Je veux dire, comme le personnage mi-Golem mi-punk, mais inquiétant à plein temps, imaginé par Gébé dans le Hara-Kiri des années 60. En novembre /décembre, comme Berck, j'aimerais pouvoir m’enfoncer sous la terre, ou dans le mur d'un building fraîchement érigé, au béton encore frais, et passer quelques décennies à suçoter des racines par la leur, avant de ressortir voir ce qui a pu changer en vérité dans le monde. Bien que de son point de vue, l'espèce humaine reste assez prévisible et finalement décevante, hormis pour les distractions et les sources de nourriture inattendues qu'elle lui procure.
Je ne suis pas Berck. Pas encore. Mais ça me monte doucement; plus ça va, plus les injonctions à se réjouir et surtout à consommer autour de la fête de la nativité du Christ me donnent envie de me remettre à boire pour pouvoir mieux dégueuler partout, et aller me livrer à des comportements antisociaux dans des galeries commerciales périurbaines débordant de promotions rutilantes, bref de me comporter pire que ce gros malotru de Berck.
une planche originale trouvée ici : https://www.2dgalleries.com/art/gebe-berck-1964-hara-kiri-24952 |
D'abord parce que c'est toujours l'heure d'un petit bilan annuel auto-dépréciatif, car moi aussi je suis né un 25 décembre, et si je me la mesure par rapport à celle du petit Jésus, qu'ai-je fait de constructif depuis l'an dernier par rapport à lui, qui est mort bien plus jeune que moi, et qui n'avait pas les moyens de communication dont je dispose ? Berck.
Et plus notre civilisation s'enfonce dans l'ornière qu'elle a elle-même creusé, plus nous sommes invités à nous couvrir mutuellement de cadeaux, ou à défaut de bons d'achat FNAC pour des raisons nauséabondes, je vous laisse vous rapprocher des caisses parce que ça pue vraiment trop :
1/ pour nous aider à oublier ça,
2/pour fêter la naissance du gars qui a racheté tous nos péchés d'un coup avant d'aller les revendre après sa mort sur le Bon Coin en ayant engrangé au passage une plus-value substantielle
3/ ou encore pour célébrer le "père Noël", qui était pourtant dénoncé par le clergé comme un suppôt du consumérisme et la « bête noire » à abattre. En tout cas, à Dijon, en 1951, où on lui reproche d’éclipser Jésus-Christ. Le 23 décembre, son effigie est brûlée devant le parvis de la cathédrale, devant de nombreux enfants.
A n'en pas douter, ça aurait réjoui Berck.
https://bibliobs.nouvelobs.com/actualites/20091223.BIB4657/le-proces-du-pere-noel.html
https://www.franceinter.fr/emissions/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-24-decembre-2019
https://bibliobs.nouvelobs.com/actualites/20091223.BIB4657/le-proces-du-pere-noel.html
https://www.franceinter.fr/emissions/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-24-decembre-2019
Comme l'écrit Frémion dans sa jolie chronique :
Ce Berck sans forme, sans psychologie, sans logique, sans histoire, sans vergogne, qui n’a rien d’humain et ne l’est d’ailleurs pas, mais qui mime si bien l’humain dans ce qu’il a de pire, nul n’a jamais vu ça. Il fallait l’oser. La raison, avec Berck, fait plus que vaciller, elle est emportée dans un maelstrom, une tornade intellectuelle qui te laisse comme un noyé sur le rivage : à poil, abandonné, en terre inconnu, sans repères, mort.
Et voici un Berck en couleurs scanné par mon assistante pendant mon sommeil et extrait de la formidable réédition intégrale des Cahiers Dessinés de 2016, qu'on trouve encore partout si on ose demander à son libraire. Ne le commandez pas chez Amazon, l'entrepôt de l'Illinois a été détruit cette nuit, et la couverture du livre risque d'être un peu abîmée.
Bref, un excellente idée de cadeau de Noël.