jeudi 27 mai 2021

Lovecraft Facts (16) : Les Hatfield et les McCoy

1882

« Bad 'Lias » Hatfield refuse de rembourser une dette à Tolbert McCoy. 
Le refus dégénère en bagarre entre les frères McCoy et les cousins Hatfield, durant laquelle les McCoy poignardent 27 fois Ellison Hatfield et lui tirent dessus en prime, ce qui ne l'empêchera pas de raconter à son frère ce qui venait de lui arriver (lire ce pittoresque compte-rendu de 1957 pour plus de détails sur la scène). 

Le clan Hatfield en 1897.

Le photographe ne s'est pas risqué à leur demander de sourire.


Début de la vendetta, qui les voit s’exterminer les uns les autres pendant plus de vingt ans, pour des affaires de terrains, de cochons volés, d’unions contestées et d’à peu près tout ce qui se passait sur leurs lopins de terre, qui se font face sur les deux rives de la Big Sandy River qui sépare le Kentucky de la Virginie Occidentale.

1946

Suite à l'effort de guerre consenti par Oncle Walt pour faire des films de propagande, les caisses du studio Disney sont vides. Il a passé quatre ans au service de l'U.S. Army, à produire des films de soutien aux troupes ou de mobilisation de l'opinion publique. 
Le studio cherche à réitérer le succès de Fantasia, et met en production La Boite à Musique, un film animé composé de séquences musicales. L'une d'entre elles prend pour sujet la rixe Hatfield-McCoy en lui faisant subir une disneyification massive, ce qui la rend méconnaissable et curieusement proche des cartoons de Tex Avery. En France, le segment Hatfield-McCoy devient "les Martin et les Blaise", et l'interprétation de la chanson qui accompagne le film est confiée au « Quatuor vocal des Compagnons de Route », qui deviendra trois ans plus tard les Quatre Barbus.


En 1948, Rachida Dati tente une médiation
entre les deux clans, mais c'est un échec.
1947

Après plusieurs décennies sans 
rififi ni victimes, Allen Hatfield, chef de la police locale, fait une descente dans un bordel. Un des clients, énervé, prend le pistolet d'un autre officier de police présent et tire dans le dos d'Hatfield, deux fois. Le chef de police se retourne et tue le client, qui s'avère être un McCoy. La vendetta reprend.
Pendant ce temps, La Boite à Musique marque la rupture entre Walt Disney et l'intelligentsia qui l'a tant encensé durant les années 30. Les critiques conspuent le manque d'ambition affiché par rapport aux long-métrages de l'Age d'Or comme Blanche Neige. Le film a récolté un prix à Cannes en 47, mais il ne sera plus jamais présenté au cinéma. Pire, il sera démembré, et ses séquences diffusées séparément. Certaines connaitront à nouveau l'honneur des salles obscures entre 1954 et 1955. Le segment "les Martin et les Blaise" disparait des écrans, le sujet des armes à feu devenant polémique. 



1969

Ils ont peut-être des tronches de cake, mais ils sont capables
de chanter (juste) des harmonies à quatre tons différents en simultané.

Les Quatre Barbus se séparent après avoir écumé toutes les scènes de France et enchanté des générations de spectateurs. Leur génie vocal a été gravé dans la cire, à travers une trentaine de disques de chansons réalistes, paillardes, rive gauche, traditionnelles, de marins, de forçats, de détournements signés Piere Dac / Francis Blanche, de la Commune de Paris (parfois sous le pseudonyme de "Groupe 17") et même un 33 tours de "Chansons anarchistes".


2000

Le long métrage La Boite à Musique est englué dans un imbroglio juridique empêchant toute commercialisation sur le territoire français. Bien qu'une première édition DVD fut envisagée en 2003, finalement annulée, puis une seconde en 2015, qui connait le même sort, La boite à musique n'a jamais été commercialisée à ce jour sur aucun support en France. Bien que quelques éditions DVD étrangères officielles existent, le long métrage n'est pas disponible non plus sur Disney+ à l'heure actuelle. Une version restaurée en haute définition circule cependant depuis quelques mois sur des forums chinois, sans que l'on en connaisse l'origine exacte. Pour les collectionneurs compulsifs, ça fait comme un trou sur leur étagère, et c'est la mémerde.

2011

Kevin Reynolds met en scène Kevin Costner dans une mini-série relatant la tuerie entre les frères McCoy et les cousins Hatfield. On a connu Reynolds plus inspiré, avec La Bête de guerre, et moins inspiré, avec Waterworld, dans lequel jouait aussi l'autre Kevin. Il existe peut-être une antique malédiction liée à ce prénom abject. Cthulhu devait avoir une petite scène dans le film, dans sa demeure de R'lyeh la morte, tout au fond de la mer, et quand il a vu cette avalanche de Kevins au casting, il s'est fait porter pâle, en grommelant que N'est point mort celui qui éternellement dort, ou une connerie du genre. 
N'empêche même que là, le critique de Télérama ne peut s'empêcher de remarquer en recopiant par dessus l'épaule du critique du Hollywood Reporter que « au bout d’un épisode et demi, vous n’avez plus qu’un souhait : que les deux familles s’alignent, l’une en face de l’autre, et appuient sur la détente. »
Avec une moyenne de 13,7 millions de téléspectateurs aux États-Unis, la minisérie fait néanmoins un carton d'audience chez les cyberploucs dans la catégorie fiction des chaînes du câble "soutenues par la publicité".


