Affichage des articles dont le libellé est comics. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est comics. Afficher tous les articles

lundi 13 avril 2020

Malaise dans l'édition BD traditionnelle

Concernant la recherche des coupables de la pandémie de Covid-19, il faut tout d'abord se demander à qui profite le crime. Je crois qu'en premier lieu on peut légitimement suspecter les éditeurs de BD en ligne de tirer les marrons du feu en coulant la baraque des derniers éditeurs "classiques" encore attachés au support papier, flinguant au passage les derniers libraires "In Real Life".
Et même si ça nous laisse un goût amer dans l'arrière-gorge, force est de constater que sur le plan stratégique, Jeff Bezos n'est pas né de la dernière pluie dans cette histoire, et que c'est assez finement joué, malgré quelques à-côtés peu reluisants.
La BD traditionnelle traverse donc une nouvelle crise, peut-être la pire de son histoire depuis le krach de 1929 où je me souviens qu'il fallait se rendre à la librairie avec une brouette de Deutschmarks pour acheter le dernier Buck Danny Astérix contre les Goths.
Le grand gagnant, c'est bien sûr Amazon, même si je trouve leur politique commerciale un peu agressive : en commandant en ligne deux pizza aux anchois au pépère au nid l'autre soir, j'ai eu la surprise de les voir livrés par Neil Gaiman en personne, qui m'a aussi remis en cadeau de bienvenue l'intégrale de Sandman sur smartphone, signée de sa main. Si c'est pas de l'abus de position dominante sur le dos de la crise sanitaire, je sais pas ce que c'est.


Sandman : il a fait l'ouverture, et il est bien parti pour faire la fermeture, aussi.
Pendant ce temps, dehors, la Nature reprend ses droits
et grignote notre ancien biotope avec des chips,
en l'accompagnant d'un petit rosé bien frais.

vendredi 15 février 2019

Zombies VS Robots - Chris Ryall, Ashley Wood (2006-2007)

Hier j'ai livré un article sans rédactionnel; j'en ai tellement honte que je me sens obligé de finir et de publier celui-ci ce soir, veille de bouclage, mais la rédaction de ces enquêtes de fond est devenue si chronophage qu'elle me coûte désormais plusieurs semaines de recherche et de documentation, il est temps que je me retire du bizness.
En plus, j'ai failli croire que Ashley Wood était le fils pas très bien caché de Wallace Wood.
Son trait était si sûr, tout en étant négligemment jeté tout au long des xxx fascicules de la fantaisie brinquebalante de Zombies versus Robots. De la plume électrique, de la bichromie spectaculaire, des trames grossières, des aplats rugueux et pourtant si élégants, tombés du camion en veux-tu en voilà, des couvertures à la peinture acrylique avec des jolies filles dans des situations scabreuses, des zombies et puis des robots, et pour raconter quoi ? des historiettes au-delà du débile, comme un Fluide Glacial de la Belle Epoque en mode mongoloïde, à base d'apocalypses zombies, robotiques, amazoniennes (mais je n'ai pas vu Jeff Bezos, sans doute occupé à uploader lui-même ses turgescents selfies)
Graphiquement, très relâché, mais d'une précision formidable quant à l'efficacité balistique.
Quelque chose comme un Michel-Ange de la BD au service de la série Z.
Plus jeune, il a réalisé des bandes dessinées plus ambitieuses, comme Lore ou Automatic Kafka, mais je n'ai pas encore trouvé le temps de les lire, et je suis même retourné acheter des bandes dessinées en français et en papier dans une librairie tenue par des femmes, c'est vous dire si ça m'a plu, le fils maudit de Wallace Wood.
Plus vieux, il s'est rapidement retiré (lui aussi) de la BD pour caresser des projets arty à base de peinture et d'illustrations qu'il réunit dans des artbooks cochons et des ventes instagram auxquelles je ne comprends que pouic, franchement, dans quel monde vivons-nous je vous jure, si les dessinateurs de talent quittent la BD, mais bon, chacun ses choix.


Là, sur la série des Zombies et des Robots, je ne vois guère que la Lucha Libre de Jerry Frissen pour rivaliser question fantaisie débridée avec Ryall et Wood, d'ailleurs à la même période.
Ca a duré ce que ça a duré :
une poignée de fascicules publiés chez IDW, maison d'édition dont j'ignorais tout, et au vu de leur production je préfère persister dans mon ignorance, mais bon en France on a bien Bamboo Editions, qui a racheté Fluide Glacial en 2016, et les Américains ne font pas la fine bouche pour autant sur l'école franco-belge, constituée surtout de Belges, de quelques chinetoques, et d'un paquet de nègres, mais ça dans le milieu interlope de l'édition c'est normal.
Tout a été mis en ligne ici par des salopards :
https://getcomics.info/other-comics/the-zombies-vs-robots-comic-book-collection/
mais c'est le voler là où l'acheter sur amazon, et enrichir Jeff Bezos. Faudrait savoir.
Mais si vous tenez vraiment à acheter quelque chose, partez plutôt sur l'intégrale de la Lucha Libre à un prix cadeau !



