Dans la volupté indicible et d'une actualité sans cesse renouvelée (en tout cas jusqu'à aujourd'hui) de l'éternel instant présent, je découvre le foreverisme (à ne pas confondre avec l'éternalisme d'Alan Moore) grâce à Télérama.
Si vous n'êtes pas comme moi un abonné Premioume® du magazine, qui se veut une déclinaison des Inrocks à destination des boomers blancs racisés intersectionnels et fétichistes,(1) en plébiscitant à tout prix des artistes issus de la diversité, quitte à faire fi de leurs qualités artistiques intrinsèques, vous n'aurez pas accès à l'article en entier, que je vous forwarde.
En 2012, le critique musical britannique Simon Reynolds publiait Rétromania, un essai dans lequel il interrogeait l’obsession de la pop music à recycler son passé au lieu d’inventer un avenir. Treize ans plus tard, le philosophe américain Grafton Tanner s’est penché sur cette crise de nostalgie aiguë qui semble frapper toujours plus la pop culture. Il en a tiré une conclusion contre-intuitive : la rétromanie aurait été remplacée par une autre force marketing — le « foreverisme » —, un passé transformé en présent perpétuel plus lucratif encore pour les industries culturelles. Il s’en explique.
À première vue, le foreverisme ressemble à une version extrême de la rétromanie…La nostalgie est une émotion humaine. Tout le monde y est plus ou moins confronté, en réaction au changement ou au temps qui passe. La rétromanie cherchait à susciter des sentiments nostalgiques chez les auditeurs. À l’inverse, le foreverisme redémarre le passé pour l’enfermer et en saturer le présent afin qu’il ne manque plus à personne. Au fond, le foreverisme veut détruire la nostalgie. Il s’inscrit dans une longue lignée de discours qui, tout au long de l’histoire, l’ont combattue. Le terme « nostalgie », inventé en 1688 par un étudiant en médecine, Johannes Hofer, décrivait au départ une maladie mentale à vaincre. L’armée pensait qu’elle démotivait les troupes. Et contrairement à ce que certains pourraient supposer aujourd’hui, les sociétés capitalistes ont une véritable aversion pour cette émotion qui incite les individus à la réflexion, à la pause, au souvenir ; plus rarement à travailler ou à produire.
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| Les Covid triplet foreverism sisters : "Viens jouer avec nous, Danny. Pour toujours, et à jamais." Oui, et fais voir ton passe sanitaire, aussi. |
De quand date l’invention du foreverisme ?Le terme a été popularisé en 2009 par TrendWatching, une publication de conseil en marketing. Il s’agissait de donner la priorité aux expériences durables (le forever, « pour toujours ») afin de répondre à l’obsession du marketing pour les expériences éphémères et uniques (le now, l’instant présent). Au cours des années 2010, cette approche est devenue une stratégie viable dans les secteurs du divertissement, de la technologie, de l’automobile et de la consommation.
Auriez-vous des exemples ?Les groupes de rock qui continuent sans un seul membre d’origine, l’expansion des « univers cinématographiques » de superhéros à succès comme Marvel. Les sociétés de production relancent de vieux récits mais, surtout, font durer ces histoires afin d’intéresser les fans le plus longtemps possible, et en tirer davantage de profits.
Aujourd’hui, beaucoup de gens pensent vraiment qu’aller de l’avant, c’est aller en arrière.On a le sentiment que le foreverisme naît avec Internet…Pas exactement, mais il s’est développé parallèlement à la croissance de la technologie, en particulier lorsque les sociétés de divertissement ont multiplié les redémarrages de franchises (reboot), et que le streaming est devenu le modèle économique. Grâce à lui, Disney a rendu son catalogue accessible en permanence, après avoir utilisé la rareté pendant des années, pour vendre ses nouveaux films : des versions contemporaines de ses classiques.
Le foreverisme est-il une nouvelle version du conservatisme ?Cela sert ses intérêts, c’est certain. Quand il s’agit de pop culture, on se dit que cela n’est pas très grave. Mais en matière politique, c’est plus inquiétant. La foi dans le progrès a été ébranlée au XXᵉ siècle, alimentant le discours foreveriste. Mais paradoxalement, le discours progressiste avait lui aussi combattu la nostalgie, en refusant d’accepter cette émotion qui ralentissait le progrès. D’une certaine façon, Donald Trump a joué avec. Il a dit : « L’avenir n’est plus dans le progrès ? Très bien, rapportons le passé dans le présent et faisons en sorte qu’il ne nous échappe plus jamais. » Aujourd’hui, beaucoup de gens pensent vraiment qu’aller de l’avant, c’est aller en arrière. Même si cela est impossible. Car l’illusion foreveriste se situe là : le passé disparaît en réalité. Et personne ne peut rien y faire.
