samedi 18 janvier 2020

Alessandro Cortini - Volume Massimo (2019)

Vous n'êtes pas responsable de la tête que vous avez, mais de la gueule que vous faites. C'est ce qu'on lit parfois sur la porte du bureau de l'urbanisme où l'on vient humblement demander l'autorisation municipale de construire une cabane à poules au fond du jardin. Une fois la porte poussée, on découvre qu'ils font une tête pire que la  notre.
Avec ses grosses lunettes, Allessandro Cortini ressemble à un ingénieur des Ponts et Chaussées italien un peu suspect dans un giallo [ˈd͡ʒallo] de Dario Argento, mais qui mourra avant la fin, prouvant ainsi sa lâche sincérité de victime. 
Et un peu aussi à Winslow Leach, l’auteur-compositeur qui commence aussi mal qu'il finit dans Phantom of The Paradise.
Voilà pour les clichés.
Sans voir sa tête pour le moment.
Faut me croire sur parole.
Il n’y a pas de sot métier, mais Allessandro est claviériste dans Nine Inch Nails. 
Avouez que ça la fout mal.
Ongles de neuf pouces, ça fait longtemps que j'ai cessé d'être à l'écoute de leur petite entreprise d'épouvante sonique, bien avant qu'ils viennent cachetonner dans le bar minable des génériques de fin de la saison 3 de Twin Peaks. Je ne savais même pas qu'ils avaient un clavier.
Dans le disque d'Allessandro, dont j'ignorais tout avant de le connaitre, ça ne s’entend pas. 
Et on ne voit toujours pas sa tête. 
Ce qu’on voit sur la pochette, c’est deux hommes aux visages masqués par des ornements de cou qui sont à mi-chemin de l’abat-jour Ikea et du cache qu’on met à nos petits amis à poils, à plumes, à cornes et à dards pour les empêcher de se lécher le cul et/ou de s’arracher les fils avec les dents après l’opération. On suppose que le côté lampadaire/mégaphone sert à focaliser la lumière/le son qu’on diffuse sur une zone plus précise, et que le côté blague du vétérinaire permet d’entretenir la démangeaison sans infecter la plaie.
Musicalement, c'est un peu ça : le disque oscille malicieusement entre démangeaison et incandescence.
Incandescence parce que le son des synthés est chaud et analogique, comme dans ces vieux amplis guitare à lampe dont on attendait que le filament soit chaud pour entendre les plonks et replonks qu'on y jouait, monstrueusement amplifiés.
Son chaud et avec du sustain pour une musique froide et sans ornements, ou si peu.
Démangeaison parce que c'est musicalement frugal, on aimerait qu'il y ait plus à ronger autour de l'os, mais non, la fête s'est finie dans les années 70, on est entrés dans un monde post-rock, post-fun, post-tout et sans doute bientôt post-post, et comment ferai-je alors pour poster, et encore, selon les effondrologues les plus en vogue, on n'a encore rien vu.
De l'ambient énervée, agacée ? Quelque chose d'obstiné, en tout cas, retenu mais en tension, sourdement. Pour les catégorisations de spécialistes de la valse des étiquettes, je vous laisse voir avec mes collègues. Ils sont Légion. On murmure les noms de Boards of Canada, de synthwave, de neurasthénie atonale, à moins que j'invente à mesure. Et puis après, je vous laisse passer en caisse. Ca fait trois mois que je l'écoute, mais je viens juste de trouver la vidéo du morceau qui me séduit plus que les autres, et les mots pour le dire.



C'est musicalement retors, vous en conviendrez, mais au niveau vidéo, c'est un peu une image fixe. Comme l'avait osée Piotr Tenmin dans son célèbre film "L'Appel de la nature" tel qu'il est montré dans l'article de la désencyclopédie sur la narration non linéaire pour les nuls. C'est pour ne pas faire fumer les serveurs dans les souterrains climatisés de San Francisco et risquer de refoutre le feu à la Californie que Greta Thunberg a récemment appelé à ne mettre en ligne que des vidéos immobiles, à destination des inconscients qui écoutent de la musique sur youtube.
L'image fixe, c'est le vrai label qualité "développement soutenable" de la vidéo en ligne.
Si on veut s'encanailler un peu et faire la nique à Greta, on peut regarder en douce une vidéo un peu plus arty avec nos deux danseurs lampadaires contemporains qui bougent.



Avec leurs pas chassés et leurs petits quiproquos d'intermittents du spectacle qui projettent leur propre angoisse du lendemain parce qu'ils n'ont pas fait leurs 507 heures, ils font songer aux deux gardiens de phare du film "The Lighthouse" qui retiendraient leur propre lumière, mais l'article a du mal à s'écrire tout seul, alors il faudra revenir plus tard. 
Bon mais alors c'est où qu'on voit sa tête, à Allessandro, qu'on puisse dire du mal ?
Ben c'est là.



