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mercredi 9 septembre 2020

Devs Soundtrack (Complete by Ben Salisbury, The Insects & VA) (2020)

La statue de la fifille à son papa.
Ca fait du bien de regarder une mini-série de science-fiction spéculative qui sans être vraiment contemplative, n'est ni trop barrée, ce qui lui évite de se perdre, et nous avec, ni aggressive. Dont les héros ne sont majoritairement ni blancs ni dépressifs. Qui se passe à San Francisco, élégamment survolée, sans qu'on brocarde en voix off le renchérissement des loyers du fait que la ville soit devenue le dortoir de la Silicon Valley. 
Une série dont les concepts et thèses sur la causalité ne sont pas infligés à coups de gros mots issus du vocabulaire intimidant de la physique quantique, mais sont détaillés presque au ralenti, comme si on lisait un ouvrage de vulgarisation chiantifique sous Valium.  Ou le compte-rendu de la série sur ce site spécialisé pour mal-comprenants.
Sans doute qu'on ne prendra pas une grande claque devant Devs comme jadis devant Black Mirror, devenue le mètre étalon de la prospective pessimistique, sans doute qu'on regrettera une série à charge, qui veut dénoncer le caractère déterministe de l'univers, qui l'empêche de désobéir à ses propres lois tout en préservant l'idée chère aux scénaristes (et si pratique en cas de panne créative) d'une infinité de mondes connexes et imbriqués, grâce à l'exercice mesuré du libre arbitre en quantités raisonnables, j'ai déjà oublié comment les deux s'articulent mais ça n'était pas si indigeste que ça, bien que le message du Christ soit un peu blackboulé sur le coup, et que la portée spirituelle de la série s'en ressente un peu, tant pis, pas trace non plus de débauche d'effets ou de relances narratives confuses et laissées en plan un peu plus loin sur le bas-côté de l'autoroute de l'information parce qu'on n'a que 8 x 52 minutes. Et en rendant hommage sans ostentation à Everett et à ce putain de chat de Schrödinger qui vient bouffer toutes les croquettes du mien. Alors que ça aurait pu tourner à l'épisode de trop de Rick et Morty.
Une série sur laquelle on ne se sent pas obligé d'écrire un article informatif (qui de toute façon barrerait en couille avant même d'atteindre son propre milieu, bien qu'il ne puisse le faire qu'après avoir mesuré sa fin) depuis la découverte d'une cybertaverne au comptoir de laquelle des transfuges du courrier des lecteurs de Télérama mettent la honte aux spectateurs d'allociné par l'emploi d'arguments construits et d'adjectifs raffinés.

Ma fille me prenant pour la réincarnation d'Harvey Weinstein,
je préfère ne pas insérer d'image de Sonoya Mizuno,
mais du seul gros geek dépressif de la série,
bien que ça soit moins vendeur.
C'est reposant de suivre les tribulations de Sonoya Mizuno, soi-disant aux abois mais quasiment sans affects exprimés, de la regarder devenir presque sexy tellement elle est désérotisée. Tellement elle porte la poisse à ses amants, aussi. Mais Alex Garland (Ex Machina, Annihilation, et maintenant Devs) l'exhibe depuis si longtemps qu'il doit y avoir anguille sous roche. Des situations potentiellement hystériques donnent lieu à des échanges policés dans une ambiance peu anxiogène, malgré des enjeux importants.
Une série à recommander donc à ceux dont la prise quotidienne de lithium garantit la stabilité humorale, et qui n'en attendent pas autant que du dernier recueil de Ted Chiang qui sur les mêmes thématiques rebattues du deuil, du voyage temporel sans rime ni raison, des conséquences de nos actes et de ce qu'on va manger ce soir, pourrait bien faire valdinguer nos certitudes dès qu'on trouvera 5 minutes pour aller à la ville l'acquérir en librairie à condition de ne pas oublier son masque à la maison.
Série dont la bande-son originale est composée de morceaux paisibles richement texturés (cordes, voix humaines, instruments percussifs doux genre gamelans) par les collaborateurs habituels de Garland dont un ancien de Portishead, et de reprises inspirées.
Et en plus vous avez le choix de la garniture : 
- la version Score (les compositions originales)
la version Soundtrack (les morceaux importés dans la série : Jan Garbarek, Low, Steve Reich...)
la version Score + Soundtrack (supplément cornichon 2€)
De toute façon, je n'avais rien envie de regarder, c'était ça ou Tales from the Loop.
Ou un vieux Nolan à la téloche, parce que j’ai trouvé un blog qui me convient tout à fait dans sa façon de traiter le dernier, et surtout de me dissuader d'aller le voir.

lundi 8 juin 2020

Ronit Kirchman : The Sinner Original Series Soundtrack (2017)

Je viens de finir de binge-watcher la saison 3 de The Sinner. Comme dans les deux précédentes, Bill Pullmann y incarne un inspecteur de police un peu trop porté sur l'empathie envers les suspects, comme un Bouddha qui pencherait sur tribord au moment du changement de cap de l'enquête, quand il s'avère que c'est un peu plus compliqué que ça n'en avait l'air.  En  matière d'investigation criminelle quantique, le regard de l'observateur influe sur les phénomènes observés, il n'y a pas que les spectateurs à l'apprendre à leurs dépens... 
Chaque saison est dite "anthologique" et peut se regarder indépendamment des précédentes, mais si vous démarrez la une et que Jessica ne vous fait pas rapidement couler une Biel, suspectez votre lobotomie préfrontale de vous couper de vos émotions, auxquelles vous avez pourtant droit, et n'hésitez pas à en parler à votre médecin trader, même s'il est occupé à brûler ses stocks de chloroquine au fond du jardin avec ses voisins qui toussent dans la fumée, mille putois. 
Voici ce que je m'autorisai à en penser, au temps béni des pionniers de la diffusion de la première saison, dans le cercle très privé des forums de sociopathes sérievores :

SAISON 1

Je me souviens quand The Sinner est tombé sur le tracker, c’était l’opulence, voire la surabondance, or si l’abondance rassasie, la surabondance écoeure, et on retourne alors au lit se consoler par la diète en lisant bons livres et mauvais comics, et je revois sans mélancolie ce printemps 2019 où même les uppers n’en pouvaient plus (t’es-tu toi aussi aperçu qu’un upper à l’envers est reppu ? ce que le langage est malicieux, tout de même) de donner des grands coups de souris de droite et de gauche, et de racheter des disques durs à la Fnac tous les 4 matins, c’était pas possible que ça continue à ce rythme effréné qui défrayait la chronique d’un tracker somme toute placide et muzo, et d’ailleurs ça n’a pas duré, sauf que la hype passe et que les encodes restent (et les problèmes de crop dans les screens et de bourrinage avec HandBrake, mais je préfère m’abstenir d’évoquer ces problèmes encore douloureux.)
Je crois tellement en Lui que si Bill Pullman
était une femme, je banderais.
Alors j’ai laissé pisser, me mettant Jessica Biel sur l’oreille pour la fumer plus tard.
Et puis je me souviens aussi, c’est ma femme qui m’a vait mis la puce à l’oreille la semaine dernière, « quand tu vas bosser à Orléans le week-end, au lieu de bourrer ton iPad de comics en v.o. auxquels tu n’entraves que pouic, sauf à les sélectionner en fonction de leur pauvreté lexicale comme Stray Bullets dont tu viens de t’enfiler 42 fascicules sans broncher, regarde donc sur la télé du motel un vieux Columbo en v.f. sur TMC, avec un peu de chance tu tomberas sur Martin Landau ou Leonard Nimoy dans les seconds rôles, et tu te rappelleras ainsi d’où tu viens, puisse cela te ramener à plus d’humilité ».
Ce jour-là je me hâtai d’oublier mon iPad, et il en fut comme elle l’avait dit. 
Ayant depuis lors ravalé ma morgue et épongé le tout-venant des séries incontournables, je me penche sur c’t’affaire. Mort de mon âme, au bout de trois épisodes, force est de constater que je dois me rendre à l’évidence, je suis bien en présence d’un croisement entre True Detective et Sharp Objects, avec une atmosphère pesante et pathologique, mmmh, tout ce que j'aime. L’habile et belle Jessica Biel se fait tellement de bile qu’elle coule une bielle, le lieutenant de police a l’air torve d’un ancien ami de mes parents qui virait psychopathe quand il ne prenait pas ses médocs, et j’adore comment c’est filmé, avec tous ces effets de profondeur de champ réduite qui font que c’est pour ça qu’on aime shooter au Canon 5D Mark III.Merci pour ce up.(salutation énigmatique sémantiquement suspecte, mais sans doute équivalente au « Sécurité des Placements à Long terme » évoqué ici.)

