mardi 30 juin 2020

Michael Brook - Cobalt Blue (1992)

Michael Brook est un guitariste sous-estimé dont je ne puis relancer la carrière, eu égard à mes faibles moyens qui ne me permettent même pas d'assurer mon auto-promotion de manière décente. Cobalt Blue (1992) est un enregistrement solo, principalement à base de guitare électrique, en préécoute ici :



en préachat là :


"This one i used in difficult times" 
(Jean-Dick Macdevieille, artiste de variétés, ancienne idole des jeunes à Villeneuve-la-Vieille)

dans la même collection :

(je m'engage à remettre les fichiers en ligne avant le reconfinement qui suivra le déconfinement)

lundi 29 juin 2020

Phoebe Bridgers ‎- Punisher (2020)

Vous pourrez dire "c'est chez Warsen que j'en ai entendu parler la première fois". Sauf que Warsen en avait entendu parler sur discogs et pitchfork. Chez les oreilles curieuses. Le canal auditif. Et prochainement à n'en pas douter, dans télérama, dans l'odyssée d'homère dans play-boy dans france-soir, dans les pièces de shakespeare les manuels d'histoire dans le journal de mickey dans les modes & travelots
dans vélo-magazine dans " mets-la-moi-rocco "
dans le petit albert dans le livre des morts
dans le coran dans l'argus dans le journal des sports dans batman aristote bukowski ou schiller van gogh warhol pollock debussy ou mahler dans fustel de coulanges notorious big aussi & puis dans la naissance de la tragédie & dans winnie oui dans winnie (merci Thiéfaine)


https://phoebebridgers.bandcamp.com/album/punisher
Joli disque, et jolie frimousse.
Mais quand c'est une fille on n'a plus le droit de dire ça, c'est sexiste.
Et fuck you, c'est sexiste ?

dimanche 28 juin 2020

ODGPROD - Orient Dub Mix #1 (2019)

J'en ai rêvé, Télérama l'a fait : 
l'édition numérique de la prestigieuse revue culturelle est devenue réalité. Ce qui fait que quand on cherche l'album de Biolay à ne surtout pas télécharger et qu'on a croisé tout à l'heure dans la version papier aux cabinets, on peut la retrouver en ligne d'un simple clic. Même si le site est un peu naze, et qu'il faut constamment se relogguer pour avoir accès aux articles, comme si le webmestre avait Alzheimer et se rappelait plus que c'était nous, l'abonné n° 458769.

Idem pour l'album de Biolay  à ne surtout pas télécharger croisé dans Lemonde.fr, et qui a l'air d'être un peu le même. Par contre ils disent du bien du dernier Rodolphe Burger. Je n'ose pas regarder sur Libé ou dans les Inrocks, mais Biolay semble une sorte de Covid-19 sonique qui s'attaque aux dernières rédactions du monde libre. 
Heureusement, Dieu pardonne, moi pas, sauf à Télérama, qui est une personne morale bien au-dessus des lois humaines. Et l'autre jour, ils m'ont fait découvrir ODGProd, plateforme désormais riche de trois cents références d’artistes en provenance d’un peu partout sur la planète, en téléchargement libre, conformément à l’esprit partageur de la scène dub.
https://odgprod.com/
Le fait est que j'y ai trouvé de tout, et en grande quantité. Le site est très bien fait, et je ne doute pas de finir par y dénicher du dub métal néo-nazi pagan trip-hop wesh wesh.
C'est un coup à me dégoûter du téléchargement illégal.
Je me remets doucement, merci d'avoir demandé.

samedi 27 juin 2020

Guy Béart - Les années Béart, Volume 3 (1962-1964)

Je ne sais plus du tout où on est avec Guy Béart. S'il est mort, s'il est vivant, si c'est le chat de Schrödinger de la chanson française et qu'il faut ouvrir le panier à double entrée pour savoir de quel côté il est parti, ou bien s'il vit encore à travers son oeuvre, si le disque de reprises se vend bien, si l'article du Monde s'est lu, si l'intégrale en 180 CD va bientôt sortir, pourquoi certains de mes ups ont été frappés d'anathème, pourquoi d'autres ont été épargnés par la maréchaussée, comment se fait-il qu'il écrivait si bien des chansons alors qu'il n'a jamais su y faire avec la lumière. Du coup, je mets en ligne une compilation dont j'ai trouvé la trace ici : http://jack200.free.fr/beart/ et qui est l'oeuvre d'un amateur passionné, donc c'est forcément mieux fait que si c'était un professionnel, et on se revoit plus tard pour un premier bilan, et pourtant, je sais, la pochette est affreuse, ce n'est pas très engageant.








vendredi 26 juin 2020

Geof Darrow - The Shaolin Cowboy (2020)

A deux jours d'intervalle, je croise Donald Trump dans des productions imaginaires.
D'abord sous la forme d'un amusant photomontage, que je reçois sans doute quinze jours après que tout le monde en ait souri, puisque je n'ai pas accès aux réseaux sociaux. Par choix. Sinon je ne ferais que ça. Déjà que.


C'est sans doute ce qu'on appelle une vue d'artiste, car en réalisant ce trucage, le dessinateur s’est trumpé 17 fois :
- ni le mort ni les accompagnants n’ont de masque FFP2
- nul ne semble vouloir respecter les règles de la distanciation sociale
tout cela n’est donc pas très sérieux.
d’autant plus que les gens qui voudraient le voir mort aujourd’hui ont peut-être bien participé hier à son élection, ne serait-ce qu’en s’abstenant d’aller voter.
je ne vois donc pas trop la blague. mais il est fort possible que je sois devenu un peu concon, à force de ronchonner dans mon coin comme Delfeil de Ton dans le Nouvel Obs.

