emmanuel. Je crois l'avoir entendu à la radio, et qu'il était un peu imbu.

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