mercredi 22 novembre 2017

Manna - 5:1 (1998)


"Mr. Echo, go to hell.
This is Manna from heaven."

(in ze wonderfoul mouvie Robinson Crusoe On Mars, que je vous recommande)
Manna
Sérieux ?
comme la Manne Céleste ?
Celle Qui Tombe Quand On Ne l’Attend Plus ?
Sérieux ?
Pas comme dans "Je ne m'attendais à rien et je suis quand même déçu" ?
Sérieux ?

Enfourchons donc notre mobylette quantique pour aller y voir de plus près.

« The Sheffield-based duo Manna consists of Jonathan Quarmby and Kevin Bacon. »


Kevin Bacon ?
LE Kevin Bacon ? 
Sérieux ? 

En tout cas, on trouve très peu de traces d'eux sur Internet.
Et plutôt anciennes. Quasiment fossiles.
" Coming from diverse musical backgrounds, Jonathan and Kevin have credits as producers, writers and musicians on records released on Elektra, Polydor, Wau! Mr. Modo, BMG and Island, (...) It is when working together on their own music however, that they can indulge their personal idiosyncratic tastes (...) Strange combinations of samples and Oberheim and Prophet 5 sounds are mixed with old noisy boxes such as the Synthi HiFli, routed through forgotten hi-fi processors of the seventies. Recorded totally without multitrack tape, the tracks were mixed as they were being written — no going back.
For live performances Manna are helped out with the addition of E-bow guitar player Clive Dutch, the Synthi HiFli used to the full and a range computer and video graphics. Visitors of the Ambient Weekend in 1995 at De Melkweg in Amsterdam who saw the band's debut live performance, will vouch for their amazing potential." 


Crottalors. 
Ma mobylette quantique n'a pas assez d'essence pour atteindre 1995 et aller voutcher à Amsterdam, mais c'est pas faute d'essayer.

Si je fais traduire le paragraphe par les petits pakistanais sous-nutris que Google a dissimulés dans mon ordi, ça donne à peu près ça :
Frais émoulus de l'école de Leftfield, avec encore leurs petits cartables sur le dos, bourrés à rats morts de breakbits et d’oranges à mère, les jeunes surdoués se lancent dans un downtempo bipolaire, alternant les trucs assez énervés avec les morceaux plus contemplatifs, à base de beurre au sel doux.
Malheureusement, tout le monde ne peut connaitre le succès de Massive Attack, il faut qu'il y ait des vainqueurs et des vaincus, l'Histoire ne repasse pas les plats et la place est déjà prise, laissez un CV, on vous maigrira, je ne vous raccompagne pas, vous connaissez le chemin.

Manna a sorti un album très confidentiel en 1995, trois exemplaires vendus dont un à la mère du batteur, puis celui que vous tenez entre les yeux en ce moment en 1998, et puis bonsoir Clara.
Ils se terrent depuis dans le Réel, sous les pseudonymes soigneusement floutés de Kevin Bacon et Jonathan Quarmby (ils ont échangé leurs identités, même si leurs gonzesses ont un peu râlé au début, au bout de 19 ans ça se passe mieux, on apprend à mieux se connaitre et on fait des compromis pour sauver le couple et ne pas se retrouver dans la galère de la garde alternée et des factures impayées)



La seule photo d'eux que j'ai trouvée sur le Net.
Le mec chauve du milieu semble implorer, tourné vers le Ciel :
"Maman, tu veux pas m'en acheter un autre ?" 