Et puis soudain, il fait irruption en BD :


...où il est finalement beaucoup plus crédible en vieux bébé turbo-motorisé, vomissant des crânes eux-même apparemment constitués de vomi, car le monde des Super-Vilains de bande dessinée est un univers auquel il semble spontanément appartenir, même s'il a aussi sa place dans la Réalité Réelle Ratée. A l'heure d'un premier bilan, il ne faudrait pas noircir le tableau, car après tout, il arrive en fin de mandat, et il n'a pas encore déclenché la moindre apocalypsounette nucléaire.
Mais il n'est que 10 h 40, c'est vrai, il a encore le temps.


L'image de Trump combattant le Shaolin Cowboy dans les airs est extraite d'un récent recueil des récits assez oniriques de Geof Darrow - je n'ai pas le coeur à expliquer qui est Geof Darrow, lui ne s'ennuie pas sans milan à justifier la nature profondément poétique de son travail, je vais juste mettre quelques couvertures et tout le monde comprendra de quoi ça parle, et se rappellera du mot de son bon maitre Moebius à propos des histoires "en forme d'éléphant, de champ de blé, ou de flamme d'allumette soufrée" dans le célèbre éditorial de Métal Hurlant n° 4 de 1975, et les vaches seront bien gardées, bien qu'il n'ait rien dit des histoires en forme de scénario écrit par Tarantino sur un rouleau de papier toilette un jour où il était bourré sous acide aux cabinets, et filmées ensuite par Jodorowsky période Montagne Sacrée pleine de Vaches éponymes. 


ensuite j'annoncerai que Gallimard édite enfin en français une intégrale résonnée (dans le sens où elle résonne énormément entre nos rétines décollées par sa lecture en v.o. au cours des siècles précédents) du Shaolin Cowboy, qui lui-même préfère agir plutôt que de blablater vainement, car il sait que parler ne fait pas cuire le riz.

L'édition française, dans sa radicale altérité.
Souvenez-vous :
De 2004 à 2007, Geof Darrow a publié 7 fascicules d'une série intitulée "The Shaolin Cowboy".
Puis il lui a ajouté deux suites, en 2015 et 2017.

Cette intégrale Ultimatte Mégapack contiendra donc à terme, en version francophone :
- Tome 1 : Shaolin Cowboy - Start Trek (Futuropolis, juin 2020)
- Tome 2 : Shaolin Cowboy - Shemp Buffet (Futuropolis, juillet 2020)
- Tome 3 : Shaolin Cowboy - Who'll Stop the Reign (Futuropolis, novembre 2020), qui fait sans doute référence à « Who'll Stop the Rain » une chanson de Creedence Clearwater Revival que ton grand-père écoutait en 78 tours en sautillant autour de son électrophone, et que tu subissais à chaque fois qu’il regardait le film éponyme que Warsen avait uploadé l’année dernière à Marienbad.

Pourquoi la camionnette Polanski est-elle garée devant le magasin Pornbrokers ?
Vous ne le saurez pas en lisant l'album.

En lire plus : on est déjà long.
En lire moins : recommencez du début en sautant un mot sur deux.
En lire encore moins : crevez-vous un oeil, cautérisez au gel hydro-alcoolique, et relisez cet édito de Joe Staline en omettant 3 paragraphes sur 4.
Puis relisez l’intégrale Shaolin Cowboy.
Vous serez dans le mood.

Attention, Geof Darrow est connu pour avoir illustré 2 récits écrits par Frank Miller : Hard Boiled et The Big Guy and Rusty the boy robot. Il a également travaillé avec les soeurs Wachowski du temps où elles étaient frères, comme concepteur graphique sur la Trilogie Matrix et sur Speed Racer. Il a réalisé un portfolio avec Moebius "La Cité Feu" qu'il m'a dédicacé à Angoulême 86 et qui est au coffre, en Suisse. Il réalise des dessins avec un niveau de détails obsessionnel. Comme Robert Crumb, Geof Darrow vit en France, d'où il peint la délinquescence de sa mère patrie depuis le confort douillet d'un mas provençal. C'est un peu fastoche de venir jouer les moralistes, surtout qu'au niveau scénario, même Grant Morrison aurait fait mieux.


Aah ça, pour tendre à ses compatriotes le miroir à peine déformé d’une Amérique malade de ses excès de violence, de puritanisme, et de populisme, on est là. Mais pour combattre le Mal pied à pied sur le terrain avec les soignants, ça se bouscule pas. On tolère beaucoup plus d'atrocités en dessin qu'en film, sous prétexte que c'est même pas vrai, alors qu'on ne devrait pas. Mais si vous trouvez ça affreux, vous devriez aller visiter un camp de réfugiés en Syrie. Ou à défaut lire le blog de Jean-Pierre Filiu. Vous ne pourrez pas dire que vous n'étiez pas prévenus.

Au cinéma,  Shaolin Cowboy sera interprété par Robert Fripp sans lunettes.
Ce qui reste à expliquer, c'est que Juan José Ryp, un dessinateur très proche graphiquement de Geof Darrow, a mis en scène des Super-héros qui trouvent eux aussi que le Président exagère, alors ils le butent. 
Décollement de rétine et saignage des yeux 100% garantis par grand marabout des comics pas drôles. Pour le retour de l'être aimé, c'est moins sûr. Mieux vaut prévoir un délai de rétractation.  Tout cela me parait assez expéditif, sans parler du risque d'en faire un martyr. Parce que le Black Summer, on y est déjà depuis un moment. J'espère que l'actuel Résident des Etats-Désunis n'y verra pas la trace d'un complot des dessinateurs de figuration narrative hyperréalistes et excessivement méticuleux.



