mercredi 13 décembre 2017

Dans l'enfer d'une terrifiante addiction à la connerie (2017)

Tout se passait si bien, comme dans un de ces rêves éveillés où l'on s'entraine consciemment à se retenir de faire pipi parce qu'on n'est pas certain d'être endormi dans son lit, au bureau dans le pyjama d'FCP Xxx, ou alors aux toilettes  en combinaison de plongée, en train de feuilleter l’exégèse de Philip K. Dick tome 2, le cadeau de Noël idéal pour provoquer une rupture d'anévrisme chez une belle-soeur déjà bien abimée par la vie. Mais restons lucides cinq minutes, le désir de paradis suscite l'enfer, et ça ne pouvait pas durer éternellement. Ma levée de fonds pour écrire la 2ème partie de l'article sur San Pellegrino, qui réclame des moyens intellectuels et financiers bien au-delà de mes capacités actuelles, déjà bien parti pour faire tache (1) date dans les anales et exploser les stats de fréquentation de ce blog  ( humainement inquantifiables par les robots de Google Analytics), avait suscité l’intérêt de nouveaux investisseurs, attirés par l'odeur de croissance à trois chiffres qui émanait de ma start-up tombale, et séduits par l'incohérence de ma ligne éditoriale.


mais l'art du pléonasme
en sort grandi.
Mais j'ai eu une mauvaise surprise en n'ouvrant pas le journal ce matin : parmi mes cinq lecteurs déclarés, de ceux qui flattent mon ego boursouflé au point de prendre soin de ma tombe en mon absence et d'y déposer, qui une fleur, qui un mot gentil, qui un tas d'ordures en prêt-à-déspammer, et qui étaient prêts à mettre la main à la poche pour que perdure mon entreprise indépendante de cyber-presse à scandales sans collusion avec les pouvoirs en place, j'ai appris que deux d'entre eux avaient pris mes récents articles un peu trop au premier degré du pied de la lettre, et s'étaient mis dans une situation délicate vis-à-vis des autorités.


l'espoir renait
"Il dénonce un faux djihadiste"
ce titre de la presse locale effrontément placardé devant la modeste échoppe du buraliste où je venais me ravitailler en fumigènes a attiré mon attention, je me suis retenu d'acheter la gazette qui déclenchait en moi l'irruption du sentiment océanique, (à la place j'ai acheté "America", un somptueux bimestriel propulsé par François Busnel, incluant une interview incandescente de James Ellroy, grand ravagé du polar et de l'ultra-droite), mais je me suis dépêché de rentrer chez moi pour dévorer gratuitement l'article on-line, comme disent les jeunes, le plus souvent sans savoir de quoi ils parlent; nonobstant, une fois atteint le site web du journal local, je me suis heurté à un mur de protection érigé par les terrifiants cyber-cerbères que sont les webmestres de Presse Océan, désireux de me faire débourser 0.19 euros pour accéder à l'article convoité; c'était la Big Looze, comme disent les vieux quand ils rentrent de l'ANPE sans avoir trouvé de travail, et on ne me verra pas mettre trois sous dans la Presse Quotidienne Régionale, ça me ferait mal de prolonger son agonie. 
Je préfère de beaucoup acheter des clopes pour attraper le cancer et pouvoir ensuite regretter amèrement d'apprendre quelques vérités sur le mensonge de l'addiction genre "la cigarette provoque le manque qu'elle prétend combler", phrase bien plus utile à ma santé quand il est bien trop tard et que le pronostic vital est engagé, merci bien et bonsoir messieurs les censeurs de Presse Océan, et chez Ouest-France la situation n'est guère plus brillante.


Les contrats en alternance,
c'est la plaie des rédactions.
Ils sont futés, quand même, les éditorialistes de la PQR, ils rédigent le titre de l'article en une phrase sibylline pour te donner envie d'en savoir plus, et puis toi t'es là, tout émoustillé, t'achètes ton quotidien régional la bave aux lèvres et les doigts tremblants, à tel point que tu fous toute ta monnaie par terre quand l'autre tocard d'emploi aidé te la rend en vrac sur ton billet de 500, ça commence à toussoter discrètement dans la queue file d'attente qui s'est formée derrière toi, maintenant tu sues à grosses gouttes, vite, sortir du tabac et trouver un endroit discret pour assouvir ton insatiable et illégitime curiosité envers le malheur d'autrui, et puis au final, c'était rien que de la réclame, l'article ne contient qu'une histoire navrante de plus, des gens ont laissé la misère intellectuelle et la bêtise dicter leurs lois dans leur chair malchanceuse, comme Tony Meilhon qui jaunit halliday d'avoir tronçonné sa Laetitia, ou Xavier de Ligonnes, ses envolées mystiques chrétiennes, sa famille terrassée et sa fuite au désert de l'Atacama, premier gisement mondial de lithium mais quand on le traverse en 4x4 avec tous les flics de Google Maps et d'Interpol au derche, on a peine à entrevoir les richesses du sous-sol, et puis finalement on n'a jamais su qui avait fait le coup, et tu te retrouves aussi con devant un tel fatras d'absurdités et ta collection de Ouest France que Louis Calaferte devant sa boite à papillons.


"Quelle n’est pas notre déception lorsque nous croyons avoir capturé un spécimen unique de l’espèce et qu’ensuite, avec la connaissance approfondie que nous avons de lui, nous nous apercevons qu’en réalité nous avons bel et bien affaire à ce qu’il y a de plus commun dans le genre.
Pouvons-nous nous expliquer ce qui a provoqué pareille erreur ? Serait-ce par exemple, le charme envoûtant d’un sourire, des lèvres doucement sensuelles écartées sur deux belles rangées de dents joliment plantées, ou l’innocence du regard, sa transparence liquide qui nous portait sans autre question au ravissement chaque fois qu’il se posait sur nous ou, peut-être, l’expression enfantine émanant de cette présence désirable que depuis nombre d’années on se languissait de s’approprier, promesse d’une félicité dont nous espérions les plus délicats émois, les épanchements les plus raffinés, quelque chose d’une indéfinissable séduction qui eût avec bonheur agrémenté nos derniers jours.
Enfin, la pièce a pris place dans nos boites de collectionneur, celles réservées aux trouvailles secondaires, de la catégorie vulgaire dans l’ordre qui est le sien. Pour mille raisons, nous préférons bien souvent même n’en pas faire état auprès des amis que nous avions naguère entretenus de nos recherches ou auxquels, dans notre enthousiasme passionné, nous avions eu la légèreté d’annoncer que nous avions réussi à mettre la main sur un exemplaire de choix.
Sans doute notre aspiration à un ultime bouleversement que nous eût causé une rencontre exceptionnelle est-elle à incriminer ; nous avons cru de bonne foi que l’émotion qu’il nous a été donné d’éprouver à une ou deux occasions dans le passé pouvait miraculeusement se reproduire au terme d’une existence d’une certaine manière vouée aux éblouissements de la rareté.
Contentons-nous des richesses que le hasard nous a allouées et, pour le reste, faisons en sorte d’oublier."
Louis Calaferte, Memento Morilles, et puis ramène du pain aussi, pendant que tu y es.