Et le disque il est où ?
Ben il est là.
http://exystence.net/blog/2019/09/27/alessandro-cortini-volume-massimo-2019/


lundi 13 janvier 2020

Lovecraft Facts (5)

Et voici donc pas plus tard que tout de suite la célèbre recette du poulpe à la sétoise façon Lovecraft, pot aux roses autour duquel je tourne depuis une bonne quinzaine.
Tiens, non, ce n'est pas un extrait des Plus slurpeuses recettes de l'immonde, ce n'est qu'une des milliers de photos à la con qu'on trouve sur Internet,  photo à l'esthétique affirmée mais ambigüe, puisqu'elle joue sur plusieurs registres, dont celui d'un érotisme chic et malsain, photo à laquelle on peut faire dire ce qu'on veut, sauf ce qu'elle pense. 
Vous allez me dire, elle ne pense peut-être pas à grand chose, si ventre affamé n'a pas d'oreille, ventre plein encore moins, mais justement, on regarde peut-être la photo dans le mauvais sens. 
Peut-être que c'est la dame qui a voulu manger la bête après avoir regardé une émission culinaire un peu bourrative de David Cronenberg dans sa première période, et dont la position des mains sur sa poitrine indique à la fois la satiété, une volupté indicible, et peut-être un désir tardif de préserver ce qu'il lui reste de vertu en masquant sa nudité. Et elle a peut-être eu les yeux - qu'on devine gourmands et malicieux - plus grands que le ventre, parce qu'on dirait bien qu'elle cale un peu. Mais peut-être qu'il s'agit d'autre chose, et que c'est la bestiole qui a essayé de s'introduire dans la dame parce qu'elle a un mode de reproduction ovovivipare comme dans Alien, et qui se trouve obligée d'élargir certains orifices pour forcer son passage dans d'étroits boyaux avant d'aller y pondre quelque larve d'outre-espace.
En tout cas quelque chose d'innommable nous est suggéré, et réclame notre connivence, notre adhésion, ou provoque notre dégoût, notre indignation. Il y a 10 ans j'avais légendé la même photo "Alerté trop tard, le Comité de préservation de la faune sous-marine n'a pu intervenir" et si vous me laissez 10 ans de plus, j'en trouverai une encore plus rigolote, mais après on va encore dire que c'est le Warsen qui se mord la queue.
Qu'on ait lu Lovecraft ou pas, qu'on ait joué à des jeux vidéo plus ou moins bien inspirés de son univers quand on était petit, c'est un peu comme s'il jouissait d'une autorité spirituelle et d'un copyright de principe sur tous les trucs à base de tentacules. Littérairement, on se rappelle que c'est le champion très daté du préfixe privatif, même si c'était une super-bonne idée que les mots déclarent forfait pour décrire la source d'effroi, décrire c'est tuer la peur de l'inconnu.
Par exemple, cette nuit je rêve que je trouve devant mon garage une femme "déguisée" en agent de police, faisant semblant de monter la garde ; tout de suite ma conscience onirique me signale qu'il est impossible qu'elle soit un vrai flic, qu'elle n'a donc aucune légitimité à être en planque devant chez moi, en même temps que sur le plan vibratoire je ressens une horreur atroce, je la perçois comme un démon et un cauchemar énergétique digne du pire David Lynch, elle va me dévorer donc je lui saute dessus avant qu'elle m'explose à la figure, et je suis bien sûr réveillé par les cris de ma femme, qui est en train d'être molestée sans raison valable.   
Je me confonds en excuses.
Je n'ai pas tous les jours la chance d'être confronté au sentiment d'horreur cosmique.
Je reconnais qu'il est indicible.

En plus, c'est pas pour prétendre que ce début de peignée somnanbulique ait servi à quelque chose, mais quand même c'est troublant ces trous noirs : ce matin elle a retrouvé les clés de la boite aux lettres et son second jeu de clés de voiture, qu'elle nous accusait effrontément d'avoir égarés depuis deux semaines.
Qu'en conclure ? que comme rejeton illégitime de l'horreur cosmique, les photos de Richard Kadrey comme celle que nous avons vue au début de cet exposé, sont plus probantes que beaucoup d'autres hybridations. 
Avec des mitraillettes à chargeur camembert, je trouve que ça le fait moyen.
Il faut dire que Brubaker et Philips sont des stakhanovistes du climat "black et mortifère".
On les comprend : pour se consoler des horreurs du monde, et parfois du gâchis de sa propre vie, le tord-boyaux à base de criminels et d'existences foutues est ce qui se fait de plus efficace.

vendredi 10 janvier 2020

James Jean, la fureur de peindre

En cherchant une image un peu fofolle pour faire une carte de voeux décalée qui ferait suffoquer ma mère si elle avait Internet dans son urne funéraire, feuilletant d'un index squameux un vieux Heavy metal tout moisi bien qu'il soit numérique, je retombe sur les lapinous de James Jean, lapinous qui m'émeuvent au-delà du dicible en cette période de diète post-réveillon où j'applique un régime visuel hyper-strict à base de méduses et de poulpes à la provençale façon Lovecraft.