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SAISON 2

La saison 2 : l'affaire du Bégonia Maléfique.
Un must-have.
(plus tard dans la nouille)
La saison 2 me laisse sans voix, de par la complexité des personnages, l'originalité de l'histoire, le brio des acteurs, la sobriété de la mise en scène. Bill Pullman est le meilleur ambassadeur de la Bienveillance qu'on ait vu à l'écran depuis le dalaï-lama. Ce qui ne l'empêche pas d'avoir du verre pilé et du unfinished business en lui, mais il ne la ramène pas avec ça.
Chapeau bas, messieurs (et mesdames).
Et en plus vous n'avez pas de papamobile !
Le pitch-repoussoir a été manifestement pondu par une pauvresse qui voulait décourager les gens bien de regarder la série, se vengeant ainsi d'une promesse non tenue d'avoir un petit rôle dans le casting, bien qu'elle en ait déroulé, du câble, et qu'elle s'avise un peu tard que les promesses n'engagent en général que ceux qui y croivent, comme me l'a appris Polanski en 76.
C'est psychanalytique en diable, mais sans ostentation lacanienne, et Bill Pullman est rayonnant de vulnérabilité. Que ça soit inscrit dans l'écriture de son personnage, et qu'il parvienne à l'incarner à ce point, c'est bluffant. Son visage est un vivant Rorschach, malicieusement évoqué au générique, irradiant pour qui sait décoder le ballet incessant des émotions à la surface de l'âme humaine quand elle est simulée par des acteurs palpant plus de $40 000 par épisode, une empathie qui ne cesse de m'émouvoir, de saison en saison, et pourtant, moi aussi j'en ai déroulé, du câble.

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SAISON 3

L'insistance masculine est un des symptômes de l'emprise.
(photo courtesy of Derek Simmonds)
Et nous voici de retour dans le présent, pour cette saison 3. Elle prend pour thème central l'emprise, qui désigne dans le langage courant le fait de serrer très fort un objet ou un être vivant pour le câliner ou pour l'immobiliser, voire l'étouffer ou l'écraser. 
En psychanalyse, la pulsion d'emprise est d'abord une pulsion non sexuelle, capable de s'unir secondairement à la pulsion sexuelle. En psychologie sociale, le terme désigne le déploiement de violences conjugales ou de manipulations mentales (sectes).
Merci wiki, bon chien d'infidèle, couché, à la niche.
Ce thème était déjà bien présent dans les saisons 1 et 2, mais là, y z'y vont pas avec le dos de la cuiller en bois. La relation de sujétion finement décrite et explorée dans cette saison 3 m'évoquant de manière beaucoup trop précise une passion mutuelle mais toxique, partagée par un garçon avec qui rien n'était vraiment possible car il était de 3 mois mon aîné et surtout avait beaucoup d'ascendant sur moi, m'interdit d'en dire quoi que ce soit d'intelligible, sinon que j'ai rompu la relation avant d'en subir des conséquences aussi graves, et/ou de perdre tous mes points sur mon permis; heureusement, ce n'est que de la télé. Heureusement aussi que Bill Pulmann, c'est un véritable Saint Laïc, et on devrait lui donner une médaille plutôt qu'un masque FFP2, bien parti pour foutre en l'air son jeu facial dès la saison 4.

[EDIT]
Comme Batman, Bill Pulmann n'a pas de blog hyper-secret sur lequel il coucherait complaisamment le récit de ses doutes et de ses errances, pas d'ami virtuel voire imaginaire auquel il avouerait être réconcilié avec ses déficiences les plus flagrantes grâce au bouddhisme, cette philosophie de Vie dont il incarne une forme soft et relativement sexy pour son âge.
Bill Pulmann ne nous bassine pas avec les Quatre Nobles Vérités, Bill Pulmann ne nous tanne pas pour que nous allions méditer au dojo en socquettes dès cinq heures chaque matin, et quand Bill Pulmann accompagne les suspects au seuil de la mort, il ignore si c'est la leur ou la sienne mais il y va quand même. Il sait intuitivement qu'il est là pour remplir sa mission de service public de la police de proximité, LUI.
Bill Pulmann ferait un président présentable, LUI. Bien qu'il soit politiquement incorrect de savoir encaisser sans rendre les coups. Jusqu'à un certain point, comme on le verra au cours de cette fichue saison 3.
De toutes façons, Bill Pulmann sait bien que question d'incarner des vertus, l'attrait vaut mieux que la réclame.

Alors après ça, s'il faut revenir à la trivialité et régler la question de la musique, j'ai bien aimé l'habillage sonore de la saison 3 mais je n'ai trouvé que la 1 dans le commerce. Il me fallait bien un prétexte pour démarrer l'article au lieu de ranger mon bureau.

jeudi 23 avril 2020

David Byrne - The Knee Plays (1984)


J'ai été gentil : je vous ai laissé du temps 
pour digérer chacun des envois précédents 
consacrés à David Byrne et son oeuvre au noir. 
Et bien c'est terminé. No more mister nice guy.


La gentillesse est désormais un luxe hors de portée. 
L'empire de la bienveillance s'est effondré.
La maison ne fait plus crédit.


The CIVIL warS était initialement un projet musical ambitieux d'opéra en six actes inspiré de la Guerre de Sécession mis en scène par Bob Wilson et commandité à six compositeurs de nationalités différentes pour les cérémonies d'ouverture des Jeux olympiques de 1984. Pour des raisons d'organisation et financières le projet ne put aboutir, et seules trois des six sections furent menées à bien par les compositeurs Philip Glass, David Byrne, Gavin Bryars.
https://en.wikipedia.org/wiki/The_Civil_Wars:_A_Tree_Is_Best_Measured_When_It_Is_Down


Le disque que vous tenez entre vos mains tremblantes mais virtuelles est la contribution de David Byrne à ce spectacle de Bob Wilson, dont nous ignorons à l'heure où nous mettons sous presse (les difficultés à éditer la version papier expliquent que cet article se retrouve souvent encarté au milieu du prochain Télérama) s'il a réellement eu lieu dans un truc un peu mythique qu'on appelait "les années 80" avant la Grande Confinature.
Néanmoins, ayant vécu pendant 35 ans en bonne intelligence avec cet album cuivré et chatoyant sans éprouver le moindre désagrément avant d'entendre parler du spectacle attenant en faisant des recherches pour mettre un peu de salades autour de mon bifteck, je vais tenter de continuer. Je crois que le plus dur est fait.

