" ... puis il a dit :
" maintenant je vais détruire
le monde entier ! "
- Qu'entendait-il par là ?
- C'est ce que disent toujours
les bokononistes avant de se suicider."
Kurt Vonnegut, "Le berceau du chat"
4U-9525 est un album de musiques improvisées, sur le thème du carnet de bord du copilote suicidaire Andreas Lubitz du vol 4U-9525 de Germanwings, qui a entrainé dans la mort les 150 personnes à bord de l'avion. Evidemment, même si je fais semblant d'être con et que c'est vachement bien imité, je ne puis m'empêcher de craindre la morbidité de l'entreprise. Et puis d'abord, comment ont-ils eu accès à ce journal intime du copilote dépressif ? Andreas Lubitz avait-il lu Houellebecq sans porter un masque protecteur ? Etait-il bokononiste ?
Le disque donne-t-il envie d'en finir plus décemment, sans écourter la précieuse existence de 149 personnes embarquées dans la chute finale à l'insu de leur plein gré, en réécoutant l'épatant Suicide Chump de Frank Zappa ?
« Trouve-toi un pont et fais le grand sautArrange-toi juste pour réussir du premier coupCar il n'y a rien de pire qu'un suicide raté »Frank Zappa, « Suicide Chump »
Ou l'amusant "Mourir au Japon" de Babx ?
Et si Andreas Lubitz avait testé le microdosage des psychédéliques, plutôt que de se défoncer à la mirtazapine, réputée donner des idées suicidaires aux dépressifs et induire un virage maniaque sur l'aile gauche, la face du vol 4U-9525 en aurait-elle été changée et les passagers sauvés, et peut-être même deux ou trois fois, comme dans le roman furieusement priestien " l'Anomalie " de Hervé le Tellier ?
Et la musique enregistrée ici se porte-t'elle caution morale de l'entreprise black et mortifère ? Se repentir, est-ce se rependre ? ... et toutes ces sortes de choses.
Quel mauvais karma pour ceux qui sont montés dans cet avion, avec l'aval des psychiatres et psychologues du travail de l'aéronautique. si j'étais théologien, j'y verrais une nouvelle preuve de l'absence de justice divine.
Par ailleurs, j'étais en pourparlers avec moi-même pour écrire un article sur le thème d'une actualité sans cesse renouvelée « nous sommes tous des otages dans l’avion conduit par les super-prédateurs de l’espèce humaine, sans savoir que c’est comme dans l’A320 "4U-9525" de Germanwings, et qu’il n’y aura pas de survivants au crash civilisationnel qui se profile », et puis j’ai découvert le disque, qui en est une métaphore musicale, hypothèse confirmée par un des musiciens du groupe dans les commentaires de l'article de mazik.info :
"Nous sommes tous dans le même avion et il est plus courageux de regarder avec lucidité notre trajectoire que de prier ou de converser sur le mauvais temps."
Ce qui serait encore plus courageux et sympa envers nos éventuels enfants, c'est de tenter de dévier le cours de cette putain de trajectoire que bon nombre de commentateurs prennent maintenant pour un fait acquis, en tout cas ça réduit mon projet éditorial à pas grand chose.
- Un peu comme quand l'amie prof de géopolitique à Sciences Po a ratatiné le "Manières d'être vivant" de Baptiste Morizot chez moi la semaine dernière, il lui a suffi de parcourir la quatrième de couverture pour décréter, avec toute l'assurance que lui donnent une personnalité sans concession revigorée par l'essor des mouvements d'émancipation néoféministes, en tout cas sur les réseaux sociaux plus que dans ma cuisine, que c'était encore un gars qui ne faisait que redécouvrir des pratiques anciennes en s'arrogeant le droit d'émettre un savoir dessus, en plus elle pariait que c'était très bien écrit, et comme elle avait raison sur toute la ligne, elle m'a tout pété mon Morizot et je n'ai même pas pu lui en citer une ligne, ni pour la contredire ni pour abonder dans son sens.
- Un peu comme quand on regarde la minisérie Chernobyl et que après, on ne peut plus regarder de fictions d'horreur, que ce soit en films, en séries ou en suppositoires, parce que la catastrophe nucléaire russe et ses conséquences humaines et environnementales rendent ridicule et dérisoire l'épouvante issue de l'imaginaire des scénaristes des films de trouille.
Le copilote soupçonné d'avoir provoqué délibérément le crash de l'Airbus A320 de Germanwings dans les Alpes françaises avait dit qu'il ferait un jour « quelque chose qui allait changer tout le système » et que « tout le monde connaîtrait [son] nom », a déclaré son ex-petite amie au quotidien allemand Bild, en kiosque samedi 28 mars.
(…) Si Andreas Lubitz « a fait ça », « c'est parce qu'il a compris qu'à cause de ses problèmes de santé, son grand rêve d'un emploi à la Lufthansa, comme capitaine et comme pilote de long courrier, était pratiquement impossible », affirme-t-elle.
- Epilogue version happy end :
l'écoute du disque n'a rien pour endommager le conduit auditif ou infliger des dommages cérébraux qui lui préexistaient sans doute, et on survit aisément au carnet de voyage musical, l'argument du crash aérien ne serait-il là que pour faire le buzz et m'inciter à écrire un article élogieux ?
j'aime bien le morceau "la mort du bouddhiste", par exemple.
Puissance de la rythmique, et solo de guitare inspiré, comme seul le jazz-rock en procure.
- pour la version tragic story de l'Epilogue,
revoyez un vieux David Lynch genre Lost Highway, ça vous permettra de saigner par les oreilles en mangeant du popcorn, un plaisir fin et délicat de gourmet cinéphile.
- Epilogue version prix spécial du jury :
Le sketch d'ouverture du film "Les nouveaux sauvages" sorti quelques mois avant la catastrophe aérienne en reprenait la trame dramatique, avec des similitudes éprouvantes pour l'entendement puisqu'il s'agissait d'une fiction beaucoup plus réussie que la version en Réalité Réelle Ratée qui allait la suivre au tombeau.
Annexe hâtivement aménagée au fond du jardin :
La théorie des cordes, l'autre :
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