Certes, mon rédactionnel n'est pas à la hauteur de son illustration, et n'y sera jamais, même avec un petit escabeau, soyons lucide un instant, avant de reprendre notre radotant babil sur Matzneff et Lovecraft : le réseau secret (préface de Neal Stephenson et Thierry Ardisson)
Mais ça fait quand même du bien de voir un peu de Beauté ici-bas.

J'ai mis ma coquille anti-Matzneff

Mon chien a chopé la myxomatose, et moi j'ai attrapé une Illustratore.
Nous vl'a beaux pour vous souhaiter la bonne année.
Mais on va appeler le vétérinaire.

L'Amoco Cadix a des yeux de velours

Détartrage gratuit

- Si je trouve la sortie de ce champ de pavots, promis, j'arrête l'exta.
- Pourquoi, y t'en reste ?

Silence ça coupe

Non, je n'ai pas vu Sancho passer.

Zut, j'ai glissé dans mes Barrilla au parmesan

Voilà c'que j'en fais, moi, des pédophiles.

Finalement, il me restait assez de Barrilla pour adopter un pauvre

Voilà, tout ça c'est parmi ses travaux les plus récents.
Sur son site.
Ca me fait beaucoup penser à Mucha, mais ça vient sans doute de la palette chromatique sélective.
Et aussi du fait que j'essaye de faire croire que j'ai de la culture.
Ah tiens non je viens de regarder son wiki : "James Jean s'inspire grandement des acteurs de l'Art Nouveau puisqu'on y retrouve des influences de MuchaPaul Ranson ou William Morris. À noter également la prégnance importante d'Hokusai dans son œuvre." Rôôhh ils ont pompé sur moi avant que j'aie fini d'écrire cet article, ils sont vraiment forts chez wikipedia.

C'est pas du tout ce que vous croyez, en fait j'attends mon train depuis avant la grève d'avant la guerre

Moi aussi, même si j'ai l'air encore plus tartignolle que ma belle-soeur

Moi je me taperais bien une petite bibine
La contemplation de la Beauté ne serait-elle pas le Véritable Escabeau nous permettant de nous élever au-dessus de notre condition de pêcheurs, à condition de ne pas se prendre les pieds dedans, ni d'essayer de monter la marche de trop, et encore moins de proposer à la Beauté de boire un dernier verre en la raccompagnant chez elle après l'avoir décrochée du mur ? à ce moment-là il sera bien tard pour s'apercevoir que ce n'était pas une super-bonne idée.
Evidemment ce billet est un hommage au blog de Li-An qui reste l'Encyclopedia Galactica de l'illustrateur Inconnu.
Avant de vous quitter, je vous rappelle le dicton du jour : « Happiness only real when shared » - Christopher McCandless comme je le lis au frontispice d'un blog littéraire hyper-secret, avant de me renseigner à l'accueil et de comprendre que c'est ce qu'écrit le pauvre garçon de Into the Wild peu avant de mourir.
Ooh mais alors c'est parfaitement raccord avec la tonalité douce-amère de mon blog, qui ressemble de plus en plus à un vieux numéro de Métal Hurlant, qui fond dans la bouche, pas dans la main !

jeudi 9 janvier 2020

Lovecraft Facts (4)