A la librairie des femmes,
j'ai acheté le Malaterre de Pierre-Henri Gomon,
qui me fait penser à Christophe Blain.


le Dieu vagabond de Fabrizio Dori
qui me fait penser à Klimt


et Walter Appleduck (Erre/Fabcaro)
qui me fait penser à Jacovitti.



mercredi 6 février 2019

Aleš Kot, Danijel Žeželj : Days of Hate (2019)

Aleš Kot, déjà connu de nos services, est un agent tchèque émigré qui se dore la pilule sous le chaud soleil de Californie en vivant grassement de ses Agessa. Danijel Žeželj est un migrant croate, et vit lui aussi depuis assez longtemps aux crochets de l'Etat américain.

Complotant ensemble, adeptes secrets de l'effondrologie qui a gagné les intellectuels du Vieux Incontinent qu'ils ont fui, ils choisissent de mordre la main qui les nourrit, en imaginant une dystopie glaçante qui montre les Etats-Unis sous le jour d'une dictature fasciste sans pitié vis-à-vis de toutes les minorités politiques, ethniques, sexuelles. C'est du propre. Quels ingrats. Une poignée d'activistes de l'ultra-gauche tentent de résister au régime de plomb organisé par l'alt-right en vivant chichement dans la clandestinité entre deux attentats anti-establishment.

Pour une fois, Kot fait un effort pour que son scénario de politique-fiction soit accessible au commun des mortels. Certains personnages manquent encore de chair, parfois réduits à des théorèmes fictionnels et murés dans le silence quand ils n'ont rien à nous dire, mais c'est pas mal.
Mieux que quand il plaque son brouet théorique sur un squelette de récit.
Žeželj l'enlumine avec sa technique si particulière du vitrail au charbon de bois, qui ne brille jamais autant que lorsqu'il illustre de longues scènes d'attentes beckettiennes dans des paysages industriels désolés. Après le totalitarisme soft et hédoniste de The New World, voici sa version hard, moins fluide que glaciale. On attend avec impatience l'adaptation en série par HBO, Netflix ou Amazon. Y'aura au moins TTT dans Télérama.


il y a des effets de forêt automnale


des moments d'émotion intense hétéro


des répliques définitives


des villes sous la pluie



des moments d'émotion intense homo


et encore de la pluie, pire que dans Blade Runner.

Chaque fascicule se conclut par une liste de Recommended Media, souvent aussi prétentieuse que les bibliographies jadis placardées par Maurice G. Dantec dans ses livres les plus illisibles, alors que Days of Hate raconte une histoire très simple, même si elle le fait avec beaucoup de chichis tchéquo-croates.
"They can't kill us until they kill us" (chap. 8) par Hanif Abdurraqib me semble une bonne porte d'entrée à l'univers merveilleux des suggestions de lecture de Days of Hate, une fois que vous aurez déjà acquis le fusil à lunettes et les 5 tonnes de phosphate nécessaires à l'entrée pro-active dans la Résistance.
Le second et dernier tome de Days of Hate paraitra en v.o chez Image Comics fin février.
Pour la v.f., je crois qu'on peut se brosser. Le marché français n'est pas prêt.

https://getcomics.info/other-comics/days-of-hate-1-12-2018-2019/



Depuis qu'il a lu Days of Hate, Steve Roach 
se colorise la gueule tous les soirs dans l'Arizona.

dimanche 6 janvier 2019

Aleš Kot, Clayton Cowles - The New World (2018)

