jeudi 28 avril 2022

[Repost] Métal Hurlant #11 à 20 (1976/78)

mer. 26 sept.
Entre la mort de Métal Hurlant (je me désintéresse de la revue vers 1983, et à moyen terme, elle ne s'en remet pas) et la découverte d'un comic book qui ne parlait pas de superhéros (Blood par JM de Matteis et Kent Williams, dans le grenier de chez Ptiluc, vers 1998) il se passe 15 ans, 15 ans à apprendre à vivre sans drogue métallique ! 

jeu. 28 avr.
Il est pas mal, finalement, le Nouveau Métal Hurlant n°2 dont j'ai dit du mal sans l'avoir lu. Mais il est entièrement constitué de rediffusions du Vieux Métal Hurlant, agrémentées de notules biographiques et de souvenirs rédactionnels de ceux qui l'avaient conçu; ça fait bizarre d'assister à un tel revival, on a l'impression d'en avoir oublié de mourir à temps (pour pouvoir renaitre, en tout cas pour ceux qui y aspirent, parce qu'à force de tourner comme un hamster décérébré dans la roue du samsara, on peut légitimement aspirer à l'extinction sans rébellion). Voici donc les numéros suivant ceux qui les précèdèrent.


les précédents numéros rediffusés, en léger différé des années 70 :

attention à l'effet "machine à voyager dans le temps", dont les effets secondaires sont imprévisibles, mais qui peuvent laisser légèrement nauséeux.

Ce monsieur Soulcié n'est remonté que jusqu'aux présidentielles 2002
sur sa pétrolette temporelle, c'est pour ça qu'il est un peu pas bien.




dimanche 24 avril 2022

Sanseverino - Je n'en veux pas (2021)


"Payer 135 euros parce que
mon tarin dépasse du masque
ou rentrer coupable et merdeux
20 minutes après le couvre-feu
Areva s'appelle Orano
le nucléaire a changé de peau
l'EDF qui s'appelle Engie
me propose un compteur Linky
ben j'en veux pas 
(...) 
Voir la police du roi taper 
sur des ados, sur des mémés
la bombe lacrymo, c'est pas bon
ni pour l'acné, ni pour la tension
obligé d'partir en courant
Avant 'voir débouler les agents
c'est le karting de la matraque
et me faire courser par la BAC
je ne veux pas
ça je n'veux pas"
Sanseverino continue d'écrire des chansons (un peu trop vite à mon goût, elles mériteraient d'être plus travaillées) et à sortir des disques à fond les ballons, mais c'est peut-être parce qu'il a une conscience exacerbée de sa finitude, qui est aussi la notre. 
Surtout le jour du deuxième tour. 
Le jour du "Je n'en veux pas". 
On vit vraiment maintenant au jour d'aujourd'hui dans une société du rejet et de la répulsion mutuelle.
Pour les ni-ni, les adeptes du barrage républicain et tous ceux qui vivent encore en démocratie, qu'ils le croient ou non. Si le premier quinquennat n'était que le teaser du second, on risque d'en avoir pour notre argent, et on va pas s'embêter une seule minute.
" oui mais
je cours tout nu la teub à l'air
chercher une guitare, un revolver
ceinturé par les infirmiers
qui m'attachent devant BFM TV
une soupe de légumes une compote
sur mon carrelage, moi qui grelotte
mourir tout seul pyjama crade
abandonné dans un EHPAD
je ne veux pas
ça j'en veux pas"
J'espère que c'est pas une prophétie auto-réalisatrice, pour lui comme pour nous. Si tous les gens qui méprisent le peu de choix qui nous est laissé devant les urnes s'abstiennent d'aller voter, ils pourraient bien hériter du présidentiable qu'ils méritent. Sauf Arno, le Flamant rock qui est mort hier. Vraisemblablement du fait que en tant que citoyen belge, il ne pouvait pas aller voter, donc c’est tout ce qu’il a trouvé pour protester contre l’équation du second tour
Ah  ça, pour protester, on est là. 
C'est pas demain qu'il faudra venir couiner.
Ca sera trop tard.

l'image de Sanseverino qui va bien, quelle que soit l'issue du scrutin.
L'enterrement de la démocratie ? N'ayez pas de chagrin, elle n'a pas souffert.