Foreverism. Quand le monde devient un jour sans fin, de Grafton Tanner, éd. Façonnage.
Il me semble que le foreverisme, dans ses efforts marketing frénétiques pour nier la réalité de l'impermanence de tous les phénomènes, ne fait qu'exhiber son propre échec en tant que simulacre; qui va voir en concert The Australian Pink Floyd ou Queen Extravaganza (le groupe de reprises officiel de Queen), se raconte à lui-même le mensonge d'être confronté au Vrai plutôt qu'à l'ersatz. (au fuck simulé, lol). C'est pas un crime, et grand bien lui fasse, s'il tire un plaisir sain d'une croyance qu'il sait erronée. Je ne lui jetterai pas l'abbé Pierre, je me tape bien Alien : Earth en espérant que Noah Hawley, brillant showrunner des séries Legion, Fargo et The Unusuals, retrouvera le lustre du Ridley Scott d'antan qui avait magnifiquement épouvanté ma jeunesse avec le premier Alien. La grâce des première fois. Face à l'épuisement des imaginaires, la tentation est grande de réinvestir des formes anciennes, et de voir si on peut les remplir d'espérance nouvelle, comme disent les chrétiens charismatiques.
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| John Warsen dénonçant les mirages du foreverisme sur une plage californienne (droits réservés © 2008) |
Il y a aussi la difficulté à être dans l'ici et le maintenant, qui rend sans doute sensible aux sirènes vérolées et putassières du foreverisme. Oh putain, c'est beau, ce que je dis, mais faudrait que j'aille au Super U avant qu'ça ferme, c'est déjà scandaleux qu'il soit ouvert en matinée le jour de l'assomption, mais autant en profiter.
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(1)j'ai entendu hier une journaliste décrire en ces termes peu flatteurs les gars pâlots affligés de préférences sexuelles exotiques, et bien sûr ça m'en a mis un coup.
[ Mise à jour du 17 Aout ]
Je découvre une référence au foreverisme dans l'excellent quoiqu'effrayant article d'Olivier Ertzscheid
Selon le journal Les Echos, l'IA serait prochainement mise à contribution pour cloner les comédiens de « Caméra Café » et générer de nouveaux épisodes de la sitcom, en les "modernisant". Qu'avons-nous fait pour mériter ça ? Les enjeux techniques, éthiques, juridiques et économiques de cette foreverisation sont aussi abordés, et ça fait trop peur, qu'on se le dise.
L'article renvoie ensuite vers Usbek & Rica :
https://usbeketrica.com/fr/article/comment-nous-sommes-devenus-incapables-d-eprouver-de-la-nostalgie
et évoque l'instrumentalisation politique de la nostalgie par Trump et ses sbires transhumanistes, à vous dégouter d'éprouver ce doux sentiment pour toujours et à jamais. Et tout en bas de l'article, une vignette du barde de Northampton (celui qui finit ficelé avec un baillon sur la bouche dans les banquets de Grands-Bretons à la fin des albums d'Astérix en anglais) renvoie vers son interview, qui attribue la mort de la contre-culture à l'arrivée d'Internet, et en vient à postuler que " peut-être que le meilleur espoir pour l’avenir, c’est que la nostalgie actuelle finisse par mourir avec les personnes nostalgiques, et que dans le futur, personne ne regrette Donald Trump, Vladimir Poutine ou la pandémie..." Encore faudrait-il que demain advienne. Avec le foreverisme, c'est de moins en moins probable. " Demain n'arrive jamais", c'est pas le titre du prochain James Bond, ce parangon de la fiction foreveriste ? Pour toujours et à jamais, qu'on vous dit.


