Une vérité que même les conspirationnistes hésitent à divulguer :
En 2012, le label Vertigo (comics pour un lectorat adulte édités par DC Comics) se réduit à une peau de chagrin et les lecteurs s'interrogent sur sa pérennité, encore plus inquiets du fait du départ de Karen Berger, sa responsable éditoriale historique.
C'est donc avec curiosité et espoir que le lecteur voit débuter FBP en 2013. Le point de départ semble assez simple et prometteur : un service gouvernemental (de fonctionnaires) intervient pour rétablir les lois normales de la physique quand celle-ci vient à défaillir. Les dérèglements décrits sont de nature visuelle, facilement compréhensible, avec un petit goût de science physique évoquant la théorie des dimensions parallèles, la problématique de la théorie du tout (théorie susceptible de décrire de manière cohérente et unifiée l'interaction nucléaire forte, l'interaction électromagnétique, l'interaction nucléaire faible et la gravitation) et mêmes des p-branes en provenance de la théorie des cordes. Les dessins sont faciles à assimiler, avec une apparence un peu spontanée, pas tout à fait finie ou peaufinée, mais un niveau de détail satisfaisant, une esthétique adulte, et des personnages aisément reconnaissables, avec une garde-robe réaliste.
La série est écrite dans son intégralité par Simon Oliver, bien connu chez Vertigo par son travail sur la série The Exterminators. Ici, l’auteur s’est visiblement passionné de physique, mais pas celle qui vous ennuyait royalement lorsque vous étiez (ou êtes, ou serez, pour nos plus jeunes lecteurs) au lycée, mais de celle qui fascine, celle qui fait peur, celle qui fait appel à l’inconnu, au bizarre. Et s’il ne faut pas avoir fait d’études supérieures dans ce domaine pour comprendre que les phénomènes qui apparaissent ça et là sont (très) dangereux, Oliver appuie quand même son discours de façon structurée et concise, en apportant un semblant d’explication scientifique à ce qui nous est dépeint. Un léger travail de vulgarisation qui est ici très bienvenu et qui rend la série accessible même aux non-initiés. Au niveau du récit, on s’attache au final beaucoup à la caractérisation des personnages principaux. Adam Hardy dans un premier temps, qui n’a pas choisi ce boulot sans raison, et dont le mystérieux passé lié à sa famille va servir petit-à-petit de fil conducteur à l’histoire. C’est aussi son statu quo qui va être amené à être bouleverser et notamment vis-à-vis des personnages qu’il fréquente. Je pense notamment à Rosa Reyes dont le passé trouble est également amené, et comme celui-ci, comme celui d’Hardy, ont un lien très étroit avec les anomalies, ça nous permet d’être encore plus encrés dans le sujet. Alors, oui, il y a aussi l’impression d’une histoire plus importante derrière tout ça, avec des allures de conspiration, mais ça reste assez discret dans l’ensemble et l’histoire se concentre réellement au plus proche de ses personnages.
Le pendant de cet aspect c’est qu’on a pas l’impression de lire quelque chose d’absolument grandiose. Au vu du récit presque intimiste, et malgré le sujet traité, il n’y a pas de grands moments épiques (certes quelques folies visuelles, mais j’y reviens après), et on est tellement concentré sur les personnages que l’histoire, elle, avance très doucement. On est vraiment très proche d’Hardy et de son travail, avec même un certain regard critique sur la condition du FBP (qui est un bureau d’état) et de ses capacités de fonctionnement et de financement – un aspect bien ancré dans notre réalité et qui, personnellement, m’a fait sourire (jaune). Si certains aspects (les mystérieux passés, le complot qui se fait) feront qu’on a de toute façon envie d’en savoir plus, notamment par l’utilisation d’un cliffhanger plus ou moins habile en fin de volume, on aura beau trouver le tout sympathique, il n’y a pas quelque chose de véritablement transcendant, quelque chose qui vous fasse presque lâcher votre comic des mains en poussant un gros « woooaaw ». Alors ça viendra peut-être (sûrement, je l’espère) au fil de la série, en espérant de grandes révélations, et pour l’instant il faudra se contenter de ce volume à caractère plus introductif. Un autre point très important vient des dessins de Robbi Rodriguez. Qu’on se le dise tout de suite, et vous l’aurez peut-être remarqué à la couverture : le style est particulier et ne plaira pas à tout le monde. Les traits de Rodriguez sont assez fins et élancés, avec des personnages au physique qui semble souvent déformé (mais pas dans le mauvais sens du terme), et ceci permet de jouer sur les aspects purement physiques des corps et des objets/lieux. Lorsque « l’impossible » se produit, vous serez certains de ne pas le louper. Certaines pages pleines sont assez impressionnante à ce propos, avec une exagération du trait, qui passe dans un style assez cartoonesque, histoire d’accentuer encore plus le côté surréaliste de la situation. Et que dire de la colorisation de Rico Renzi !
On a droit à des couleurs pétantes, dans le jaune, le rose, le rouge, des teintes très vives, notamment lorsqu’on est en présence d’anomalies. Compte tenu du sujet, je trouve que Rodriguez a très bien su mettre son talent d’artiste pour dépeindre les anomalies (mention spéciale à sa Tornade Quantique, vraiment bien pensée). En revanche, on reconnaîtra également que sur pas mal de planches, ça manque de décors, ça fait un peu vide. Et comme je le disais en début de paragraphe, le style ne vous plaira pas forcément. Reste en fin de volume, quelques annotations et sketchs de l’artiste, un petit bonus sympathique, à l’image de ce volume, mais qui ne vous fera pas bondir partout. FBP : Federal Bureau of Physics, c’est avant tout la présentation d’un monde qu’on pense connaître, mais qui nous surprend à plusieurs occasions, et la présentation de deux personnages. Avec un récit introductif qui pose les bases de son monde et de ses héros, ce premier volume devrait quand même réussir à vous appâter pour en demander encore, mais il faudra clairement que les enjeux scénaristiques soient plus importants et plus grands pour que le soufflé ne retombe pas aussitôt. On notera quand même la patte graphique très marquée de la série qui aide à lui apporter toute son identité.
Un avis nettement plus nuancé :
Mais il ne faut pas croire tout ce qu'on lit sur Internet.
Et l'avis du Warsen ?
Les volumes 1 et 2 m'ont bien plu, et c'est la seule série que j'ai trouvée sympa chez Vertigo depuis 3 ans. Les volumes 3 et 4 me paraissent plus besogneux et moins inspirés.
Niveau d'anglais :
pain in ze ass. (quelques termes sont abscons, et le champ lexical est large)