[EDIT] : 
plein d'infos sur le Shaolin Cowboy (englsih spoken)

plein de couvertures qui font rêver des fascicules du Shaolin Cowboy

plein d'articles en français sur les différentes parutions du du Shaolin Cowboy à travers les âges 

le tome 2 en français dans la défunte édition Panini :


mercredi 24 juin 2020

Monty Frippon's Flying Circus

1967
Graham Chapman, John Cleese, Terry Gilliam, Eric Idle, Terry Jones, Michael Palin et Robert Fripp créént pour la BBC le Monty Python's Flying Circus, une série télévisée britannique qui fera rire des millions de Français dès que l'ORTF mettra la main dessus, flairant la bonne aubaine, à peine 35 ans plus tard. 

L'équipe d'origine, sans Terry Gilliam, excusé pour raisons de dessin animé en papier découpé à finir.
1968
Mais Robert Fripp se sent vite à l'étroit dans le carcan trop formaté d'un 26 minutes humoristique bimensuel, au cours duquel les mêmes ficelles sont sans cesse tirées et retirées pour faire rire les Britanniques, bien souvent à leurs propres dépens : les névroses liées à la sexualité, le poids des conventions sociales, le non-sens bien de chez nous eux, et le système des castes, rapporté des Colonies, qui mine alors la Grande-Bretagne de l'intérieur, comme dans Alien.
Robert ne tarde donc pas à quitter le collectif; il est remplacé au pied levé par Boris Johnson, séduit par l'opportunité de donner libre cours à son talent d'improvisateur.
L'heure est au flower power, tout le monde se déchaine et se lâche, ça ne rigole pas.

On a retrouvé Terry Gilliam,  et on a chopé Boris en prime. Time.
La photo de l'année précédente a été honteusement retouchée, pour minimiser l'apport de Fripp.
Staline utilisera les mêmes procédés pour se débarrasser des collaborateurs
ne lui ayant pas donné entière satisfaction. Belle mentalité.
1969
Robert Fripp fonde King Crimson, qui doit lui apporter gloire et cachets d'intermittents, avec une poignée de copains comiques troupiers issus de la diversité. Lors de la première tournée du groupe, il démarre backstage avec Greg Lake une partie de "Je te tiens, tu me tiens par la barbichette", ce jeu au cours duquel chacun tient l'autre par la barbichette et où le premier de nous deux qui rira aura une tapette, partie qui doit être interrompue car il est déjà l'heure de monter sur scène, et on se dit qu'on la finira après le concert.
D'ici là, surtout, ne pas rire.
Ça pourrait compter.

En 1969, tous les coups sont permis pour ne pas montrer qu'on rigole.

2016
Greg Lake meurt, sans avoir pu achever la partie de barbichette démarrée 47 ans auparavant avec Robert, qui n'a toujours pas ri, car il ne voulait pas avoir une tapette.

Dans l'espoir de continuer à ne pas rire pendant toutes ces années,
Robert a brièvement embrassé la carrière de conseiller funéraire à la Banque Postale,
mais sa responsable lui faisait des chatouilles, et la situation devenait critique,
alors il reforma plusieurs fois King Crimson, la solution finale pour arrêter d'avoir envie de rigoler,
et tout cela ne fut bientôt plus qu'un mauvais souvenir.
2017
John Warsen consacre un article amusant quoiqu'un peu bourrin aux efforts de Robert pour retourner en 1973, y établir un campement provisoire, puis une colonie pénitentiaire de peuplement. 
Mais c'est l'échec. Car ce qui ronge secrètement John, c'est l'espoir inavoué de remonter en 1979, pour y retrouver une vieille marilouise quand elle était encore jeune, ainsi que sa collection du magazine Rock et Folk. comme quoi des fois c'est celui qui dit qui y est, comme à la barbichette.

2017, c'est aussi l'année où Adrian Belew se fait définitivement évincer du groupe
après avoir perdu une partie de barbichette contre un Robert Fripp
décidément en grande forme grâce à ses nouvelles lunettes
fabriquées à pas cher par les opticiens mutualistes.
Robert dans sa célèbre imitation de Mister Magoo
juste avant l'invention des opticiens mutualistes.
2020
Un jeune lecteur mélomane et préretraité, qui est aussi un ami, tantôt réel et tantôt imaginaire, selon les fluctuations de mon automédication, m'envoie un article d'un de ces tabloïds à scandale anglais dont il me sait friand, et dans lequel Robert est à nouveau impliqué, m'assimilant au passage à une sorte d'éditeur de contenus agrégeant le meilleur de Closer, Gala et Voici dans le Landerneau interlope du rock progressif. Ça fait toujours plaisir d'être reconnu à sa vraie valeur.
Le secret du jeu de guitare
si particulier de Robert
En effet, Robert Fripp se lâche, avec une impudeur à laquelle il ne nous avait guère habitués. Je pensais même qu'il gèlerait en enfer avant que d'assister à ça, et je me suis pincé devant certains des clips postés. Bien sûr, il faut resituer les choses dans leur contexte. Nous sommes alors en mai 2020, l'Angleterre se remet tout doucement de la perte de ses Colonies tout au long du XXème siècle, en même temps qu'elle se prépare aux rigueurs du Brexit, et se résout aux joies tristes du confinement pour tous, finalement promulgué par un premier ministre qui semble regretter le temps où il faisait partie d'un collectif d'amuseurs publics sans autre responsabilité que celle de faire rire les sujets de la perfide Albion.