Bref. 
Tout ça pour dire que deux de mes plus fidèles thuriféraires, membres d'honneur de ma garde rapprochée et correcteurs attitrés de mes fautes de frappe chirurgicales, gardant les yeux ouverts et le doigt sur le smartphone, toujours partants pour me dénoncer à la Kommandantur des Grammar Nazis dans mes pires moments de harcèlements textuels sur mineur.e.es, comme si j'étais le Weinstein de l'écriture inclusive, deux lecteurs géolocalisés sur la commune de Blain (Loire-Atlantique) par Google Keufs et Ouest France, se sont récemment singularisés aux yeux de leurs voisins qui ne se doutaient de rien et des forces de police qui étaient occupées ailleurs, par des comportements inappropriés et pour tout dire déviants et de nature à semer le trouble dans l'ordre public d'une bourgade où il ne se passe en général pas grand chose après 20 h 30, et avant c'est pas très animé non plus, à tel point qu'ils ont fini dans le journal, et tout ça pour quoi ? pour un instant fugace de gloire médiatique qui redore temporairement le blason de la connerie IRL, au prix d'un retour à la case prison pour l'un et hôpital psy pour l'autre, et que je crois les avoir perdus pour un moment;  franchement, ça jette une ombre funeste sur mes opportunités de  refinancement, et ça risque d'hypothéquer mes rapports jusque-là cordiaux avec mes investisseurs potentiels.

En effet, je vous rappelle que la santé économique de mes organes de presse est encore très fragile, et que je ne vis que d'offrandes rituelles psalmodiées sous la lune quand elle est pleine comme une barrique de muscadet, mes annonceurs Google Ads s'étant tous défilés les uns après les autres, même Roc-Eclerc, l'entreprise de pompes funèbres discount qui refacture la mort à prix coutant.

Mais trêve de clavardages, place aux faits, dans leur implacable crudité non cuite :

Comment peut-on en arriver à faire ça ?
hé bien, à une seule condition :
c'est de le faire.

Et d'un.
J'avoue que moi-même, quand je parcours d'un pas pressé mais élégant les couloirs souterrains de la gare SNCF qui me mène à deux pas de mon lieu de travail d'un simple clic sur mon appli mobile, et que j'y croise de jeunes et jolis militaires dans leurs affriolants treillis kaki garants de ma sécurité passagère dans l'enceinte de la station, fusils Famas frétillants d'inaction en bandoulière, bientôt supplantés par leur rival mortel le HK 416 de fabrication allemande, je suis parfois tenté de m'exclamer "Houellebecq Akbar" à la cantonade, histoire d'amuser la galerie marchande et de pimenter mon quotidien morose en me prenant une bonne rafale dans le bide, mais ça risquerait de me mettre en retard au bureau, et j'ai pas mal de dossiers urgents à traiter pour hier au plus tard, alors je me contiens douloureusement, comme dans un de ces rêves éveillés où l'on s’entraîne consciemment, avec le peu de lucidité onirique qui nous reste, à écrire un article encore plus long que les interminables pensums de l'odieux connard sur d'ineptes blackbusters, et je passe mon chemin.

"La différence entre un fou et moi,
c'est que je ne finis pas dans le journal"
(Salvador Dali)



Et de deux. 

Dans le quotidien concurrent, en plus, comme si l'équilibre économique de la PQR n'était pas déjà menacé par le vieillissement du lectorat et la raréfaction des ressources publicitaires au profit des nouveaux supports (tablettes, iPhones, tickets de caisse Super U)
A mon avis, il doit y avoir un manque chronique de lithium dans la nappe d'eau potable de Blain (Loire-Atlantique), que les édiles locaux devraient inscrire urgemment à l'ordre du jour du prochain conseil municipal, au lieu de s'y auto-congratuler sur la splendeur éphémère des Illuminations de Noël qu'ils ont voté à l'unanimité pour en mettre plein la vue dans le noir de leurs concitoyens qui ainsi aveuglés ne risquent pas de remarquer le déficit abyssal des comptes publics de la Communauté de Communes.
Ou alors ça frise au contraire l'accident de surdosage, comme dans cette autre ténébreuse affaire, toujours à Blain (Loire-Atlantique).
Ou alors, la ville entière est construite sur un ancien cimetière indien.
Se faire mettre enceinte
pendant la lecture de cet article
peut nuire grave à votre enfant.

En tout cas, le carbonate de lithium, présent en quantités infinitésimales dans l'eau potable, est prescrit tantôt contre les dépressions, tantôt contre les crises maniaques
Les psys responsables de cette prescription aléatoire en décident toutes les années bissextiles par vote secret à main levée, au cours d'un congrès sur Snapchat dont ils évitent d'ébruiter la date, bien que le port de l'angoisse y soit obligatoire. J'vais vous dire, moi j'en prends du lithium, et ça m'a bien flingué mon versant dépressif, merci les gars, par contre c'est assez peu efficace, as far as I am concerned, contre les petits agacements qui taraudent parfois le bipolaire en culottes longues, sans compter que la notice d'emploi du médicament était truffée de sous-entendus croustillants sur de soi-disant troubles hyper-sexuels, actes de délinquance malveillante et autres accès de dépenses inconsidérées... moi je me contente d'y perdre mes lecteurs, les uns après les autres ils tombent comme des mouches, c'est consternant et pour tout dire un peu décevant, comme Deauville sans Trintignant...

Bref. 
Tout ça pour dire que je ne pourrais pas être journaliste, il faut coller au cul ventre à terre d'une
actualité débilitante dont un pion chasse l'autre, encensé aujourd'hui honni demain, et en plus on est sans cesse soumis à la pression constante des collègues qui furent autrefois de bons camarades mais qui veulent maintenant monter en grade dans la hiérarchie de l'autoroute de l'information le long du panier de crabes de la rédaction mise en surchauffe par les restrictions budgétaires et les coupes sombres dans la rubrique culturelle au profit d'un débat politique à fleurets mouchetés qui ne trompe plus grand monde.


De plus, soyons honnêtes avec nous-mêmes, je serais constamment tenté par la production de billets d'humeur hérités de mon vieux maître Jacques Boudinot, et mon rédacteur en chef, vendu à ses actionnaires et soumis comme un valet du patronat aux annonceurs des régies publicitaires, ces chacals des temps modernes, me tancerait vertement, tant mes articles violeraient allègrement et par tous les orifices les règles de l'objectivité et de la déontologie journalistiques les plus alimentaires, et ma carrière naissante serait alors compromise. Je n'aurais alors guère d'autre choix que de devenir alcoolique, comme tant d'autres de mes confrères en déshérence, camarades d'infortune auprès desquels on a trop souvent tendance à chercher un illusoire réconfort autour d'un fernet-branca de trop après le bouclage de l'édition du soir, et c'en serait fini de mon rêve de devenir Philippe Manoeuvre dans le Métal Hurlant de la grande époque (1975/1981).