Des hôtesses vont maintenant passer parmi vous avec un assortiment de boissons et de revues consacrées à l'album, ne les importunez pas, elles ne font que leur boulot :

- une critique élogieuse dans la langue de J'expire :
https://pitchfork.com/reviews/albums/10870-the-knee-plays/

- les lyrics des chansons, pour nos amis fétichistes du signifié parmi lesquels j'ai la fierté de me compter :
http://kneeplays.com/album/tracks/index.shtml#top

- En 1988, David Byrne interprète quelques chansons de la bande-son du spectacle mort-né, devant un parterre d'étudiants arty, chauves d'avoir dû attendre si longtemps pour n'y comprendre que pouic.
https://www.youtube.com/watch?v=zV7HYSVoPoE

- le disque, enrichi de 8 tracks inédites lors de la remasterisation 2007 hyper-collector

https://www.mediafire.com/file/jsglwe9f5ks2jzm/DB_TKP.zip/file

La pochette originale du disque,
beaucoup plus commerciale.

mardi 21 avril 2020

Isobel Waller-Bridge - Fleabag Series Two Soundtrack (2019)

Les soeurs Waller-Bridge : la nouvelle mafia
de la comédie dramatique outre-Manche.
C'est pure légende urbaine que d'attribuer la musique de la saison 1 de Fleabag à Isobel Waller-Bridge. 
Comment pourrait-elle jouer de tous ces instruments à la fois ?
Isobel Waller-Bridge ne signe la musique de la série qu'à partir de la saison 2
Et ce serait une grave erreur de penser que pour avoir le job, elle a couché avec sa soeur Phoebe Waller-Bridge, auteur et personnage central de la série, qui est aussi aux manettes de Killing Eve.
Elle a bien d'autres ressources.
http://download-soundtracks.com/television-soundtracks/fleabag-series-two-soundtrack-by-isobel-waller-bridge/

[Edit]
La saison 2 résonne en mon âme comme un solide antidote spirituel et une émouvante rédemption de la première, que j'avais trouvée un peu vaine avec sa galerie de monstres existentiels, tant cette seconde saison est bâtie sur les ressorts empathiques et suscite (avec quelques effets de manches tels ces apartés face caméra) une connivence avec une force peu commune dans la fiction contemporaine. Je suis délicieusement envoûté, et m'attendais à endurer stoïquement le calvaire du manque jusqu'à la saison 3 l'année prochaine, craignant sans oser l'espérer la saison de trop, mais j'appris tout à l'heure qu'il n'y aura pas de saison 3, qu'on se quitte sur ces points de suspension mélancolique. J'ai envie de fredonner aux protagonistes "on s'est aimés comme on se quitte-euh" de Joe Dassin, mais avec le masque c'est pas terrible, et puis j'ai ma petite fierté.

samedi 18 avril 2020

David Holmes - Killing Eve, Season 1 & 2 (Original Series Soundtrack) (2018)

Pour tous ceux qui trainent dans les officines obscures avec les joggeurs, les poivrots, les livreurs, les promeneurs de chiens, les drogués, les migrants... la saison 3 de Killing Eve démarre. Tan mieuche. Qué sa va nous sanzé dé la pénourie dé pandémie au Soupère Uche. 
David Holmes n'est pas l'arrière-petit fils de Sherlock, dont celui-ci aurait engendré le père avec la mère à Lovecraft l'arrière-grand-mère de Phil Spector. Et pourtant l'inventeur du Wall of sound lui doit beaucoup.

Preuve n°1

Preuve n°2

"les années 60 remixées avec 12 tonnes d'écho, franchement, je vois pas ce que ça peut apporter" (Lemmy "Contamine" Yoursister, un voisin grognon, confiné et sans doute mort depuis plus d'une semaine dans le grand appartement qu'il habitait avec manman.)

mardi 10 mars 2020

Lovecraft Facts (10) : Mac Quayle - Mr. Robot Vol. 7 Soundtrack (2019)

"Mets ta cagoule"
(Un hacker sachant hacker)
Au moment de raccrocher définitivement la cagoule, quelques temps après avoir opiné du chef d'un air entendu ("Aaah, c'était donc là qu'ils voulaient en venir !") tandis que résonnait silencieusement le silence implacable qui suit le silence lourd de sens prolongeant le silence plus discret venant clôturer le dernier épisode de l'ultime saison 4 de Mr Robot, résumons la situation. Il y a deux ans, nous avions laissé la musique de Mac Quayle en fâcheuse posture, après le retournement du disque sur la platine et de l'intrigue en fin de saison 3.
Retournement et non pas "twist", car nous, multiplicité toujours changeante vivant dans les hémisphères cérébelleux fragmentés du malheureux anti-héros de la série, répugnons à user du terme "twist"(1) concernant les contorsions scénaristiques qui nous laissent comme un légume en fin de saison, terme dont nous réservons l'usage à une danse qui fut extrêmement populaire au début des années 1960 et dont nous regrettons qu'elle périclite de façon inversement proportionnelle à la courbe du taux d'abonnement à Netflisque(2), car normalement, quand on retourne un disque, la musique qu'on entend de l'autre côté n'est pas la même que sur la face qu'on vient d'écouter, et pourtant quand on écoute à donf les 6 volumes déjà parus avant çui-là des musiques relativement peu enjouées venant égayer un peu les propos lourds de sens des 3 saisons précédentes de Mr Robot en se bourrant de neuroleptiques, on a l'impression de revenir constamment au point de départ de la proposition musicale électro-cold qui nous est faite, et cette impression se confirmera à la toute fin de la série quand on se prendra le vrai noeud de la poutre issue de l'arbre à intrigues dans l'oeil, et il sera alors bien tard pour venir s'en plaindre.
J'avais fait un peu de rédactionnel ici :
et aussi là
http://jesuisunetombe.blogspot.com/2018/03/mac-quayle-mr-robot-vol-4-original.html
alors je me suis dit qu'il fallait finir dignement, mais c'est dur. Je sens bien que je force. J'espère que je ne vais pas me froisser un muscle de l'esprit, ni commencer à tousser dans mon coude si je fais des emprunts toxiques.

"Les cousines ont été créées pour nous éviter de tripoter
nos frères et soeurs" (Blanche Gardin)
Mr. Robot est un feuilleton télévisé qui a bénéficié au début de sa diffusion d'un avis très favorable de l'Office catholique dans Télérama, ainsi que d'un crédit considérable de la part de ses observateurs de l'ONU, car on ne prête qu'aux riches et si l'on ne voyait pas trop où le créateur de la série voulait en venir avec sa dénonciation des arcanes de la finance mondiale par un schizophrène non indemnisé par la Sécu et au rétablissement incertain, du fait du traitement erratique de son déséquilibre, entre auto-médication massive et séances de psychothérapie entachées de soupçons paranoïaquement justifiés de manipulation mentale et de complaisance dans le diagnostic, il était évident que le showrunner en avait sous la godasse, d'ailleurs en bon control freak Sam Esnail signait scénario ET réalisation de chaque épisode, fait unique dans l'histoire des séries télé, et exemple  magistral de maitrise des sphincters uniquement rencontrée chez de rares privilégiés de la fonction excrétoire. Ce qui ne s'est jamais démenti par la suite, et il était bien le seul à vouloir s'attaquer au capitalisme financier par la voie étroite d'un cyberthriller technoïde à tiroirs, voie périlleuse s'il en est, que même Emmanuel Todd n'a pas osé emprunter dans son récent ouvrage "Les luttes de classes en France au XXIe siècle", lui préférant un arsenal de cartes démographiques et statistiques qu'il est seul à pouvoir décrypter, à la lumière de la dépouille de Marx diffusant ses ultimes lueurs, empaillée dans son arrière-cour.
Et pourquoi pas ? Mon grand-père disait lui-même "peut-être que le Parti se trompe, mais moi je me suis pas trompé de parti", peu avant d'être emporté par une stalinite purulente.