Comme dans ce vieux sketch remis au goût du jour, dont nous avons retrouvé le script, car nous ne comprenions pas tout, un peu comme dans celui avec le perroquet mort.
http://montypython.50webs.com/scripts/Life_of_Brian/10.htm
Ce qui n'est guère étonnant, car nous apprîmes l'anglais dans les pochettes des disques de groupes de rock progressif essentiellement instrumentaux.

C'est ainsi qu'à la lecture du récit de réclusion de Robert  « in lockdown with his wife of 34 years » nous crûmes comprendre que sa femme était âgée de 34 ans, et nous nous dîmes, sacré Robert, il en a une perfecte paire ! Moi, quand j'en ai eu trois d'une paire parfaite, je suis allé me faire enlever la surnuméraire chez l'urologue.
Las, nous finîmes par nous rendre à l'évidence : Toyah Wilcox est née en 58, ce qui lui donne un an de plus que ma femme, et ils sont mariés depuis 34 ans, car il y a une différence entre woman et wife. Mais les voir danser le jerk dans leur cuisine, c’est grand. Et ça fait du bien de voir des vieux, amoureux, que ça n’envoie pas en réanimation.
En abeilles, ils sont immenses.



Ca me rappelle Oui-oui, évidemment.



et surtout Robert a un petit air fripp-on, limite lubrique, qu’on ne lui connaissait pas.
La promesse de ne pas rigoler, faite à Greg Lake sur son lit de mort, semble bien loin.
Et en licornes, c’est pas mal non plus.



C’est pas dans l’oeil qu’il va lui mettre sa corne, à maman, c’est sûr. Je vais regarder sur amazon si je ne trouve pas le même déguisement, pour changer un peu des parades amoureuses que je faisais tantôt avec mon vieux masque de Cthulhu, sans doute moins attractif, même après l'avoir enduit de phéromones. Enfin, si elle attend la fin du Boléro, elle a encore le temps de se réfugier aux toilettes et d’appeler les secours par le vasistas. Genre, après ça si on se réenchante pas au quotidien, on est des gros nazes, bons pour la contamination. De toutes façons, j’ai réfléchi, ça ne m’aurait rien rapporté karmiquement de me moquer de Robert. Je l’ai déjà beaucoup fait.
Je ferais mieux d’admettre mes piètres talents de traducteur, et de guitariste, aussi.

2021
Ayant repris leurs esprits après être restés plus d'un an évanouis dans leur cuisine sans qu'un voisin déconfiné vienne s'enquérir de ce qu'il en était, Robert et Toyah enregistrent immédiatement une version alternative de "Heroes", en hommage aux soignants, pour rattraper le temps perdu.



Faut-il imprudemment reconfiner un couple déconfiné ?
Un commentateur remarque sobrement : The guy in the back smiled, that can't be Robert Fripp.
Mais il dit ça par jalousie, après avoir perdu contre Bob à la barbichette.

2030
Transporté en urgence au CHU de Kensington-Sud parce qu'il tousse beaucoup, Robert demande dans un grand sourire à l'anesthésiste s'il ne veut pas reformer King Crimson avec lui. Celui-ci lui donne alors une tapette, l'intube et le plonge dans le coma artificiel pour les 100 000 prochaines années. Puis il arrache son masque de latex en ricanant : c'était Greg Lake, qui avait faké sa mort en 2017 pour avoir le dernier mot dans la partie de barbichette démarrée en 1969. Sacré Greg. 
Dans les boites de nuit d'Amsterdam, on joue les vieux King Crimson à donf pour fêter ça.



2520
Cinq cent ans après le Grand Confinement, les vidéos de "Bob à la licorne" sont exhumées, et donnent naissance à un culte un peu particulier, dont les adeptes errent nus dans les pizzerias et les boites de nuit en fredonnant Heroes. L'arrière-arrière petit-fils de Robert et Toyah fait réaliser un clip prônant ce mode de vie hédoniste en diable.


Le clip de Chapiron évoque un peu l’esthétique des films profondément humanistes de ce farceur de Gaspar Noé, avant de basculer vers un onirisme de bon aloi sur le thème « si nous vivions tout nus, nous ne pourrions plus prétendre être ce que nous ne sommes pas, car les corps ne mentent pas » enfin c’est moi qui choisis d’y voir ça, si ça se trouve le scénario parle d’autre chose, ou le clip est juste un tract un peu léché de la CGT-nudistes du Cap d’Agde.

