mercredi 9 septembre 2020

Devs Soundtrack (Complete by Ben Salisbury, The Insects & VA) (2020)

La statue de la fifille à son papa.
Ca fait du bien de regarder une mini-série de science-fiction spéculative qui sans être vraiment contemplative, n'est ni trop barrée, ce qui lui évite de se perdre, et nous avec, ni aggressive. Dont les héros ne sont majoritairement ni blancs ni dépressifs. Qui se passe à San Francisco, élégamment survolée, sans qu'on brocarde en voix off le renchérissement des loyers du fait que la ville soit devenue le dortoir de la Silicon Valley. 
Une série dont les concepts et thèses sur la causalité ne sont pas infligés à coups de gros mots issus du vocabulaire intimidant de la physique quantique, mais sont détaillés presque au ralenti, comme si on lisait un ouvrage de vulgarisation chiantifique sous Valium.  Ou le compte-rendu de la série sur ce site spécialisé pour mal-comprenants.
Sans doute qu'on ne prendra pas une grande claque devant Devs comme jadis devant Black Mirror, devenue le mètre étalon de la prospective pessimistique, sans doute qu'on regrettera une série à charge, qui veut dénoncer le caractère déterministe de l'univers, qui l'empêche de désobéir à ses propres lois tout en préservant l'idée chère aux scénaristes (et si pratique en cas de panne créative) d'une infinité de mondes connexes et imbriqués, grâce à l'exercice mesuré du libre arbitre en quantités raisonnables, j'ai déjà oublié comment les deux s'articulent mais ça n'était pas si indigeste que ça, bien que le message du Christ soit un peu blackboulé sur le coup, et que la portée spirituelle de la série s'en ressente un peu, tant pis, pas trace non plus de débauche d'effets ou de relances narratives confuses et laissées en plan un peu plus loin sur le bas-côté de l'autoroute de l'information parce qu'on n'a que 8 x 52 minutes. Et en rendant hommage sans ostentation à Everett et à ce putain de chat de Schrödinger qui vient bouffer toutes les croquettes du mien. Alors que ça aurait pu tourner à l'épisode de trop de Rick et Morty.
Une série sur laquelle on ne se sent pas obligé d'écrire un article informatif (qui de toute façon barrerait en couille avant même d'atteindre son propre milieu, bien qu'il ne puisse le faire qu'après avoir mesuré sa fin) depuis la découverte d'une cybertaverne au comptoir de laquelle des transfuges du courrier des lecteurs de Télérama mettent la honte aux spectateurs d'allociné par l'emploi d'arguments construits et d'adjectifs raffinés.

Ma fille me prenant pour la réincarnation d'Harvey Weinstein,
je préfère ne pas insérer d'image de Sonoya Mizuno,
mais du seul gros geek dépressif de la série,
bien que ça soit moins vendeur.
C'est reposant de suivre les tribulations de Sonoya Mizuno, soi-disant aux abois mais quasiment sans affects exprimés, de la regarder devenir presque sexy tellement elle est désérotisée. Tellement elle porte la poisse à ses amants, aussi. Mais Alex Garland (Ex Machina, Annihilation, et maintenant Devs) l'exhibe depuis si longtemps qu'il doit y avoir anguille sous roche. Des situations potentiellement hystériques donnent lieu à des échanges policés dans une ambiance peu anxiogène, malgré des enjeux importants.
Une série à recommander donc à ceux dont la prise quotidienne de lithium garantit la stabilité humorale, et qui n'en attendent pas autant que du dernier recueil de Ted Chiang qui sur les mêmes thématiques rebattues du deuil, du voyage temporel sans rime ni raison, des conséquences de nos actes et de ce qu'on va manger ce soir, pourrait bien faire valdinguer nos certitudes dès qu'on trouvera 5 minutes pour aller à la ville l'acquérir en librairie à condition de ne pas oublier son masque à la maison.
Série dont la bande-son originale est composée de morceaux paisibles richement texturés (cordes, voix humaines, instruments percussifs doux genre gamelans) par les collaborateurs habituels de Garland dont un ancien de Portishead, et de reprises inspirées.
Et en plus vous avez le choix de la garniture : 
- la version Score (les compositions originales)
la version Soundtrack (les morceaux importés dans la série : Jan Garbarek, Low, Steve Reich...)
la version Score + Soundtrack (supplément cornichon 2€)
De toute façon, je n'avais rien envie de regarder, c'était ça ou Tales from the Loop.
Ou un vieux Nolan à la téloche, parce que j’ai trouvé un blog qui me convient tout à fait dans sa façon de traiter le dernier, et surtout de me dissuader d'aller le voir.