(reste à savoir si c'est vrai qu'il n'a pas de compteur linky)

jeudi 21 avril 2022

Fred - Le petit cirque (2012)

Une famille pas nombreuse de bohémiens arpente la lande (infinie, et désolée de l'être) en tractant leur roulotte à la force des bras depuis que les chevaux-clowns leur ont faussé compagnie. Carmen héberge toute la tristesse humaine dans ses yeux de romanichelle. Léopold accueille stoïquement les aléas de leur existence nomade, faite de rencontres incongrues et tournant souvent à leur désavantage. L'enfant n'est pas envoyé mendier dans les grands centres urbains, et c'est toujours ça de moins affreux que si c'était pire.
Comme les tziganes sédentarisés de Kusturica dans le Temps des Gitans, la petite famille semble maudite, pas pour une raison ethnique comme le peuple Rom vu par Kustu, mais néanmoins vouée par le karma à errer, de déconvenue en déconvenue. 

C'est du grand art, avec beaucoup moins de moyens que Kusturica, et aussi un zeste de cruauté, puisque la série d'histoires courtes est d'abord parue dans le Hara-Kiri des années 60 (revue dans laquelle il était impératif de se montrer cruel sinon on pouvait passer prendre son chèque à la réception et bonsoir messieurs les censeurs) avant d'être régulièrement reprise en album depuis 1973. Fred abandonnera ensuite sa cruauté, au profit d'une grande gentillesse dans le choix de ses univers ainsi que beaucoup de tendresse pour ses personnages, pourtant bien moins héroïques que ceux du Petit Cirque, au temps béni des pionniers de la bédé adulte (sans cul dedans, parce que la bédé adulte avec du cul dedans est souvent un peu infantile). 


Peut-être que la tendresse nous vient quand on accepte enfin la cruauté du monde, tout autant que celle qu'on lui oppose pour s'en protéger, et ça ne marche jamais très bien, bien qu'en principe ça s'équilibre, comme le bien et le mal dans une chanson de Guy Béart. Fred considérait Le petit cirque comme ce qu'il avait réalisé de meilleur. C'est poétique, surréaliste, mélancolique. C'est là qu'on voit que l'âge d'or est derrière nous. On respire doucement, dans un silence respectueux, en parcourant ces planches magiques, c'est le patrimoine, c'est notre collection Morozov de chez Dargaud. Et en plus, on n'est pas emmerdés pour les rendre à la Russie, vu que Fred était d'origine grecque, et que tout le monde sait ce qu'on dit aux Grecs quand on est fâchés avec eux au point de refuser d'honorer leurs créances, même sans être un menteur crétois bourré de paradoxes.



Voici l'extrait qui explique implicitement pourquoi les pauvres n'iront pas se faire sauter en hurlant "Mélenchon Akbar !" dans les bureaux de vote au matin du second tour, eux qui sont trahis par les candidats restant en lice : c'est parce que les ors de la République les intimident. Même quand celle-ci est prostituée aux Valets de la Banque et du Patronat et aux Fripouilles Fascisantes.


Allez, on se quitte, c'est bientôt l'heure d'aller voter, selon tous les pourriels Nespresso, Leclerk, Samsong, Carouf et cdiscont que les Russes balancent pour perturber l'élection présidentielle.
J'espère que je vais pas me gourrer de bulletin. Il y a un somptueux trucage à réaliser sur l'image ci-contre en faisant pointer l'index du monsieur environ 7 cm
plus haut, mais j'ai la glu.



jeudi 14 avril 2022

Gomez & Dubois - Hotel Commissariat (2003)

Gomez et Dubois était un groupe humoristique éphémère de hip-hop français. Formé en 2003 et parodiant l'univers policier, le groupe se compose des rappeurs Faf Larage et Eben. Ils publient l'album Flics et hors la loi en 2003, qui se classe à la 24e place des classements français.  

https://fr.wikipedia.org/wiki/Gomez_et_Dubois

Je n'ai pas encore remis la main sur l'album, sauf sur Youtube

mais Youtube, c'est le mal, et l'impact environnemental des vidéos en ligne nous sera reproché par nos arrière-petits enfants (des cancrelats télépathes, selon mes pronostics de l'entre-deux tours) dans Métal Hurlant n° 3465 qui sortira en décembre 5674. En attendant ce jour, j'ai retrouvé le single acheté avec mes sous dans la joie de découvrir un groupe de rap parodique, inventant au passage le rapodique, la France étant déjà le berceau du rock parodique. J'ai même réencodé le clip vidéo avec Handbrake.
Face A, "Hotel Commissariat", dérivée d'Hotel California,  ha ha. Mais surtout, la face B, "Le 3eme Doigt", énorme, hymne au nihilisme électoral rappé en duo par des avatars de Charles Pasqua et Joey Starr. Warsen en a aussi fait un youtube, j'ai beau lui dire que c'est le mal, il est terrible. Et pourtant, il a pris ses médocs, je le sais parce que Tyler Durden le sait.

