jeudi 22 juillet 2021

Le petit Steve Roach illustré : Une année 2014

The Ancestor Circle (2014)

On a retrouvé des bandes magnétiques, dont on ignorait même qu’elles fussent perdues. On en retrouve souvent, il suffit d’aller farfouiller dans le cabanon « bandes perdues avec étiquettes illisibles, pour disques inédits » à l’entrée du cany
on Donnie Darko Ambiento, juste derrière l'hacienda de Stevie. Une fois entré dans l’appentis, y’a qu’à se baisser pour en ramasser, le bazar est pire que dans la buanderie de Frank Zappa, dont les successeurs s’arrachent les cheveux et les sous-vêtements depuis 30 ans en découvrant des palanquées de masters improbables derrière des piles de linge sale.
Pour en revenir à The Ancestor Circle, ces bandes retrouvées en 2014 furent enregistrées en 2000 par Steve R. et Jorge Reyes, une semaine avant leur concert de Tucson, dont les bandes sont elles définitivement fichues comme nous l’avons vu dans « Une année 2011 », et se situent dans la veine ethno-chamano-ambient avec une bonne rasade de mauvais trip à l’ayahuesca, mais c’est un peu un passage obligé dans les cérémonies initiatiques, y’a toujours un moment où on tourne de l’oeil quand le chaman nous ouvre le sternum psychique à l’opinel rouillé pour libérer nos énergies. Mais la brochure promotionnelle met plutôt en avant « un rinçage cathartique non filtré du monde technologique et moderne d'aujourd'hui, qui aide à appuyer sur le bouton de réinitialisation de la perception. »
L’apport de Jorge Reyes, comme sur Vine ~ Bark & Spore (2001) et antérieurement sur les deux disques du groupe éphémère Suspended Memories, ce sont les voix de sorcier de caverne électronique, propre à pétrifier le plus endurci des newagers, et son exotique bataclan de flûtes préhispaniques, ocarinas et petites percussions sud-américaines, bien sûr tout cela passé à la moulinette dark ambient prend un aspect un peu angoissant, voire menaçant et chairdepoulogène, quand le vieux sorcier yaqui vous balance ses incantations trafiquées par des chambres d’écho analogiques, sépulcrales et vaudouisées par notre duo de dealers d’absolu sonique, on peut arrêter la drogue, c’est bon, on a trouvé mieux.
Pour peu qu’on se le colle entre les oreilles devant un bon feu de cheminée lors des frimas d’avril, on part assez loin dans les forêts primaires avec ce disque, même si le retour à pied pose, comme toujours, problème. Soyez bienveillant envers les baratineurs qui voudront vous faire accroire qu’il s’agit là d’une offrande cérémonielle aux dieux oubliés, ou les artefacts audio d'une tribu perdue où la préhistoire rencontre la technologie du futur créant un son impossible à dater au carbone 14. Ce sont les gars du marketing qui racontent ça, il faut leur pardonner car ils ne savent pas ce qu’ils vendent. C’est juste la bande-son idéale pour relire Castaneda, délaissé depuis l’adolescence. Un putain de bon disque de chamanisme ambient.


(4/5)

https://steveroach.bandcamp.com/album/the-ancestor-circle

Bloodmoon Rising Night 2 (2014)

Je suis un peu étanche aux oeuvres immersives et/ou purement atmosphériques de Steve. Certes, on se moque bien de mon avis, et moi le premier, qui suis prêt à m’en dessaisir comme d’un complet usagé qui me tomberait des épaules dès que s’ouvriraient les portes de la perception en écoutant le disque et en fermant ma bouche, mais ce qu’on voudrait bien entendre ici, 
et moi le premier, c’est mon expertise, et alors moi je dis que quand commencent à s’étirer des nappes de sonorités célestes ralenties dix mille fois pour que le disque fasse bien 74 minutes 30 au bout du compte, je trouve que c’est un peu abusé, et ça serait pas la première fois que ce monsieur Roach nous ferait le coup.
Pourtant ce Bloodmoon Rising Night 2, conçu dans les jours qui précédèrent la lune de sang du 7 octobre 2014, est ample et majestueux dans le déroulé de ses volutes. Steve y reconnait l’influence des phases lunaires sur son travail, et exprime sa gratitude pour les fins de nuit, qui sont chez lui des périodes d’intense création, périodes pendant lesquelles sa chère et tendre rentre chez sa mère pour retrouver un peu de sommeil. Bien sûr, par chez nous l’entendre parler d’inspiration de « lune sanglante » serait un peu inquiétant, même pour du dark ambient : 

La tétrade en question a pris fin
avec l'éclipse lunaire du 27 au 28 septembre 2015.
Comme quoi je dis pas que des conneries.
on se souvient d’un James Ellroy pas trop dégueulasse affligé du même titre, ainsi que des prophéties bibliques de la Lune de Sang, énoncées par des prédicateurs chrétiens ayant imaginé que la tétrade (une série de quatre éclipses lunaires consécutives - coïncidant avec les fêtes juives - avec six pleines lunes entre les deux, et sans éclipses lunaires partielles intermédiaires) qui a commencé avec l'éclipse lunaire d'avril 2014 signalait Le Début De La Fin Des Temps, comme décrit dans la Bible dans le livre de Joël, Actes 2:20 et Apocalypse 6:12.




comme dans la prophétie de John Hagee,
la série « Bloodmoon » de Steve comportera quatre CD.
Le fait que ces deux prédicateurs fassent partie de la cyber-racaille télévangéliste amerloque et que leurs prédictions d’apocalypse à trois balles aient lamentablement capoté, puisqu’on est déjà en 2021 et que c’est pas plus le début de la fin du monde que si la vérole virale s’était répandue sur Terre en 2020, n’a aucunement entaché ni terni les qualités intrinsèques du disque de Steve, qui reste une méditation lunaire riche en sélénium que n'aurait pas reniée Guy Béart, bien qu'il eut sans doute brâmé dessus des paroles de son cru.

