mardi 29 décembre 2020

True Detective Season 1 Soundtrack (2014)

"Touche l'obscurité et elle te touchera en retour"
Et Nietzsche, y se touche ses droits d'auteur ?
Quand on a apprécié un film, des fois on a envie de le revoir, et pourquoi pas, c'est légitime, quitte a être déçu après-coup, si ses traits se sont un peu empâtés, ou qu'il radote comme un vieil ami dont on aurait oublié la VHS sur l'étagère et qui se serait démagnétisé avec le temps(1), mais on lui pardonne, comme on pardonne aux vieux amis de n'être pas devenus les génies méconnus qu'ils portaient pourtant en germe, hier encore, sur les bancs de la communale.
Si la même fantaisie nous prend concernant les séries télé qui ont bercé notre âge mûr, l'entreprise sera plus laborieuse, mais la déception plus longue en bouche. Or, 2020 n'a-t-il pas déjà battu tous nos espoirs en matière de déception, nous qui sommes pourtant membres fondateurs du  gRRR, le désormais mythique groupe de Réalité Réelle Ratée ? Ne sommes-nous pas en droit d'exiger le remboursement de toutes les cartes de voeux reçues en début d'année, qui nous voient finir celle-ci en fâcheuse posture dans différents domaines de notre vie, sans présumer de la teneur de celles qui vont s'accumuler dans nous poubelles d'ici à peine huit jours ?  et quelles déconvenues supplémentaires pourrions-nous craindre encore ?
C'est pourquoi j'ai revu récemment la saison 1 de True Detective (2014), j'ai eu très beau temps, et ça vieillit bien. Mieux que moi, en tout cas, même si c'est pas un critère. 
C'est normal, c'est du southern noir. 
Alors que moi je suis du norouest blanc. 
Blanchâtre, même, puisque je ne peux même plus aller au soleil sans risquer d'attraper des mélanomes supplémentaires.

Ne jamais sortir sans chapeau sous le chaud soleil de Louisiane.
Sinon ça fait ça. Même si on ne se beurre cajun.
Et pourtant, True Detective, ça ne tient que par la performance des incarnants. Matthew McConaughey, en particulier, défie les lois de la gravité, au propre comme au figuré, quand il déclame ses monologues effondrophiles, comme le relève un ami, quelque part dans cette remarquable chronique écrite sous terre nouar :

« Je crois que la conscience humaine est une tragique erreur de l’évolution. Nous sommes devenus trop conscients de nous-mêmes. […] Nous sommes piégés dans l’illusion d’avoir notre propre personnalité. Cet accroissement des sens, de l’expérience et des sentiments nous convainc que chacun d’entre nous est quelqu’un. Alors qu’en fait, tout le monde n’est personne. »
 
"C’est assez amusant de voir combien le cinéma ou la télévision ne permettent pas de transmettre un message fin. J’ai eu beau voir la série, ce dialogue m’est passé complètement à travers. Par contre à la lecture, immédiatement l’énoncé philosophique saute aux yeux. C’est que dans un film, le personnage passe d’abord : tout ce qu’il peut raconter n’a pas d’autre sens que de permettre de le décrire, ou plutôt de le circonscrire, de le discriminer du reste du contexte. Là, ça signifie 1) d’un point de vue rationnel, que le gars est désespéré et pense trop ; 2) d’un point de vue sensible, qu’il a peut-être vécu des trucs inhabituels à l’origine de sa vision anormalement relative - ce qui laisse grand ouvert le portail fantastique. Mais le contenu, finalement le spectateur TV s’en fout.
- Attention, ton propos pourrait servir à justifier qu'on lui serve des trucs pas bons, au téléspectateur, qu’on le fasse manger liquide, puisqu'il ne peut pas garder grand chose. Le personnage qui s'exprime comme s'il avait été mordu par un Sloterdijk est surchargé sur le plan littéraire, mais ça lui assure une connivence instantanée des vieux geeks nietzschéens ayant trop inhalé de Cioran-19 dans leur jeunesse. Les monologues de Rust Cohle sont désopilants une fois couchés sur papier, mais faut voir combien Matthew McConaughey les incarne comme si c’était du Shakespeare. C’est uniquement pour ça que j’ai voulu revoir la série, d’ailleurs la résolution de l'enquête n’a rien de particulièrement original, il y a des trous de ver dans l’intrigue, des simagrées spatio-temporelles, une empathie improbable entre les deux inspecteurs, mais si tu es sensible à leur amitié, tu pardonnes tout le reste. Ou alors je suis en train de virer LGBTQIA+, mais mon historique internet apporte un démenti cinglant à cette thèse. (note du traducteur : ce dialogue remonte à quelques semaines, mon historique internet va bien mieux depuis, féérie de Noël oblige)
- A propos de ce contenu, au premier regard j’ai cru à du nolanisme (cette théorie des Grands Hérésiarques Nolan qui soutient que ni la conscience ni la vie ne sont). Mais au second coup d’œil, je me rends compte que ça ne va pas péter si loin, c’est juste une sorte de bouddhisme darwinien, où les termes tragique, erreur, piégé jouent leur drama queen et contredisent ce qui est avancé.
- Avancé à plus d’un titre : Rust, qui se prend pour de la viande en sursis qui pense, est périmé depuis la mort de sa fille, la destruction conséquente de son couple, et c’est par une filouterie scénaristique qu’il tient encore debout, il n’a plus de vital en lui depuis longtemps. Magie de la fiction, au mépris de la neuro-physiologie."