Il y a de fortes chances que la journaliste en question ne trouve que des défauts aux mâles circasiens, donc inutile de se prendre la tête, quelque soit leurs actes et leurs bontés. Du coup, c’est bien Alien sur l’Earth ? C’est De Niro qui avait un mot assez drôle sur "c’était mieux avant". Il parle à sa femme : « Quand j’étais jeune, j’avais une petite télé pourrie, un apart miteux et une jeune femme ravissante… Où est-ce que tout ça est passé ? ». Réponse de la daronne : « T’inquiète pas, je vais te mettre un procès en divorce au cul et tu vas retrouver tout ça bien vite. » Bon, à la louche.
RépondreSupprimerNesrine Slaoui, la journaliste en question, s'exprimait de façon remarquable sur Inter ce midi-là.
Supprimerhttps://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-debat-de-midi/le-debat-de-midi-du-jeudi-07-aout-2025-9426113
Faudrait que je prenne le temps d'emprunter un de ses livres, ça c'est facile, z'et de le lire, ce qui l'est moins.
Elle utilise des mots qui m'énervent, comme la "misogynoire", contraction entre "misogyne" et "noire". Ou encore "l'arabisogynie" terme qu'elle propose pour désigner le cumul des discriminations misogynes et arabophobes. Mais où c'est qu'on est rendus ? le dialogue entre les sexes me semble durablement fichu.
Concernant Alien : Earth, j'ai fait une overdose de films d'horreur, je vais attendre d'avoir quelques épisodes, et peut-être même toute la série, dans 6 semaines. Je ne suis pas en manque de films et de séries en retard.
La femme à De Niro, elle vend du rêve. T'as pas son 06 ?
Fargo, c’est quand même du lourd, je vais jeter un œil sur ce Alien. Pour le numéro de la femme de de Niro, il faut que je demande à Bob.
SupprimerEt je rajoute du vent parce que j’ai oublié de m’abonner aux réponses. Ah si, je me suis découvert une passion pour les jeunes qui postent sur Yout des vidéos où ils découvrent Pink Floyd.
RépondreSupprimerRoger Waters dirait "c'est dur d'être aimé par des (jeunes) cons". T'as pas lu la série d'été dans le Monde sur les 50 ans de Wish You were Here ?
RépondreSupprimerhttps://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2025/08/12/les-tensions-entre-roger-waters-et-david-gilmour-la-face-cachee-du-succes-de-pink-floyd_6628548_3451060.html
La catastrophe qui s’est abattue sur Pink Floyd, c'est le succès. Ils ne s'en sont jamais remis. Leur musique non plus. Dieu nous en préserve !
Le succès quand on est jeune permet de s’acheter de la drogue à sniffer sur des péripatéticiennes des pays de l’Est et de s’offrir un bel appart à Paris. Quand on est vieux, ça permet de ne pas stresser pour sa retraite et continuer à avoir une vie sociale. Je veux bien du succès. Ben, non, je ne suis pas abonné au Monde (et je le regrette).
SupprimerJ'ai pu moi aussi caresser le fantasme de sniffer un rail de coke sur le cul d’une pute black à l’arrière d’un taxi newyorkais (je vais écrire à Nesrine Slaoui pour lui demander de m'aider à reformuler cette proposition à la sauce intersectionnelle) et je connais des gens plus ou moins célèbres qui a une époque de leur vie ont pu sortir avec des gourgandines et se mettre de la farine plein le pif, mais ça ne les a pas rendus plus heureux. Evidemment, c'est ce qu'ils disent après-coup, sur le moment on est un peu jaloux.
RépondreSupprimerJe vois que tu stresses pour ta retraite, je ne peux pas faire grand chose à part compatir, pour moi ça se passe mieux que prévu, même si j'ai sans doute perdu de vue l'essentiel. Dont je ne peux pas parler, vu que je l'ai perdu de vue.
Veux-tu que je t'envoie les articles sur Pink Floyd en mp ?
Ah c’est casse-pied d’être obligé de choisir son profil sur Blogspot pour causer. C’est gentil, je ne veux pas pirater le Monde qui tente de faire survivre le journalisme dans ce qu’il a de plus beau.
Supprimerah mais c'est pas du piratage, dans le cadre de mon abonnement j'ai le droit d'offrir des articles à des personnes de mon choix triées sur le volet. C'est complètement casher. Par contre, c'est sans doute difficile de garder son sérieux de journaliste quand l’appel d’Emmanuel Macron à reconnaître l’Etat de Palestine « alimente le feu antisémite », estime Benyamin Nétanyahou sur la page d'accueil du grand journal du soir, comme on disait dans le temps vu que le Monde paraissait le soir.
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