Dès le début j'ai beaucoup misé sur Aleš Kot, émigré tchèque sans provisions au pays des comics US.
Pourtant il n'avait rien pour plaire :
"Change" était abscons.
"Zero" était une hybridation moitié géniale, moitié foirée, et pas qu'à moitié, entre James Bond et les fictions les plus contaminées de William "Festin nu" Burroughs.
Les années passaient, et je voyais Aleš s'engager dans des projets improbables, où j'avais peine à le suivre.
Material. Illisible.
Wolf. The Surface. Pas compris l'intérêt.
Des trucs de super-héros dont j'ai instinctivement oublié le nom.
Et puis l'an dernier, tiens, Generation Gone.
un truc que je comprends. Enfin.
Idée complètement repompée sur le film Chronicle, assortie d'un commentaire social assez lourd, mais pourquoi pas ?
Et puis en 2018, paf, The New World, fiction exotico-ludique totalement maitrisée. Après une guerre nucléaire et une guerre civile qui ont dispersé les Etats-Unis façon puzzle, en Nouvelle Californie émerge un totalitarisme soft à la Marshall Mac Luhan, sous lequel se nouent les brins d'une love story impossible entre une fliquette qui a le droit d'achever ses proies en direct à la téléréalité, et un activiste vegan qu'elle a pris en chasse.
Une oeuvre à la fois terriblement pop, jouissive dans sa forme, et qui remplit en même temps le cahier des charges d'une SF exigeante en tant que discipline prospective, au fond ce qu'on n'a jamais cessé de demander à la SF mais qu'elle avait cessé de fournir depuis la mort naturelle de Métal Hurlant quand le futur était devenu le présent.

https://aux.avclub.com/the-new-world-creates-a-technicolor-future-where-realit-1827959114





how to get it :


Le flasque et l'enclume :
https://www.goodreads.com/review/show/2640707884?book_show_action=true&from_review_page=1

mercredi 7 février 2018

Aleš Kot & associés - Zero (2015)

le tome 1, ça va encore.
On est dans du connu.
Nos efforts pour tordre la gueule du langage, le faire aller là où il ne veut surtout pas aller, lui faire avouer ce qu’il n’a aucune envie d’avouer, en lui enfonçant si besoin une tige d’acier chauffée à blanc dans l’anus, sans amour mais sans haine, sont-ils autre chose qu’une manifestation épiphénoménale de notre volonté déchaînée et égotiste de secouer les chaines du cachot de la Raison sur la paille humide duquel nous croupissons, rêvant en secret d’une évasion durable ?
Si c’est pour finir comme Antonin Artaud, merci bien, je vais plutôt renouveler mon abonnement à Valeurs Actuelles, c’est plus prudent. C'est pourtant la voie étroite choisie par Aleš Kot (et une pléiade de dessinateurs inconnus, tantôt brillants, tantôt médiocres, comme nous tous) dans la série de comics Zero, parue en 2015 chez Image Comics dans l'espoir (déçu) de ruiner la jeune maison d'édition.
D'ailleurs il ne se borne pas au langage, il veut tordre la gueule de la figuration narrative toute entière, et sur ce plan c'est assez réussi.

« Il faut se rappeler que tout art est magique, à l’origine : la musique, la sculpture, l'écriture, la peinture  - et par magie je veux dire destiné à produire des résultats très précis. Les peintures étaient à l'origine des formules pour faire arriver ce qui est peint. L'art n’est pas une fin en soi, pas plus que la formule d'Einstein conversion matière-en-énergie ne l’était. Comme toutes les formules, l'art était à l'origine FONCTIONNEL, destiné à faire se produire les choses, de la façon dont une bombe atomique découle des formules d'Einstein. »

Le tome 2, ça bastonne.
Cette citation de William Burroughs qu’Aleš Kot insère dans Change, une de ses productions expérimentales,  et dans Zero, au moment où la vie de Burroughs vient contaminer le récit pour l’orienter vers un méta-niveau, est revendiquée par l’auteur comme croyance fondamentale dans sa pratique artistique.
On comprend mieux pourquoi on n’y comprend rien.
Zero débute comme une fiction conventionnelle sur un espion-tueur qui résoud à la one again des problèmes indémerdables dans des zones de non-droit comme les conflits armés en cours sur la planète, avec flashbacks sur son enfance, ambiance "Bouche du diable" de Charyn et Boucq, ellipses narratives sur son parcours professionnel, conflits avec sa hiérarchie, petites niches avec ses collègues de promo.
C’est stimulant intellectuellement, parce qu’il y a un flash forward entêtant sur sa probable exécution par un enfant au bord de la falaise de Douvres en 2038 au nom d’enjeux qui nous dépassent provisoirement, que chacun des 18 épisodes est dessiné par un graphiste différent pour des raisons particulières et inconnues mais certainement justifiées, en tout cas ça file bien le tournis à l'innocent lecteur et même à celui qui ne serait pas si innocent que ça, parce qu’Edward Zero se retourne progressivement contre l’Agence qui a fait de lui une machine à tuer, et qu’on aimerait bien savoir comment tout cela va finir, parce que c’est quand même bien troussé pour un petit comic indé qui se la joue spy thriller polymorphe. Des dizaines de pages se résument à des scènes d'ultra-violence bon enfant, évoquant le Frank Miller des grands jours, corps à corps sans dialogues, sanglants ballets chorégraphiés par un Sam Peckinpah revenu d'entre les morts pour foutre une bonne raclée aux contempteurs de la figuration narrative, hardi petit.