jeudi 7 avril 2022

Guy Béart - 1966 - 1968 - La Vérité (2020)

La seule véritable vraie pochette de l'album authentique
dévoilant la Vérité de Guy Béart
 (attestée sur discogs devant huissier)
Une nouvelle compilation de chansons de Guy Béart ? Nan mais vous rigolez, ou bien ? après toutes celles que j'ai déjà chroniquées, en les truffant de blagues que je suis bien le seul à pouvoir décrypter ? Chroniques auxquelles on accède en sélectionnant #sauce béarnaise# dans les hachetagues de ce blog ? Vous rigolez moins fort, hein ? bon enfin, il faut bien que quelqu'un s'y colle, et ça sera mieux fait par moi que par vous. Au fil des z'ans devenus réglisse, le grand manteau de l'oubli a rabattu ses pans sur les laudateurs de Guitou, et je reste le meilleur seul dernier spécialiste mondial de son oeuvre anthume, quoique ultra-spécialisé dans la période 1966-68, parce que c'est les seuls disques de Guy qui passaient sur l'électrophone du salon. 

Première remarque : après toutes les anthologies consacrées au barde immortel déjà publiées, cette "nouvelle" compilation a un goût étrange au parfum de resucée. Seconde remarque : cette compilation, que je n'ai pas réussi à trouver ailleurs que sur internet, ce qui pose la question de sa réalité en tant qu'objet d'un éventuel discours discographique, ressemble comme le frère de lait d'un marchand de beurre à sa grande soeur "Les années Béart, Volume 5 : 1967-1968 (1987)" mais n'est pas tout à fait pareille, tout en n'étant guère dissemblable à bien des égards. Il y a de subtiles variations sur lesquelles le Temps n'aura plus Prise, l'auteur ayant rejoint les rangs des Non-vivants, alors y'a cabane. 

ceci est soi-disant la pochette de 
Les années Béart, Volume 5 : 1967-1968 (1987)
Et c'est tant mieux, car 
quiconque sort quelque chose de "nouveau" se condamne à voir son œuvre se flétrir dès l'instant Té de son émergence hors du vortex des virtualités possibles. Guy Béart avait lui-même paré cet écueil de la Nouveauté (Ontologiquement Démodable) en débutant sa carrière par les "Très vieilles chansons de France" relativement inoxydables même à l'époque, suivies par les "Nouvelles Très vieilles chansons de France", au cours desquelles il prenait un risque de péremption calculé. J'ignorais qu'à la même heure, Pierre Dac ironisait sur le dos de Jean-Marie Léopold Sallecomble "qui, après cinquante ans d'absence, revient à Villeneuve-la-Vieille, son village natal." L'eussé-je appris, je fusse été trop petit pour trouver ça drôle.

Et cette nouvelle compilation a le culot de s'appeler "La Vérité", mais moi j'étais là, j'ai tout vu, Guy était encore vivant quand j'ai commencé à écrire sur lui, et il n'est guère venu me démentir sur mon blog, et je puis vous dire que c'est pas toute la vérité. Dans l'intégrale "Les années Béart, Volume 5 : 1967-1968", y'avait une version éhontément tronquée de "La Vérité" (sa chanson phare de 1968) qui avait été amputée du dernier couplet. Nous avions mis à jour l'imposture avec un jeune collaborateur stagiaire de l'époque, et nous nous attendions à subir le sort des lanceurs d'alerte tel que prophétisé par Guy dans la chanson elle-même, ce qui aurait occasionné une mise en abîme du type boucles d'oreilles de La Vache Qui Rit du plus bel effet, mais l'omerta d'indifférence qui entourait la carrière déclinante de Guy avait pesé comme une chape de plomb sur notre révélation du scandale. Tous les détails en pages intérieures :

Ils ont beau l'attendre devant l'église, il ne viendra plus.
Pourtant, plutôt que de revisiter ad nauséam ses succès des années 60,
Guy Béart aurait préféré se présenter aux élections 2022,
car malgré la présence de deux candidats d’extrême-droite,
les gens sont déçus par une campagne assez plan-plan.

