1/ Extrait de : « Toute une Vie Bien Ratée » Pierre Autin-Grenier, iBooks.
Poème du cancer des bronches
" C’est un peu comme un 110 mètres haies qui se disputerait d’une manière acharnée et sans concession aucune entre le cancer des bronches et moi. Le matin je commence à toussailler et un peu l’après-midi aussi ; mais quand même, je saute encore tous les obstacles pour le moment, je grille tous les feux rouges et fonce sans souci à travers les plaines stériles de l’ennui telle une vieille loco, crachant fumée et flammes, lancée à la conquête du Far West cependant que les Indiens de la tribu Nicotine arrosent le convoi de flèches empoisonnées et, narguant les wagons de queue, déjà entament la danse du scalp ! Mais j’ai bon espoir, je vous le dis, d’arriver au-delà du Mississippi avant que ces fils de sauvages n’aient eu le temps de me jeter un sort et me réduire à leur merci.
Avec toutes les allumettes que j’ai grattées pour embraser des bouts de mégots ou inaugurer une cigarette fraîche roulée, je crois que des bergers cévenols ou bien de jeunes vachers lozériens un peu habiles de leurs dix doigts pourraient sans peine, l’hiver à la veillée, confectionner des centaines de tours Eiffel modèles réduits[…] »
2/ article de cyber-journal, imprimé sur bois d'arbre et déprimé sur écran Rétina :
(
...) L’auteur de "Toute une vie bien ratée" (Gallimard, 1997) a tiré sa révérence en avril 2014, vaincu par la cigarette non sans avoir préalablement causé lui-même bien des pertes dans les rangs de celle-ci. Ayant toujours préféré la forme brève de la nouvelle à l’interminable roman, il ne laisse pas sur sa table un épais manuscrit en vrac avec tous ses destins et ses énigmes en suspens, non, il aura même eu le temps de soigner les neuf textes du recueil qui paraît aujourd’hui, Analyser la situation. Et comme Pierre Autin-Grenier était un malin, il le dédie en partie « à [son] cancer du poumon ». Fine stratégie, car le meilleur moyen d’humilier son ennemi, de se venger de lui, consiste à lui faire des grâces. (...)
3/ Commentaires de blogueur :
Purée, pourquoi je tombe sur des articles comme ça dès le matin en allumant ma première clope ?
Pour ma part, je crois que la meilleure façon d'humilier son ennemi, dans le cas présent c'est de ne pas mourir au combat.
Et évidemment, c'est cette pauvre andouille auto-fictionnelle d'
Eric Chevillard qui signe l'article.
http://www.lemonde.fr/livres/article/2014/11/20/bonnes-nouvelles-posthumes_4526205_3260.html
Quoi de mieux pour lutter contre la complaisance que de trouver son maitre en la matière ?
J'ai lu quelques nouvelles de Pierre Autin-Grenier, mais j'ai rapidement déchanté.
Un petit côté Brautigan franchouillard pas désagréable, encore que Brautigan s'est beaucoup complu dans la facilité, et pas grand chose de Pessoa.
Bref, je ne suis pas
convaincu, et je pense à cette maxime de Pierre Dac : celui qui parti de rien, n'est arrivé nulle part, n'a de merci à dire à personne.
A moins que son karma fut de rater sa vie, et que ce faisant il la réussit, pour repartir du bon pied dans celle d'après ? A ce moment là on est plutôt du côté d' Henri Michaux : "Sois tranquille, il reste du limpide en toi. En une vie tu n'as pu tout salir."