Si tu lis le tome 3,
appelle le docteur.
A partir du fascicule #15, soit le début du tome 4, ça se complique : on atterrit à Tanger, en 1956, derrière la machine à écrire de William Burroughs, qui imagine les aventures d’ Edward Zero dans le futur, apparemment défoncé à quelque chose qu’on n’a pas vraiment envie de tester, même pour le fun, papotant avec son pote Allen Ginsberg entre deux omelettes de champignons hallucinogènes. Dès lors, faut s’accrocher à son illustré, parce que parallèlement Edward semble agoniser en direct dans le récit de Burroughs et recevoir des révélations en provenance du Multivers sur la source de la violence chez l’homme, qui a pris la forme d’une araignée ou d’une tique dévoreuse d’âmes qui tire sa substance du coeur même de chaque être humain, et que c’est vachement galère pour Edward de la décrocher de là pour raccrocher les wagons vers une fin qu’on souhaiterait heureuse après toutes ses difficultés professionnelles et ses tourments intimes irrésolus. L’Esprit Affreux et la Chose Noire lui en font voir de toutes les couleurs. Il est de plus accablé d’un sentiment de culpabilité bien compréhensible car il a apparemment provoqué des millions de morts en répandant une abomination mycologique sur Terre, bien pire encore que celles du comte de Champignac dans Spirou. Mais enfin, quand on est agent secret, on ne fait pas d'omelettes sans casser d'oeufs, et j’aimerais vous y voir.

Le tome 4, trop tard,
on t'avait prévenu.
Il n'est pas forcément nécessaire de connaitre les détails biographiquement tragiques et néanmoins regrettables de la vie de William Burroughs* pour lire ce dernier tome, mais ça peut aider.
A la fin, comme il a réussi à s’extirper la Chose Noire du fond du gosier, il reçoit l’autorisation des Spores Cosmiques à l’origine de la vie sur Terre de se réconcilier avec son passé, son fils et tous les gens qu’il a dessoudés (en les non-dessoudant dans le Multivers) et de regagner son havre de paix cossu en Islande. Sur le pas de la porte l’attend sa copine chaudasse, qui n’a pas sa langue dans sa poche. On a eu peur, on a été obligés d’aller vérifier plein de trucs sur Wiki, et on a un peu mal à la tête, malgré l'espèce de Happy End cosmique.
C'est très ambitieux, lynchien en diable, et on a passé un bon moment sans faire de conneries IRL.

* Le slogan des AA de Boston concernant ce phénomène est «On ne peut pas décuire un plat» comme le rappelle David Foster Wallace dans «L'Infinie comédie», en vente partout.





A part ça, il est pas mignon, le nouveau demi-dieu
de la figuration narrative méta-textuelle ?
Je me le taperais bien en omelette.
Sans champignons.

Pour aller plus loin :

- une analyse de la série
- une interview chamanique de l'auteur

mardi 23 janvier 2018

Matt Fraction, Gabriel Bà - Casanova : Luxuria (2006)

- T'as pas entendu comme un bruit ?
- Hein ?
- début décembre 2017 - 
A y est. J'ai enfin regardé Valérian et Laureline, alors que je l'avais téléchargé avant tout le monde, avec un enthousiasme frénétique autant que décérébré. Et c'est une fois de plus l'occasion d'accepter que le meilleur moment dans l'amour, c'est quand ça downloade.
Je l'ai regardé du coin de l'oeil, un peu comateux, un dimanche après-midi parce que c'était mon premier jour de congé depuis 3 semaines et qu'en ce moment je dors 4 heures par nuit, rapport à la phase hypomaniaque de mes légères tendances bipolaires, tout ça. Entre mes micro-siestes sur mon pouf en micro-billes, j'ai trouvé l'esthétique assez laide, les couleurs de la planète Mül un peu forcées, et pour tout dire aussi vulgaires qu'un vieux sketch de Font et Val. Ca ne me gène pas tellement que le film n'ait qu'un très lointain rapport avec l'univers développé par Christin et Mézières depuis la fin des années 60, je ne suis pas un gardien du Temple, je n'ai jamais été un grand fan de la série, les geeks de Valérian-la-BD c'est pas des gens comme moi.
Je lisais Spirou et parfois Tintin, rarement Pilote.
L'esprit de Valérian-la-BD, est-ce que Besson s'en est emparé, même au prix d'en trahir la lettre, pour en faire quelque chose de neuf et transmettre cette culture qui lui a tant plu quand il était kid, au point de s'endetter sur 9 générations en produisant et réalisant son gloubi-boulga de film ?
Je comprends que les Américains aient boudé Valérian-le-film, il y a des crimes de lèse-Star Wars un peu partout, tout le temps. De la dérision, de l'ilarité et toutes ces sortes de choses, là où on s'y attend le moins, et surtout là où les Américains se sont forgés une nouvelle mythologie, et là-bas les mythos ne font rire personne.
On ne laissera pas le petit gros Frenchie déconner avec Star Wars, on n'ira pas voir son film, déjà qu'on a le Sénateur Palpatine à la Maison Blanche, alors ça va bien maintenant, hein, on va pas se laisser emmerder. 
Mais Valérian-le-film, ça me fait surtout penser à ce que dit Alan Moore dans l'interview qu'il a donnée sur France Inter à l'occasion de la sortie de Jérusalem, et que je transcris en tremblant d'émotion devant tant d'intelligence conceptuelle, comme un scribe atteint de myxomatose.
 " Plus personne ne sait ce qu’est véritablement la culture, l’art, la vulgarité, ce qui suggère que toutes ces choses ont été mélangées dans une sorte de terreau extrêmement fertile, un médium à partir duquel nous commençons à faire croitre de nouvelles formes culturelles dont nous aurons besoin pour ce siècle qui est là.
- Je vous ai souvent entendu dire que le 21ème siècle n’’était pas parvenu à inventer sa propre culture, Alan Moore, qu’est-ce que vous voulez dire par là ?

