dimanche 3 janvier 2010

La fin de tous les disques de rock : Trio - Da da da (1981)


Avec une économie de moyens qui 30 ans plus tard force toujours le respect, ces boches issus de la mouvance new wave ont poussé leur petite chansonnette tristouille, à la fois dépressive et sarcastique, sur trois notes de farfisa et une caisse claire. Alors que les teutons n'étaient connus que pour l'invention de la bière et les groupes pénibles de métal lourd, les 3 membres du Trio (ach ach) connurent avec leurs minimalistes ritournelles un succès planétaire, fredonnant leur constat terrifiant du désarroi occidental sur de petites mélopées entêtantes et décomplexées ("Ich lieb dich nicht du liebst mich nicht, Da da da", punaise c'est dur à taper)
Un peu comme si le Godard première manière avait vendu sa caméra contre un micro pour des comptines acides et existentialistes, mais tout cela ne vous sera accessible qu'à condition d'entraver un peu la langue de Goethe (niveau débutants, quand même)
L'autre jour j'ai voulu réécouter l'album original, qui est resté affreusement collusionné dans le réduit de mon esprit à des amourettes déglinguées et cendreuses, et pas moyen de remettre la main dessus sur le web, qui n'en offrait que d'infâmes remixes.
Heureusement, il y a quelques années à Stuttgart un mien ami m'avait recraché le vynile vintage sur 2 galettes qu'il me gravait à la main avec son casque à pointe et sur lesquelles il restait de la place, un Raoul Petite et un Zebda. Quand de ceux-là il ne restera rien, on fredonnera toujours Da da da d'un air idiot et compassé.
Ne me restait plus qu'à tronçonner et renommer les fichiers, armés de soundtrack pro, de l'érudition de Discogs et de la légendaire patience de ma moitié quand j'ai dit que j'allais faire du repassage un samedi matin.
Un mot encore sur l'adjectif minimaliste, qui pour moi désigne inconsciemment des artistes qui auraient les moyens d'écrire des symphonies mais réduisent tout à feu doux jusqu'à obtenir des bonsaïs de chansons, c'est un terme un peu impropre car ici on sent bien que l'ambition ne va guère plus loin que les trois accords jetés en vrac dans la cire chaude.
J'ai titré l'article "La fin de tous les disques de rock" parce que c'est grâce à celui-ci que j'ai compris qu'il était vain d'enjoliver ma vie intérieure des dérisoires enluminures que les petits bougnats de la musique anglo-saxonne me proposaient. Grâce à Trio, on voyait l'os, et il n'était plus temps de tergiverser.

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