Je trouve un peu de réconfort dans la méthode d'Eva Bester, la Madone du Spleen qui n'a pas une tête à faire de la radio, et qui suggère comme remède à la mélancolie de s'engager dans l’action ou l’absurde. 
C'est sans doute ce double conseil que mes malheureux fans ont suivi sans songer aux conséquences, mais ne comptez pas pour moi pour payer les pots cassés.


En panne d'inspiration,
la PQR n'hésite pas à repomper Internet
dans ses pires travers.

P.S. : François-Régis Hutin, fondateur de Ouest-France aux légendaires éditoriaux démocrates-chrétiens auprès desquels Bernard Guetta n'est un pâle ectoplasme, est mort il y a trois jours, pendant la laborieuse rédaction de cet article.
Je veux bien croire qu'il n'a pas fait exprès.
Moi non plus.


Ouest France reprend la main
sur son concurrent en spoilant grave :
l'espoir remeurt,
et en plus il n'était pas un steak !

(1) pour faire tache, contactez Matt Brilland, et sa célèbre peinture qui respire dans le mur.

vendredi 8 décembre 2017

Le dernier San Pellegrino (1)


...mais la musique est bonne, bordel.
Si Serge Prisset ne suçait pas que de la crème fouettée, on peut dire à sa décharge qu'il lui arrivait d'abuser de ses prérogatives parentales.
Il rouait alors son fils de coups, en hurlant "Luc, je suis ton père, descends donc m'acheter de la bière, je meurs de soif". 
Mais une fois rassasié d'alcool, qu'il avait mauvais, il retrouvait l'art de trousser une mélodie, et de greffer dessus les mots bleus qui font mouche, et qui étaient comme du baume du Tigre appliqué délicatement sur les maux bleus du petit, cerclés de mouches tout aussi bleues, mots bleus qui une fois lâchés dans le public pouvaient tout aussi bien lui ouvrir les portes du hit-parade, lui baisser sa culotte et lui faire plier les genoux avant d'y cracher sa purée variété-pop aux grumeaux onctueux et mélodiques.
C'était le bon temps où les chanteurs, y faisaient pas semblant de tout donner, sur scène comme au percepteur.
Y'avait pas d'auto-tune.
Serge appliquait spontanément les préceptes retrouvés dans une interview de Tom Waits mystérieusement disparue du web, ou alors j'ai pas mis les bons mots-clés, où celui-ci disait qu'une fois qu'il avait trouvé une chanson qu'il estimait valable, il lui cassait la gueule, lui brisait les reins, il la noyait dans la baignoire et lui faisait frire les roubignolles à la gégène, pour voir si elle en avait dans le bide, et que si la chanson survivait à ces mauvais traitements, il l'enregistrait telle quelle, toute tuméfiée et sanguinolente, et après ils buvaient un bon coup et se réconciliaient, lui à poil en train de manger du saucisson devant son ordi, elle toute frissonnante dans son tricot de peau de nouveau-né, et un peu intimidée quand même par cette promiscuité plus subie que choisie avec le Grand Tom.
Et le public, après avoir un peu renâclé comme une chochotte, parce que le grand Tom le sortait sans prendre de pincettes à épiler de leur zone de confort, suivait comme des marcassins de Panurge qui font meuh au refrain.
Bref.
Où es-tu maintenant, Serge ?
Je t'ai cherché chez Moon, chez Glücksman, chez Darty, chez les Témoins de Gévéor, chez Apple-Guéri... (j'ai en effet de sacrés problèmes de synchro sous FCP X 10.3.4 qui est parti en sucette depuis la mise à jour 10.13.1 de MacOS High Sierra), chez mon copain Bismarck qui traduisait Pétrarque en turc à Dunkerque pour le compte de Christopher Nolan, mais nulle part ne trouve-je trace de ton passage terrestre, à part sur le site bide et musique.

As-tu rejoint clandestinement le paradis des enculés alcooliques qui oublient qu’il y a un stop sur la RN 82 à la sortie de Jarretière sur Mesu ?

moi je ne mets plus de vin dans mon eau
mais je fais chier personne avec.
Je n'ai toujours pas trouvé non plus le temps d'écouter aucun de tes foutus disques à la con, mais j'ai bien flashé sur les pochettes, et crois-moi, ça suffit à mon bonheur.
Tu sais, des fois on se fait du mal bien inutilement (1) en réécoutant de vieux disques qu'on a aimés, et qui nous déçoivent, après une aussi longue absence, parce qu'on porte encore en soi des attentes émotionnelles sans doute illégitimes, parce qu'on a changé, qu'on a grandi, et que rien n'est plus irrémédiable que la maturité.
On avait pourtant ressorti le vieux rituel hypnotique, on avait tamisé la lumière, enfilé sa nuisette comme pour un rendez-vous intime avec soi-même, posé l'aiguille sur le microsillon, mais dès les premiers flonflons, on sent un grand froid, et qu'on s'était tout à fait trompé, les endorphines restent aux abonnés absents, la fête est finie avant d'avoir commencé.

Quelque part, cette émotion s'était coagulée et semblait nous revenir intacte.
D'un autre côté, c'est une charogne pourrie, comme le note Stephen Jourdain, et sa puanteur nous suffoque.
"Car abuser d' la nostalgie / C'est comme l'opium... ça intoxique." chantait Ferré, qu'on préfère lui aussi lire qu'écouter.
On en sortirait presque brouillé avec soi-même, avant de s'enfiler le grand verre de porto qu'on s'était versé à titre préventif, et qu'on est obligé d'engloutir cul sec parce qu'on a pénétré soudain sur le territoire de l'urgence du soin.

Alors que là, à regretter tes disques à priori navrants que je n'ai jamais entendus, je pense être peinard. A moins de décréter le kitsch comme l'ultime refuge du Beau et du Vrai, et de danser avec les poules comme Kundera et Lipovetski, je suis peinard, la déception, elle ne passera pas par moi.

Si je pouvais en dire autant du dernier San Pellegrino...
Diantre.
Ne serait-il pas regazéifié avec son propre gaz, celui-ci ?

le dernier S. Pellegrino
ressemble beaucoup au précédent.
Je n'en veux pour preuve que cette marque d'eau gazeuze qui lui ressemble comme à une goutte de Canada Dry, qu'il a sorti sous un faux nom d'emprunt usurpé, en trafiquant un minimum de lettres parce que c'était trop cher de tout changer à la Chambre de Commerce.
"S.Pellegrino", faut vraiment nous prendre pour des quiches pour croire qu'on va chuter dans le subterfuge et renoncer à la rupture d'anonymat.
J'habite à la campagne, et je ne reçois donc pas fessebouc, sinon j'irais lui péter la honte sur son wall.

Donc, le dernier San Pellegrino ... qui s'appelle sobrement "San Pellegrino"  comme les 8 précédents opus de San Pellegrino (2), je l'écoute par acquit de conscience.
Comme celui d'avant.
Et celui d'avant.
Et puis je suis un peu naïf, je lui accorde un minimum de confiance.
Il aura peut-être retrouvé l'inspiration, cette fois-ci.
Ouais, et peut-être que Macron va résorber le chômage.