 - Après s’être précipités à travers les années 50 avec ces voitures aux ailerons de requin et  à travers les années 60 et 70 avec tous ces merveilleux films de science-fiction et nos aspirations à tout ce que le genre humain allait devenir à l’avenir, quand nous sommes parvenus aux années 90, nous avons commencé a voir cet avenir se manifester autour de nous. 
Ce n’était pas du tout l’avenir auquel on s’attendait, que l’on espérait. 
Il n’y avait pas de costumes avec des petites fusées dans le dos, à la place il y avait ce nouveau médium envahissant qui transformait la société d’une façon qu’on ne pouvait pas imaginer précédemment. 
Je pense que ce qui s’est passé c’est que la culture s’est gelée sur place. Elle a commencé à marquer le pas. Elle avait peur, la culture, elle était effrayée devant le siècle qui s’ouvrait devant elle, alors elle a décidé, simplement, de ré-imaginer, de refaire partir la culture du siècle au sein duquel elle était à l’aise. 
Ce qui signifie que maintenant on a devant nos cinémas des adultes qui font la queue pour aller voir des personnages et des récits qui ont été inventés pour divertir des garçons de 12 ans d’il y a 50 ans.(...)"
Et voilà.
Pile poil.
Prends ça dans ta gueule, Luc Besson.
La messe est dite.
Affaire suivante.

- mi- janvier 2018 - 
J'ai mis plusieurs années à lire le premier tome de Casanova au service de l’E.M.P.I.R.E. en entier.
J'ai commencé par le mater en v.o, mais j'y comprenais pas grand chose, ça se passait pas du tout à Venise, mais dans des univers parallèles, y'avait des jolies filles, des super-méchants à la James Bond, des embrouilles quantiques, des consignes mal interprétées, une jubilation a déchirer l'espace-temps et la trame de la figuration narrative qu'on ne retrouve que dans les meilleurs ouvrages de Stephane Jourdain et Grant Morrison, mais c'était un peu confus.
Quand la v.f est sortie chez Urban Comics, plusieurs années après, j'ai foncé l'acheter.
C'était pire.
Et puis tout s'est bizarrement décanté à la sortie de Valériane-Le-Film, où j'ai relativement bien dormi sur mon pouf en microbilles devant ma télé HD 1080p, merci.
J'ai compris qu'il fallait me laisser porter par le flow, plutôt que d'être tatillon sur la continuité et/ou les enjeux scénaristiques, qui carbonisent cinquante ans de pop culture au micro-ondes* sans que le goût ou l'effet soient aussi désagréables qu'on pouvait l'imaginer d'après la recette.
En plus, j'ai trouvé dans un univers parallèle  une version bichrome du plus bel effet, qui souligne la vivacité et l'élégance du trait de Gabriel Bà.

Après

Avant.
Trop de couleur distrait le spectateur
(Jacques Tati)

Et dans l'édition française, dont je me suis fait offrir les tomes 2 et 3 à Noël sous des prétextes fallacieux, que ça tombait le jour de mon anniversaire d'ex-enculé alcoolique aujourd'hui à jeun dans le désert depuis si longtemps, il y a des pages passionnantes sur la création graphique de la série et le passage de la bichromie à la quadri, je ne vous dis que ça, non je ne les scannerai pas pour vous faire voir, l'article est déjà assez long et boursouflé comme ça.