2012 

Jean Giraud meurt, rendant impossible l'intégration de la guerre Hatfield / McCoy dans la saga Blueberry. De toute façon, Morris et Goscinny s'en étaient inspirés pour " Les Rivaux de Painful Gulch ", une aventure de Lucky Luke. Jan Kounen se tâte pour mitonner une version psychédélique avec boutons de peyotl et champignons frais, mais la Gaumont dit non.


2015 

Les Quatre Barbus se reforment le temps d'un concert en première partie des Eagles of Death Metal au Bataclan. Leur prestation ne laisse personne indifférent, mais on a du mal à percevoir la filiation avec le groupe vocal formé en 1938 par Jacques Trisch, étudiant en lettres qui avait pour intention première d'animer les fêtes des camps de vacances dans un esprit très « Front populaire ». 
Le comeback fracassant se transforme rapidement en concert d'adieux fracassés et définitifs au music-hall, et le gang des postiches est d'ailleurs dissous à peine minuit passé, sur ordre de la préfecture.



2021

Aiguillé par un malandrin numérique des beaux quartiers, Warsen découvre la mini-série de Kevin Reynolds. Simultanément il dévore les mémoires de Jean-Pierre Dionnet, et comprend que se nourrissant lui-même de vieux papiers et de bobines argentiques démonétisées, il n'est qu'un avatar sous-programmatique du Maitre (bien qu'il cherche encore son Phil Manoeuvre) qui dans la rubrique "à toute berzingue" de Métal Hurlant alternait la présentation de faits avérés de façon fantaisiste et de calembredaines assénées avec le plus grand sérieux. 
Dans une crise mystique de magnitude 7 sur l'échelle de Richter qui en compte 3, Warsen se souvient avoir vu quand il était petit " Les Martin et les Blaise " et l'avoir même enregistré sur son magnétoscope Betamax de salon (19.5 kgs). Il comprend alors en un éclair son appétence pour les groupes vocaux masculins, affublés ou non de pulls marins.

2021 aussi

Après dix jours d’affrontements entre Israël et le groupe armé palestinien Hamas, les Ben Hatfield et les McCoyblum font croire à qui veut les entendre qu'ils ont tous les deux gagné. Ce n'est pas l'avis de Jean-Pierre Filiu, notre Juge de Paix envoyé spécial sur son blog, qui désigne d'autres vainqueurs et vaincus. C'est ça qui est bien sur les blogs google, c'est que pour l'instant, comme au Pop Club ou encore sur YouTube avec McFly McCron et Carlito, on peut y dire ce qu'on pense. Jusqu'au jour où on ne le pourra plus. De toute façon Jean-Pierre s'en fout, son blog est hébergé sur lemonde.fr, les mêmes qui éditent Télérama.

2021 enfin

Au fond de l'océan, non loin du cimetière des Petites Sirènes, dans sa demeure de R'lyeh la morte, Cthulhu rêve et attend. Après une descente de 8000 mètres en apnée, Warsen trouve dans sa table de nuit une copie VHS non pilonnée de " Les Martin et les Blaise "  en version française, devenue invisible depuis des lustres.
C'est cette version que nous diffusons ce soir dans la séquence du spectateur.



Sources :

4 commentaires:

  1. Il est un peu chiant ce dessin animé. J’ai cru que tu allais oublier Lucky Luke. Les Barbus sont très sympas par contre. Je ne connaissais pas.

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  2. Oui, j'avais un meilleur souvenir que ça du dessin animé. En arrêtant les images, on voit quand même des trucs hallucinants, en particulier dans la séquence de danse au saloon.
    Je posterai prochainement des barbus, c'est toujours des grands succès de blog.

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  3. Un grand merci pour les références, cher monsieur Warsen.
    Actuellement, on écrit un scénario au sujet de la vendetta entre les Quatre Barbus et les Frères Jacques. On espère refourguer ça à Netflix ou HBO et enfin, se casser en Papouasie orientale grâce au cachet.
    J.

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  4. Merci à vous pour les infos trouvées sur votre site qui m'ont permis de boucler l'article.
    Au sujet de la vendetta entre les Quatre Barbus et les Frères Jacques, je me demande si Brassens n'y fait pas une allusion voilée dans "les 2 oncles" au moins dans le couplet :
    "En dépit de ces souvenirs qu'on commémor'
    Des flammes qu'on ranime aux monuments aux Morts
    Des vainqueurs, des vaincus, des autres et de vous
    Révérence parler, tout le monde s'en fout "
    Il semblait ne pas y avoir de place à l'époque dans le paysage chanté pour 2 groupes vocaux masculins; alors que s'y casent aisément aujourd'hui plusieurs wagons de minets autotunés.
    Je préfèrerais que HBO vous l'achète (plutôt que Netflisque) leur goût est plus sûr. Mais je ne suis pas certain que ça leur parle.

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