(1) message de notre sponsor officieux, le dalaï-lama :
"Il est des souffrances inévitables, et d’autres que nous nous créons. Trop souvent, nous perpétuons notre douleur, nous l’alimentons mentalement en rouvrant inlassablement nos blessures, ce qui ne fait qu’accentuer notre sentiment d’injustice. Nous revenons sur nos souvenirs douloureux avec le désir inconscient que cela sera de nature à modifier la situation - en vain. Ressasser nos maux peut servir un objectif limité, en pimentant l’existence d’une note dramatique ou exaltée, en nous attirant l’attention et la sympathie d’autrui. Maigre compensation, en regard du malheur que nous continuons d’endurer."

(2) Stéphane Sansévérino, alias Sanseverino, a.k.a San Pellegrino... ce jeu de chaises musicales entre les pochettes d'album et les étiquettes de bouteilles d'eau gazeuse, vous trouvez pas que ça sent la schizoïdie rampante et le trouble identitaire, ou bien ?

(à suivre)
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Je choisis de découper cet article en deux parties, parce que c'est aussi fatigant à lire qu'à écrire, et aussi parce que j'ai besoin d'effectuer une nouvelle levée de fonds de ma start-up pour refinancer l'écriture de la seconde partie, j'ai épuisé mon crédit à la Banque du Sens en écrivant l'article sur Johnny, celui d'avant. et celui d'encore avant. et comme Serge, je suis un peu dans le Rouge.

jeudi 7 décembre 2017

Ah que coucouic !

Johnny, c'était un monument.
Ca ne veut pas dire qu'il était habité. 
Surtout vers la fin.
La plupart du temps, la décentralisation rampante fait que l'Office National des Feux de Forêt en Vrai Bois d'Arbre délègue la maintenance des immeubles les plus vétustes de son patrimoine immobilier et autres chefs d'oeuvre en péril à des sociétés de gardiennage, peu regardantes sur la qualité de la vie socio-culturelle que des intérimaires en voie d'uberisation insufflent aux heures de visite de l'édifice public en y tenant une permanence, sauf les week-ends, les veilles de week-ends, et parfois même les jours qui précèdent les veilles de week-ends.
Ainsi Johnny avait-il été relégué à vivoter frileusement à l'Ombre du Monument Erigé à Lui-même. 
Un peu comme Warsen et sa e-tombe : je fais acte de présence aux heures d'ouverture du cimetière, je ratisse les allées, je donne de petits coups de binette dans les plate-bandes, je redresse quelques stèles branlantes, je lâche une petite giclée de Round-Up à la one again quand personne me regarde, mais au fond, je pourrais aussi bien mettre un polochon dans le lit, personne ne verrait la différence, comme me le disait une amie pas plus tard qu’il y a 10 ans sur un blog tellement hyper-secret que j’en ai oublié l’adresseet j'en viens même à douter de son existence, qui s’est si souvent confondue avec la mienne.
Johnny était devenu le gardien chenu et décati du monument à la gloire de lui-même.
Programme minimum sur toutes les chaines d’info people et drapeaux en berne, après une vie marquée du seau de la débauche, qu’il faut bien rincer entre les orgies sinon ça cocotte un peu et les invités froncent le nez sans oser aborder le sujet de front, mais quand même ça démarre pas sous les meilleures auspices.
Idole des jeunes qui le sont restés trop longtemps, dans un jeu malicieux de renvoi d'ascenseur pour l'échafaud à Jean d'Ormesson (dont j'ai dit tout ce que je m'autorisais à en penser ici, sans jamais avoir lu un traitre mot de sa prose, je ne voudrais pas tomber sous le charme de ce vieux séducteur invétéré désormais vieux séducteur mort invétéré), d'Ormesson devenu depuis trop longtemps l'idole des vieux qui le sont restés trop longtemps, qui nous cassent les burnes à hanter les plateau télé tellement ils ne meurent pas après avoir fumé la chandelle par les deux trous, ils s'endorment un jour et dorment trop longtemps, et l'horloge au salon qui dit oui qui dit non, et puis qui nous attend.
Les voici réunis dans la mort, affection extrêmement démocratique mais en voie d'uberisation, Johnny et d'Ormesson, le premier abandonné par son père âgé de huit mois, le saltimbanque braillard qui se fera chantre mou du rêve américain bien avant qu'il vire aux cauchemars trumpiens sur l'abrogation de l'Obamacare, Johnny légitime héritier d'une de ces familles plus que modestes qui n'ont acquis leur légitimité qu'à force d'abnégation et de renoncements à la précarité rampante, sur fond d'airb'n'béisation de leurs conditions de vie d'enfants de la balle, et d'Ormesson, représentant lubrique et facétieux d'une aristocratie aux abois, suppot congénital de la presse de la grande bourgeoisie qui a toujours soutenu les guerres coloniales et François Fillon, comme le pointera hardiment Jean Ferrat dans l'Huma-dimanche... d'Ormesson et Johnny, ennemis de classe héréditaires mais secrètement copains comme cochons dans l'intimité, celui qui croyait au Ciel et celui qui palpait de la Sacem, dans les rangs de laquelle beaucoup de punaises de bénitier prétendant bosser en sous-main pour le ministère du Blasphème et du Download à la mise en oeuvre de la loi Hadopi réputée inapplicable en l'état, passent le plus clair de leur temps au bureau à surfer sur des sites de fake news  farcies d'hypothèses grotesques taillées sur mesure pour appâter le chaland conspirationniste pour meubler le vide de leurs existences tragiques.

Dans son élégie funèbre à Johnny, Gérard Manchié ne mâche pas ses mots :
"Que reste ici de mon passé
Dans ce caveau frais repassé
L'habit de noce et le carton
De ma langue et de mon menton
L'os.
(...)
Prenez soin de moi si pouvez,
Faites de vos bouches un Avé,
Que Dieu le dépose ou l'apporte
S'il fut seul au pied de ma porte
Close. "

Et Ramon Pipin, leader charismatique injustement oublié d'un groupe phare du rock parodique qui doute lui aussi beaucoup de son existence ces temps-ci, à tel point qu'il croit s'appeler Ramène Dupain, en un terrible trouble identitaire dû à une existence entièrement dédiée au stade spéculaire du miroir médiatique qui déforme tout ce qu'il touche sans même le réfléchir avant de parler, a pressenti en un prodigieux insight dû à ses capacités de channeling hors gabarit, qui feraient passer les mutants du professeur Xavier pour de besogneux hébéphrènes enfilant des perles de Noël dans un ESAT, le devenir de Johnny dans les bardos qui s'étendent au-delà de sa brève incarnation :
"Un beau soir un éclair égaré par l'orage
Frappa de plein fouet son vélo sauvage
il était dans le désert depuis trop longtemps
mais pour Johnny, l'enfer ce n'est qu'un feu de camp."
La rédaction de France Dimanche, qui l'avait enterré un peu prestement la semaine dernière, mais c'était quand même assez bien vu par rapport à leur ligne éditoriale habituelle, peut faire profil bas. L'autopsie simultanée de nos deux monuments (qui sera retransmise en direct sur France 3 jours après) permettra sans doute de révéler pourquoi les jeunes (comme Johnny avait su le rester à grandes lampées d'infusion de placenta de bébés morts transfusés en Suisse) meurent plus jeunes que les vieux (comme Jean, dont il n'est nul besoin que j'exXXXplicite ici les secrets de sa longévité).