A tout prendre, niveau d.é.g.l.i.n.g.u.e. scénaristique,
Casanova au service de l’E.M.P.I.R.E. se situerait presque au niveau d'emmerdes galactiques rencontrées par Douglas Ferblanc et Vaseline, agents spatio-spéciaux imaginés par Pétillon alors que Luc Besson dessinait encore des Subways dans les marges de ses cahiers.

Bref,  à tous les points de vue, on l'aura compris, je ne vais pas vous faire un dessin, je n'irai pas par quatre chemins, Valérian et Laureline peuvent bien aller se rhabiller.
Surtout Valérian.





Qu'est-ce que je fais ?
Je déballe ou je remballe ?
Choix cornélien.
- de retour dans le continuum de maintenant, soit approximativement trois-quarts janvier 2018 -

En plus, quand j'achète des BD américaines en v.o. sur Amazon, j'ai toujours souvent une bonne surprise en déballant le colis : une stagiaire révoltée par les conditions de travail régnant chez ce géant de la distribution échappant à tout contrôle des Etats malgré Super-Macron, et qui a profité de ma commande pour s'enfuir clandestinement à la faveur d'une pause café des robots qui confectionnent les paquets. Donc en plus, je libère un emploi, et je préserve l'environnement en portant le carton à un point d'apport volontaire où il sera recyclé pour accueillir d'autres stagiaires, qui iront rejoindre après avoir parcouru le grand Cycle de la Vie en Entreprise toutes celles que j'ai enterrées dans le petit bois derrière chez moi après en avoir aspiré tout le suc, et le sel aussi, tant qu'à y être.

* pour carboniser au micro-ondes, il faut mais il suffit de disposer de la fonction "grill", dite aussi "panacrunch" sur certains modèles.

samedi 20 janvier 2018

Les Inrockuptibles spécial BD d'auteur américaine (2018)

Les Inrockuptibles, magazine de conformisme culturel de l'ultra-gauche qui se refuse tout de go à lire Télérama, publient un numéro spécial "BD d'auteur américaine".
N'y figurent aucun de mes auteurs de prédilection :
Brian K. Vaughan, Warren Ellis, Alan Moore (bon d'accord il est angliche, mais bosse souvent avec des dessinateurs yankee), Matt Fraction, Eric Stephenson, Joe Casey, Geof Darrow, Ales Kot et Marcel Gotlib y sont honteusement passés sous silence.
J'ai bien fait de le voler plutôt que de l'acheter.
Leur numéro "Bye-Bye Johnny" (que j'ai acheté, car j'ai le nez creux tellement il est gros) était mieux branlé.

Je vais leur écrire, tiens.
Ils vont m'entendre.

dimanche 7 janvier 2018

Chauve and Tel.

Hééé oui, c'est toujours la grève des clowns sur ce blog, paralysé par la crampe de l'écriveur dans les vespasiennes publiques.
C'est dommage, j'ai plein d'articles chouettes à envoyer du pâté, mais le chantage au voisin d'en face continue. Alors je reste à la fenêtre / A regarder passer les camions militaires / Puis je décroche le téléphone / Et je regarde les postières par le trou de l'écouteur
...enfin je vais pas m'étendre, hein, vous connaissez ce refrain, entonné par des millions de marcassins de Panurge à travers le monde.


Et puis, j'ai déjà un média social entièrement consacré - le mot est faible - à ce type d'épanchements de Sydonie.
Comme disait Clemenceau, la tolérance, y'a des maisons pour ça.
Sinon, j'ai des fiches de lectures toutes prêtes, au cas où il serait déjà l'heure d'être vieux et de lire des livres.
https://samquixote.blogspot.fr/2017/12/top-10-best-comics-of-2017.html
J'ai même trouvé chez ce bon vieux Sam une critique d'un comics que je suis en train de lire, chronique avec laquelle je ne suis pas du tout d'accord, puisqu'on y traite de démonologie, de meurtre rituel du père symbolique avec un calibre 22, et que le dessin de Vanessa del Rio Rey m'évoque le Blutch période Donjon.
Tiens, je vais lui écrire un chant de protestation, ça va me détendre.

Sinon aussi, en écoutant le best of annuel du gramophone, qui a beaucoup perdu de son talent de dénicheur depuis qu'un des rédacteurs a pris feu et qu'on l'a éteint à coups de pelle, mais bon, on reste fidèle à ses engagements pris envers des inconnus qui s'en cognent comme de leur première lettre d'avertissement d'Hadopi.