"Je préfère rien dire, sinon ça va encore mal finir"
(Angela Moss)
Mr. Robot a ainsi longtemps louvoyé entre ses embardées émeutières (comme des remontées acides de Occupy Wall Street, ce Front de Gauche New-yorkais dont le souvenir a déjà été effacé de notre inconscient collectif par les nanorobots présents depuis toujours dans les yaourt au bifidus), ses embrasements de violence glacée, et la pyrotechnie psychopathologée dans sa double figure centrale, Elliot / Edward Alderson, jouant sur tous les registres permis par un personnage principal à la personnalité fragile, morcelée, multiple voire totalement fêlée de la cafetière, avec un rien de constipation hallucinatoire.
(#instantscomplicesavecdaddy)
Sur le plan formel, la série toute entière baigne dans une ambiance glacée, d'un bleu conspirationniste, une esthétique très inspirée de David Fincher, Rami Malek a les mâchoires soudées et autant de charisme qu'un Commodore 64, et les acteurs principaux se débattent avec un mélange de conflits intimes et de troubles neurologiques assez sévère.
New York est montré comme un monstre froid qu'on ne voit nulle part ailleurs filmé à travers ce prisme autistique, bien que certaines errances nocturnes initialement prévues dans le New Jersey aient été finalement délocalisées dans les Hauts-de-Seine, tant le crédit d'impôt international pour les tournages y est redevenu attractif.
Qu'on soit condamné à errer perplexe pendant des épisodes entiers dans les rues désertes, dans une confusion mentale engendrée par le manque de benzodiazépines avec une langue en carton qui fouaille entre les dents et les maxillaires cherchant à percer les joues depuis l'intérieur, tentant de nous introduire en catimini avec des ruses de geek foireux au coeur d'entreprises qui incarnent le Mal Absolu du Nouvel Ordre Mondial pour y dérégler définitivement la Machine par des actions terroristes dignes de l'ultra-gauche, nous terrant dans des penthouses high-tech désertés par leurs occupants légitimes avec toujours plus de cadavres dessoudés par la Dark Army à dissimuler, sans compter les problèmes d'odeurs, grelottant alternativement d'ennui ou d'effroi devant des choix impossibles à trancher, les tempes sciées par des bruits flippants et lancinants et des grondements inattendus, au fait c'est quoi ces trucs qu'on entend ? ah mais oui, c'est vrai, que je suis con, c'est la musique du film, mais jusqu'au bout on ignore ce que l'on est vraiment en train d'essayer de suivre, de subir ou d'aider à essuyer, puisque quelqu'un a filmé ça il faut bien que quelqu'un le regarde, tant on flirte parfois avec l'expérimental malaisant, et c'est en cela qu'il y a quelque chose de vraiment lovecraftien dans cette série : l'horreur psychologique indicible ressentie dans les derniers épisodes, la chair de poule atrocement lynchienne vécue dans ma chair de téléspectateur pourtant endurci par des films de trouille récompensés au festival de Sundance, mais là j'dois dire que c'est la palme, putain tout ça pour ça ? nan mais attends, j'vais leur écrire, tu vas voir on va pas se laisser faire comme ça...

Si Lovecraft et Poe pouvaient voir ça,
ils s'en pinceraient les nichons
tellement c'est bon.
Les vrais enjeux de l'oeuvre sont dissimulés quasiment jusqu'au bout du bout du dévoilement de la révélation finale, y'a largement de quoi les trainer aux prud'hommes pour ça, ou alors, du fait que c'est asphyxiant, névrotique et profondément triste, mais qu'est-ce que ça fait du bien quand ça s'arrête, se retrouver enclin à une certaine compassion, on a quand même perdu plusieurs points de vie à suivre cette série et il faut positiver l'expérience, et méditer avec les Sages de Télédrama sur ce cas extrême de trouble dissociatif de l’identité, le sujet "méta" (cagoule !) résidant dans l'étude des mécanismes que nous pouvons mettre en place pour survivre à nos traumas.
A moins qu'entre-temps on soit allé s'enfiler le contenu de la bouteille de Destop, qu'on conservait pourtant jalousement sous l'évier, pour une future opération anti-obstruction. Désolé les gars, c'est l'heure du cocktail " Au revoir tout le monde", c'était trop hardi et trop ardu pour moi, Rami Malek m'a tuer etc...
Dommage : les abimes d'épouvante enjambés par les protagonistes (et auxquels certains ont l'arrogance de survivre) sont liés à des enjeux géopolitiques mondiaux, pas des petites guéguerres de chasses aux sorcières minables pour savoir qui c'est qui a pété la statuette à Cthulhu, et que quand il va rentrer, vous allez voir, ça va gueuler sec et y'a des têtes qui vont tomber.
Greta Thunberg aurait elle aussi grandement apprécié qu'on regarde la série jusqu'au bout, en tant que citoyen hyper-impliqué dans les convulsions du monde, au lieu de se laisser dépasser par sa froideur  apparente et son goût pour la mystification.
Parfois, comme dans la saison 2, il faut 6 épisodes entiers pour qu'on voie la lumière, à savoir qu'on n'était pas du tout en train de regarder ce qu'on croyait voir (il faisait d'ailleurs très sombre) et comme nous, et comme Lovecraft, qui d'après son biographe officiel avait le charisme d’une moule en fin de saison sèche, Elliott est angoissé devant ces enjeux qui le dépassent, et rongé par le sentiment de sa petitesse et de sa finitude extrêmes, et tout comme le président du GRRR (Groupe de Réalité Réelle Ratée) il traverse des épreuves avec un épuisant sens de sa déréliction (sentiment d'abandon et de solitude morale, voire au plan théologique une épreuve de la vie mystique dans laquelle le fidèle a le sentiment d'avoir perdu la grâce, d'être dédaigné pour l'éternité.)
Et pourtant, il y va quand même, et nous on le suit, parce qu'on est cons, qu'on est faibles, et qu'on a perdu la télécommande entre les coussins.
Au bout de plusieurs années d'un visionnage de plus en plus dubitatif, j'ai l'impression de pouvoir zapper des saisons entières, et que quel que soit l'endroit du continuum où je repique au truc, comme disent les toxs, je retombe sur Rami Malek, manifestement mal remis d'avoir joué Freddie Mercury dans Bohemian Rhapsody, qui est intimement persuadé que lui et Christian Slater (qui joue son père tantôt mort, tantôt imaginaire, et tantôt un peu des deux, le fameux Mr Robot du titre) interprètent en fait les personnages d'Ephraim Winslow et Thomas Wake dans The Lighthouse.
C'est dire son degré de guérison.
Et c'est ainsi que j'en termine, avant que cet article m'achève.
Enfin, presque : l'histoire, bien que très fortement cryptée, réclame une fin heureuse. La voici : ce qu'on peut dire de la conclusion de la série sans divulgâcher le retournement du retournement final, c'est que délivré de ses obsessions complotistes, réconcilié avec sa soeur, Elliott peut enfin marcher vers le but ultime que lui a assigné l'espèce : devenir un être humain épanoui avant la mort, putain.
Quand à savoir si cette fin justifie les moyens déployés, la question renvoie chacun de nous à ses gouffres télévisuels.

https://macquayle.bandcamp.com/album/mr-robot-volume-7-original-television-series-soundtrack

__________________

(1) du verbe anglais signifiant « tordre » ou « se tortiller »
(2) je ne crois pas utile de souligner, et je n'ai donc pas voulu insister, au cours de cet article aussi confus que l'intérieur de la tête d'Elliot / Edward Alderson avant qu'il aille se meubler chez Ikea, sur le fait que la production et la diffusion de Mr Robot font manifestement partie d'une conspiration orchestrée par Netflisque dans le cadre de son plan Covid-19.
En tout cas c’est ce qu’ils disent sur france culture, donc c’est forcément vrai.

https://www.franceculture.fr/emissions/la-theorie/la-theorie-du-vendredi-06-mars-2020


jeudi 26 décembre 2019

Hildur Guðnadóttir - Joker Soundtrack (2019)

Enlève ton masque, Mélenchon, on t'a reconnu.