2666
L'année où se situe le best-seller de Roberto Bolaño est aussi celle où le message de Robert "surtout ne jamais rire tant que la partie de barbichette n'est pas finie" a été totalement subverti et vidé de sa substance, tout est à refaire.
Mais c'est pas grave : flottant dans l'espace au large de cette bonne vieille Gaïa, un foetus angélique interplanétaire sorti tout droit du final imbitable de 2001, l'Odyssée de l'Espace, attend son heure pour une nouvelle incarnation. Et qui sait, pour reformer King Crimson.

bonus offert par le site des fenêtres qui donnent sur des murs :

mardi 23 juin 2020

Peter Bogdanovich - The Last Picture Show AKA La Dernière séance (1971)


En 1971, Peter Bogdanovich adapte au cinéma un roman de Larry McMurtry, l'immortel auteur de Lonesome Dove, le western littéraire qui enterre tous les westerns filmiques, sauf Little Big Man.
Je n'ai pas lu "La dernières séance", le roman dont est tiré le film, mais j'ai entendu la chanson d'Eddy Mitchell, et j'ai trouvé très attachante cette description romancée de la fin de l'adolescence, dans une petite ville du Texas où, quand on était une bande de jeunes au début des années 50, il n'y avait rien à faire à part partir à la guerre de Corée, puisque Internet n'existait pas encore...
Le film m'est apparu profondément pessimiste et mélancolique, voire carrément européen dans son essence, sans toutefois égaler en toxicité la morne langueur des pellicules de Wim Wenders des années 70 comme Au fil du Temps, jusqu’au jour où pas plus tard que tout à l’heure j’ai appris en collectant des infos pour rédiger cette notule que Peter Bogdanovich avait quitté sa femme Polly Platt, ainsi que les enfants qu’il lui avait faits, pour l’actrice principale du film, le mannequin Cybill Sheperd, que son épouse avait repérée dans un magazine pour jouer dans La Dernière Séance (1971), réalisé par son mari. C'est quand même pas banal.
Le casting de Cybill s'est retrouvé inclus dans les bonus du DVD. C'est pas con.
Je ne sais pas si vous voyez l’embrouille, mais c’est croquignolet. Et qui serais-je pour le juger, surtout après avoir vu Cybill Sheperd coucher avec un type encore plus minable que moi dans La Dernière séance (1971) ?
Il est vrai que Cybill Sheperd (en tout cas la version qui en avait cours en 1971) irradie rose durant tout le métrage pourtant en noir et blanc, comme une sorte de jodifostère avant l’heure.
(Dérivée du nom d’une très jeune actrice dans Taxi Driver (1976), la jodifostère désigne en langage warsenien des filles ayant l’âge requis pour se faire matzneffiser. Pardon pour le malentendu implicite lyrics.)
Au Royaume des Malvoyants, Jeff Bridges était Borgne. 

Et justement, heureux hasard, je découvre en même temps que vous que dans ses mémoires, rédigées au crépuscule de sa life, vers 18h15-18h30, Cybill Shepherd cite parmi ses amants Elvis Presley et Don Johnson, avoue avoir refusé les avances de Jack Nicholson et regrette d'avoir dit non à une invitation de Robert De Niro à un barbecue.
Cybill Shepherd interprétant une coupe de cheveux
dans un court-métrage des années 70.
Pourtant, tout le monde sait ce qu’il en est des mortels ayant accepté les invitations de Robert De Niro à un barbecue : si on ne finit pas sur une brochette en mode apéricube, c’est avec un pyjama en Néoprène dans le coffre d’une DS, ou encore coulé dans la pile du pont qui enjambe la rivière Waxahatchee (Alabama).
Cybill devrait donc se féliciter d'avoir refusé, et d'être encore là pour en parler. Parce que des fois ça arrive aussi à celles et ceux qui refusent l'invitation de Robert De Niro à un barbecue. En fait, si vous vous trouvez un jour enfermé dans une pièce avec les mots "invitation", " Robert De Niro" et "barbecue", quelle que soit votre réaction, il y a de grandes chances que votre destin soit scellé. Un peu comme dans El Hoyo, le film fantastique malthusianiste réalisé par le bilbotar Galder Gaztelu-Urrutia et récemment passé sur Netflisque.
Au crépuscule de sa life, vers 22h45, après avoir essuyé tout un tas de rateaux cinématographiques, Peter Bogdanovich tentera de renouer avec le succès de La Dernière séance (1971) en lui donnant une suite, 20 ans plus tard, avec Texasville (1990), qui reprend les mêmes personnages, vieillis, alcooliques, brisés. Ce sera l'échec. Je n'ai pas encore osé le regarder, mais les quelques images que j'ai pu en apercevoir me donnent envie de pleurer à chaudes larmes, puis d'accepter l'invitation de Robert De Niro à un barbecue, si ça tient toujours, je suis même prêt à fournir le barbecue.
Sinon, fait notable concernant tous ces films assez pudibonds consacrés à la jeunesse américaine des années cinquante mythifiée et édulcorée du Sud par un certain cinéma, La Dernière séance (1971) est plein de nichons juvéniles, pour ceux que ça intéresse.

Mon fidèle Pandémiaou s'est un jour rendu à un barbecue organisé par Robert de Niro.
Trente ans ont passé, et sa veuve s'oppose toujours à un remake.

lundi 22 juin 2020

Callisto McNulty - Delphine et Carole, insoumuses (2019)

« Ma chère enfant, ce serait une grande faute
que d’épouser votre père. C’est très simple, il faut le décourager, sans le contredire.
- Mais je l’aime. »

Delphine Seyrig et Catherine Deneuve,
dans Peau d’âne.
- extrait inclus dans le documentaire -



Elles ont dû bien s'amuser, Delphine et Carole, dans les années 70. Carole en a attrapé les rides de la rigolade, elle est fatiguée mais toujours enthousiaste pour évoquer les grandes heures du féminisme militant, qui marque les débuts glorieux et victorieux de l’émancipation des femmes hors des carcans patriarcaux. Elle est interviewée en 2009 pour fournir le fil conducteur de ce portrait croisé des deux copines, qui devait se focaliser sur Delphine Seyrig, disparue du cancer du poumon en 1990. Parce que les deux pasionarias ont beau combattre l'oppression masculine dans ces années-là, en s’emparant les premières des moyens de la vidéo légère et en réalisant une série de films assez acides sur la condition féminine, elles croisent les représentants officieux du discours du maitre sur les plateaux télé, les Drucker, Bellemare, Pivot le roi des valets, qui les accueillent brièvement dans leurs émissions avec une condescendance certaine et amusée, mais elles sont aussi prisonnières de la clope, qui les emportera toutes deux avant l’heure.