Ou alors tout le monde s'en foutait déjà au moins autant que maintenant, à l'heure où Joe Staline (le vrai) revient, et pas que dans Métal Hurlantà l'heure où tout le monde s'enrhume dans les courants d'air parce que quelqu'un a laissé la porte ouverte à la guerre froide, et au retour des années 60. Et donc à Guy Béart. A l'heure où nous sommes entrés dans un monde de post-vérité et de post-vergogne, où l'on peut enfin apprécier "La Vérité" comme l'album reflétant la meilleure période créative de Guy, si tu permets que je t'appelle Guy, GuyCette vérité dont Vladimir Jankélévitch disait qu'elle ne triomphe jamais, mais que ses ennemis finissent toujours par mourir. Et Guy Béart ajoutait, 50 ans avant les lanceurs d'alerte, qu'elle était inaudible :" Le premier qui dit se trouve toujours sacrifié / d'abord on le tue. Puis on s'habitue. On lui coupe la langue. On le dit fou à lier. Après sans problèmes / parle le deuxième. Le premier qui dit la vérité / Il doit être exécuté. "

Dans cette nouvelle compilation de vieilles chansons du troubadour imbu, je découvre "Tant de sueur humaine", une chanson qui n'était pas sur  "La Vérité" d'origine  : 

Tant de sueur humaine
tant de sang gâté
tant de mains usées
tant de chaînes
tant de dents brisées
tant de haines
tant d'yeux éberlués
tant de faridondaines
tant de turlutaines
(quand tu décris des atrocités immémoriales, c'est important de finir tes couplets par "turlutaines" ou "faridondaines", d'abord ça fait folk, et puis ça fait passer le merlan de l'indicible souffrance humaine.)
tant de curés
François de Closets ne se prenait pas pour Guy Béart,
et n'avait de cesse d'alerter contre les inflations de l'ego 
tant de guerres et tant de paix
tant de diplomates et tant de capitaines
tant de rois et tant de reines
tant d'as et tant de valets
tant de pleurs tant de regrets
tant de malheurs et tant de peines
tant de vies à perdre haleine
tant de roues et tant de gibets
tant de supplices délectés
tant de roues et tant de gibets
Cette mélopée chantée à cappella m'émeut, et si Guy était encore parmi nous il pourrait la chanter à tue-tête à Boutcha ou dans ce qu'il reste de Marioupol sans que les Russes puissent prétendre par la suite que les Ukrainiens se sont auto-suicidés d'une balle dans la nuque sous les gravats pour ne pas entendre ça. Car ce qui rend les gens circonspects par rapport à Guy Béart, c'est le fait qu'il se prenait pour Guy Béart, alors qu'il aurait pu se contenter de l'incarner, vu qu'il l'était, mais ça ne lui suffisait pas car l'égo est assoiffé de toujours plus, comme l'a fait remarquer François de Closets.

En plus de ce toujours plus, je découvre après-coup que si Guy la ramène moins que d'habitude dans "Tant de sueur humaine" c'est qu'il n'en est que l'interprète, au départ c'est un texte de Raymond Queneau. Avec une énumération en guise de narration, comme si on était dans les aventures de Vincent Delerm au Royaume du name dropping. 
Sans vouloir remonter jusqu'à la complainte du Progrès de Boris Vian, la ruse n'est pas nouvelle :

Guy Béart se lamentant 
de n'avoir pas osé bâtir de chanson
sur des énumérations
sauf dans "A Amsterdam" 

 

Pas mal de journées sont passées
Depuis que l’on s’est quittés
Pas mal de journaux sont parus
Depuis que l’on s’est pas vus
Pas mal de chambres d’hôtel ont vu le jour
Pas mal de bombes et pas mal de discours
(Manset)

Et les hommes chantaient :
"On a mangé des tonnes de viande,
Picolé des tonnes de tonneaux.
Combien d'orgasmes, on se l'demande, a-t-on atteint ?
Liz Taylor is rich on veut l'être aussi.
On f'ra tout c'qui faut pour ça ici.
Combien de guerres brûlantes en tout a-t-on éteint ?"
(Jonasz)