Et pourquoi ça n'a pas marché pour Manna ?
Ils avaient tout pour plaire : la puissance de feu, la profondeur du son, une certaine suavité, 960 MB de samples implacables déclenchables à distance d'un simple clic par le biais de la TR-77, et une chronique dans les Inrocks qui n'était pas signée Phil Manoeuvre, et qui m'a contraint à me précipiter chez le bougnat du coin pour acquérir la précieuse galette.
Pour éclaircir le mystère, nous nous sommes rendus sur Amazon en caméra cachée, où nous avons recueilli ce commentaire lamentable d'un internaute éclairé, mais pas au point de savoir que ça filmait :
"This album surprised me. It's an eclectic mix of Lounge, Rock, and new age."
Un autre nous a déclaré tout aussi benoitement :
« It reminds me of Massive Attack's Protection in some ways, with some Vangelis thrown in here and there ».
et un petit dernier, pour la route : 
"If you're in a mellow mood, I highly recommend this album. Get a glass of wine (or whisky on the rocks) in a darkened room, relax, and enjoy the mix."
Et voilà pourquoi autant d'audiophiles pourtant chevronnés se retrouvent 20 ans plus tard à faire la queue aux Alcooliques Anonymes.
Le pauvre garçon ne fait même pas mention d’un climat changeant tout au long de l'album, tantôt emprunté à Twin Peaks, tantôt à la voisine d'en face, parce qu'elle nous avait emprunté le beurre au sel doux(1) la semaine dernière, on se rend des petits services, on essaye de maintenir un semblant de vie sociale quand le quotidien se lézarde.
(1)vérifiez que l'étiquette comporte bien la mention "à base de sel doux issu des marais de Guérande et ramassé à la main et à la sortie de l'école par des paludiers selon une méthode artisanale millénaire mais on vous dira pas comment on fait sinon vous allez délocaliser l'usine en Pologne"
Tout cela m'évoque cet ethnomusicologue parti dans des contrées lointaines accomplir une quête mystérieuse de chercheur financée en sous-main par le CNRS sur des comptes rémunérés à 230 % aux Iles Crocodiles, qui avait fait écouter la cinquième de Beethoven à des Papous qui n'avaient jamais vu un magnétophone de leur vie, et qui lui avaient dit après écoute "ben on n'entend que le tambour, et en plus le gars ne joue pas terrible". 
Ce qui prouve combien notre perception est conditionnée par notre culture.



Poursuivons notre exploration des insondables trous noirs du marché du disque, dont certains sont imberbes et pour tout dire flirtent dangereusement avec l'âge légal du harcèlement.
L'insuccès de Manna est très bien disséqué par Dan Merkur (un des 99 noms d'emprunt de Phil Manoeuvre) dans "The Mystery of Manna : The Psychedelic Sacrament of the Bible" :
Pour réussir dans ce métier, il faut coucher. 
Avec Dieu si possible, et sans tripoter ses Saints, ils prennent 10 % de commission, partent en s'essuyant dans les rideaux, et ne font pas du tout avancer votre dossier. 
Mais si la Rencontre a lieu, au-delà de la barrière de l'égo, au-delà de la réification du Tout Autre et en accomplissant sa réintégration intime en tant que Sujet Désirant, on peut décrocher le super-bingo au Top 50.
Je demande à voir, car tant d'hypothèses hasardeuses ont fleuri dans des ouvrages pourtant rédigés par de fins lettrés, qui furent balayés comme foetus de papaye par l'avènement  de Dan Simmons Brown et d'Internet, que je demande à voir.






A moins que nos deux comparses, après avoir légèrement abusé de la Manne Céleste, dont les vertus psychotropes ne sont plus à démontrer, se soient perdus dans le Triangle Des Bermudas chanté par Jules Etienne, dans lequel il ne fait pas bon se promener sans un short de rechange.

« Il vaut mieux que ça sorte par le chakra du haut que par celui du bas, croyez-en ma vieille expérience »
(Kevin Spicy dans une saison non diffusable de House of Crades.)



Quand à moi, j'ai beau réécouter le 5:1 de Manna, que j'alterne avec le Triangle Des Bermudas à donf' en passant l'aspiro à trois heures du matin, en espérant un signe autre que ce mot d'adieu rageusement griffonné à la bombe fluo sur la commode du salon, rien. 
La Nuit Obscure de Saint-Jean de la Croix et la Bannière web, dans le désert, depuis trop longtemps.
Aucune révélation sur Manna.
J'ai plus qu'à attendre la nuit à l'ombre de l'usine, 
en feuilletant ma vie comme un vieux Magazine
comme disait Jean-Patrick.
Néanmoins, soyons beau joueur, il me reste le disque pour pleurer.



la pochette du disque

















le disque


https://www.mediafire.com/file/octbidgopbnwhg7/5_1.zip



l'affiche de Robinson Crusoe On Mars, en mieux.


P.S : un plaisantin a cru bon de mettre en ligne sur Youtube un titre de l'album en y incluant des images de son cru. 
J'espère qu'il aura le bon goût d'aller de lui-même se dénoncer à la Kommandantur sans espérer que je fasse le sale boulot à sa place.

2 commentaires:

  1. Le titre étant intrigant, je mets mon doigt dans la confiture pour en savoir plus.

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  2. Tu ne le regretteras pas, c’est le chainon manquant entre Massive Attack et Angelo Badalamenti.

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