Carole n'a pas fini son film sur Delphine.
Sa petite fille l'achèvera dix ans plus tard.
Tout le monde fume comme des pompières, dans ces archives sagement tricotées par Callisto McNulty, la petite-fille de Carole. Et ça ne choquait personne, le tabagisme, pas plus que le sexisme ordinaire.
Et comment peut-on s’appeler Callisto McNulty, à moins de jouer dans The Wire ? le film ne le dit pas. Le film ne dit pas grand-chose, d’ailleurs, s’interdisant la voix off, brodant interviews, extraits de films, d’auto-productions vidéo de l’époque, retraçant par petites touches ce combat pour s’affranchir du phallocentrisme. Quarante cinq ans après, que reste-t’il de ces luttes ? Si on lit la récente enquête du Monde « Féminicides : mécanique d’un crime annoncé » on se le demande un peu.
Mais si, surmontant cet abattement passager, moins définitif que celui des victimes, on lit les éditos de Maïa Mazaurette dans le même journal, on se dit qu’au moins, maintenant, elles peuvent dire leur désir, au risque de paraitre plus mec que le mec le plus macho. Certaines affirment aujourd'hui la primauté du fantasme de toute puissance phallique. Je veux choisir mes partenaires, imposer les formes de mon plaisir et rester maître du tempo. Je veux avoir le phallus et non pas me soumettre au désir de l'autre jusqu’à être pour lui le phallus, ce qui est le marqueur du pole féminin du désir et le secret de leur pouvoir bien plus redoutable.
Et pourquoi pas ? moi ça m’a toujours eu l’air un peu fumeux, ces histoires. Le phallus c’est pas ce truc pour offrir du plaisir ? J’en ai entendu parler par Lou Reed, en termes voilés mais élogieux dans sa chanson « My red joystick ». Mon rouge bâton de Joie. Mais pour donner du plaisir, voire de la Joie quand la météo s’y prête, il faut bien quelqu’un pour en recevoir, non ? alors je me dis qu'on peut pas tous avoir des phallus, quand même, ça marcherait moins bien. Même si on dit des phalli.


Après, sur le plan symbolique, et au nom de la parité ratée et encore plus mieux ratable que nos grand-pères ne la ratèrent avec nos grand-mères, et si nous sommes condamnés à nous fréquenter complémentairement tant qu’on ne trouve pas d’alternative à la reproduction sexuée, je veux bien qu’on laisse les filles se foutre la toute-puissance phallique dans l’oeil avec leurs désirs, ça peut avoir des conséquences bénéfiques pour nous, bien que j’approche à grands pas de la date de péremption, et toujours pas un chapeau de vendu. Mais entendons-nous bien, que dans l’oeil, hein ? qu’elles ne viennent pas s’aviser de nous le mettre ailleurs, je suis chatouilleux.
Le documentaire un peu trop respectueux de la petite-fille de Carole se laisse donc visiter comme un gentil musée bien propret du témoignage sur un monde disparu, celui d'un combat plus irrévérencieux qu’agressif, avec des slogans assez corrosifs comme on en voit dans les manifs de l’époque, et sans qui Weinstein et Polanski auraient encore pignon sur rue.
Je n’ai pas été trop ému, je ne suis pas dans le coeur de cible, étant une ménagère pas tellement opprimée par mon conjoint (sauf quand j’ai oublié de faire à bouffer comme hier soir quand elle est rentrée du travail), mais elles avaient l’air de bien dépoter, les deux pétroleuses, j'aurais bien aimé les croiser, mais je ne sais pas si elles auraient apprécié mon humour glacé et sophistiqué.
Surtout que je vois au générique la présence d’un Géronimo Roussopolos, je me demande ce qu'il a fait au Bon Dieu avant sa naissance pour s'appeler comme ça, et je connais une blague bien grasse avec Géronimo Lagadec, je vais la garder pour plus tard.

Ma légitimité pour parler du féminisme
est cachée dans ce dessin. Trouve-là.
Ce qui m’a fait peur, c’est un extrait de plateau télé avec plusieurs réalisatrices féministes. Il y a là Marguerite Duraille, qui met la touche finale à son déguisement de Jabba the Hutt en col roulé qu’elle ne quittera plus que sous les caresses expertes des thanathopracteurs, qui nous assène que le cinéma des femmes est un cinéma politique, avant de nous présenter un extrait d’India Song dans lequel Michael Lonsdale souffre encore des séquelles postopératoires d’une balaidansl’culrectomie, et Liliane de Kermadec, avec qui j’ai monté un court métrage dans les années 90, où elle ne tenait plus du tout le même discours, car nous fûmames, nous bûmes, nous tombîmes. 
Je ne laisserai personne dire que c’était le bon temps.

samedi 20 juin 2020

JMPZ - Sound Asylum (2008)