Sinon encore mais après n'y revenez plus, j'ai quand même une bonne nouvelle pour les amateurs de chanson française de qualité en phase terminale. Une actu chassant l’autre, le Jour de L’An a été trainé dehors avec du goudron et des plumes pour faire de la place à l’Epiphanie, et j’ai failli me casser le bridge sur la fève à midi (...) et la fêve, c’était le barde Assurancetourix. C’est un signe, car je choisis de l'ivoire. Je vais donc reprendre la gratte, parce que le clavier, ça va bien un moment. D'ailleurs j'ai reçu un  Message de service à caractère informatif :
tu vas pas pouvoir tenir encore longtemps comme ça, et ça n'a déjà que trop duré.





Sinon final, il pleut comme vache qui pisse du Pink Floyd à la chaine.
Ou comme sur la pochette d'un vieux Peter Gabriel.
Un temps à réécouter le dernier Orelsan, car la fête est finie.
Mais vous faites ce que vous voulez.
Personnellement j'ai amené du travail cybernétique à finir à la maison, je risque pas de m'ennuyer une seule minute.




D'ailleurs, oserai-je dire sinon, rien qu'en triant des masters et en les renommant conformément à la nomenclature en vigueur à l'heure où je vous cause et où je n'ai manifestement rien à dire de plus que ce que je dis sur mon autre blog, n'oublie pas d'omettre de mettre le lien sinon tu vas fatiguer les gens avec tes fariboles, je retrouve cet incunable tout à fait de saison.


il ne vous zappa échappé cette semaine (j'ai un ch'veu sur le teaser) from john warsen on Vimeo.

Pour ceusses que ça intéresse, la version non foirée est dispo en toute saison, hiver comme hiver, ici même (j'ai bien peur que ce soit un autre de mes blogs en déréliction, mais ça nous entrainerait trop loin sur la piste pentue et tangentielle des fake niouzes, et il se fait déjà tard puisque c'est presque l'heure d'être vieux)

samedi 18 mars 2017

Peter J. Tomasi, Ian Bertram - House of Penance (2017)

Sarah Winchester est folle à lier. Depuis la mort de son mari et de sa fille, cette riche héritière de l’empire Winchester passe son temps et sa fortune à faire construire une villa gigantesque et délirante en Californie.
"Délirante" dans le mauvais sens du terme : portes ouvrant sur le vide, escaliers ne menant nulle part. 
Sarah est hantée par les fantômes des victimes des carabines à répétition Winchester, qu’elle pense tenir à distance en poursuivant la construction de sa villa à jamais inachevée.
Un mystérieux étranger arrive... et il pourrait bien rendre les démons de Sarah trop réels.

Au départ, il y a une histoire vraie : 
Sarah L. Winchester, née en 1839 et morte en 1922, fut bien l'épouse de William Wirt Winchester. 
Elle hérita de ses biens et de 50 % des parts de la Winchester Repeating Arms Company quand celui-ci meurt de la tuberculose en 1881. 
Convaincue que des esprits allaient la tuer si la construction de sa maison en Californie était terminée, Sarah Winchester utilisa sa fortune pour poursuivre la construction de la maison 24 heures sur 24 pendant 38 ans.

Je ne l'ai su qu'après, et ça ne m'a pas gêné.
A partir de ce destin tragique et fou comme seuls les Etats-Unis peuvent en produire, les auteurs nous plongent dans une recréation hallucinée, tordue et cauchemardesque de l'histoire de cette femme rongée par la folie. Le scénario s'effiloche sérieusement, gravement contaminé par des embardées oniriques réservées aux amateurs de tripes à la mode de Caen et de boissons énergisantes à base de cassoulet et d'ayahuesca.
Graphiquement, ça me fait beaucoup penser au Joann Sfar de la période Donjon Crépuscule, au Manara première période, à du Moebius underground.
Et j'imagine bien Tim Burton ou Jan Kounen en faire un film avec Eva Porée Green.
Vous pouvez l'emprunter à la médiathèque ici et ne jamais le rendre, ou l'acheter sur Mamazone
Ca sortira peut-être un jour en français, j'en sais foutre rien, et alors des milliers de bloggueurs sortiront de l'ombre pour rédiger de petits articles inspirés du mien, en me reversant des droits d'auteur faramineux.
Ou pas.








dimanche 12 février 2017

Richard Thompson - Cul de sac (2007/2011)

