jeudi 29 juillet 2021

Le petit Steve Roach illustré : Une année 2015

Monuments of Ecstasy (2015)
avec Byron Metcalf et Rob Thomas

Encore un album de tribal-ambient rythmé et roboratif avec Byron Metcalf, encore un disque censé activer un état euphorique de conscience corps - esprit et l’expansion de l’attention par la conscience corporelle, encore un disque censé transporter l’auditeur dans un monde d’énergie pure et d’illumination - encore un disque que je trouve mou du didgeridoo - plus démonstratif que groovy.
Même avant que je prenne 18 kgs lors des confinements successifs et que mes Monuments d’Extase deviennent trop lourds à déplacer, cet album me laissait en rade. L’irruption molletonnée d’un thème qui n’est pas sans évoquer la mélodie et les orchestrations du générique d’Amicalement votre au milieu de l'avant-dernier titre de l’album est amusante, sans plus; les vieux routiers du roc tribal sont érodés. Ou alors, c'est l'auditeur qui s'effrite.


(2,5/5)

https://projektrecords.bandcamp.com/album/monuments-of-ecstasy

Invisible (2015)

Steve : « Voici une pièce sombre et mal ventilée de mon studio d’enregistrement Timeroom dans laquelle je m’allongeai accroupi par les dernières journées froides et pluvieuses de 2014, à la recherche de bobineaux perdus au début des années 80 dans lesquels on avait improvisé une longue mélopée chamanique sur des bols à punch un soir de pochetronerie védantique debout sur des chaises dans la cuisine avec Byron Metcalf et Jorge Reyes. Mais je ne les ai jamais retrouvées, sans doute que les étiquettes étaient écrites toutes de traviole alors de rage je me lançai dans Invisible, qui est un paysage de rêve primordial ultra-profond de zones de mercure changeantes. Des fantasmes amorphes enveloppés de brume apparaissent et s'éloignent au fur et à mesure que des murmures de substrats distants sont ressentis autant qu'ils sont entendus. C’est pour ça que ça fait un peu peur, on craint que Vidna Obmana surgisse de derrière les tentures écarlates où il se tapissait partout, même dans les toilettes. Quelques jours à peine après la création de cette pièce, le disque a été offert en cadeau sur mon site le soir du Nouvel An et beaucoup ont pu voyager profondément dans la nouvelle année dans une expérience sonore collective mondiale, puisqu’on les a retrouvés pendus dans une magnifique synchronicité dès le matin du 2 janvier. »
Dans la veine toxic-groovy limbo, l’improvisation ce jour-là à base de vapeurs plombées (mais toute la musique générée par Steve n’est-elle pas qu’une gigantesque empilement d’expériences délétères, coagulées puis renforcées au stratifié de 1,5 mm ?) s’inscrit dans la veine "méditation de cave à charbon" récemment illustrée par InnerZone (2002)
Un good-feeling movie, comme y disent, mais pour claustrophiles uniquement.

Bloodmoon Rising Night 3 (2015)

Il faut se rappeler qu’en français, la « lune cuivrée » parfois qualifiée abusivement de « lune de sang » ou « lune sanglante », par décalque bête et désir mimétique et crétin de singer l'expression anglaise correspondante « blood moon », désigne un phénomène optique de diffusion et de dispersion de la lumière qui se produit durant les éclipses de Lune mais aussi à d’autres occasions : la Lune prend une apparence cuivrée (parfois qualifiée à tort de rousse) à chaque fois qu'elle est basse sur l'horizon, car la lumière du Soleil qui l'éclaire est alors filtrée en passant au travers de l'atmosphère terrestre. La dernière lune de sang du 20 au 21 janvier 2019 a coïncidé avec une super lune et la pleine lune du loup, ce qui lui a valu le titre de «Super lune du loup de sang».
Evidemment, à côté, Bloodmoon Rising Night 3 fait pâle figure, n'a rien de sanglant, est très contemplatif, au moins autant que Bloodmoon Rising Night 2, et il ne s’y passe objectivement pas grand chose. Il remplit le cahier des charges : lunaire, amblent, planant en gravité zéro, perturbant légèrement la perception temporelle. Des éléments de nappes sans attaque y apparaissent, durent un certain temps, puis s'évanouissent on ne sait où. Sauf ceux qui les sous-tendent, et qui étaient là de toute éternité.
La prochaine lune de sang se produira lors de l'éclipse lunaire totale du 26 mai 2021, qui sera visible de certaines parties de l'Amérique du Nord, de l'Australie, du Pacifique et de l'Asie. Mais le temps que paraisse cet article, elle aura sans doute déjà eu lieu. Ce en quoi ce que je raconte est absolument fascinant d’ennui et de péremption rétrofuturiste. Méfions-nous : Steve n’a pas promis de ne pas faire de disque pour cette occasion.