J'étais pas en manque, mais clairement en rupture de stock de vieilleries musicales à relancer. 
Ma soeur m'envoya un soir un clip de Célestin, chanteur engagé dans la promotion du hache tague DESTITUTION
Ca fait trop peur comment les réseaux sociaux y peuvent provoquer la chute du président. J'en tremblai intérieurement sur mon pouf en mousse. Encore un clip de confinement dont on peut se demander comment il a fait pour ne pas changer la face du monde, à l'instar du mien
A trois minutes quinze du début, le chanteur jaillhirsute affublé d'un sweat à capuche orné de l'acronyme JMPZ. Mon sang ne fit qu'un tour, sur les quarante-cinq prescrits par le docteur. 
Bon sang mais c'est bien dur ! JMPZ ! Un groupe toulousain du début des années 2000, impliquant dub fusion métal hardcore trance chamanique hache tague implosion des chakras.
Mes acouphènes auraient bien aimé les voir en concert, tiens.
allez, voici deux notices, des adieux en DVD, un disque, et n'y revenez plus.
et un autre disque, un peu tombé du camion garé devant la médiathèque, mais après, n'y revenez plus, vous dis-je.

lundi 15 juin 2020

Le Casanova de Fellini (1976)

Balançoires, trampoline,
le club mickey dégouline.

Vincent Delerm, "Deauville sans Trintignant"


A 14 ans, l'affiche me faisait un peu peur.
Elle avait raison.
Mais la peur n'empêche pas le danger.
J'ignore pourquoi j'ai voulu me frotter à la saison 3 de la série Westworld, dérivée de Mondwest, film de SF des années 70 avec Yul Brynner mettant en scène des androïdes, employés dans un parc d'attractions pour distraire le public de sa pitoyable existence pour $2,40 de l'heure H.T. et qui accèdent à une certaine conscience de classe après la lecture des oeuvres complètes de Jean Baudrillard pendant leur pause-repas, et se révoltent alors contre leurs oppresseurs humains.
Et je m'interrogerai jusqu'à la fin de mes jours, qui ne devraient plus tarder, vu la toxicité prétentieuse et absconne, c'est rien de le dire, de ce que je me suis injecté dans les pupilles. J'ignore si le poison s'est dissous dans sa propre inanité, et si on pourra dire à la mort des deux showrunners qui chapeautent la série "En entrant dans le néant ils ont dû se sentir chez eux" comme l'avait annoncé Georges "R.R." Clémenceau au décès d'Edgar Faure, ou si l'affreux et sombre venin a eu le temps de remonter jusqu'au cortex en suivant le nerf optique comme c'était indiqué sur Google Maps.
Toujours est-il que je vais tenter de rester debout  en rédigeant cette chronique, pour pouvoir témoigner de l'avancée du Mal, assis en temps réel sur la légitimité de mon désir de transparence, un peu comme Cobaye Charlie dans sa redescente très peu climatisée à la fin de Des fleurs pour Algernon. Me confronter à la saison 3 de Westworld, alors que j'avais dormi devant la 1, trompeusement attiré par une photo d'Ed Harris dans le Grand Canyon comme une phalène par une lampe anti-moustiques dans un camping low cost, et que j'avais boycotté la 2 sans que le ministère du Download s'en émeuve outre mesure, c'était sans doute dans le but inavoué - car inavouable - de rentabiliser mon abonnement au téléchargement illégal, conduite addictive dont le manuel de psychopathologie à l'usage des confesseurs reste à écrire, et dont ce blog constitue l'éternel brouillon, toujours recommencé, jamais finalisé.

Ou alors c'était pour voir ce que pouvaient bien donner Aaron Paul, pas capté depuis Breaking Bad malgré qu'on ait entendu sa voix dans les 5 saisons de Bojack Horseman, le cheval dépressif et sur le retour tellement il est mal dessiné, et Vincent Cassel, dont je ne comprenais pas la carrière en dents de scie avant d’en lire cet audacieux résumé dans le Figaro en préparant cet article : « Après s'être fait remarquer dans La Haine, en 1995, il rencontre Monica Bellucci en 1996. » d’ailleurs le journaliste du Figaro refait la même deux paragraphes plus loin avec MC Solaar : « Après s'être fait remarquer avec Prose combat, un putain de deuxième album en 1994, MC Solaar rencontre Ophélie Winter en 1995. » Une fois de plus, tout est dit. Ils sont un peu misogynes, quand même, au Figaro. Surtout que ce n'est jamais qu'un pâle remake de la vieille blague sur ta mère jadis parue dans la Désencyclopédie et attribuée tantôt à Sacha Guitry,  tantôt à Chuck Norris, un soir qu'il était déchiré au Seroplex® : « ta mère et moi avons été heureux pendant 25 ans, puis nous nous sommes rencontrés » 

Vincent Cassel imite le savant fou Zorglub à la perfection
dans Z comme Westworld, mais où est donc Spirou ?

D'après Vincent Cassel, joint par notre agent double au Figaro juste après le tournage, la série explore des notions philosophiques qui nous concernent tous, telles que la conscience ou la liberté. Mais elle évoque aussi des thèmes politiques relatifs à la vie privée, à l’échange des données, au rapport à l’autre, aux limites à l’expression de nos pulsions. Tout ce truc sur les deux premières saisons où l’homme viole, égorge et tue à bout portant des êtres à forme humaine sous prétexte qu’ils ne le sont pas, crée un effet miroir extrêmement intéressant. Celui-ci nous interroge en tant que public et en tant qu’individus et nous met surtout face à nous-mêmes."
Allons bon. La dernière fois que j'ai égorgé un être à forme humaine sous prétexte qu’ils ne l'était pas, c'était un Témoin de Jéhovah qui tentait de s'introduire sur mes terres en outrepassant le portail en plastique blanc sans sonnette et ordinairement fermé qui matérialise l'entrée du Ranch Warsen, et il faudrait une circonstance bien extraordinaire comme la rupture des gestes-barrière avec le livreur de menhirs peindus de Louis Julien pour me faire baisser ma garde et ouvrir ce portail, donc il l'avait quand même un peu cherché. 