En cherchant autre chose, je tombe sur une interview de Bernard Lahire dans les Inrocks.
Genre la super-excuse après-coup pour avoir regardé "Joker", le film, la veille, si jamais j'avais besoin d'un alibi culturel fourni par Edouard Leclerc dans ses Espaces éponymes. 
Je ne voulais pas le voir, je croyais que c'était un film de super-héros, ces types en costumes grotesques qui ont les super-pouvoirs du Père Noël mais qui sont en fait au service de Trump,  et qui jouent les utilités dans ce que Scorcese appelle non pas des films, mais des parcs d'attraction, et que Alan Moore désigne en des termes moins polis.
Quelqu'un qui m'est assez proche pour que je lui télécharge ce qu'elle veut avant même qu'elle en ait fait la demande a émis l'idée de le voir, et finalement ce fut une soirée télé très honnête. 
Comme le dit Lahire, c'est un film sur les causes socio-économiques du Mal. Joaquim Phoenix, qui a l'héritage difficile de Jack Nicholson et de Heather Ledger à faire fructifier, s'en sort bien.
Il y a une belle lumière de chef-op, le montage est cohérent et sans esbroufe, pas d'effets spéciaux à part De Niro atrocement vieilli par effets numériques normaux, bref ce n'est pas un de ces blockbusters décérébrés pour vieux ados.



Si le film se laisse regarder, la musique se laisse écouter. Certaines ritournelles patrimoniales de  l'ère républicaine sont revisitées à l'aune du déclin de l'Empire, dont on ne parle plus guère dans Star Wars. Le versant funèbre de l'injonction à la Joie, aussi lumineux qu'un clerc de notaire à l'occasion des fêtes de fin d'année, est exploré. N'hésitez pas à prendre des notes pour y revenir plus tard, quand les effondrologues auront triomphé sur leur humble tas de ruines.
A notre prochaine réunion Tupperware, nous aborderons les bonnes raisons de regarder du porno éthique en famille.
N'oubliez pas d'amener vos cirés, au cas où ça tourne mal.

http://download-soundtracks.com/movie_soundtracks/joker-soundtrack-expanded-by-hildur-gudnadottir-va/



samedi 21 décembre 2019

Various - The Deuce - Unofficial Soundtrack (2019)

En 2019, David Simon a achevé sa fresque en trois saisons couvrant quatre décennies dans le quartier bien craouette (putes, dope, p0rn et pire, des hamburgers à toute heure) de la 42ème rue à New York.
La bande son, collectée par des fans anonymes, contient 140 titres esssentiellement empruntée à la soul des années 60 et 70, et donne furieusement envie d'être un maquereau nègre dans ces années-là. Bien que, comme on le voit dans la série, leur règne ne dure pas, les féministes commençant à leur chercher des poux dans la boule afro dès 1976.

http://download-soundtracks.com/television-soundtracks/the-deuce-unofficial-soundtrack/

samedi 2 février 2019

The Haunting of Hill House Soundtrack (2018)

Il y a beaucoup d'air et de silences dans la musique de cette série horrifique pas dégueu qui rappelle à la fois Six Feet Under et le meilleur d'American Horror Story (les 3 premières saisons, avant que ça bascule dans le grand guignol). Attention à ne pas confondre The Haunting of Hill House avec The House on Haunted Hill, et encore moins avec Return to House on Haunted Hill). En matière de maison hantée, rien n'égalera jamais plus la terreur distillée par Richard Matheson dans La maison des damnés, mais bon, on n'aura plus jamais peur comme à 15 ans en lisant un livre de poche dans la cour du lycée, il faut s'y faire. Comme le dit le gars de Télérama (il faut bien pallier la mystérieuse disparition de Pierre Serisier du Monde des Séries) :

"Mike Flanagan n’aime pas les effets tape-à-l’oeil, pas plus que le gore. Sa série est avare en effets spéciaux et ressemble souvent à une cousine de Six Feet Under angoissante – mais pas dénuée d’humour. Il s’agit avant tout de suivre, l’un après l’autre, les enfants Crain, pour comprendre ce qui les empêche d’être heureux. Certains épisodes se prêtent à une mécanique flippante à souhait – celui sur Nell, superbe conte onirique et romantique dont la chute est un grand moment d’effroi – d’autres tiennent presque du pur drame intimiste (celui sur la cure de désintoxication de Luke). Flanagan, admirateur de Stephen King (il a adapté Jessie, déjà pour Netflix), a retenu aussi ses leçons. C’est dans le quotidien et l’observation de la psychologie des personnages que la peur fleurit le mieux. The Haunting of Hill House est lentement submergé par la mélancolie. Tant et si bien que horreur et émotion finissent par ne faire plus qu’un."

Mais bon, c'est du journalisme professionnel, toujours un peu suspect de complaisance, dit-il en renfilant sens devant derrière son Gilet Jeune à demi-tarif. J'ai trouvé la chronique idéale de The Haunting of Hill House (la plus intelligente et la moins complaisante) sur un webzine, en cherchant à consulter les pires critiques d'allociné, souvent éclairantes :

http://www.dailymars.net/le-puits-et-le-pendule-the-haunting-of-hill-house-netflix/

Et la musique, dont tout le monde se fout à ce stade :

http://download-soundtracks.com/television-soundtracks/the-haunting-of-hill-house-soundtrack-by-the-newton-brothers/

L'inconvénient de s'enfoncer, même avec un enthousiasme mesuré, dans une série d'horreur psychologique, c'est que au 5ème jour d'imprégnation, on hurle dans son sommeil "il est mort !!!" sans pouvoir se souvenir de qui il s'agit au réveil, le 6ème jour on rêve de scolopendres purulents... il était temps que j'en vienne à bout. C'est toxique, quand même, ces trucs qu'on ingère sans en connaître la composition exacte, et qui sont faits à base de deuils, de fantômes, d'instants glacés, d'occasions manquées, de destins tragiques, de bruits dans les murs, d'apparitions spectrales ou démoniaques.
Alors que quand on revoit le Possession de Zulawski avec Isabelle Adjani qui avorte dans un couloir du métro berlinois en envoyant valdinguer ses commissions contre le mur carrelé comme si elle se prenait pour Rosamund Pike dans un clip de Massive Attack, c'est franc du collier, on sait qu'on se situe entre Cronenberg et Lynch de la grande époque, y'a pas d'embrouille.

lundi 21 janvier 2019

Memories of Matsuko by Original Soundtrack (2006)






C'est une longue histoire. 
Memories of Matsuko, le film, est un mélodrame légèrement japonais, cruel et acidulé; au début les yeux saignent tellement y’a de la couleur, mais après ça se calme.
Une amie imaginaire en disait ceci il y a quelques mois :
"Matsuko est une sorte d'éternelle amoureuse qui recherche dans la compagnie des hommes l'attention que son père - en permanence au chevet de sa sœur cadette gravement malade) - ne lui a jamais donnée (...) Le personnage de Matsuko, et surtout le moteur de toutes ses actions : la terreur d'être seule, ont quelque chose d'incroyablement crédible et poignant. Matsuko me rappelle la Ginnie Moorehead de Some came running de Minelli : une femme prête à tout sacrifier, à se faire humilier, battre, mépriser pourvu qu'elle ne soit pas seule.
Et bah ça fait mal à nos petits cœurs tout mous, ça donne pas envie, mais c'est bon."