Post Mortem Scriptum : 
Hier matin sur France Inter, Nicolas Demeuré célébrait le chanteur mort le moins connu des programmateurs de la station. Il a passé le fameux "poème sur la 7eme rue", qui date de 1970 et qui sera ensuite exhibé en boucle toute la journée à donf jusqu'à c'que la nausée abonde,  comme preuve irréfutable qu’il y avait des traces de vie intérieure dans Johnny. 
Je ne connaissais pas cette chanson, on l'aura compris je ne suis familier ni du bonhomme ni de l'oeuvre, et ne tiens pas à rejoindre la horde des thuriféraires larmoyants, j'ai d'autres chattes à fouetter et une pile de dossiers en retard qui s'accumulent sur mon bureau Empire, s'agirait pas de se laisser envoûter par les sirènes de la connerie cybernétique, qui ont du poil aux pattes sous leurs bas résille, mais en entendant pour la première fois ce fameux "poème sur la 7eme", je me dis "Wow, il emprunte la musique de Zardoz et rappe sur la thématique de Soleil Vert, ah que trop fort le monsieur", mais une fois dessaoulé, je m'aperçois que ces deux films de SF datent de 1974. 
Il y aurait matière à un autre article sur les facultés visionnaires de ces artistes écorchés vifs qui pressentent les tourments d'une époque à venir grâce à leur sensibilité d'éponge imbibée, bla bla bla, mais je n'ai plus le temps.
(l'autre bonne réponse était Johnny Hallyday - Jésus Christ (1970)mais c'est pas grave, vous repartez avec les fiches de monsieur cinéma, et le bêtisier des blagues de Johnny)


Post Mortem Scriptum 2 :

Il y aurait eu un article moins décalé à écrire sur les poncifs journalistiques du "combat" livré par Johnny contre le cancer du poumon. Le cancer du poumon, dû à un abus de cigarettes plus ou moins bien roulées sur une longue période de temps, ne se "combat" pas une fois qu'il est déclaré, mais en amont, dans la reconnaissance du fait que si la dépendance consiste à effacer la douleur par ce qui la provoque, il faut savoir s'incliner pour vaincre, comme le disait le Grand Schtroumpf.
Mais j'étais mal placé pour en parler.
C'eut été la clinique psychiatrique qui se fout de l'Institut Médico-Légal, si tu vois c'que j'oeuf dur.
D'autres reprendront peut-être ce flambeau.
Je l'ai pas déballé, il est flambant neuf.
Le papier kraft commence à noircir.
Faire offre au journal, qui transmettra.
Evidemment, la vrai actu du jour c'est Trump qui reconnait le "Jerusalem" d'Alan Moore comme nouvelle capitale de la littérature mondiale, au mépris du droit international et de Philippe Manoeuvre qui n'a pas fini de le lire, si tant est qu'il l'ait commencé, mais que voulez-vous, l'actualité nécrologique dicte sa loi d'airain, je ne fais pas ce que je veux à la rédaction, encore heureux qu'on ne m'impose pas un symposium sur le statu-quo sur l'aéroport de Notre-Dame des Glandes, toujours en stand-by.



samedi 2 décembre 2017

La dérisoire effervescence des missiles balistiques

Cloudy with a risk of meatballs :
figure 1

L'heure est grave.
Non seulement Trump et Kim Jong-truc s'invectivent comme deux roquets atteints de la rage, et semblent lancés dans un pissing-contest dont l'issue pourrait  sonner le glas de l'humanité toute entière, faisant de nous les otages impuissants mais les téléspectateurs lucides d'une crise de démence comme on en voit dans certains couples pathologiques, dont on ne voit pas bien comment on pourrait envisager la désescalade,  même en fredonnant "les joyeux bouchers" de Boris Vian pour se donner du coeur à l'ouvrage, mais de plus, la concentration en particules plus ou moins fines de cyber-conneries sur ma tombe atteint un seuil alarmant, au-delà duquel on flirte avec la dose létale, pour les lecteurs comme pour le rédacteur, qui il est vrai sont souvent confondus, mais n'empêche.

figure 2

La civilisation étant menacée, j'ai voulu revenir à ses sources, bien comprendre ce qui est en jeu et que nous risquons de perdre en cas de conflagration nucléaire, et, plus fâcheux, si internet tombait en panne.
Je me suis replongé dans l'oeuvre d'un chanteur qui a bercé mon enfance, irrigué mon âme  à tous les âges de ma vie, bref quelqu'un qui, parce qu'il était lui, fait que je suis moi aujourd’hui. 


Je veux bien sûr parler de Serge Prisset, affreusement oublié, honteuse amnésie dont nous partageons tous une part honteuse de responsabilité honteuse et d'amnésie honteuse mais aussi oublieuse, et qui fut lâchement abandonné par ses fans sur une aire de repos des autoroutes de l'information au mitan des années 70, alors qu'il aurait sans doute pu rebondir comme l'a fait Cabrel dans les années 80 en troquant cardigan et fromage de chêvre contre une putain de gratte électrique et nous revenir sous les traits d'un fringant moustachu, nous prophétiser que ça continuait encore et encore, alors qu'il venait de ramer quelques années à bord de sa panoplie de baba du sud ouest.
Serge, permets-moi de t'appeler Sergio, mon ami, parce que j'ai passé trop de temps en ta compagnie, sans jamais te rencontrer IRL, pour ne pas éprouver une chaleureuse et désarmante familiarité avec toi, que je ne demande qu'à partager avec les inconnus qui me liront et je l'espère seront emballés comme je le fus, alors si un jour tu lis ces lignes, je t'en conjure, tu me fais un mail, un comm', un smiley, et même s'il est rédigé comme un spam, je comprendrai, je saurai que c'est toi, et mon coeur sera content.


"Kao Kao", c'est le premier titre que j'ai entendu de toi, et j'en ai été KO tout de suite. Mais c'est surtout la B-side, "Tes lèvres ont le gout du beaujolais nouveau", fredonnée un soir d'ivresse rituelle un troisième jeudi de novembre à la face B de celle qui allait devenir ma femme, face B d'un noir d'ébène de vinyle de 45 tours, qui m'a assuré le succès de ma conquête, et ce n'est que le lendemain au réveil que je m'aperçus qu'elle était blanche et qu'après être arrivé, le beaujolais nouveau est reparti, mais bon, ça peut arriver à tout le monde, je ne t'en veux pas, sans rancune, Sergio, elle m'a fait de beaux enfants, qu'importe leur couleur. 