Si on n'a pas le temps de revoir la série, on peut se contenter du générique, malicieux diaporama avec key mask (comme on disait dans le temps des régies de trucage vidéo : deux images sont fusionnées par le biais de la forme d'une troisième, qui sert uniquement de découpe externe) qui concentre les obsessions développées dans le scénario, conçu au départ comme un roman, finalement décliné en mini-série, pour la plus grande joie des petits et des grands amateurs de conspirations policières aussi fumeuses qu'alambiquées. 

https://antibody.tv/works/true-detective/

Et la musique ? hé bien, il ne faudrait pas confondre la compilation anthologique qui ponctue la dramaturgie de la série
http://download-soundtracks.com/television-soundtracks/true-detective-soundtrack-unofficial/
avec la musique originale composée par T-Bone Burnett

d'une réjouissante noirceur
voire même carrément d'une lugubrité contaminante pour les soirs de réveillon covidés
et qui n'a rien a envier aux lovecrafteries soniques les plus éhontées

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(1)Si BASF-France assure qu’un enregistrement stocké dans de bonnes conditions pourrait se conserver deux cents ans et subir 1500 passages sans s’en trouver affecté, le pronostic du responsable technique des archives de la Vidéothèque de Paris, est beaucoup plus réservé : « Je doute que l’on puisse retrouver, après cinquante ou soixante ans, la qualité d’origine. On le constate d’ailleurs sur des bandes 2 pouces de quinze à vingt ans d’âge que l’on récupère pour en faire des copies, où l’image tend à disparaître. On a du mal à les relire. Si le document a une valeur historique, on tente un « nettoyage » de la bande, c’est-à-dire de prendre les parties les plus intéressantes, de garder également les sons, et éventuellement de choisir une bonne image et de la figer pendant quelques secondes, en laissant courir le son de manière à conserver le synchronisme. Tous s’accordent cependant à reconnaître que la durée de vie d’un enregistrement dépend étroitement des conditions d’utilisation et de stockage des cassettes. Il convient donc de respecter quelques règles, si simples qu’on ne cesse de les oublier, et dont l’intérêt ne peut se mesurer qu’à long terme.
Toute la difficulté de l’enregistrement de signaux vidéo provient de leur fréquence élevée. En dépit de l’utilisation de têtes rotatives, les longueurs d’onde inscrites sur la bande restent courtes, et les particules de polarité magnétique différente ont tendance à se démagnétiser mutuellement en raison de leur proximité. Fort heureusement, la relecture d’anciennes bandes-étalon, archivées dans de bonnes conditions, montre que les conséquences de ce phénomène restent assez limitées.
Plus graves sont, en revanche, les effets des champs magnétiques parasites qui peuvent accidentellement altérer la magnétisation des particules de la bande et provoquer une diminution du rapport signal/bruit ou des pertes d’informations.
Un enregistrement peut-être endommagé par la proximité même momentanée d’un haut-parleur, mais également par le rayonnement électro-magnétique des transformateurs présents dans les appareils électroniques. Il faut donc éviter de poser une cassette sur une enceinte acoustique ou sur le coffret d’un magnétoscope.
Notons que la cassette vidéo 8 mm se trouve largement avantagée sur ce point puisque son enduit magnétique, composé de fines particules de fer pur, est moins sensible aux champs magnétiques parasites que celui des cassettes au dioxyde de chrome ou à l’oxyde de fer.

Plagiat manifeste de l'effet phare "key mask" du générique.
Que fait la police ? elle tousse dans son coude.