L'énumération, 
les chansons de SF délicieusement vintage
(et financées en sous-main par les Russes et le PCF)
de Guy Béart, entendues dans la saison 5
de The Expanse
ça marche toujours, et ça pourrait servir de modèle pour le devoir d'inventaire de l'existence de chacun, y compris l'espèce humaine, à J moins pas grand chose du Doomsday.
- Espèce humaine, vous dites que c'est pas de votre faute, mais celle de votre striatum, mais quand même, combien d'espèces se sont éteintes sous votre règne ? combien d'hectolitres de ressources fossiles dissipées dans l'azur, et de gigatonnes de CO_2 dans l'atmosphère ? - Guy Béart, combien de chansons dont on se souvient ? - Warsen, combien d'articles qui ne valaient pas l'arbre en silicium pour les imprimer sur écran ? etc...
L'énumération, sèche comme un bilan d'entreprise, sobre comme un poème de Raymond Queneau.


les chansons de SF outrageusement kitsch
(et sous influence du lobby de la NASA)
de Guy Béart, entendues dans les space-operas
post-apo d'Adrian Tchaikovski
Car je semble me moquer de Guy Béart depuis des éons, mais je continue d'écouter ses disques, alors qu'il est extrêmement moins béarnais (quoique plus musical) que Jean Lassalle. Guy Béart dont les chansons de science-fiction me fascineront, dix ans avant la naissance de Métal Hurlant, le vrai, quand il chante la mort de la Terre par le feu nucléaire et la continuation de la vie dans les colonies spatiales, (les enfants sur la lune) la surveillance généralisée (les collines d'acier) les guerres galactiques (Étoiles, garde-à-vous ! dont le titre servira à la publication du roman militariste Starship Troopers de Robert Heinlein, longtemps avant que Paul Verhoeven repasse dessus avec le tracteur). Alors pourquoi cette malédiction ancestrale ? Aucun ouvrage de référence sur sa vie, son oeuvre. Seuls de tristes vieillards composent des articles obscurs dans des fanzines miteux. 

Peut-être parce que chez Guy Béart, comme chez Polanski il faut  apprendre à distinguer l'homme de l'oeuvre : si l'homme avait l'air assez pénible, l'oeuvre est remarquable.

La compilation qui a mis le feu aux poutres :

https://www.mediafire.com/file/k0134ce8f6okjze/1966+-+1968.zip/file

Sa nomenclature en écoute gratuite :


https://www.discogs.com/fr/artist/648082-Guy-B%C3%A9art

L'absence totale de références scientifiques dans les précédents épisodes :


Onsanfou un peu, mais pour renforcer son côté post-vérité, j'antidate cet article, qui était censé sortir le jeudi de hier, mais que j'ai eu un peu de mal à écrire. (onsanfou totalgrave)

jeudi 31 mars 2022

Môrice Benin - Passage (1979)

Qui rippe des vieux disques affirme le primat de ce qui est disparu et de ce qui n'est plus sur ce qui est présent, ou en tout cas disponible dans l'instant. Un peu comme Alain Souchon quand il chante Je voudrais que tout revienne / Alors que tout est passé / Et je chante à perdre Hélène haleine / Que je n'ai que des regrets.
Mais c'est Souchon, ça fait partie de son charme de chien triste aux oreilles de cocker fou, qui ne craint pas de flirter en eaux troubles avec la frange la plus interlope de la variété française tout au long de sa carrière. 

une vignette de Môrice est cachée dans cette mosaïque.
Concernant Morice Bénin, c'est autre chose. A ma connaissance, il n'a jamais chanté la nostalgie pour la nostalgie, pour s'affliger du lustre de ce qui est resté derrière, et n'a cessé de changer de genre et d'inspiration tout au long de sa vie artistique.
 Et il y a un peu plus d'un an que Benin est finalement mort à Die. Mourir à Die. C'est pas bénin, ça. Lafesse était bien mort à Vannes. Et le seul autre bloggueur de France et de Belgique francophone qui nous proposait des albums de Momo suce les compiles par la racine depuis novembre dernier.

Le monde, a écrit Rushdie, est le lieu dont nous prouvons la réalité en y mourant. La belle affaire. La mort n'est qu'un passage (comme le titre du disque à Môrice rippé aujourd'hui !), la mort c'est pas le contraire de la vie, c'est le contraire de la naissance. La vie n'a pas de contraire. Jean-Michel Blanquer a décidé d'alerter les bébés dès son prochain séjour à Ibiza sur cette vérité vraie, car le sachoir est une arme contre les gens qui croivent, et de l'enseigner dans toutes les écoles à partir de la grande section d'école maternelle dès la rentrée prochaine.
Quelque part ailleurs, ici, en 1979, Maurice Benin s'appelle Môrice Bénin, et déballe ses questions sur le genre (Tout va mâle et femelle), apostrophe son public pour le faire sortir de son rôle de spectateur (Quand tu te cognes), public sur le dos duquel il poursuit sa psychanalyse (Jeux du Je), on ne ricane plus ni ne rigole, hormis à l'écoute des aventures bovines de Paralal et Marginelle.