Derrière un escalier suintant du web descendant à une cave à côté de laquelle le Darknet n'est qu'un aimable e-canular d'étudiant russe en master II de hacking, j'ai déniché un grimoire maudit, abominablement transcrit par un logiciel d'OCR défectueux qui caviarde hideusement le texte originel :
« De ses voyages dans les terres douteuses de l’indicible, Lovecraft n'est pas venu nous rapporter de bonnes nouvelles. Peut-être bien, nous confirme-t-il, quelque chose se dissimule, et se laisse parfois apercevoir, derrière le rideau de la réalité. Quelque chose d'ignoble, en vérité.
Il est en effet possible qu’au-delà du rayon limité de notre perception, d’autres entités existent. D’autres créatures, d’autres races, d’autres concepts et d’autres intelligences. 
Parmi ces entités, certaines nous sont probablement supérieures en intelligence et en savoir. Mais ce n'est pas forcément une bonne nouvelle. Qu'est-ce qui nous fait penser que ces créatures, aussi différentes soient-elles de nous, manifestent en quelque façon une nature spirituelle ? Rien ne permet de supposer une transgression aux lois universelles de l'égoïsme et de la méchanceté.
Il est ridicule d'imaginer que des êtres nous attendent aux confins du cosmos, pleins de sagesse et de bienveillance, pour nous guider vers une quelconque harmonie. Pour imaginer la manière dont ils nous traiteraient si nous parvenions à entrer en contact avec eux, mieux vaut se rappeler la manière dont nous traitons ces « intelligences inférieures » que sont les les lapins et les grenouilles. Dans le meilleur des cas, elles nous servent de nourriture ; parfois aussi, souvent, nous les tuons par simple plaisir de tuer. Telle est, nous avertit Lovecraft, la véridique image de nos futurs rapports avec les « intelligences étrangères ». Peut-être certains beaux spécimens humains auront-ils l’honneur de finir sur une table à dissection ; et voilà tout.
Et rien de tout cela n’aura, une fois encore, le moindre sens. »
Extrait de: Michel Houellebecq. « H.P. Lovecraft: Contre Le Monde, Contre La Vie. »

Surprise : sur le plan métaphysique, on n'est pas loin des intuitions fondamentales de Ptiluc, pour lequel Dieu est un être "infiniment mauvais et pue-du-cul."
(il faut dire qu'il fait bien mauvais aujourd'hui et que j'aurais tendance à abonder dans son sens).
Plutôt que Lovecraft, ou Lovecraft disséqué par Houellebecq, ne vaut-il pas mieux relire Ptiluc, sans doute moins démodé dans le choix de ses adjectifs ?

"L'importance majeure des accords mineurs" - Ptiluc, 1984 


mercredi 8 janvier 2020

Killing Joke - what's THIS for...! [ 1981/2005 Expanded Remaster]

Je me réveille ce matin avec les infos auxquelles je ne comprends que dalle mais qui ressemblent à un mauvais roman de feu Maurice G. Dantec. 
Il y manque juste un groupuscule de bio-terroristes ukrainiens ayant vaporisé par pure vilenie du glyphosate sur les champs de pavot afghan pour assécher la manne de narco-dinars à destination des camps d'entrainement pour djihadistes turkmènes. 
A part ça, on s'y croirait. 
Pas de doute, il va faire un temps à réécouter le bien nommé Killing Joke. 
Je ne peux pas prétendre à postériori, serait-ce pour enjoliver mon peu glorieux passé, que ce disque m'ait fait grimper aux rideaux quand je l'achetai, il y a de cela de nombreuses lunes, dans une triperie d'occasion derrière la Préfecture de Montpellier. 
Il était déjà saturé de rage froide et de guitares tranchantes, résonnait de batteries sêches et de cris déments, et m'intimidait lors de mes rares tentatives d'apprivoisement.
M'enfin, du coup j'y retrouve une puissance de feu préservée par la rareté de l'écoute et non guimauvée par la nostalgie, depuis l'époque oxydée au sein de laquelle ce fracas-ci s'entendit là, certains riffs sont restés très menaçants, comme "Under Tension", "Follow the leaders" ou encore "This is Madness." 
Et c'est pas du ska, plutôt la réponse chantée des Iraniens aux blagues de nouvel an de Donald Trump car les imprécations imbibées de réverb de Jaz Coleman ont des relents très sympas d'appel à la prière tout en évoquant le cri d'émeutier black blog.
Eux, y z'étaient vraiment pas là pour rigoler.
Après, peu importe que le groupe se soit ramolli (ou pas) au contact de la new wave, ou que sa longévité ait fait mentir les options prises sur le chaos et l'auto-destruction, figures imposées du nihilisme sonore qu'il semble prôner. J'ignore tout de sa carrière, et veux persister à n'en rien savoir, quitte à me rouler dans la fange de l'ignorance avec une volupté décuplée par la complaisance. C'était sans doute les prémisses du rock industriel, voire du gothique, mais je ne suis pas Michka Assayas, ni même sa tante par alliance, et je m'en branle jusqu'à ce que ça saigne. 
Quand je me suis penché sur l'égout à ciel ouvert de la médiathèque russe de prêt à très long terme, dans une posture où l'avidité le disputait à la curiosité malsaine, prêt à leecher comme un porc halal le torrent de la discographie intégrale du groupe, je me suis souvenu au dernier moment, juste avant de cliquer, de mon désir de contribuer à créer un Internet durable et qui profite à tous et pas seulement à la mafia soviétique, (désir proclamé lors de mes voeux 2020 au Super U du coin, c'est con vous auriez dû venir) et je me suis contenté de prendre cet album.