15 commentaires:

  1. Ah mince, je viens de comprendre la raison de l’état de mes K7. Et j’ai une certaine chance : avec mon retard dans les séries, je n’ai pas le temps de nostalgier, je découvre tout en même temps.

    C’est vrai que la fin de True Detective est pas mal loupée puisque une grande partie de la fascination vient de l’étrangeté des meurtres et que la résolution oublie pas mal de choses quand elle n’expédie pas le méchant. De toute manière, c’est ce qu’il y a de plus difficile à faire dans un récite : donner au mystérieux un sens aussi fort que le mystère. Il vaut mieux donc partir d’une bonne résolution et créer le mystère après coup. Mais malheureusement, l’inspiration fait d’abord venir le mystère.

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  2. La montée est toujours meilleure que la descente. Certains scénaristes croient s'en sortir en troquant la résolution contre un mystère encore plus grand, mais en général c'est des fumistes.

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    1. Ou alors il y a le classique "finalement, tout ceci n’était qu’un rêve". On pourra du coup saluer le travail des scénaristes de Bad Trip qui ont fait le travail dans le bon sens.
      Pour ce qui est de True Detective, je subodore que le/les méchants étaient plus développés à l’origine (on devine qu’il y a toute une création mythologique autour du méchant) et que ça a sembler trop ésotérique pour le grand public. En regardant les bonus du Blu Ray, j’ai remarqué que le prêche du pasteur avait été très raccourci alors qu’il reprend toute la mythologie du méchant dans la version intégrale.

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  3. Ah, tu me fais saliver avec ton bluray. J'ai même pas de lecteur, mais je découvre le smartphone, grâce à la mère Noël qui veut m'empêcher de mourir idiot. Je vais regarder si je peux pas télécharger les bonus en gif animé. C'est vrai que le début de la saison 1 de True Detective est délicieusement mystérieux, et plus ça va plus c'est du nietzschéisme à trois balles. Le Roi en jaune est bien mieux exploité dans le Providence d'Alan Moore, qui resplendit de mystère en mystère jusqu'à l'apocalypse finale.

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    1. Il y a une fonction assez peu connue du smartphone que je t’encourage à tester : on peut téléphoner avec.
      J’ai jeté un œil sur le Providence et, comme d’habitude avec Moore, je ne suis pas déçu du dessin [/troll].

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  4. Tu ne peux pas dire ça, je le croyais aussi, et il est vrai que Jacen Burrows est froid comme un poisson mort, mais J.H. Williams III ? hein ???

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    1. On m’a offert son Sandman et je n’ai quasiment rien lu. Mais ça peut passer.

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  5. Le Sandman est boursouflé, surchargé, et le Gaiman surcôté, je pensais à Promethea, qui n'est pas une épure, mais dans le lyrique pyrotechnique et flamboyant, ça passe.

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    1. J’avais acheté le premier Promothea, c’est dire.

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  6. Tu me rassures. J'ai cru que tu n'étais pas sensible à l'art pompier. Williams passe une bonne partie de Promethea à montrer qu'il est capable de tout, puis à faire toujours la même chose.

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    1. J’ai toujours un faible pour l’Art Pompier et je leur achète le calendrier quand ils passent.

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  7. Je me suis refusé à faire la blague, comprendant un peu tard que c'était pour mieux te l'offrir. C'est vrai qu'on avait eu une conversation entre chez toi et chez moi sur l'illustrateur qui faisait beaucoup de couvertures du comics "fables" et qui s'inspirait de Mucha, dont le nom m'échappe mais dont j'intuite grâce à la sagesse née de l'an neuf que je n'ai pas besoin de le rechercher, comprendant que ça n'augmentera pas mon bien-être.

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    1. James Jean (le premier) ? Mais il n’est pas si Mucha que ça. Le second a fait les dessins pour l’Utopia US (je rappelle).

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  8. James Jean, oui, merci. Je l'avais découvert dans Heavy Metal, l'édition américaine et incroyablement mauvaise de Métal Hurlant, qui continue de publier imperturbablement de courts récits de SF niveau CM2, et je ne parle même pas du graphisme. Concernant James Jean, je suis allé consulter son site, il confirme sa tendance au psychédélisme pompier. Concernant J.H. Williams III, je reste concentré sur Promothea, lecture exigeante qui me lit aussi depuis l'abîme.

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    1. James Jean fait de l’Art Commercial désormais et c’est moins sexy que ses couvertures.

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