Je n'aime pas trop ce slogan, qui m'évoque le pire de Rémi Gaillard : "c'est en faisant n'importe quoi qu'on devient n'importe qui" |
Il ne faut pas opposer artificiellement comme je le faisais jadis dans l’article précédent d'avant-hier les Anciens et les Modernes, monter le bourrichon des pochettes de disques sur lesquelles on déchiffrait les paroles des chansons et descendre en flammes les clips youtube farcis de commentaires où le bon goût le dispute à l’érudition.
Il y a aussi plein de disques sur lesquels on n’a jamais pu lire les paroles des chansons parce qu’ils ne les avaient pas mises, et grâce à internet, outil de la connaissance relativement absolue on peut aujourd’hui les trouver et commencer à les traduire pour augmenter la plasticité de son cerveau et retarder le déclin cognitif, ce qui est une façon polie d’évoquer un sujet délicat à aborder en ma présence puisqu’il s’agit de faire reculer l’âge auquel on radotera tout seul sur son blog, et que j’ai commencé il y a une bonne dizaine d’années sur celui-ci, sans parler des autres pour lesquels il y a prescription.
Hier par hasard j’ai découvert une chanson de Frank Zappa parlant à mots couverts d’un sujet délicat à aborder en ma présence puisqu’il s’agit des gens qui ratent leur suicide, sujet traité sur le mode de la franche rigolade, quelque part entre Gotlib et Hara-Kiri (le journal).
Un truc qu’on ne pourrait sans doute plus faire aujourd’hui, et que même avant-hier c’était franchement osé.
« Trouve-toi un pont et fais le grand saut
Arrange-toi juste pour réussir du premier coup
Car il n'y a rien de pire qu'un suicide raté »
Frank Zappa, « Suicide Chump »
Un truc qu’on ne pourrait sans doute plus faire aujourd’hui, et que même avant-hier c’était franchement osé.
Grâce à internet, j’ai alors assez rapidement :
- découvert les 4 albums officiels sur lesquels la chanson apparait dans des formats variés
ainsi qu’un certain nombre d’albums pirates présentant des versions mutagènes qui dès lors commencèrent à exciter ma convoitise.
- compris que pour les paroles de pochette c’était sans doute cuit, ancien Zappatique Anonyme aujourd'hui rétabli je suis bien placé pour savoir que jamais Zappa n’inscrivait les paroles sur les pochettes de ses albums live.
- envisagé une autre approche plus transdisciplinaire (j’ai tapé « Suicide Chump lyrics » dans google) et du coup j'ai eu la traduction de la chanson en prime, ce que je n'aurais jamais eu sur la pochette du disque
- pris conscience avec effarement qu’il existait des Gardiens du Temple Zappaien qui disposaient de téraoctets de concerts pirates restaurés et mis à la disposition du public assez fouineur pour y accéder (je n’ai pris que le strict nécessaire, à savoir 27 Gigas)
- Eu la révélation tardive (il était déjà 23h40 avec ces conneries) d’une version live alternative et absolument géniale de la chanson mais dont les paroles semblaient diverger radicalement de la version officielle, bien que la frontière ait toujours été floue chez Zappa, en particulier il était question de sentir les chaussures d’un nain (I think I'll even smell Midget's shoes)
- Poursuivi comme un forcené mes investigations chez les Zappatiques pour dégoter une version intégrale de ces paroles alternatives jusqu'à ce que je les trouve
- Promptement déniché chez les obsédés du signifiant l'explication sur l'odeur de chaussures du nain, puisqu'il s'agissait en fait d'Arthur "Midget" Sloatman (one of Gail's brothers) et que Adrian Belew l'a mentioned in his blog entry about joining Zappa's band.
En effet, il suffisait d'y penser.
[Erratum Corrigare] chez Zappa, il ne s’agit pas de brocarder l’aspirant à l’Annihilation, dans l'intro parlée de la version de Suicide Chump interprétée au Palladium de NYC le 1978 10 31 téléchargée sur le site des Zappatiques et consommée sur place tellement j’avais acquis ce soir-là de plasticité cérébrale, il ne parle que des gens qui prétendent vouloir commettre un suicide, et qui n’arrivent à rien faire correctement, et pourquoi est-ce que toujours ils fuckent it up, pourquoi ne peuvent-ils get it over with, et why vous appellent-ils à 4 in the morning pour vous dire combien ils ont tout raté… il se rit de l’égo pleurnichard qui proclame vouloir en finir, mais se soucie de ne pas abîmer son visage pour qu’on puisse l’identifier, et lui prodigue ce simple conseil : si c’est ça que tu veux, vas-y, fais-le.
C’est le conseil qu’on m’a donné un jour où j’en avais besoin, et ça m’a bien calmé.
L’attitude de Thiéfaine est plus ambiguë : l’Univers est ontologiquement défectueux (le monde est à l’agonie et mon pétard est enrayé) mes désirs sont condamnés à rester insatisfaits, c’est donc l’impasse existentielle totale. "Je n'ai plus rien à perdre, mais j'en veux pour ma fin".
Raison de plus pour ne pas aller le voir à son "Préretraite Tour 2018" malgré les bons moments que j'ai pu passer avec lui dans ma jeunesse.
Aah, Hubert-Félix, que n'es-tu resté poète surréaliste, et que ne me suis-je méfié des ordinateurs en renonçant à la boisson.
[Edit]
j'ai collecté les 4 versions de la chanson dans un fichier zip :
https://www.mediafire.com/file/1773m877dnuckfo/Suicide_Chump_.zip/file
largement de quoi être dégoûté à vie.