Parmi tous ces groupes anglais à nom composé qui nous déboulèrent dessus au début des années 80 et qui annonçaient les années de plomb, Joy Division, New Order, Throbbing Gristle, choisissez celui qui vous faisait le plus peur.
Sans conteste, pour moi c'était ce disque de Killing Joke.
Qui explorait un marais crépusculaire dans lequel j'avais pas pied. 
Pas avant de me prendre le Deadly Weapons de Minimal Compact sur le coin de la cafetière.
Réjouissons-nous qu'Internet puisse aujourd'hui m'offrir une version expansée de ce disque avec des versions dub de ses pièces les plus sanglantes, sur lesquelles je peux chanter des lyrics de mon cru en dansant avec des chevreaux égorgés au milieu du salon.
Résumons-nous : un beat cold wave, des guitares cimeterre, un chant d'extrémiste, une baas funèbre qui fouaille jusqu'à l'os : pas de doute, je Triq Ramadan.
A mon âge, c'est inespéré.

https://www.mediafire.com/file/iy82hjn7m2x653j/KJ-whatS-for.zip/file

des gens qui l'ont connu, des gens qui l'ont aimé :
(et qui évoquent son "indicible puissance", ce qui permet de le ranger dans la case Lovecraft, toujours d'actualité)
http://www.xsilence.net/disque-4885.htm
http://fp.nightfall.fr/index_2095_killing-joke-what-s-this-for-.html
https://www.gutsofdarkness.com/god/objet.php?objet=14409

lundi 6 janvier 2020

Lovecraft Facts (3) : enfin j'en tiens un !

Lovecraft Fact #1

En relisant sa biographie, je mesure combien Lovecraft a eu une existence pathétique, qu'on ne souhaiterait à personne, bien que du coup il ait pu la dédier entièrement à la poursuite de ses cauchemars, quelle chance, cauchemars qui in fine le dévorèrent vivant, et de l'intérieur, aussi trivialement qu'ils le firent du pauvre docteur Le Scouarnec, qui avait un autre type de cauchemar (et prétendait que c'était un rêve éveillé) mais qui devait quand même vivre dans un univers sourdement contaminé par une inquiétude lovecraftienne, au moins en ce qui concerne le risque croissant d'être un jour prochain soumis à la Question par des Grands Anciens déguisés en agents de la maréchaussée.
Mais que voulez-vous, chez ces gens-là le sentiment d'impunité est renforcé par l'illusion de toute-puissance, un peu comme chez les blagueurs blogguistes, mais on ne peut pas tromper tout le monde tout le temps, et déjà tromper ma femme un quart d'heure s’avérerait le cas échéant une gageure, un challenge voire une performance sportive, parce que les réveillons ne m'ont pas fait que du bien par où ça passe, cf les articles précédents depuis que j'ai recommencé à écrire.
De toutes façons, cinquante ans, c’est le bel âge pour un homme : quand une femme lui dit oui, il est flatté, et quand elle lui dit non, il est soulagé. (David Lodge)
Lovecraft a eu une femme quelques temps, quand on lit ce qu'elle dit de lui on se dit que c'était vraiment gâcher la marchandise, quant à la tromper il eut d'abord fallu qu'il l'honore.
Bon, à la relecture, il n'y a aucun Lovecraft fact dans ce paragraphe, il va falloir travailler plus dur.
Je recommence.
Le docteur Le Scouarnec à 25 ans,
tenté par le démon de l'écriture
(allégorie)
Lovecraft Fact #1bis