I vouala.
C'ist Chabbat, i ji sui encore divant mon ordi, comme un con de goye (si un plionasme, hi hi) à fir semblant di travailli au lieu d'observi li jour di ripos.
« Li siptième jour it li jour du ripos di l'Étirnil, ton Dieu : ti ni firas aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton sirvitir, ni ta sirvante, ni ton bétail, ni l'étrangir qui ist dans tis portis. Car in six jours l'Étirnil a fait lis ciiux, la tirri it la mir, it tout ci qui y ist continu, it il s'ist riposé li siptièmi jour : c'it pourquoi l'Étirnil a béni li jour du ripos et l'a sanctifié. » (Ixode 20:8-11)
Ji vi encore mi fir engueuli par li Rabbin.
Dijà qu’il m’a laissé son chat qui fait rin qu’à mi guilir dissus pour avoir di la patée avec di la gilée vu qu’il pit pli bouffi di croquittes vu qu’il est en phase tirminale. 
Brif. Tout ça pour vous dir qui j’ai découvirt Richard Thompson qui a fait un strip magistral di 2004 à 2011, qui mêmi Bill Wattirson qui disait tellement pli riin di tout dipuis 20 ans qu'on croyait qu'il était mirt, il a dit brisquement qui Thompson il était trop fort, et qui ça lui donnait « ine raison di lire des comics à nouveau », et qui au bout di trois simaines qui ji dégustais sis strips, j’ai appris simultanémint qu’il avait attrapé Parkinson in 2009, s’était ritiré in 2011 (il pouvait plis dessini tellement i tremblit) it il était mirt in 2016.
Vous alli mi dir qui c’ist parci qui Thompson il faisait un strip quotidiin mêmi pour li journal du dimanchi alors l'Étirnil il l’a puni parce qu'il respectait pas Chabatt, mais vous vous mittiz li doigt dans l’oiil parci qui li chabatt c’ist samidi.
It in plus il était mime pas juif.
Si mime pas drôle.





Tous les strips de Cul de Sac en live :

http://www.gocomics.com/culdesac/2007/09/10

Tous les strips de Cul de Sac en dur :
(je me suis vraiment fait chii la bit pour les trouvi)

http://www.mediafire.com/file/5uyu8m7uhxoy052/CdS.zip

Li coffrit mimorial di luxe avec la photo dédicaci par la fim di rabbin.

samedi 11 février 2017

Warren Ellis, Declan Shalvey - Injection (2016)

J’aurais bien aimé prendre mon pied avec l'Injection de Warren Ellis et Declan Shalvey. 
Vraiment.
A lire les commentaires dithyrambiques sur la blogosphère comics, Ellis retrouvait enfin la verve et le pétillement de sa jeunesse (The Authority, Planetary).
Les prémisses de sa nouvelle série étaient si croustillants que si la Providence m'eut affublé d'une queue, je l'eus joyeusement remuée.
Jugez plutôt :

"A few years ago, a public/private partnership between the British Government and a multinational company saw five clever people placed in university-owned offices and allowed to do whatever they liked. It was called the Cultural Cross-Contamination Unit, and the idea was that it would hothouse new thinking and new patents. 
Five actual geniuses, all probably crazy, very eccentric, put in one place and given carte blanche to think about ways to approach and change the future. What Could Possibly Go Wrong?
They did A Crazy Thing, which was referred to as The Injection. 
A mysterious Thing that they did in order to make the 21st Century better and stranger. 
It got out. It got loose into the fabric of the 21st Century, whatever it was, and now things are getting weird and ugly, faster and faster.
So a few years have passed. 
They've all gone their separate ways, into separate "jobs" that allow them to follow and sometimes deal with the repercussions of The Injection. 
We are in the period where the toxic load of The Injection is at such a level that events that are essentially paranormal in nature are coming faster and faster, headed towards a point where humanity won't easily be able to live on the planet any more. Not a Singularity of glory, but an irretrievable constant blare of horror coming too thick and fast for anything to deal with.

This is the story of five mad geniuses trying to save us all from themselves."

J'étais acquis à la cause.
Las, la mayonnaise n'a pas pris, as far as I'm concerned, et après 2 tomes, je suis bien déçu.
Ellis ne dépasse pas le stade des prémisses.
L'idée d'une A.I. farcie de vieux folklore anglais animiste et injectée sur le Web par 5 nerds excentriques n'est pas pire qu'une autre. 
Mais Ellis sacrifie son histoire à ses tics d'écrivaillon branchouillé - répliques à trois balles, chronologie éclatée, discussions verbeuses, recherche de l'effet pour l'effet - j'ai lu quelque part que quand il avait un éditeur digne de ce nom derrière lui il se tenait, là ça sent assez rapidement le défaut de joint d'étanchéité, après un début prometteur.




Englishmen are blah.


Englishmen are blah-blah.


Englishmen are blah-blah-blah.


Aah, quand même une réplique drôle.
Putain, c'est cher payé.



La chronique plus cocasse que le livre.
C'est quand même dommage.


Le luxueux selfie de l'auteur.
On comprend mieux.


Mon état intérieur après m'être injecté le tome 2.