jeudi 12 juin 2025

L'horreur existentielle de l'usine à trombones (2)

La peste que les I.A. vont répandre sur le monde est facile à anticiper : il suffit d'observer ce que l’utilisation du GPS a fait au sens de l’orientation : plus personne ne sait lire une carte routière, encore moins se déplacer en ville. Ca va juste être étendu aux autres sens. Notre intelligence sera externalisée, mais restera accessible en ligne, moyennant un abonnement. Et les I.A. génératives, c'est la terreur dans tous les milieux liés à la production de contenus culturels, ça fait peur même aux journalistes de télérama, mais peut-être qu'on en n'est qu'aux balbutiements, que des artistes humains vont apprendre à les utiliser de façon inspirée, que ce qu'on voit aujourd'hui il faut pardonner aux écrans, c'est l'équivalent des premiers films des frères Lumière. Puisque toute l'histoire de l'art est faite d'humains qui s'approprient l'héritage précédent pour le mener un peu plus loin... en fait c'est même toute l'histoire de l'humanité qui est comme ça, on n'a pas reproché à l'inventeur de la brouette d'avoir photocopillé l'inventeur de la roue, alors ça ne sert à rien de s'agacer que les I.A. ne fassent que vomir ce dont on les a gavées. Ce sont des outils, même s'ils sont loin d'être neutres.

Ainsi le récent court-métrage de Raphael Frydman "LA VIE QUAND T'AI MORT" exploite-t'il à fond les artifices et les tics visuels des I.A. génératives à la mode (Midjourney) pour nous proposer une overdose de signaux non signifiants devant laquelle le cerveau commence à fondre et demande grâce, en moins de cinq minutes chrono.


Est-ce parce que l'I.A. cannibalise l'histoire de l'art que ses productions sentent aussi fort la charogne ? ce qui dérangeait déjà dans Prompt, c'était l'absence totale d'émotions devant ce catalogue de fins du monde, débitées d'un ton monocorde en voix off (le ricanement n'est pas une émotion, il est une réaction pour s'en protéger)
"LA VIE QUAND T'AI MORT", avec ses cohortes de défunts condamnés à revoir leur vie dans de petites salles de visionnage pour l'éternité sans pouvoir refaire leurs choix, c'est déjà pas très gai, et plastiquement on dirait l'au-delà relooké par Wes Anderson et Tim Burton, on est rapidement submergé par la surabondance de détails qu'on ne peut intelliger, emportés dans une stase hypnotique audiovisuelle puis rejetés sur les rivages du Grand N'importe Quoi. L'excuse du réalisateur c'est de prétendre que c'est un au-delà imaginé quand il avait 10 ans. Pas mal. Merci à Arte de nous tenir informés de l'actualité de ces artistes qui « collaborent » avec l’I.A. dans leur nouveau magazine de la création IA "PhantasIA".

https://www.arte.tv/fr/videos/123998-002-A/phantasia-2/

attention à la fatigue oculaire
engendrée par ces aliments 
ultra transformés que sont pour les yeux
les images générées par I.A.


Certes, ils seront tondus à la Libération, après l’avènement de John Connor, mais en attendant ils défrichent ces contrées inconnues, et en ramènent des paysages macabres, malaisants et d'une acide poésie
Dans une I.A. il n'y a personne, juste une poignée de tropismes déguisés en perroquets stochastiques. 
Il ne sert à rien de diaboliser l'engin, ni même la perversion des usages qui se dessine dès son émergence.
Toute l'émission est instructive, et il y a un faux making off juste hilarant de "LA VIE QUAND T'AI MORT" dans l'interview de Raphael Frydman à 20'45".

3 commentaires:

  1. Finalement c’est comme l’invention de la kalachnikov : en soi, elle n’était pas si mauvaise.

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  2. Face à l'émergence de l'I.A. je me sens comme face à la kalachnikov. Mon seul impact est celui d'un trou de balle.

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