le superbe AV_3670CE, commandé il y a 45 ans
et reçu la semaine dernière par la Redoute. 
Mais ça ne m'a pas particulièrement mis face à moi-même, j'ai pas eu le temps, vu qu'il a fallu sortir le Karcher pour nettoyer le portail à grande eau, car le sang ça s'incruste bien dans le plastique blanc, si on le laisse imprudemment sécher. Toujours est-il qu'au bout de 5 épisodes de Westworld, j'ai maudit les cadres de HBO qui avaient validé la mise en production de cette pharaonique saison 3 en sniffant de la mauvaise coke sur les fesses clandestines de professionnelles issues de la diversité à l'arrière de taxis new-yorkais bien trop pressés d'aller d'un point A où ils étaient bien à un point B où ils n'avaient rien à faire pour satisfaire des clients en manque de repères, j'ai abjuré ma foi dans les séries télé et failli renoncer à tous mes biens terrestres et brûler  mon superbe AV-3670CE, quand je me suis souvenu qu'il existait dans le temps du monde d'avant un truc qui s'appelait "films de cinéma", qui ne contraignaient pas à l'absorption morbide de dizaines d'heures de programmes avant de pouvoir déclarer qu'en fait, c'est complètement con, finalement.

Alors j'ai lancé Le Casanova de Fellini. Il y a quelques mois j'en avais trouvé  une copie sur un tracker russe à bas coût (capitale de l'Azerbaïdjan), copie en HD light, parce que la HD normale (la HD HD, quoi), me pique les yeux, et je voulais remater ce film, pas revu depuis sa sortie, j'en avais conservé un souvenir leste et polisson, comme quoi on n'est pas sérieux quand on a quatorze ans, à la revoyure dans ma peau d'adulte, l'esthétique du film penche beaucoup plus vers Le Choix Funéraire que vers les tenants d'un érotisme soft ou hard, et c'est une farce bien macabre et enténébrée que nous tenons là entre nos petites pattes griffues (j'ai vu les écureuils grimper aux framboisiers tout à l'heure, ces bâtards, et se servir comme s'ils étaient chez eux, alors qu'ils sont chez nous), incluant une vision du sexe quasi phobique, un univers théâtralisé, décadent et corrompu, après ça je comprends mieux pourquoi j'ai eu une adolescence dépressive, qui s'est prolongée quasiment jusqu'à avant-hier.

J'ignore comment ce Giacomo Casanova a pu outrager Fellini post-mortem au point de justifier un tel pamphlet, qui semble tenir de la vengeance personnelle aussi sûrement que si j'apprenais que Monica Bellucci m'avait trompé avec Vincent Cassel dès 1996, alors je dirais sans doute beaucoup de mal de lui, mais sinon, il peut bien tourner dans toutes les saisons de Westworld qu'il veut et s'y révéler aussi pathétique que Lambert Wilson dans un rôle analogue de Mérovingien dans Matrix 2 des soeurs Wachowski, y'a pas d'souci.
Le XVIIIème siècle de Fellini est un monde de cauchemar, sur lequel le jour ne se lève jamais, peuplé de créatures affreuses, sales et cupides qui ne méritent le nom d'individus que par un euphémisme miséricordieux.
D'un vibrant plaidoyer pour la castration chimique des Rocco Siffredis en costume d'époque qui ne se prennent pas pour de la merde entre deux échauffourées avec des greluches azimuthées, le film s'élève ensuite jusqu'au brûlot haineux, faisant l'apologie de l'extinction volontaire de l'espèce humaine dans son ensemble, si à la mode en ces temps décroissants. J'ai bien aimé.

 J'aimerais bien aussi trouver les dessins de Topor qu'il a créés pour le film autour du sexe féminin, ils sont redoutables. A 55 minutes du début du métrage, Casanova a un éclair de lucidité, et déclare sans affectation, avec une désarmante sincérité :
"Nous abusons de notre pouvoir sur les femmes, nous exerçons sur elles une véritable tyrannie, que nous avons réussi à leur imposer uniquement parce qu'elles sont meilleures, plus gentilles, plus raisonnables, plus généreuses que nous, en un mot ce sont de meilleurs êtres humains. Ces qualités qui auraient dû leur valoir une supériorité naturelle les ont au contraire réduites à notre merci, car nous sommes cent fois plus déraisonnables, cruels, violents et enclins par nature à opprimer autrui."

Il aurait pu ajouter que les femmes n'éprouvent quant à elles aucun besoin de se venger de l'infériorité des hommes comme dans mon film de John Warsen à moi que j'ai, mais son instant de lucidité est passé.
 Il repart aussi sec à courir après Eros et à se prendre Thanatos dans les rotules en retour, dans une Venise pourrissante, puis à la cour de différents roitelets d'Europe auprès desquels il tente de plaider sa cause d'affabulateur et de pitoyable intrigant, s'acoquinant avec une humanité de plus en plus grotesque, vivant des aventures de plus en plus sordides, dans cette bobine crépusculaire qui ferait passer Mort à Venise pour un Louis De Funeste.
Donald Sutherland est génial.



Après un énième lifting, Jabba the Hutt s'apprête à se laisser suborner par le vil séducteur.