Le deuxième coup au plexus solaire de mon coeur, tu me l'as asséné avec la face B, décidément ça devient une manie de dissimuler ton génie sur la face cachée des 45 tours, un reste d'humilité maladive héritée des cathos, de "mais si mais si" (si je me rappelle bien, au refrain les chœurs entonnaient "mais non mais non", mais à l'époque tu n'as pu être inculpé, tu avais les flics et les procs dans ta poche) "Ne mets plus d'eau dans ton vin", auprès duquel les brûlots métaphysiques de Gérard Manchié m'ont soudain paru bien fades et insipides.










Vient encore un coup de maitre, "Debout les hommes, au lit les femmes" : tu as décidé d'assumer pleinement et en face A ta filiation avec Sardou, c'est courageux à l'époque où s'épanouissent sous les projecteurs de libidineux gauchistes rive gauche (Le Forestier, Maurice Bénin, Font et Val, le pédophile et le moraliste)










Mais la position que tu occupes alors au hit-parade ne peut être tenue ad vitam aeternam, car quand on est au top, on ne peut que descendre, et tu as fait des jaloux. "L'amour c'est fatiguant" marque le début des désillusions, les difficultés d'érection au réveil se font gênantes, l'élocution est pâteuse, on sent que quelque chose s'est cassé, trop de bon vin et de filles insatiables, que veux-tu, nous ne sommes que des humains et pour ma part je n'ai qu'une vieille pétoire à un coup, il faut savoir se retirer avant la dégringolade du grand escalier.



Ton dernier single, "Colombe ivre", ne convainc personne. La fièvre est passée. Peut-être parce que ton interprétation de la chanson avec un pigeon que tu forces en direct à boire un litre de muscadet avec un entonnoir dans le bec sur le plateau de 30 millions d'amis est un dernier pied de nez courageux mais vain aux biens-pensants de la cause animale qui prennent le pouvoir sur les plateaux télé à la fin des années 70. Si tu fais l'unanimité, comme le proclame la jaquette, c'est contre toi, mais c'est imprimé en tout petit, on peut pas bien lire.



On a de la peine à te reconnaitre, après quelques années d'errance, amaigri par les privations tel un Vernon Subutex avant l'heure c'est pas l'heure, cachetonnant dans "La Nativité", reconstitution sujette à controverse de la crèche du petit Jésus, à tel point que les services sanitaires de la Préfecture feront interdire le spectacle, pourtant haut en couleurs, après seulement deux représentations (le manche à balai n'a pu être inculpé car il était majeur et consentant)
C'est l'époque où je me décide à pousser la porte des Alcooliques Anonymes et faire mes premiers pas dans la spiritualité vivante, la fête est finie, comme le chante Orelsan.


On me dit que de ton côté, tu trouves tardivement la voie de la rédemption chez les Témoins de Gévéor, mais mes nouvelles sont comme moi, elles ne sont pas très fraiches. Il est vrai que si on sait quand on entre chez les Témoins, on ignore quand on en sort, c'est ce sur quoi Coluche voulait alerter l'opinion en s'exclamant de façon imagée comme à son habitude dans sa parabole restée célèbre après son départ trop rapide : "Avec Nicolas, vous y seriez déjà, avec Gévéor vous y seriez encore", juste avant d'être ratatiné par un camion bourré de conspirationnistes en service commandé par les Illuminatis, désireux d'étendre l'empire du compteur Linky sur Terre, car il avait franchi la ligne rouge à moto, qu'il avait pris pour une ligne blanche car il ne sniffait pas que de la coke.


Puisque ta place est restée vacante, Michel Leeb tente alors de capitaliser grossièrement sur ton succès en sortant "Les huîtres c’est comme les filles", préfigurant le rap moderne : sur un tapis de boites à rythmes syncopées et de samples de morues dessalées travaillées au marteau piqueur, il débite son boniment à vitesse grand V : " Les huîtres c’est comme les filles, et c’est les mecs qui doivent les ouvrir / dès ce moment, le mec est considéré comme un moyen (le couteau qui va ouvrir l’huître) / donc ça ne risque pas de marcher. / d’où la frustration / on a juste pété le bord de la coquille, mais l’huître est toujours fermée / si l’huître pouvait voir qu’elle a en face d’elle un individu, un vrai, ça irait beaucoup mieux. / et vice-versa / si les mecs arrêtaient de voir les nanas comme des poubelles où déverser leur frustration / ça irait mieux aussi, Yo ! "
Mais le public ne suit pas, et c'est l'échec.
Néanmoins, les années passent, et ton souvenir demeure.
Quand j'entends ton "goéland" massacré par les ex-gauchistes de Canal + à 24'30'' de ce pot pourri des riches heures de la variété française, j'enrage.
Et le binoclard à 11'17'' est énorme.
Surtout quand il revient à 12'39''.


L'OEIL DU CYCLONE - 105 > POT-POURRI from alain burosse on Vimeo.


C'est pourquoi je tenais à rétablir la vérité ce soir.
Enfin, au départ je voulais juste faire une blague méchante sur un mec qui porte ton patronyme et qui travaille dans une station de télévision régionale, qui s'est mis lui-même
Il jouit d'une dispense papale depuis 137 ans,
et pourtant ils schlingue le Scout mort
dans tout le Super U.
au ban de la société qui l'emploie et de ses collègues de bureau, tel un curé nantais qui arpenterait les couloirs de la station de télévision régionale avec une démarche étrangement chaloupée avec les mains croisées sur son giron en arborant l'énigmatique sourire de l'autosatisfait alors qu'il n'est même pas fichu d'envoyer les images de sa caméra en 4G quand il est au fin fond de la Loire Atlantique et qu'on est à la bourre pour l'édition du soir, un curé nantais dont il ne faudrait pas faire un fromage malgré sa chevelure à la Châteaubriand et son air pénétré de relents de laïcité lubrique et revancharde sur le clergé breton, un curé nantais dont les Vatican Leaks révélées par 60 millions de cochonsmateurs ont pu nous informer au péril de la vie de leurs sources que s'il avait un goût de scout, c'était du fait de son penchant avéré pour les gastronomes en culottes courtes, mais j'ai été un peu dépassé par mon élan, tout en sublimant mon agressivité,  et puis qui serais-je pour le juger, désolé, mais ça fait du bien par où ça passe.


Remerciements crédits images :
http://www.encyclopedisque.fr/artiste/3811.html
j'ai même pas la force de l'écouter je vais au lit.



mercredi 29 novembre 2017

XTC – Black Sea (1980) [Steven Wilson Mix] (2017)


Black Sea (en tout petit)



Où en étions-Nous avec XTC ?

Rappelez-vous que Nous en avions jusqu'alors une connaissance extrêmement fragmentaire et subjective, de la même façon que le cucugnanais de Francis Masse ne concevait les Parisiens que de façon très floue.

