On m'informe qu'un nouvel album de Daniel Goossens (qui, comme
Francis Masse, est un génie) est sorti hier.
Comme ça, je suis bien informé.
Néanmoins, comme le disait Clémenceau, le meilleur moment dans un nouveau Goossens, c'est souvent quand on l'achète chez le libraire.
Son exploration enthousiaste et jadis novatrice des arcanes du Grotesque se sclérose d'année en année, frisant parfois la pantalonnade franchouillarde, et ne m'arrache plus les hurlements d'extase de jadis.
Un peu comme ma femme, quoi.
Autant dans ce domaine il m'est facile de voir pourquoi le temps aux plus belles choses se plait à faire un affront et a su faner vos roses comme il a ridé mon front, et de l'accepter derechef puisque personne n'est fautif, autant dans le cas de Goossens, j'ai du mal, tant je l'idéalise, à accepter de ne pas être sur le cul à chacun de ses albums, plutôt rares, en plus.
A tel point que la couverture du dernier Fluide Glacial me ferait presque plus sourire que le dernier Goossens avant de l'avoir lu (je peux en faire une preuve goossensienne si je la bosse un peu, mais j'ai pas le temps).
Il a dû lui arriver ce qui arrive à certains génies, sauf Einstein... et le Goossens de naguère qui écrivit sa recommandable biographie sobrement intitulée "la vie d'Einstein" : il s'est contemplé par hasard dans le miroir de son oeuvre, et paf, il a pris un coup de soleil.
Il aurait peut-être dû mettre de la crème solaire et relire Henri Michaux :
"Il plie malaisément les genoux, ses pas ne sont pas bien grands, mais il reçoit mieux n’importe quel rayon, celui qui jamais n’a été disciple".
Goossens n'était disciple de personne, et il savait capter et renvoyer plein de rayons, avant que ses intuitions se rigidifient en système.
Bon, d'un autre côté, Goossens a quand même été Goossens, et rien que pour ça, chapô.
Il y a quand même encore du bon chez ce garçon.