Longtemps après avoir vu le film, la bande originale, miraculeusement trouvée sur un tracker russe désaffecté, me tire encore des larmes almodovariennes. 
La Peste (jaune) soit des Japonais.


https://www.mediafire.com/file/2vdo5j2x4sg2rh4/Memories_of_M-VA-2006.zip/file

[Edit] :
allelouia : une sortie en France !

https://www.journaldujapon.com/2018/11/04/memories-of-matsuko-la-melodie-du-malheur/

lundi 14 janvier 2019

Colin Stetson - All This I Do For Glory (2017)

Je regarde parfois des films d'horreur modernes (plutôt que classiques), parce que j'ai besoin de nouveaux héros pour me nettoyer la tête de toute cette merde de gilets jaunes, de ma carrière épisodique de jeune CDD de 56 ans, du mariage de Houellebecq, et de l'effondrement à très court terme de notre civilisation en bout de course, malgré la pertinence et l'intemporalité du message de Jésus-Christ. Qui malheureusement s'adresse à des hommes, et non à la bande de singes que nous sommes restés, et pour qui ce message est illisible. Les films d'horreur, j’y cherche les racines du Mal et les clés de sa légitimité, et pour l’instant, bernique. C’est une routine rassurante pour moi, de ne trouver aucun responsable crédible à la malignité du monde, pourtant d'envergure. Dans Watch out, recommandé par ces foies jaunes de Télérama, c’est la frustration sexuelle qui pousse un gamin de 12 ans et demi grandi trop vite à se transformer en Génie du Mal et à trucider tout le quartier après avoir été éconduit par sa baby sitter. Distrayant mais peu crédible.




Dans Killing Ground, suggéré par le même article de Télérama, j'assiste à une variation appuyée et éprouvante du Délivrance de John Boorman, qui met en scène toute une famille d'innocents campeurs plus un bébé et une ado, qui en sortent en piteux état, voire qui s'en sortent pas.
Là, le mal provient sans équivoque de 2 tarés de l’outback australien, qui ressemblent comme des frères à ceux qu'on trouve en Loire Atlantique quand ils sont de basse extraction et alcoolisés, et qu'en plus Nantes a perdu. Des malfaisants de bas étage. Bien raccords avec ces trois racines du mal que sont l'avidité, la colère et l’ignorance, selon le bouddhisme.
Au final un beau portrait de femme « peut-on devenir résiliente en se faisant cyrulniquer ? » un peu pénible à suivre toutefois.
https://www.telerama.fr/cinema/watch-out-et-killing-ground-comedie-sanglante-et-angoisse-aux-antipodes,n5419225.php


Après ça, je passe carrément Allah vitesse supérieure avec Super Dark Times : une bande d’adolescents se met dans un pétrin très grave car le décès accidentel de l’un d’eux au cours d’une rixe stupide engendre un parcours santé s'enfonçant résolument vers une horreur de moins en moins dicible, tout sonne atrocement juste jusqu’à la résolution du mystère qui ne résout rien, l’un des protagonistes s’était juste transformé en dément assoiffé de sang à l'issue du premier décès accidentel, sans aucune justification des scénaristes vraiment payés à rien foutre pour trouver une cause crédible à ce déchainement de folie et de mort. Dommage, la première moitié est vraiment un calvaire très réussi pour nos chères têtes blondes, la mise en scène et les acteurs déboitent.
D’un autre côté, si le Mal Absolu avait besoin de se justifier, il serait Témoin de Jéhovah.
Cette pure gratuité du geste de xx me permet de saisir l’artificialité de la situation, et partant, de ne pas trop en souffrir.



Et mon dernier blind-test, qui date de hier après midi : Hérédité, dans lequel j’entrai abusé par des commentaires internet élogieux sur un site américain que je croyais digne de foi, pour me retrouver face à un tout petit Polanski période Rosemary’s Baby.
Evidemment si j'avais lu le billet d'ilaosé, j'aurais pu m'en passer; ils ont une certaine autorité spirituelle dans le domaine des films de trouille.
Et le stylisme, les décors et l'interprétation sont particulièrement soignés, bien que Gabriel Byrne en soit réduit à jouer les utilités. Une jeune actrice incarne la petite soeur malchanceuse de cette famille maudite avec juste ce qu'il faut de difformité naturelle pour suggérer la monstruosité sans la placarder partout, j'ai quand même passé un bon moment tirant vers les mid-70's, malgré le final grand-guignol. Le meilleur de ce film de peur
c'est sans doute sa musique, parce qu'on ne la voit pas. Elle est dark et obsédante à souhait, comme le genre l'exige, mais le générique de fin m'accroche l'oreillle : ce son de saxophone distordu, polyphonique et hurlant comme un Philip Glass sous acide est inimitable, et je l'ai déjà entendu. Mais où ?

http://exystence.net/blog/2018/06/08/colin-stetson-hereditary-original-motion-picture-soundtrack-2018/

Mon iTunes a plus de mémoire que moi, il s'agit de Colin Stetson, repéré il y a 8 ans sur un best-of de blog musical canadien qui s'est depuis abimé dans le rap et la variétoche, tant pis, il en faut.
D'après son wiki, ce type est un malade, mais rien qu'à écouter la bande-son de Hereditary, on s'en serait douté. Il n'a pas son pareil pour imiter le feulement d'un chat piégé dans un four à micro-ondes allumé, ou pour invoquer des entités sonores inconnues sauf de Lovecraft, Cthulhu ait son âme.
Et Colin Stetson, il a déjà fait plein d'albums ravagés chez Constellation Records, la bande de Godspiid You Black Emperor, je vous en mets un là
https://colinstetson.bandcamp.com/
sachant que toute sa discographie est hantée et déjantée.
Les fins connaisseurs semblent dire que New History Warfare Vol.2: Judges est un sommet de son oeuvre.
Quand on accède à la vidéo-ci-dessous par un simple clic, on comprend qu'il est dans la même démarche absolutiste qu'un Guillaume Perret vis-à-vis de son instrument.
On comprend que les gars d'Hérédité, ils soient allés le chercher. S'il existe une musique qui soit possédée du démon, c'est bien la sienne.




Finalement les moments où « ça » (l’épouvante) fonctionne bien dans ces films soi-disant de terreur, c’est quand le malheur s’abat de façon purement accidentelle sur de pauvres gens qui ne l’ont pas mérité. Ou quand ils sont broyés par une causalité qui les dépasse, et qui dépasse aussi le spectateur, comme dans Resolution.
Mais dès que la malveillance est attribuable à des humains où à des démons de plus ou moins bas étage, plutôt qu'à un destin aveugle et/ou à la loi de cause à effet, on bascule vite du tragique dans le grotesque.
Ca marche vraiment dix fois mieux quand on ne comprend pas pourquoi le Mal s'abat.
La prochaine fois que ça me prend, je me lance dans « The haunting of hill house »
https://www.telerama.fr/series-tv/the-haunting-of-hill-house,-la-serie-horrifique-de-netflix-hantee-par-le-deuil,n5845033.php
J’en ai regardé deux épisodes chouettement épouvantables (comme dans une recettes de nouilles au gruyère réussie où l’on met plus de gruyère que de nouilles, dans haunting l’effet horrifique vient de la proportion de deuil et de vies foirées, largement supérieur aux ingrédients de terreur pure et à un folklore difficilement renouvelable de fantômes, de démons etc...)
Heureusement que j’ai aussi regardé la saison 2 de The Deuce, aux enjeux dramatiques plus consistants que la 1
et la saison 1 de Kidding, avec Jim Carrey, vraiment très réussie, et constamment surprenante.
Mine de rien je vous fais gagner un précieux temps de visionnage.