Souvenez-vous : en 1984, lorsque nous découvrons l'album, nous sommes Parisien. 
Du 13ème, en plus. C'est pas banal. Notre représentation du monde est tout aussi anamophique, et vue du navire des pirates de Masse, l'Angleterre d' XTC est plein de Suédoises, mais elles restent inaccessibles. Nous franchirons pourtant le Channel, mais de Suédoises, bernique.


Nous flashons à mort sur Complicated Game, le dernier titre du premier album d' XTC, une sombre histoire de raie au milieu pleine d'un humour absurde et désespéré comme seuls les Anglais savent en écrire, sauf Rick et Morty.
(A little girl asked me should she part her hair upon the left, no
A little girl asked me should she part her hair upon the right, no
I said it doesn't really matter where you part your hair
Someone else will come along and move it and it's
Always been the same
It's just a complicated game)
Nous en tirons une inépuisable mine de selfies antidatés à base de prises de vues narcisso-yepes de notre liaison dangereuse avec une cousine anorexique, dont nous nous demandons parfois si nous avons fini par nous en remettre; car comme le dit Eva Bester sur France Inter, la Madone du Spleen qui n'a pas une tête à faire de la radio, « le chagrin amoureux est le pire de tous les deuils, car la personne concernée est encore en vie ».
Ca serait pas très futé de prendre cette remarque (au demeurant frappée au coin du bon sens) au pied de la lettre, et d'aller finir ma cousine à la hache maintenant, trente ans après.
Elle a refait sa vie, et s'occupe très bien de ses non-enfants.
A écouter la mutine Eva, la rédemption [des affres de la mélancolie, cet état d’âme « assimilé au génie pendant l’Antiquité, ensuite à la folie, aujourd’hui à la maladie maniaco-dépressive »] serait dans l’action ou l’absurde. 
Au point de s’être fixé elle-même une règle : inventer systématiquement une phrase insensée pour clore l’émission.
D'accord, alors, on va plutôt faire ça.
Devis gratuit, travail soigné.
Histoire de pas finir dans le journal.


Non, pas celui-là.
L'autre.


Voilà. 
C'est mieux.


En ce qui concerne XTC, suite à cette rupture amoureuse, alors que la Madone du Spleen n'est encore qu'une vague lueur dans l'oeil de son père quand il regarde sa mère, Nous perdons ensuite connaissance ainsi que tout intérêt pour la musique enregistrée, jusqu'en 1989 et la sortie de leur album Oranges & Lemons alors encensé par Philip "Tactical" Manoeuvre, le Grant Morrison de la rock critique. 
1992 perce sous 1989, et c'est déjà leur avant-dernier chant du cygne : l'extraordinaire "Nonsuch".
25 ans s'écoulent comme qui rigole.
2017 : Steven Wilson, qui a tellement remixé King Crimson qu'il croit désormais s'appeler Steving Crimson, ne sait plus à quel Saint se vouer pour relancer sa carrière d'animateur de MJC de vieux dans les résidences médicalisées pour seniors cyberdépendants qu'il écume de l'Ecosse au Japon, tant que la situation en Corée n'est pas stabilisée.
Coup de génie ou suggestion discrète d'un producteur lui aussi aux abois depuis l'affaire Weinstein, Stevie décide alors de remixer tout XTC.
Et c'est comme ça que je découvre Black Sea, album pop acidulé aux riches textures sur lesquelles je vais pas épiloguer vu comment je viens de me retourner un ongle, dont les différences avec le mix original ne peuvent me sauter à l'oreille vu que je l'ai pas tellement écouté à l'époque, que le mp3 c'est de la merde et que je suis bourré d'acouphènes. 
Mais qu'importe le flacon.


Si vous voulez entendre sa conclusion ébouriffante de conclusion concision, c'est là :



samedi 25 novembre 2017

Steve Roach - Darkest Before Dawn (2002)

Tout comme votre humble serviteur, Steve Roach a beaucoup produit sans être toujours entendu par les pouvoirs en place.
Je pense à des opus comme "A Deeper Silence", resté scandaleusement confidentiel et relativement inaudible, ou encore "Structures From Silence", le triple album maudit par ma femme et par les marchands de sommeil qui jusqu'ici écoulaient leur came comme qui des p'tits pains dans les angles tranchants des cités exilées au large du business.
"Darkest Before Dawn" risque une fois de plus de faire grand bruit chez les sourds pas mal d'ombre aux lobbys pharmaceutiques et autres dealers de black-out.


Véritable pavé en mousse ricochant muettement sur la mare gelée de l'insomnie, "Il fait toujours plus sombre juste avant l'aube, et en plus on n'y voit que dalle" se distingue par sa sobriété instrumentale et ses vertus curatives sur le manque de sommeil.
Steve est parti du sample d'une chaudière à l'arrêt grossi 20 000 fois à l'aide du microscope électronique offert par ses parents pour son 8ème anniversaire afin de lui permettre de réaliser son rêve secret (délivré par un garagiste-chaman de Tucson au cours d'une transe rituelle d'exorcisme de boite de vitesse) : observer la vie intérieure des cailloux de l'Arizona, et nous entraine dans une sarabande sonique à couper le souffle puisqu'il fait du surplace pendant tout le disque.
Si vous trouvez ça pénible et/ou besogneux, vous pouvez toujours écouter le dernier Manna, sorti en 1998, (on attend le prochain pour 2076) fulgurant brûlot de trip hop ambient électro-dub produit par deux inconnus qui le sont restés à l'heure où nous mettons sous presse.

mercredi 22 novembre 2017

Manna - 5:1 (1998)


"Mr. Echo, go to hell.
This is Manna from heaven."

(in ze wonderfoul mouvie Robinson Crusoe On Mars, que je vous recommande)
Manna
Sérieux ?
comme la Manne Céleste ?
Celle Qui Tombe Quand On Ne l’Attend Plus ?
Sérieux ?
Pas comme dans "Je ne m'attendais à rien et je suis quand même déçu" ?
Sérieux ?

Enfourchons donc notre mobylette quantique pour aller y voir de plus près.

« The Sheffield-based duo Manna consists of Jonathan Quarmby and Kevin Bacon. »


Kevin Bacon ?
LE Kevin Bacon ? 
Sérieux ? 

En tout cas, on trouve très peu de traces d'eux sur Internet.
Et plutôt anciennes. Quasiment fossiles.
" Coming from diverse musical backgrounds, Jonathan and Kevin have credits as producers, writers and musicians on records released on Elektra, Polydor, Wau! Mr. Modo, BMG and Island, (...) It is when working together on their own music however, that they can indulge their personal idiosyncratic tastes (...) Strange combinations of samples and Oberheim and Prophet 5 sounds are mixed with old noisy boxes such as the Synthi HiFli, routed through forgotten hi-fi processors of the seventies. Recorded totally without multitrack tape, the tracks were mixed as they were being written — no going back.
For live performances Manna are helped out with the addition of E-bow guitar player Clive Dutch, the Synthi HiFli used to the full and a range computer and video graphics. Visitors of the Ambient Weekend in 1995 at De Melkweg in Amsterdam who saw the band's debut live performance, will vouch for their amazing potential." 