et ça c'était le dos de l'album,
cheval dire à ma mère.
Et de qui Moïse Ben-Haïm était-il le nom ? hein ? bien malin qui le dira. Selon les époques, il se décline en Maurice Benin ou Bénin, Môrice Benin, Môrice Bénin. Bien sûr, dès qu'on l'entend, toute équivoque est dissipée. On sait très bien de qui il s'agit. Le type qui fut un énergumène gauchiste auto-produit sur les plateaux du Larzac ou de l'Ariège, le prophète auto-proclamé-dénigré des temps nouveau qui exhortait les spectateurs à quitter leurs fauteuils de spectateurs pour co-créer avec lui une nouvelle utopie, devenu au fil des ans poète assagi, mettant en musique René-Guy Cadou, mais restant toujours en marge des maisons de disques et du cirque médiatique... je méconnais cette période, je me suis arrêté quand Môrice a cessé de m'implorer à me transformer en papillon alors que je me complaisais dans ma chrysalide, un doigt dans le cocon.
Et l'autre jour, j'ai vu plein de vinyles de la grande période révoltée de Maurice dans les bacs du nouveau disquaire du marché de ma petite ville. Mais rien ne m'a tenté, je les ai tous, alors je suis reparti avec un Béranger, et des huitres.
Qu'est-ce qui se passe quand on rippe un disque de Morice ? et quand on l'écoute ?
Quand on met un disque de Mozart, est-ce que Mozart est là, ailleurs que sur la pizza ?
une des incarnations de Momo, circa 1980. 
il ne faudrait pas juger les gens sur leur apparence,
mais toujours les pénétrer par la porte de service.
Wouah la tronche, quand même !

http://moricebenin.fr/


jeudi 24 mars 2022

Jan Bang, Erik Honoré, David Sylvian, Sidsel Endresen, Arve Henriksen - Uncommon Deities (2012)

Comment échapper au chant d'amour
du Chicken of Depression
quand il est en rut ?
Quand ni Willem, ni Soulcié, ni même les dessins de Houellebecq dans Hara Kiri ne nous arrachent plus aucun rictus sangloté, quel onguent appliquer sur nos plaies ouvertes et nos jambes de bois ? Regarder des gens s'entretuer aux infos de l'ORTF, c'est encore pire que de regarder des jeunes forniquer pour des bons d'essence ou des tickets de pain sur les réseaux asociaux, car s'infliger des scènes insoutenables sans
 pouvoir interagir avec elles ni influer sur leur issue rend fou. C'est pourquoi depuis trois semaines, je ne regarde que des films de guerre. Ça me rappelle deux ou trois bricoles sur la nature humaine que j'avais dû perdre de vue, et pourtant j'ai lu le Bug humain de Sébastien Bohler, édifiant sur le sujet. Celui qui n'a pas vécu la guerre ignore tout des vertus de la prière, entendais-je début mars. Vertus que ne contestent ni l'église de Moscou ni celle de Kiev
Encore s'adressent-elles au même Dieu, celui des Orthodoxes. Mais comment le Dieu des Orthodoxes pourrait-il sanctifier cette boucherie - charcuterie ? 
hein ? 
A moins qu'il y en ait deux. 
Un par belligérant. 
Mais alors, comment ces Dieux peuvent-ils cohabiter dans le Cosmos, pas si infini que ça d'après le Grand Schtroumpf ? Et pourquoi le Dieu de l'Eglise de Kiev serait-il moins balèze au combat que celui de Moscou ? Ultimement, Lequel des Deux a la Plus Grosse Bistouquette Antichar ? Vastes questions, qui hantent les soldats des deux armées, et qui ont suscité une réponse originale chez David Sylvian, dans ce Uncommon Deities.

Marguerite Duras n'a pas écrit que des conneries,
elle en a aussi filmées (Desproges)
Car cela fait déjà trois décennies que, tel un déserteur de l'armée russe s'enfonçant dans les sous-bois en vouant Poutine aux gémonies après avoir dissimulé son char sous les branchages (comptez deux tonnes de fougères pour un char de taille adulte), David Sylvian progresse dans son intention de disparaitre complètement de nos radars, ne ménageant pas ses efforts pour sortir des albums de plus en plus confidentiels, n'hésitant pas à se confiner dans un silence explosif pendant des décennies entières passées dans les arbres, sans même que la caméra de Marguerite Duras puisse le surprendre à travers les feuillages, plutôt touffus en cette saison, qui est aussi la période optimale pour la nidification des déserteurs de l'armée russe. Ça en fait, du monde dans les arbres. Comme pour l'ouverture du Salon de l'Autosatisfaction, il y a foule.