Les « carnets noirs » de Joël Le Scouarnec, le chirurgien pédophile, dans Le Monde du 3 janvier.
Le journal intime du médecin, accusé d’agressions sexuelles et de viols sur mineurs et incarcéré depuis mai 2017, révèle un homme pervers et méthodique. De 1989 à 2017, il y détaille, jour après jour, les abus sur plus de 300 enfants.)
Et les enfants continuent de peupler les « carnets noirs », toujours plus, une addiction, effrayante sarabande de noms, d’adresses, ou juste une initiale, une silhouette, un fantasme, comme cette gamine qu’il n’a pas « réussi à coincer dans les toilettes » pendant une réception, cette petite invitée qu’il observe par le trou de la serrure au moment du coucher ou une gosse à la clinique dont la mère au bord du lit l’a empêché d’agir. Les odeurs corporelles, les sécrétions, les excréments − les siens comme ceux des autres − ont peu à peu envahi les pages. Il s’en délecte.
(...) A l’hôpital de Jonzac, le chirurgien ambitieux et fou de travail s’est mué en médecin effacé, courant derrière les vacations pour faire sortir du rouge le compte commun qu’il a gardé avec sa femme. « Il était un peu le sage de l’équipe, présent mais pas intégré », raconte un collègue. Le midi, Joël Le Scouarnec ne déjeune pas au self de l’établissement. Il préfère rentrer chez lui. Là, il se met nu, sa nouvelle façon d’être. Avale une boîte de conserve, penché au-dessus de l’évier. Puis télécharge des images pédopornographiques, une addiction, ses nuits y passent aussi, tant pis pour le retard à ses consultations. Ou alors, il se photographie, inlassablement, en tutu, avec une perruque à frange ou une culotte d’enfant volée au gré des occasions. Des mois durant, il ne se lave pas et s’en réjouit. Le whisky l’empêche parfois de tenir sur ses jambes.
Aaah ben voilà, tu vois quand tu veux : ces horreurs me semblent plus innommables, bien que les journalistes du Monde aient su les nommer, que celles imaginées par Lovecraft (bien que les siennes fussent quand même pittoresques, sans toutefois impliquer d'extra-terrestres qui ne se lavent pas, y'a quand même des limites). Moralité : quand il s'agit d'évoquer le bonheur, la littérature nous élève toujours plus haut que le réel (dans le réel, pas de Nirvana sans addiction) cf "Pandore au Congo", le meilleur roman que j'aie lu l'an dernier sur notre rapport intime à la fiction. Alors que question malheur, le réel l'emporte toujours, comme le docteur vient de le rappeler. C'est pourquoi les bouddhistes nomment l'univers phénoménal "Samsara", l'océan de souffrances. "Le désir de Nirvana, c'est le Samsara", ajoutent-ils souvent d'un air goguenard. On les comprend.

dimanche 5 janvier 2020

Lovecraft Facts (2)

Résumons l'article précédent, pour ceux qui n'ont pas le temps de lire, comme je l'ai lu sans en croire mes yeux au bas d'une page web France info tv :
Fans de Lovecraft faisant du barouf devant l'ambassade
irakienne des Etats-Unis où s'est réfugié Abdul Alhazred
pour qu'il écrive la saison 2 du Necronomicon.
Ne vous inquiétez pas, elle arrive.
- Lovecraft écrivait des trucs de fou qui faisaient trop peur, mais c'est parce qu'il était pas bien dans sa tête. Ca n'a pas empêché des générations d'adolescent.e.s de s'en goberger en poussant des petits cris d'orfraie, c'était chouette mais c'est fini, maintenant ils vont sur Internet où les mystères de l'univers leur sont souvent dévoilés avec moins d'élégance par Matzneff, ses incubes, ses succubes, son big Bazar et son quatuor à pétrole. Pendant ce temps, les horreurs persistent dans le Vrai Monde Réel et rendent fou l'imprudent qui se penche dessus. 
Pour s'en convaincre, relire l'article précédent au lieu de me croire sur parole, parce qu'un résumé est forcément réducteur, et qu'en plus il n'était pas très long.
En tout cas moins long que le sempiternel article de Jean-Pierre Filiu sur la partie de billard à trois bandes que se jouent les Etats-Unis, l'Iran et l'Irak.
- donc le seul truc qui ne rende pas fou, c'est de lire ou relire Lovecraft dans le noir, en alternant avec de la méditation de pleine conscience rythmée par le support audio psalmodié de Noël "les plus beaux contes de Nyarlathotep lus par Christophe André" avec le téléphone coupé (à télécharger en mp3 dans les boutiques spécialisées). Je vous fais une ordonnance pour une cure de 15 jours pour commencer, après vous pourrez recommencer à lire des blogs. 
- De toute façon, n'importe quel récit de Lovecraft ne peut rivaliser en épouvante confite avec celui du réveillon d'un malade atteint de schizophrénie.
Donc je ne vois pas bien comment je vais pouvoir inaugurer cette série de "Lovecraft Facts" annoncée, car à peine promise la voici compromise par cette collision tragique entre les prophéties de malheurs cosmiques de l'ermite cybergeek de Providence et le Réel, qui fait rien qu'à dépasser l'affliction.
Et je ne dis pas ça parce que hier soir en rentrant dans le noir le long de la Sèvre pas éclairée sur le vélo électrique de ma femme dont je maîtrisais très moyennement la vitesse je me suis gravement cassé la gueule du côté de la cale de Beautour. Pas uniquement. Disons que de flinguer un pantalon neuf à 95 euros et manquer mourir parce que j'étais parti avec pas d'casque quand le trottoir m'a foncé dessus ne m'a pas aidé à regagner la maison dans de bonnes dispositions vis-à-vis de cet enfoiré de reclus de Providence. En plus j'ai été ramassé par un petit jeune de 45 ans qui était sorti promener son chien, d'une marque qui ne m'a pas marqué mais qui ne m'a pas mordu non plus, et qui m'a pris pour un vieillard maniaque et suicidaire en insistant sur le risque de commotion cérébrale en cas de chute. Je n'ai pas osé l'entreprendre sur ce que les antidépresseurs avaient occasionné en matière de commotion cérébrale la fois où j'en ai pris, il aurait fallu que je lui fasse lire des extraits de ce blog remontant à fin 2011 et je n'avais pas internet sur moi; en plus j'ai cru pendant quatre kilomètres que j'avais bousillé la partie électrique du vélo parce que j'avais encore une petite lumière devant mais plus d'écran de contrôle, mais je pédalais très fort dans le noir restant tellement l'incident m'avait vexé, et ce n'est qu'en arrivant sous un providentiel lampadaire près du parc que j'ai vu qu'une cosse avait été arrachée du boitier mais une fois remise, ça s'est rallumé et j'ai pu finir le trajet avec l'assistance électrique, il y a vraiment un bon Dieu pour les imbéciles, ça je le lui avais dit au mec dans le noir et ça l'avait fait sourire mais pas trop fort parce que je lui ai sacrément fait peur, sans même lui faire lire une page choisie de l'appel de Cthulhu... trois jours plus tôt le guidon s'était complètement dessérré pendant le trajet de retour et j'avais fini quasiment sans contrôler ma direction, je crois qu'il va me falloir admettre mon impuissance devant le vélo électrique, que comme l'alcool, c'est un truc trop fort pour moi.
En plus, je crois avoir écrit tout ce que je m'autorisais à penser des lovecrafteries réelles et imaginaires il y a déjà un moment, et à l'époque j'avais plus d'élégance dans la désinvolture.
C'était moins besogneux.