lundi 17 décembre 2018

Dan Romer - Maniac Soundtrack (2018)

J'ai bien aimé la minisérie "Maniac", avec Jonah Hill et Emma Stone, que je ne connaissais pas. Elle est très délirante par certains côtés, et très sage par d'autres, disant des choses assez simples sur la souffrance et sur le deuil, sous des dehors farfelus et/ou confus et/ou sophistiqués.
Quand son personnage fait des bouffées délirantes schizophréniques, Jonah Hill imite Rami Malek dans Mister Robot de façon très convaincante.
Et la musique est pas mal.

http://download-soundtracks.com/television-soundtracks/maniac-soundtrack-by-dan-romer/

samedi 6 octobre 2018

Noah Hawley & Jeff Russo - It’s Always Blue : Songs from Legion (2018)


Après avoir survécu à la saison 2 de Légion, encore plus cryptée que la 1, à tel point que je me demande si ce n'est pas plutôt elle qui m'a regardé en se demandant pourquoi je faisais si grise mine, comme dans la blague sur l'abîme que Nietzsche avait piquée à Lovecraft, j'ai trouvé du combustible pour raviver ma légionnellose hors-saison : une collection de chansons psychédéliques (Jefferson Airplane, Cream, Talking Heads, The Dead Aznavours on Acid) orchestrées de façon déprimante, tiédasse et généralement ramollie par le créateur et le musicien attitrés de la série.

- le preview de l'album
https://jeffrusso.bandcamp.com
où on peut aussi l'acheter avec des bitecognes si on en a acheté avant avec du vrai argent.

- les endroits plus discrets où on peut se le procurer discrètement sous pli discret :
https://www.musikfestival.info/download/noah-hawley-jeff-russo-its-always-blue-songs-from-legion-2018/
ou
https://newalbumreleases.xyz/noah-hawley-its-always-blue-songs-from-legion-2018-download/
ou
https://musicriders.blogspot.com/2018/08/noah-hawley-jeff-russo-its-always-blue.html

Je pense que je vais finir par prendre un abonnement qobuz : l'offre illégale est bien trop importante (quoi qu'assez confuse depuis la disparition de WhatCD) pour parvenir à faire quelque chose d'intelligent chez soi le soir après le turbin (quand y'en a) à part downloader comme un âne en croyant défier Babylone.
Un autre problème se pose : quand les illustrateurs sonores des séries télévisées contemporaines auront recyclé l'intégralité de la production discographique des années 50 à 70, il faudra que l'équivalent américain du CNRS envoie dans le passé des groupes de maintenant pour y forger de nouveaux tubes afin que les illustrateurs sonores des séries télévisées y trouvent du nouveau grain à moudre. Avec Trump qui sabre tous les budgets scientifiques, c'est pas gagné.

jeudi 4 octobre 2018

Sharp Objects Unofficial Soundtrack (2018)

"Sharp Objects", la mini-série de HBO dont tout comme vous j'ignorais l'existence avant de la connaitre grâce à Télérama, est inspirée d'un roman écrit par l'auteur de Gone Girl, qui fut récemment adapté au cinéma par David Fincher dans son style habituel, fluide et glacial. Je ne sais pas si vous suivez, mais c'était alléchant, d'autant plus que le monsieur patate du Monde des Séries était très content.
Le roman, que je n'ai pas lu, est sans doute inhumainement étiré, au mépris des lois de l'élasticité, tout au long des huit heures que dure la série soi-disant mini, plongeant le spectateur de bonne volonté le plus averti dans un coma nauséeux, et pourtant tout à l'heure quand il a téléchargé la série il était réveillé, lucide et conscient, mais il a maintenant l'impression que quelqu'un lui a appliqué un chiffon imbibé de trichloréthylène et d'éther sur l'endroit de son organisme où les voies respiratoires viennent reprendre un peu d'oxygène quand elles le peuvent, mais non, ça va pas être possible, alors il passe ces huit heures de télédiffusion en apnée, c'est long huit heures en apnée, je ne sais pas si vous avez essayé, et au sortir de chaque épisode, pas question d'en regarder deux d'affilée ça serait d'une imprudence vertigineuse, il faut aller s'aliter préventivement parce que la torpeur menace de briser en les faisant chuter au sol ces menus objets que l'on tient entre ses doigts en priant pour que ça s'arrête, télécommande de l'écran plasma 72 pouces, fragments de tablette de chocolat à l'orange aux éclats de pistache, et si on pouvait passer à autre chose, plutôt réécouter 100 vieux albums de Thiéfaine en faisant de la méditation de pleine conscience, plutôt regarder la saison 2 de Top of The Lake avec les moues les plus masos d' Elisabeth Moss, et pourtant Amy Adams joue bien, l'image et le montage sont raffinés, il y a des séquences assez réussies sur cette famille toxique, mais alors si vous saviez combien l'intrigue se traine péniblement d'une scène à l'autre comme si elle souffrait d'une intoxication polymédicamenteuse, vous lui mettriez une balle dans la nuque et l'enterreriez au fond du jardin, les personnages se meuvent dans une mélasse géographico-psychique qui semble avoir englué toute la ville, mais la bande-son est assez géniale, avec des vieux Led Zep, du rock indé, du Bach, de l'east-listening, bref, la soupe multi-vitaminée habituelle, mais confectionnée avec originalité, c'est souvent le risque avec ce type de produits, et cette compilation assemblée nuitamment par des geeks audiophiles vient de sortir, attention, elle est non-officielle, hein, ça reste entre nous.

http://download-soundtracks.com/television-soundtracks/sharp-objects-unofficial-soundtrack/

mercredi 19 septembre 2018

[Repost] Amon Tobin - Taxidermia Soundtrack (2008)



18 juin 2009

il fut un temps où amon tobin était un novateur génial. De 1997 à 2002, as far as I am concerned.
Et puis, fatalement, quand il s'en est rendu compte, il a fini par se copier lui-même.
Il avait beaucoup trop d'avance sur ses poursuivants pour être rattrapé.
Là c'est juste la bande, originale, d'un film qui a l'air bien taré et qu'il faut que je trouve le temps de mater.
(lien megaupload périmé de chez périmé)




19 septembre 2018

J'ai vu le film il y a longtemps, je n'en garde aucun souvenir, à part que c'était vaguement outrancier.
Par contre, la bande-son, c'est toujours quelque chose, eu égard à la faible productivité actuelle de mon ancienne idole.

https://music.amontobin.com/album/taxidermia

lundi 27 août 2018

Cristobal Tapia de Veer - The Girl With All The Gifts (2017)

 A mon retour de vacances, j'm'étais cru deviendu assez indifférent à mon attachement envers la culture, je veux dire dans le sens "pas ce soir, je suis attaché au radiateur", et quand je dis la culture, enfin je veux dire la contre-culture qui m'en tient lieu, mais c'était il y a 3 jours, et depuis, qu'est-ce qu'apprends ?
Que Mike Carey, qui a écrit un très bon run de John Constantine/Hellblazer, plein d'épisodes des Fantastic Four et des X-Men que je ne lirai pas pour cause d'absence d’intérêt envers les super-héros, mais surtout Unwritten qui est en cours de traduction chez Urban Comics et qui est très ambitieux et assez réussi par moments, a aussi commis un roman : "The Girl With All The Gifts", qui semble bien meilleur que les romans publiés par son confrère scénariste de comics Warren Ellis, livre adapté au cinéma en 2016 et passé scandaleusement inaperçu par moi, et dont j'ai entendu parler à cause d'un article de Télérama sur Cristobal Tapia de Veer alors que je cherchais une petite série pour la rentrée, Cristobal qui n'est pas le neveu de Patrick et n'a pas de pantoufle, mais qui a signé la musique de The Girl with All the Gifts, Cristobal identifié par nos services depuis son travail sur la bande sonore de la série Utopia (à notre avis inégalée dans son approche d'un conspirationnisme éclairé), Tonton Cristobal qui persiste à produire une musique singulière.
Bref, vous l'aurez compris, je n'en ai peut-être pas tout à fait fini avec la culture.

