Malik, pseudonyme sans malice du dessinateur d'Archie Cash, est mort, au lendemain du Grand Départ de Richard Corben pour le monde de Den. A moins qu'ils ne rejoignent tous deux Hellboy aux Enfers pour avoir perverti la jeunesse chrétienne de gauche. La veuve Corben n'a pas communiqué sur les circonstances du décès de feu son mari (l'expression révèle néanmoins un indice, assez mal caché) mais Malik s'est consumé dans l'incendie de sa maison de Bruxelles, il y a aussi un indice, je n'insiste pas.
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L'oeuvre à gauche et l'auteur à droite. Accablant, non ? Qu'on ne vienne pas me me dire après ça que les Eurasiens ne sont pas fourbes, avec cette manie du selfie déguisé sous leurs travers de porcs narcissiques. |
Archie Cash faisait tache, dans le Spirou du début des années 70.
Archie Cash, c'était trash.
Qu'est-ce qu'il a fait de moi, Archie Cash ?
Cette lecture pernicieuse et violente ne passait pas inaperçue dans le journal du groom bruxellois. C'était plutôt comme un coup de tatane dans la gueule, comme mettre à tâtons deux doigts dans la douille de l'applique quand on a oublié que papa n'a pas encore remplacé l'ampoule, comme un bubon fiévreux et obscène incrusté dans l'océan franco-belge hebdomadaire de bande dessinée politiquement correcte infligé à mon cerveau d'enfant par un style graphique dont j'apprends qu'elle s'appelle
l'école de Marcinelle, caractérisée par des dessins caricaturaux, des gros nez et des bulles arrondies, en privilégiant toujours l'humour gentillet et la bonne volonté.
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Un des plus gros travers de l'école de Marcinelle : l'intellectualisme, qui donnera naissance à la macro-rhino-épistémologie (ci-dessous).
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Heureusement, Archie Cash ne s'encombrera pas d'autant de salamalecs avant de distribuer des sandwichs aux phalanges ou de défourailler à la M-16. |
Heureusement que je ne suis pas complotiste :
dans sa nécrologie, le journaliste du Monde commet l'exploit d'omettre Archie Cash de la liste des oeuvres de Malik, au profit de bluettes niaiseuses avec des angelots et des chérubins, mais révèle qu'il s'est livré à des travaux pornographiques pour le magazine crapuleux Bédé Adult’, dont j'ai vainement recherché des numéros pour vous les faire montrer, soit parce qu'il y était contraint par la faim, soit parce qu'il aimait bien ça. (Je ne sais pas quelle est l'hypothèse la plus charitable pour mettre dans mon élégie, je verrai ça au dernier moment avec le curé.) Quand même, pour un journal qui prétend à un minimum de sérieux et d'objectivité, ça la fout mal.
Archie Cash, c'était impensable que ça passe dans Spirou. Et pourtant, ça passait. Quarante-cinq ans plus tard, j'en reste coi. Un tel mélange de violence badass, d'outrance graphique, de sexualité moite (faut voir comment les filles étaient gaulées), empruntant souvent aux films d'exploitation, aux romans de Caril Ferey 25 ans avant qu'ils soient écrits, et le tout arrosé d'un nihilisme rare.
Peckinpah puis Tarantino ne se gêneront pas pour repomper Archie comme des truands, sans toujours le remercier au passage.
Je découvre aussi que
le scénariste d'Archie Cash avait écrit les aventures de
Coke et Smoke dans le journal de Tintin, tout aussi belge et catholique que son concurrent Spirou en 1970. Il devait avoir des protections vaudou, c'est pas possible autrement.
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Le premier numéro de Spirou que ma maman m'a acheté un jour où j'avais la grippe. Tout est déjà là, en germe, comme disent les épidémiologistes |
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Une planche d'Archie Cash : l'école de Marcinelle violée dans les poubelles, après avoir été droguée au PCP. |