Comme dit Jodorowsky, nous avons "appris à tomber mille fois avec une obstination farouche jusqu'à apprendre à se tenir debout. Je me rappelle mon vieux père qui, en mourant heureux, me disait : « Mon fils, dans ma vie, j'ai triomphé parce que j'ai appris à rater. »"
Et un battle de critiques autour de son dernier film, clairement gagné par le second candidat :
john_warsen, (le) 27 Sep 2014 - 5:06 PM, a écrit :
"Biopic surréaliste", c'est tout à fait ça. Je n'ai pas vu les autres films de Jodorowsky, à part la moitié de La Montagne Sacrée, que j'ai trouvée bien indigeste et très datée, outrageusement fardée d'un symbolisme que je ne pouvais décoder. Ici, on est plus sobre. Tout est un peu zinzin, mais il y a des figures reconnaissables, et un arrière-plan historique juste un peu métaphorisé. J'ai l'impression que Jodo règle ses comptes, ou plutôt fait la paix, avec son papa, magnifie sa maman, et fait un peu d'auto-analyse réconciliatrice avec lui-même.Il y a aussi des Christs en rédemption partout, et des décors sympas. Bon, ça fait déjà 8 lignes pour avouer que je me suis ennuyé, sans doute que j'en attendais trop.
Kritik'd (le) 27 September 2015 - 21:00 PM a écrit :
8 lignes c'est pas mal, si t'en avais fait plus t'aurais peut-être fini par en dire du bien (t'étais sur la pente ascendante). Pour ma part, j'ai beaucoup aimé ce film...question de contexte d'abord:
Tout à commencé le jour où je suis allé à plusieurs séances de cinoche à trois balles, que Télérama organise annuellement pour les pauvres, les chômeurs et les orphelins. La nuit était froide et noire et à mon arrivée, des groupes de retraités avaient déjà pris d'assaut les toilettes et les caisses, ne laissant que peu de chances aux plus faibles. J'ai pourtant eu celle de voir La Danza de la Realidad à la suite de Touch of Sin, et je peux dire une chose: Danza de la Realidad est l'antidote à Touche of Sin.
Contre le néoréalisme social en mandarin, le surréalisme chaleureux du biopic chilien, ça fonctionne...sur moi. Pourquoi ? Parce que Jodorowski nous montre des choses qui ont plu à mes sens (couleurs, personnages, situations) et qui sont parvenues à m'investir dans le récit. Des thèmes comme la peur/vénération du petit garçon face à l'autorité du père, l'amour du garçon pour la mère généreuse, sont gros comme les triangles et les cercles colorés d'une toile de Miro, débordent d'une générosité qui peut finir par donner la gerbe (comme toute générosité). Mais c'est surtout visuellement que ce film m'a plu en fait, grâce aux inventions scéniques que requiert la construction d'une atmosphère surréaliste.
D'ailleurs qu'appelle-t-on surréaliste dans ce film ? Le fait que la réalité cinématographique ne soit pas la réalité objective, mesurable, scientifique, mais pas non plus celle d'une psychologie individuelle. Elle renverrait plutôt à une psychologie collective, faite de symboles qui rappellent les symboles des rêves (Les objets animés), de personnages archétypaux rappelant les personnages des contes (Le père et le roi, Exil, Amnésies, Retrouvailles) et que nous avons en tête quelque part au niveau du ça quand on pense à papa et à maman.
Bref pour filmer le film il a donc fallu filmer ces symboles de manière immédiatement reconnaissable et compréhensible: la générosité de la mère doit se voir sur la mère elle-même (ses seins), la timidité du fils également (ses longs cheveux blonds). Quand il a peur du noir, c'est en le peignant en noir que la mère le calme. Quand le père est malade, c'est en lui urinant dessus que la mère le soigne. Le symptôme caché se révèle à la caméra par l'esthétique (ou en tout cas le caractère visuel) du remède. Et ça à l'image je trouve que ça marche.
A partir de là, La Danza de la Realidad met en scène une série d'obstacles qui font intervenir l'histoire chilienne dans celle du noyau familial aux figures déjà bien délimitées. Aspect remarquable: dans le déroulement de l'histoire, le film ne décroche pas de son esthétique initiale. La vérité historique est effectivement parfois métaphorisée (le tsunami des poissons au départ est certainement la métaphore de quelque chose) mais surtout le plus souvent grossie sans souci du cliché ou de l'archétype: les communistes, les nazis et le père lui-même ressemblent à des personnages de commedia dell'arte. En tant que non spécialiste, je ne peux pas juger de la fidélité de la chose: Jodo a-t-il conservé l'histoire du Chili dans sa pantomime ? Ou non ? Tout ce que je peux dire c'est que la simplicité des situations, leur rythme et l'imprévisibilité du dénouement fonctionnent extrêmement bien à l'image.
Deux reproches: le scénario qui commence avec le fils poursuit avec le père, ce qui rend l'atmosphère surréaliste un peu forcée sur la seconde partie (ce n'est plus le point de vue de l'enfant sur son père, mais celui de l'enfant adulte imaginant le père). De plus sur cette même partie, l'enfant apparaît lors de courtes scénettes qui n'ont plus de nécessité entre elles: ce sont plutôt des sketchs où Jodo montre sa virtuosité de montreur de symboles. C'est beau mais plutôt dommage vu le projet d'ensemble.
Ma Note: 3/5