samedi 4 janvier 2020

Lovecraft Facts (1)

Les Chuck Norris Facts, il y en a peu de drôles,
mais quand elles le sont, elles le sont.
Depuis quelques jours je caressais l'idée de m'amuser un peu en brodant autour de Lovecraft Facts, que je me complaisais à imaginer bâtis sur le modèle des Chuck Norris Facts, je relisais pas mal de trucs autour du flippé de sa race de  reclus de Providence, ça commençait à venir, et puis, fatalitas ! d'un seul coup, en surfant sur l'actu je ne caresse plus rien du tout, entre la fonte accélérée des glaces du Pôle Nord qui promet la décongélation du grand Cthulhu à aussi courte échéance que la dépréciation immobilière de mon ranch "les sabots dans l'eau" sur la côte landaise, l'Australie qui brûle kangourous et koalas dans ses centrales à charbon pour détrôner la Californie dans le championnat du monde d'incendies, Don Trump qui joue à la roulette russe belge - 6 balles dans le barillet - avec l'Iran, ce qui va certainement contribuer à détendre une météo régionale déjà souvent orageuse en fin de soirée, selon les experts du 28 minutes d'Arte que j'invite tous les soirs dans mon salon pour refréner mon appétit après les excès de foie gras à la cocaïne des deux réveillons, si vous voulez tout ça mis bout à bout, même pour les amoureux du désastre comme moi, ça fait un début d'année un peu chargé, alors c'est vrai, on va pas se fâcher pour six pneus, mais je n'ai plus trop le cœur à sourire avec une horreur littéraire délicieusement surannée, alors que l'actualité relègue Lovecraft et ses poulpeuses créatures, Lovecraft et ses luxueuses chimères de l'entre-deux guerres, Lovecraft et ses pittoresques phobies du métissage racial, un peu en seconde division de l'épouvante, allez, du balai le calmar visqueux, au rancard avec Casimir l'ami des enfants et les monstres bébêtes et obsolètes...
Ces jours-ci le vrai ami des enfants c'est le bon docteur le Scouarnec, chirurgien des viscères qui les accompagne au plus près de leur douleur surtout quand c'est lui qui la provoque par des attouchements indicibles en salle de réveil post-opératoire, et pendant ce temps-là l'anesthésiste de Stephen King peut bien aller se rhabiller.
Et hier j'ai monté un reportage sur un expert de justice en morphoanalyse de traces de sang, le gars mandaté par les flics de la police qui arrive toujours trop tard mais qui tombe à pic pour venir faire parler les taches de rebelle sur les scènes de crime, qui nous dit texto "on s'habitue jamais, surtout quand des enfants sont impliqués, et y'a toujours un cas qui dépasse un autre; dans l'abomination, l'être  humain n'a pas de limites."
L'abomination, un terme quasiment privatisé par les traducteurs de Lovecraft en leur temps.
En plus en venant au bureau ce matin sur le vélo nucléaire de ma femme que je lui ai hardiment chapardé dans le garage pendant son absence de la maison, je me suis fait engueuler par un sourd-muet devant la cantine du conservatoire, parce que je roulais sur la voie réservée aux piétons. Il en vibrait d'indignation et j'ai failli l'écraser, ce con.
Quand on se fait engueuler par un sourd-muet, l'avantage c'est que ça ne fait pas beaucoup de bruit, mais les gémissements qu'il tire de sa pauvre gorge sont quand même assez anxiogènes, sur le plan de l'horreur audiovisuelle, à mi-chemin du muet et du parlant.
Du coup, ça m'a tout coupé.
Bref, c'est pas le moment de venir me faire chier avec Lovecraft.
Putain, j'ai failli oublier Matzneff

mardi 31 décembre 2019

Talvin Singh & Rakesh Chaurasia - Vira (2001)