20 commentaires:

  1. Y’ a aussi le Christ dans le dernier Nolan. Et je ne suis pas fan de The Loop. Et comme je suis assez bof en ce moment, allons jeter l’oreille gauche.

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  2. Je suis assez bof aussi, je n'ai pas eu la force de poster un comm' sur ton article sur Nolan. Peut-être que je demande à la culture quelque chose qu'elle ne peut pas m'apporter, et c'est pourtant pas faute de la lui réclamer : l'élévation. Heureusement, j'ai de graves problèmes de santé, qui devraient tout replacer dans une perspective plus saine.

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    1. C’est le moment de s’élever alors (soigne toi bien et tous mes encouragements). Mais c’est pas chez Nolan qu’il faut aller chercher. Plutôt du côté de D"ans un jardin qu'on dirait éternel" (que je n’ai pas chroniqué parce que ça ne rentre pas trop dans le cadre de mon blog, ce qui est quand même paradoxal).

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  3. Je regarde les références du film dont tu parles. J'erre dans les colonnes des retours utilisateurs d'allociné, car il est bon que je me frotte à la plèbe, au lieu de me la péter sur mes blogs. Et ils sont souvent meilleurs critiques que les professionnels de la profession.
    L'un d'entre eux écrit "Vous est-il déjà arrivé de voir un film tellement MÉDIOCRE que votre colère s'épand à flots ? Cela m'est arrivé hier, avec TENET. J'aurais pu m'arrêter là, faire une insomnie... Mais non ! J'ai enchaîné avec DANS UN JARDIN QU'ON DIRAIT ÉTERNEL qui a finalement sauvé ma journée, par l'apaisement qu'il distille, sa grâce, sa profondeur existentielle et thématique. Moralité... Le bonheur n'est pas là où les masses se ruent (la consommation), mais dans l'intimité humble, où infuse l'âme tout en saveur. Je tâcherai de me souvenir qu'il importe de vivre l'instant présent, avant toute chose, même si la vie nous bouscule dans ses urgences..."
    Ca me parle, même si un film autour de la cérémonie du thé ce n’est à priori pas très sexy.
    Je tire mon chapeau au spectateur anonyme, qui en plus fait tourner les salles de cinéma : il est allé voir deux films radicalement dissemblables le même jour.
    Je dis ça, et après je me rends compte que hier, j'ai regardé Inception, puis Le Chant de la forêt
    https://www.senscritique.com/film/Le_Chant_de_la_foret/critique/194585068
    Je regarde des films ethno, en ce moment. Mais je tombe sur des Iakoutes (Ága) ou des indiens (Les Voyages du vent) qui ne me donnent pas forcément les clés de ce que je regarde. Et des fois j'ai l'impression qu'ils s'ennuient autant que moi, bien qu'ils aient moins de distractions, et qu'ils soient dans une grande frugalité langagière.

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    1. Oui, j’ai vu le commentaire hier. En France, vu la cinéphilie de pas mal de monde, le critique c’est surtout quelqu’un qui est payé pour écrire sur le cinéma. Les autres ont autre chose à faire :-) Il y a avait une excellente intervention du public au Masque et la Plume sur le dernier Anne Fontaine qui a été chaleureusement applaudi. En ce moment il y a un film de steppes qui a l’air bien lent (j’ai failli aller le voir car il le vendait comme un truc policier).
      Le film japonais est bien mais c’est un film avec des moyens modestes et filmé modestement. Ça tient sur l’histoire et les personnages (et le message).

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    2. Sans me laisser perturber par le fait qu'elle ait joué dans Tendres Cousines simplement parce que j'ai donné 10 € à wikipédia la semaine dernière qui m'envoie depuis des lettres privées chaudasses, je suis allé écouter le gars du public qui parle du film d'Anne Fontaine au Masque et la Plume, gars du public qui tire son succès d'une connaissance réelle des arcanes du dossier qu'il explicite, et d'un raisonnement humainement satisfaisant.
      C'est ce qui me plait dans mes lectures de critiques des gars du cru, à l'exception de ceux qui usent de formules toutes faites (précédemment forgées par la critique)révélant ainsi leur tentation à faire partie de "ceux qui savent" au détriment de l'expression de leur pensée personnelle.

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    3. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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    4. J’ai supprimé mon précédent commentaire qui était bien trop ambigu. Désolé.