Crottalors. 
Ma mobylette quantique n'a pas assez d'essence pour atteindre 1995 et aller voutcher à Amsterdam, mais c'est pas faute d'essayer.

Si je fais traduire le paragraphe par les petits pakistanais sous-nutris que Google a dissimulés dans mon ordi, ça donne à peu près ça :
Frais émoulus de l'école de Leftfield, avec encore leurs petits cartables sur le dos, bourrés à rats morts de breakbits et d’oranges à mère, les jeunes surdoués se lancent dans un downtempo bipolaire, alternant les trucs assez énervés avec les morceaux plus contemplatifs, à base de beurre au sel doux.
Malheureusement, tout le monde ne peut connaitre le succès de Massive Attack, il faut qu'il y ait des vainqueurs et des vaincus, l'Histoire ne repasse pas les plats et la place est déjà prise, laissez un CV, on vous maigrira, je ne vous raccompagne pas, vous connaissez le chemin.

Manna a sorti un album très confidentiel en 1995, trois exemplaires vendus dont un à la mère du batteur, puis celui que vous tenez entre les yeux en ce moment en 1998, et puis bonsoir Clara.
Ils se terrent depuis dans le Réel, sous les pseudonymes soigneusement floutés de Kevin Bacon et Jonathan Quarmby (ils ont échangé leurs identités, même si leurs gonzesses ont un peu râlé au début, au bout de 19 ans ça se passe mieux, on apprend à mieux se connaitre et on fait des compromis pour sauver le couple et ne pas se retrouver dans la galère de la garde alternée et des factures impayées)



La seule photo d'eux que j'ai trouvée sur le Net.
Le mec chauve du milieu semble implorer, tourné vers le Ciel :
"Maman, tu veux pas m'en acheter un autre ?" 



Et pourquoi ça n'a pas marché pour Manna ?
Ils avaient tout pour plaire : la puissance de feu, la profondeur du son, une certaine suavité, 960 MB de samples implacables déclenchables à distance d'un simple clic par le biais de la TR-77, et une chronique dans les Inrocks qui n'était pas signée Phil Manoeuvre, et qui m'a contraint à me précipiter chez le bougnat du coin pour acquérir la précieuse galette.
Pour éclaircir le mystère, nous nous sommes rendus sur Amazon en caméra cachée, où nous avons recueilli ce commentaire lamentable d'un internaute éclairé, mais pas au point de savoir que ça filmait :
"This album surprised me. It's an eclectic mix of Lounge, Rock, and new age."
Un autre nous a déclaré tout aussi benoitement :
« It reminds me of Massive Attack's Protection in some ways, with some Vangelis thrown in here and there ».
et un petit dernier, pour la route : 
"If you're in a mellow mood, I highly recommend this album. Get a glass of wine (or whisky on the rocks) in a darkened room, relax, and enjoy the mix."
Et voilà pourquoi autant d'audiophiles pourtant chevronnés se retrouvent 20 ans plus tard à faire la queue aux Alcooliques Anonymes.
Le pauvre garçon ne fait même pas mention d’un climat changeant tout au long de l'album, tantôt emprunté à Twin Peaks, tantôt à la voisine d'en face, parce qu'elle nous avait emprunté le beurre au sel doux(1) la semaine dernière, on se rend des petits services, on essaye de maintenir un semblant de vie sociale quand le quotidien se lézarde.
(1)vérifiez que l'étiquette comporte bien la mention "à base de sel doux issu des marais de Guérande et ramassé à la main et à la sortie de l'école par des paludiers selon une méthode artisanale millénaire mais on vous dira pas comment on fait sinon vous allez délocaliser l'usine en Pologne"
Tout cela m'évoque cet ethnomusicologue parti dans des contrées lointaines accomplir une quête mystérieuse de chercheur financée en sous-main par le CNRS sur des comptes rémunérés à 230 % aux Iles Crocodiles, qui avait fait écouter la cinquième de Beethoven à des Papous qui n'avaient jamais vu un magnétophone de leur vie, et qui lui avaient dit après écoute "ben on n'entend que le tambour, et en plus le gars ne joue pas terrible". 
Ce qui prouve combien notre perception est conditionnée par notre culture.



Poursuivons notre exploration des insondables trous noirs du marché du disque, dont certains sont imberbes et pour tout dire flirtent dangereusement avec l'âge légal du harcèlement.
L'insuccès de Manna est très bien disséqué par Dan Merkur (un des 99 noms d'emprunt de Phil Manoeuvre) dans "The Mystery of Manna : The Psychedelic Sacrament of the Bible" :
Pour réussir dans ce métier, il faut coucher. 
Avec Dieu si possible, et sans tripoter ses Saints, ils prennent 10 % de commission, partent en s'essuyant dans les rideaux, et ne font pas du tout avancer votre dossier. 
Mais si la Rencontre a lieu, au-delà de la barrière de l'égo, au-delà de la réification du Tout Autre et en accomplissant sa réintégration intime en tant que Sujet Désirant, on peut décrocher le super-bingo au Top 50.
Je demande à voir, car tant d'hypothèses hasardeuses ont fleuri dans des ouvrages pourtant rédigés par de fins lettrés, qui furent balayés comme foetus de papaye par l'avènement  de Dan Simmons Brown et d'Internet, que je demande à voir.






A moins que nos deux comparses, après avoir légèrement abusé de la Manne Céleste, dont les vertus psychotropes ne sont plus à démontrer, se soient perdus dans le Triangle Des Bermudas chanté par Jules Etienne, dans lequel il ne fait pas bon se promener sans un short de rechange.

« Il vaut mieux que ça sorte par le chakra du haut que par celui du bas, croyez-en ma vieille expérience »
(Kevin Spicy dans une saison non diffusable de House of Crades.)



Quand à moi, j'ai beau réécouter le 5:1 de Manna, que j'alterne avec le Triangle Des Bermudas à donf' en passant l'aspiro à trois heures du matin, en espérant un signe autre que ce mot d'adieu rageusement griffonné à la bombe fluo sur la commode du salon, rien. 
La Nuit Obscure de Saint-Jean de la Croix et la Bannière web, dans le désert, depuis trop longtemps.
Aucune révélation sur Manna.
J'ai plus qu'à attendre la nuit à l'ombre de l'usine, 
en feuilletant ma vie comme un vieux Magazine
comme disait Jean-Patrick.
Néanmoins, soyons beau joueur, il me reste le disque pour pleurer.



la pochette du disque

















le disque


https://www.mediafire.com/file/octbidgopbnwhg7/5_1.zip



l'affiche de Robinson Crusoe On Mars, en mieux.


P.S : un plaisantin a cru bon de mettre en ligne sur Youtube un titre de l'album en y incluant des images de son cru. 
J'espère qu'il aura le bon goût d'aller de lui-même se dénoncer à la Kommandantur sans espérer que je fasse le sale boulot à sa place.