Pour ceux qui confondent encore Ganesh et Cthulhu (Cétéhachuellehachu, le cauchemar des correcteurs), c'est quand même pas très compliqué de les distinguer à l'oeil nu :
Ganesh est un dieu du panthéon hindou à tête d'éléphant, dieu de la sagesse et bon vivant


alors que Cthulhu est une monstrueuse entité cosmique céphalopode inventée par Amazon pour nous faire acheter des déguisements à la con avant de nous livrer à de hideuses orgies païennes


Quant à Talvin Singh, il m'a longtemps fait croire qu'il adorait Cthulhu, dieu de la morbidité moderne puisqu'il naquit en 1926 sous la plume de Lovecraft, et qu'à cette époque Talvin se présenta à moi sous la forme d'un disque inoubliable mais bourré d'électronique,
alors qu'en fait, deux ans plus tard il se prosternait devant Ganesh, âgé de plusieurs millénaires, et revenait aux sources de la musique traditionnelle.

"Souvent hindou varie,
bien fol qui sale s'y fie"

Eric Rohmer d'Hélasse,
Comédons et problèmes


https://www.mediafire.com/file/29spnl371ai0lj2/Vira.zip/file

pour ceux qui préfèrent revenir aux sources d'un Cthulhu Gravlax :
https://cryochamber.bandcamp.com/album/cthulhu

[Edit] 
Je n'ai pas trouvé la place dans l'article pour dire tout le bien que je pense de la musique de Talvin Singh et Rakesh Chaurasia, loin du son "aigu et monotone des pipeaux" qui hantait Lovecraft, qui abhorrait la musique, entre autres choses.
Tant pis, j'y reviendrai plus tard.

lundi 30 décembre 2019

Yvan Dautin - L'orang-outang est dégoûtant (1979)



Ah ah ça vous la coupe, hein ? moi aussi.
Ca fait bien quarante ans que je n'avais plus entendu cette chanson. 
Enfin, si on peut appeler ça une chanson. 
La dernière fois ça devait être dans "Pas de panique", l'émission de Claude Villers et Patrice Blanc-Francard dans la tranche 20h-22h sur Inter.
Planqué sous les couvertures avec mon radio-cassette, parce que mes parents imposaient un couvre-feu draconien en période scolaire.
Yvan Dautin, j'avais déjà du mal à le situer. 
Il avait des chansons burlesques, tendance Boby Lapointe, et d'autres très dures, mais bizarres, avec des éléments surréalistes et d'autres non-identifiables. 
Sans parler de ses envolées à la Julien Clerc, dont j'ignorais tout parce que le couvre-feu frappait d'anathème la variété française populaire qui n'était pas "de bon goût" (celui de mes parents se limitait à Jean Ferrat, Guy Béart, Brel et Brassens).
Un fan de la première heure et animateur sur une radio FM sans doute en région parisienne s'est vu accorder 6 heures d'interview du chanteur que je pensais disparu, reconverti ou transformé en farine animale, alors qu'il n'était que démédiatisé à l'extrême. 
Ce n'est évidemment passionnant que pour ceux qui s'intéressaient précédemment à l'olibrius, qui n'en est plus à sa énième tentative de come-back.
L'animateur connait bien la carrière en dents de scie de son idole, et aurait pu commencer son émission comme l'avait fait François Morel en apostrophant Jacques Chancel, toujours sur France Inter, il y a quelques années : "Yvan Dautin, bonjour, ça fait longtemps qu'on vous avait pas vu à la radio..."
Tout est là :
et j'ai regroupé les chansons disponibles en téléchargement sur le site dans un fichier unique :

Pour ceux qui préfèrent reluquer les dessous croustillants de l'affaire, car il faut bien contenter tout le monde quand on est possédé du démon du blog de l'esprit de Noël :


message de service : je cherche à réentendre l'album de 1977 "Quand j'étais dromadaire".
Faire offre à la rédaction, qui transmettra.

[Edit du 11/01/20] :

Nos lecteurs ont du talent, puisqu'ils ont trouvé la perle.rar
https://la-caverne-des-oublies.blogspot.com/2020/01/yvan-dautin-1977-quand-jetais-dromadaire.html
Bravo !