(4/5)




The Delicate Beyond (2014)


Steve se lance ici dans une expérience minimaliste zen-arty, un peu par hasard : en plantant un clou dans une cloison en placoplâtre dans son salon, ce qu’il ne faut jamais faire, celle-ci s’effondre, révélant l’existence d’un vide sanitaire inter-dimensionnel : un riff de piano constitué de deux notes réverbérées à l’endroit autant qu’à l’envers se déploie inlassablement dans l’espace du multivers de notre perception dans l’instant présent qui semble éternel au moins pendant 74 minutes, délicatement soutenu par les « plitch » et les « plouc » de la chute des gouttes d’eau nées de la condensation d’altitude tombant au fond de la grotte après avoir dégouliné le long de stalactites cristallines. Nous n’en dirons rien de plus pour ne pas altérer votre perception de ce Délicat Au-Delà, car la notre se situe bien en deçà. Entendons-nous bien : ça serait chouette si c’était un passage de 3 à 5 minutes sur un disque de Steve « normal ».
Renseignements pris, il s’agit d’une version ultimement délayée, bouclée et étirée à mortel du titre d’ouverture de The Delicate Forever. Je sens qu’on est partis du mauvais pied avec cette série, réservée aux adorateurs béats de « La Note Qui Implique Toutes Les Autres, Et C’est Pour Ça Qu’elle Tourne En Boucle » qui aiment quand la musique de Steve fait l’amour avec le Silence, et Puis Avec Elle-Même, Aussi. Au bout de 44 minutes, alors qu’on commence juste à se faire au Dasein de la boucle, (littéralement « être-là », c’est l'infinitif substantivé du verbe allemand dasein, qui signifie, dans la tradition philosophique, « être présent ») elle s’efface au profit d’une petite horde de séquenceurs égarés émergeant du fond de l’infini pour vaporiser un nuage de notes surplombant la falaise de la Réverb et mimant une petite descente harmonique en rappel le long d’icelle, mais le mal est fait, et le ver de l’ennui est dans le fruit.


(1/5)

https://steveroach.bandcamp.com/album/the-delicate-beyond


The Delicate Forever (2014)


Les aventures répétitives des deux notes de piano du disque précédent reprennent à zéro, comme si elles n’avaient pas eu lieu, et sont suivies de grandes plages de balbutiements glougloutants dans le droit fil tordu des entreprises expérimentales sans garantie de bonne fin : ballets désaccordés de carillons pour porte d’entrée de vétérinaire, choeurs d’appeaux pour méduses à marée basse, etc. C’est très délicat, sans doute, puisqu’il le prétend.
Errements froufroutants dans les limbes du futur. Quelle barbe ! Les petits-enfants de l’organiste viennent s’asseoir et pianoter un instant sur l’harmonium.
Je suis perdu. Je ne comprends pas. On jurerait que Vidna Obmana est de la partie, et qu’elle est sponsorisée par Le choix funéraire. Croyez-moi, si j’avais le choix, il ne serait pas funéraire.

(1/5)

https://steveroach.bandcamp.com/album/the-delicate-forever

The Desert Collection (2014)


Compilation de titres déjà parus ailleurs, avec pour thématique commune le désert, mais sans Jean-Patrick Capdevielle dedans.

Tracks 1 & 5 from "Dust To Dust" (Projekt, 1998)
Tracks 2 & 6 from "Desert Solitiaire" (Fortuna, 1989)
Tracks 3, 7 & 8 from "Western Spaces" (Innovative Communication, 1987)
Track 4 from "The Ambient Expanse" (Mirage, 1998)


https://steveroach.bandcamp.com/album/the-desert-collection-volume-one-2014



Structures From Silence (2014)

(30th Anniversary Remastered Edition)

Ressortie de l’album de 1984 déjà ressorti en 2001. C’est un album historique, paradoxalement assez bruyant pour qui prétend y dévoiler les Structures du Silence, silence qui s’y drape des oripeaux de nappes, qui se travestit derrière des mélodies, et qui fut enregistré il y a bientôt quarante ans.
J’y suis peu sensible; Les deux disques bonus de pièces créées dans un passé récent (2013-2014) et ajoutés pour le trentième anniversaire du Silence c’est Steve Roach faisant du tribute to Steve Roach d’il y a quarante ans en train d’imiter le Steve Roach du futur quand il se remémorerait l’époque bénie du temps des pionniers, je ne sais pas si vous suivez, mais moi non plus.


https://steveroach.bandcamp.com/album/structures-from-silence-3-cd-download-vinyl-lp-cassette-cd-options


The Long Night (2014)

avec Kelly David

Etonnante pièce en intérieur nuit, jouant surtout sur les drones et les bourdonnements dans les graves pour évoquer des ambiances nocturnes. Inspiré et pacifiant, mot que je n’ose jamais trop employer avec Steve puisque c’est le fer de lance de l’argumentaire de ses commerciaux.
Il y a même des trouées de lumières tintinnabulantes, où l’on pressent qu’à la nuit succèdera le jour.
En principe.
La dernière pièce, qui donne son nom à l’album, est magnifique.

(4/5)

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