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    5. "bien trop ambigu" J'apprécie ta formulation qui montre que dans ta tête il n'y avait aucune ambiguïté, et que ça penchait trop de l'autre côté.
      Heureusement, nous ne saurons jamais.

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  4. Le meilleur film de steppes bien lent que je connaisse est japonais, c'est Dersou Ouzala.
    J'avais bien fait de ne pas miser un rond sur l'adaptation de "En attendant les Barbares" par Ciro Guerra, ce n'est qu'un joli livre d'images.
    Tout ce que la littérature me suggère, le cinéma me l'assène.
    Je vais me mettre sous perfusion de Christopher Priest, écrivain du doute.

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  5. C’est pas vraiment steppes Ouzala (mais c’est un de mes films préférés).

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  6. Dersou Ouzala, oui, c'est le top de ce que le cinéma peut apporter en termes d'émerveillement.

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  7. Je ne connaissais pas , mais tu m'as donné l'envie de le regarder
    (je n'ai encore vu que deux épisodes mais je suis déjà accroc )

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    1. Le problème c'est que ça dure 7 heures, alors que ça aurait fait une nouvelle de SF potable sur 150 pages. Mais ça m'a reposé.
      Et il y a au moins deux invraisemblances majeures : l'impassibilité émotionnelle de tout ce petit monde hyperconnecté, et le système pileux hyperdéveloppé de notre jaune ami.

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  8. Tu diras à ta fille que tu ne peux être une réincarnation d'Harvey Weinstein car il aurait fallut que tu naisses après qu'il soit mort. Tu pourrais éventuellement être possédé par Harvey Weinstein mais à sa place j'aurais, à minima, choisis de possédé quelqu'un de plus riche et de plus entouré de très jeunes filles.

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  9. Je crois que l'esprit qui possède Harvey ne calcule pas trop le vieillissement de ses hôtes (Matzneff, le Scouarnec et autres ne sont pas des perdreaux de l'année non plus). Dans l'Exorciste on voit un jeune curé dire au démon "possède-moi" avant de se défenestrer pour faire disparaitre le Mal avec lui, mais aujourd'hui il y a une vraie crise des vocations. Et le film a quand même assez mal vieilli, lui aussi.

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  10. Ah ce serait un même esprit pour tout ce beau monde... je me demande si ce n'est pas notre esprit à nous qui a du mal avec la pluralité et qui voudrait tout réduire à une unité... pas étonnant que certains ont eu cette idée curieuse d'un dieu unique.

    Si le démon existait il se marrait bien en voyant l'exorciste et plus encore si un curée avait l'idée de se défenestrer en sa compagnie.

    Beaucoup plus vraisemblable sans pour autant être véridique un vrai exorciste qui racontait je ne sais plus où que le diable lui aurait dit (via une personne possédée) qu'il détestait le silence et que c'est pour ça qu'il a inventé la télé. Pas un mot sur internet (incidemment spotify) mais si c'est lui aussi, je lui dois une reconnaissance éternelle.

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  11. Lapsus pour le e en trop à curé (Bas morceaux du gibier abattu, que l'on donne en pâture aux chiens)

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  12. Mais pour revenir à ta réflexion, ou plutôt à celle de ta fille, elle manque cruellement de distance réflexive et historique.

    "En réalité, nos notions progressistes d'autonomie corporelle des filles et leur droit d'être protégées de la coercition sexuelle sont des idéaux acquis de haute lutte et qui n'ont que lentement émergé au cours des siècles, principalement dans le monde occidental anglo-américain."

    https://www.lepoint.fr/debats/pourquoi-jeffrey-epstein-n-est-pas-une-exception-07-09-2019-2334149_2.php

    Autrement dit que les hommes murs préfèrent la chair fraîche des adolescentes a des soubassement naturalistes. C'est le contraire qui serait surprenant. La catégorie même d'"adolescente" est une catégorie qui a émergée relativement récemment.

    "À la puberté, les enfants passaient directement de l'enfance à la maturité sexuelle, comme dans le reste du règne animal."

    Si on peut se réjouir du bon sens de l'évolution qui voudrait qu'on préserve nos adolescentes des prédateurs sexuels c'est bien parce que ce n'est pas comme ça naturellement dans le règne animal ni dans un passé heureusement révolu.





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  13. Réjouissons-nous. Sauf des dérives féministes, et des lynchages médiatiques.
    Dénonciations, anathèmes, mise au banc. Ma fille ne me prend pas pour Weinstein, mais elle est un peu #mitou et j'ai longtemps eu le gout de la provoc. Je récolte ce que j'ai semé.

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