dimanche 3 juin 2018

Jeff Russo - Legion Season 2 (Original Television Series Soundtrack) (2018)

Et qu'est-ce qu'on trouve sur le site de Jeff Russo depuis le 25 mai ?
Mmmh ?
La musique de la saison 2 de Legion.
Fou que j'étais de ne l'y point chercher.
Evidemment, des petits malins (et/ou des vieux margoulins) l'ont suckée, siphonnée et reseedée.
C'est mal, mais c'est bien... pratique pour l'écouter.
Ce qui est étonnant, c'est que dans le dernier disque de Mark Lanegan, on trouve une allusion même pas voilée au Shadow King, personnage central de la série, cet Amahl Farouk qui passe de corps en corps sans retrouver le sien puisque le moine l'a planqué on ne sézou dans le Sichuan et qui de plus est affligé d'une hilarante glossolalie qui le fait souvent déclamer quelques mots dans un français rocailleux mais limpide, alors que Mark Lanegan ne chante pas du tout dans la bande-son de Legion mais dans celle de American Gods.
Je ne vois même pas pourquoi je le pointe puisqu'en général il n'y a que moi qui vois ce genre de détails, et qu'en plus tout le monde s'en tamponne le coquillard jusqu'à plus soif.
Ceux qui chantent dans la bande-son de Legion, essentiellement instrumentale, ne sont pas légion, si l'on exclut l'irruption dans la série de Jacques Brel, des Kinks, du Velvet, de Cat Power et d'Hubert-Félix Lemercier, qui ne sont pas repris sur l'album vu qu'il est signé Jeff Russo, vraiment faut tout vous expliquer vous êtes bouchés à l'émeri, et donc à part tous ces guests morts ou vivants, ceux qui chantent dans Legion c'est bien souvent le showrunner (Noix au lait) et le musicien attitré de la série qui s'y collent en fin d'épisode, prenant un malin plaisir à commettre des reprises ramollos de succès passés du music-hall d'hier comme celle-ci dont l'original me sert de sonnerie mobile depuis de nombreuses lunes même que mon fils a racheté le même, on s'en fout, je ne serai jamais à la hauteur de mes exigences rédactionnelles, tout est vain.
Car finalement quel est l'intérêt de la piste sonore instrumentale de Légion saison 2 hors de son contexte ? J'avais un copain, je l'ai d'ailleurs toujours, qui s'était introduit dans les années 70 et dans un cinéma du quartier latin avec un magnétophone à cassettes mais aussi à piles, et peut-être au lithium, seulement l'histoire ne le dit pas, cinéma où il avait enregistré des ambiances sonores pendant la projection du film Little Big Man, je me souviens de l'air de flutiau irlandais particulièrement entrainant pendant le massacre de la Wichita River, bien qu'à peu près totalement recouvert par les raclements de gorges de ses voisins de salle et les grincements des strapontins se rabattant au bout de la rangée de sièges car c'était l'époque des cinémas permanents et on pouvait entrer et sortir comme qui rigole à n'importe quelle heure et voir le même film trois fois d'affilée même si c'est à peine croyable pour les jeunes d'aujourd'hui qui préfèrent faire voler des drones plutôt que de regarder Légion, en tout cas pour mon copain c'était une forme d'idôlatrie pure mais l'idole était en plâtre car Aimée Eccles qui interprétait Rayon de Soleil dans Little Big Man n'était même pas amérindienne mais chinoise de Hong Kong, mais on s'en fichait bien à l'époque car nous voulions croire dur comme un cheval de fer à l'esprit d'endurance et de résilience de ces tribus amères, indiennes, inlassablement génocidées par les Tuniques Bleues, et pourtant Lambil et Cauvin n'en disaient mot dans Spirou, et enregistrer l'attaque de la Wichita River sur un magnétophone à piles et à cassettes avec un micro tout pourri c'était comme réaliser un screener sonore quarante ans avant que ton beau-frêre invente le screener avec sa caméra Hi8, c'était un acte de foi dont l'écoute nous transportait aux côtés de Dustin Hoffmann et de Peau-de-la-Vieille-Hutte, comme ces pionniers de la colonisation spatiale qui consomment une confiserie hallucinogène dans le Dieu Venu du Centaure de Phil Dick qui leur permet de se translater dans les poupées Pat ou Walt et de retourner vivre leur existence sur une Terre idéalisée par l'abus de Malibu pour un temps plutôt court dans la peau de Pamela Anderson, et est-ce que la musique de Lésion saison 2 peut engendrer des troubles conscientiels aussi importants si on l'écoute sans les images, j'avoue que je l'ignore, ça ne fait que trois jours que je l'écoute en boucle et pour l'instant je n'ai rien remaqué d'agnomal.
Et pourtant je sens bien que Lésion saison 2 c'est la pâte à tartiner de glyphosate lysergique, Lésion saison 2 c'est comme Ubik, un vaporisateur qui empêche la régression du temps bien que Syd vienne du futur et qu'Amahl Farouk ait bien du mal à coucher avec Lenny vu qu'il n'a plus de corps, franchement j'aimerais vous y voir, en tout cas ce qui est certain c'est que Lésion saison 2 c'est les joies de la lésion cérébrale temporaire sans les drogues expérimentales pour y parvenir de façon permanente, que chaque épisode peut être vu et revu et même re-revu séparément puisque le thème le plus évident de la saison 2 est la discontinuité, le sciage méthodique du lien qui exista jadis entre la cause et l'effet, et franchement on ne s'en lasse pas après une journée au bureau, surtout quand c'est le ouikende dans une grande station de télévision régionale et qu'on a réussi à glisser deux morceaux musicaux de Lésion saison 2 dans des reportages qu'on a montés pour le journal du soir afin d'aider à la dissémination & propagation du virus, et qu'on sait qu'on va rentrer chez soi le coeur en paix du travail accompli et qu'après une bonne pizza à la sciure on pourra regarder l'épisode 3 pour la 48ème fois sans s'en lasser, ou alors le 5, peu importe, la nuit est encore jeune.

P.S. : on me signale en régie que la chanson de Lanegan citant le Shadow King  n'est pas du tout sur son dernier album mais sur Blues Funeral (2012). Ca devient vraiment n'importe quoi ce blog. Et alors ? Quand tu regardes par hasard la vidéo du ver plat géant qui menace l'écosystème français, tu crois voir un remake d'un vieux Cronenberg, mais ça ressemble aussi à l'écrevisse mazoutée qui transporte et dissémine le Mal d’hôte en hôte en s'introduisant nuitamment dans leur oreille dans Légion saison 2, ou à la souris qui se met à chanter du Bryan Ferry dans l'épisode 6, et pourtant c'é vré, même si tu ne sais plus trop ce que ces mots désignent. C'était le but. Ce que Russo fait de bien aussi c'est la musique de Altered Carbon, une série de SF grotesque. Ce qu'il ne fait pas c'est la musique de The Expanse, space opéra très correct pour l'époque (Trump an II) ni celle de Handmaid's Tale, qui repousse les borgnes du masochisme télévisuel chez le lecteur de Télérama de plus de 50 ans, c'est pourquoi je ne la regarde plus.