Pour Uncommon Deities, David Sylvian a sans doute longuement médité le sketch des Monty Python "How not to be seen" dans sa cellule monastique. Parce que franchement, "plus arty que ce projet, tu meurs sur ma tombe, si tu te retrouves pas crucifié pour hérésie sur une porte de grange dans le bas-Berry". Mais même s'il s'est retiré du monde, qui a entendu une fois dans sa vie la voix profondément magnétique de David s'en rappelle à jamais et le cite de mémoire dès qu'elle s'échappe des frondaisons, même à la limite de l'audible et noyée dans des gazouillis électro-acoustiques. 

Son timbre est inimitable, et pour tout dire beaucoup moins oubliable que celui de Zemmour, par exemple, et c'est  le Pen perdue (qui sera pourtant au second tour, même si je louche sur les nichons à Mélenchon) pour s'effacer à tout jamais de nos mémoires, car je me souviens encore très bien par exemple de son album studio avec Robert Fripp (The First Day, très chouette) et du live mémorable qui s'ensuivit (Damage, très chouette aussi, dont les deux compères sortirent chacun leur propre version du mixage, tellement ils n'étaient pas fâchés).

l'affiche de l'expo : David Sylvian mimant
le chapeau de David Bowie, un must-have !
Alors qu'en ce moment, les programmes électoraux me glissent dessus comme un pet sur une toile cirée. Et pourtant, la Chine, l'Ukraine et le changement climatique se tirent la bourre pour faire avancer de quelques secondes avant minuit l'horloge de la fin du monde, donc ça serait sympa de trouver quelque chose d'intelligent à aller voter avant le Doomsday. Je peux faire mienne l'attitude de mon grand père : "peut-être que le parti se trompe, mais moi je me suis pas trompé de parti." La jouer conscience de classe en visite au Salon de l'Autocrate Islamo-Gauchiste. 
A moins que je me contente de prier, avec David Sylvian, quelques-unes de ces divinités infimes, peu connues et pas banales, comme Le Dieu de l'abdication progressiveLe Dieu des organismes monocellulaires, celui des Trous Noirs, celui du Silence (et dans Quel Oubli Tragique Il Croupit ! )


Sur un fin glacis musical de ses collègues expérimentateurs, David Sylvian interprète des poésies de Paal-Helge Haugen ayant pour objet des divinités subalternes et improbables, mais à la réflexion pas plus cons que les dieux mainstream (Jehovah, Mahomet, Russell Banks, Xi Jinping). Et tout cela a vraiment eu lieu, pas dans le Métavers, dans lequel on ne trouve déjà plus de terrain constructible, mais au sein d'une installation audiovisuelle conçue par David (dont on trouve encore des traces dans des lieux peu connus et mal éclairés d'internet), au cours du Punkt festival organisé chaque année à Kristiansand, en Norvège depuis 2005.

Un instantané du vernissage de l'expo. Ça fait pas rêver,
mais on était quand même mieux là qu'à Kiev.

Alors, réflexion post-moderne sur la perte de sens de nos sociétés trop libérales, ou énième tentative de Divid pour perdre son égo et décevoir son dernier fan, ce qui serait le signe d'un orgueil vraiment démesuré chez l'artiste déjà suspect d'une quête spirituelle qui a déjà bien plombé sa carrière depuis qu'il n'est plus un chanteur pop énorme au Japon ? Tenus par notre devoir de réserve, nous nous garderons bien d'épiloguer. C'est déjà pas mal que j'aie pu trouver les fichiers d'une oeuvre si confidentielle, alors que la moitié des serveurs russes sont en torche derrière le rideau de fer. Voici ce qu'en pensait un blog de micro-spécialistes, comme ça vous ne pourrez pas dire que vous n'étiez pas prévenus :

Ultra-rare : l'édition limitée et imprimée à la main
du guide des champignons toxiques et des poèmes
de Uncommon Deities passés par la bouche de David Sylvian

A cheval entre l'oeuvre radiophonique, la musique classique contemporaine et la musique improvisée, Uncommon Deities est une séduisante épopée moderne et envoûtante qui tente de tracer un arc entre les expériences collectives du controversé Manafon et les fulgurances expérimentales du chef d'oeuvre de David Sylvian, Blemish. Il résulte une œuvre blanche, un mariage délicieux avec le silence qui continue de tracer les contours d'une pop audacieuse et iconoclaste dont le label Samadhisound demeure la tête de pont.










Pour écouter le disque :

Pour aller plus loin et tout savoir sur les dieux pas connus :

- Les textes des poèmes sont cachés dans une base de données Soundcloud gérée par David depuis le Métavers, mais en général il suffit d'entrer le titre du texte dans un bon vieux moteur de recherche, comme j'ai fait ici avec le dieu des organismes monocellulaires :
ou celui des plus petits dieux
Le message est lumineux : si vous ne trouvez pas votre pointure, libre à vous de décrire puis de vénérer le dieu de la Facture Impayée, celui des Enculés Alcooliques, des Enfants Morts sous les Gravats ou du Déserteur caché dans les Branches.

Pour aller moins loin :
N'oubliez pas de visiter la chapelle du Dieu des enfants qui se laissent toucher (vu dans une petite église de Mayenne)

Pour aller nulle part : 
Continuez de respirer et de boire frais. Ça va passer. Tout est impermanent. 

dimanche 20 mars 2022

Willem est wivant ! (2)

Encore des dessins de Willem, parus dans Libération, et qui semblent gravés à même la chair du corps politique à l'aide d'un simple fer à souder. Avec lequel ils ne nous réconcilient pas, mais au moins ça nous venge un peu : la défaite des idées n'est pas celle de l'intelligence.
Evidemment, les contempteurs de l'islamo-gauchisme, les décliniste admirateurs de Houellebecq et les lecteurs du Figaro trouveront ça navrant, et c'est leur droit le plus strict. La cruauté apparente de Willem ne fait pourtant que répondre à la duplicité des personnages croqués. 




Le fantôme de Sarkozy (2012)


(Assassinat de Jamal Khashoggi)

(n'importe quand depuis 2015)



2012 (indice : y'a eu une élection)

Si vous êtes en Ehpad, ces dessins stimuleront votre mémoire politique à moyen terme.
Quel dommage que le patron autocrate d'Orpéa vous ait coupé nuitamment l'accès à Wikipedia. Ces dessins sont à laisser infuser, sachant que les élections approchent.
De toute façon, avec ma prostate, je sais pas si j'aurai la patience d'attendre pour me soulager dans les urnes au premier tour, sachant qu'au second, c'est Tintin chez les Soviets qui gagne à tous les coups. (voir annexe 1)

DERNIÈRE MINUTE : UNE EXCLU MONDIALE !!!
UN DESSIN DE WILLEM POST-RETRAITE, DANS CHARLIE HEBDO DE LA SEMAINE !!




quelques mots pour aller plus loin :


Annexe 1
quelques dessins récents de Soulcié (Thibaut). La filiation n'est pas évidente; il n'a pas le côté trash de Willem, qui d'ailleurs n'est pas apparent dans ses dessins politiques. 

(11 février)








jeudi 17 mars 2022

Willem est Wivant !

Voici un dessin de presse de Thibaut Soulcié, qui était amusant lors de sa parution le 25 févrierThibaut Soulcié passe sur télérama, sur touitosse, et parfois même au 28 minutes d'Arte.


Amusant, ce dessin ne l'est pas resté très longtemps.

Celui-ci, daté du même jour, non plus.
En voici un autre, ci-dessous, qui sera relativement cocasse jusque entre les deux tours.

C'est le problème, avec les dessins de presse : ils périment aussi vite que l'actualité. Il faut du génie pour qu'ils s'inscrivent dans la durée. Qui se souvient de Jean-François Copé, sauf s'il le revoit dans une caricature de Willem ?

Willem est le seul survivant de la première génération d'auteurs de la bande décimée de Hara Kiri / Charlie Hebdo "canal historique". 
Octogénaire, il vient tout juste de prendre sa retraite de Charlie et de Libération.
Il va nous manquer. Je ne comprenais pas grand chose à ses bédés des années 70, mais Il y a dans ses 40 ans de dessin de presse une adéquation parfaite entre le fond et la forme, et une perfection glaçante dans l'expression artistique de l'ignominie mortifère chez l'humain politique.
Ses dessins paraissent régulièrement en recueils aux requins marteaux.