(3/5)

https://steveroach.bandcamp.com/album/bloodmoon-rising-night-3

Skeleton Keys (2015)

Le renouveau des synthétiseurs modulaires analogiques bat son plein. Magie de ces armoires électriques lourdes comme le piano de mon grand-père, ornées de potentiomètres gradués jusqu’à 11 qu’on peut tourner à la main, vers la gauche ou bien la droite, sans même faire usage de nos pouces opposables, qui nous différencient pourtant du chimpanzé fan de tech hardcore, pour en expérimenter des effets variés en termes de tension, de fréquences, d’amplitude, d’oscillations rythmées.
Voici donc huit mandalas sonores en spirale entièrement façonnés avec des vrais doigts pianotant comme des oufs sur des boutons en plastique qui s’allument au passage comme dans les films de SF des années 60, programmant des séquenceurs vintage fleurant bon le modulaire des débuts de l’électronique, et que tu peux toi aussi acquérir auprès du fabricant Synthesizers.com comme l’a fait Steve, ça tombe rudement bien.
Il y a des morceaux magiques dans cet album comme It's All Connected; et d’autres plus prévisibles : guirlandes de séquences arpégées avec delay paramétrable, tout ce qu’on a aimé puis détesté dans la musique planante des années 70.

(3/5)

https://steveroach.bandcamp.com/album/skeleton-keys

The Skeleton Collection 2005 - 2015 (2015)

Simultanément sort un disques d’inédits, dont la moitié des pistes furent enregistrées dix ans plus tôt, célébrant elles aussi la pureté du son analogique et des machines galactiques qui carburaient au fioul lourd, comme les tanks Sherman. L’accent est mis sur l’immédiateté de la musique générée à la main sur de vrais instruments physiques (sans doute en bakélite) : « Ressentez-le, accompagnez-le, façonnez-le à la main, enregistrez-le, passez à autre chose. »
Comme toujours avec les propositions de Steve, pour en retirer le meilleur il suffit de vous autoriser à flotter avec lui partout où il va, et de ne pas trop y penser.

(3/5)

https://steveroach.bandcamp.com/album/the-skeleton-collection-2005-2015-companion-disc

Etheric Imprints (2015)

En arpentant les confins de son domaine, Steve glisse accidentellement dans un soupirail recouvert de branchages (comme dans un vieux Rahan) qui le précipite au fond d’une oubliette où gît un vieux piano. C’est l’occasion d’égrener quelques notes mélancoliques avec beaucoup de réverb, au risque de créer une mélodie, qui n’advient cependant pas dans l’effondrement introspectif Etheric Imprints, qui ouvre l’album sur de bien sombres perspectives existentielles. En l’absence de linge de rechange, la situation sanitaire se dégrade ensuite rapidement, et des arpèges atrocement disharmonieux s’échappent de la fosse, dans l’espoir d’attirer du monde et d’échapper à l’oubli (Indigo Shift). C’est pourtant une stratégie perdant/perdant, qui n’attire guère l’oreille du chaland vers le pavillon-témoin.
Dans un troisième temps, Steve a traversé les phases du deuil (Déni, Colère, Marchandage, Dépression, Acceptation) et les récapitule sobrement dans une pièce immersive un peu funèbre mais majestueuse : Holding Light. On sent que quel que soit son sort, il est prêt à partir. Puis, c’est le happy end de rigueur : en revenant aux sources de l’ambient light avec The Way Forward, Steve parvient à simuler une légèreté qui lui permet d’échapper à la gravité et de s’échapper à tire d’aile. Le problème étant qu'il va certainement recommencer à enregistrer.


(3/5)

https://steveroach.bandcamp.com/album/etheric-imprints


Bloodmoon Rising (2015)
The Complete 5-Hour Collection

L’intégrale des mélopées séléniques, pour sacrifier vos nuits blanches à la lune « cuivrée ». Si vos insommnies persistent après l’écoute successive de 2 fois l’intégrale, n’hésitez pas à retourner au bureau sans avoir dormi, vos collègues vous trouveront quand même un petit air lunaire, et c’est toujours ça d’pris.

Derrière le rideau rouge de Twin Peaks, je ne sais pas.
Mais devant, je sais : Blood Moon Rising.


(3/5)

https://steveroach.bandcamp.com/album/bloodmoon-rising-complete-5-hour-set

Now (2015)

Réassort du premier album de 1982. Influence plus que palpable de Tangerine Dream et Klaus Schulze, les 2 parrains de la mafia des aficionados de la non-dualité sonore.
Déjà chroniqué par le Vénérable Héry, qui en disait ici 
tout le néant qu'on peut s'autoriser à en penser : "Voici le premier album, aux séquenceurs, de Steve ROACH. Tout à fait dispensable."

Alive in the Vortex (2015)


L’expérience nous a appris que quand il y a « Vortex » dans le nom d’un disque OU d’un morceau de Steve ET qu’il est paru dans les années 2010 ET que c’est une prestation scénique, on peut y aller. En principe. C’est un savoir relatif, mais assez absolu. Pour celui-ci, un an de préparation, et un spectacle déjà rodé lors du festival Ambicon, spectacle dont la partie visuelle consistait à regarder Steve appuyer debout sur les boutons de ses machines du diable et tourner ses potentiomètres gradués jusqu’à onze pendant deux plombes, spectacle qui trouve son apothéose dans cette représentation unique en octobre 2013 sous le chapiteau du Vortex Dome de Los Angeles, une salle hémisphérique où il fait bon venir digérer une poêlée de champignons magiques quand Steve est assez inspiré pour y interpréter ses meilleurs musiques d’attente au téléphone. Gageons que la partie visuelle était au moins aussi spectaculaire que ce soundfest auquel le roi du minéral chantant ne nous convie qu’en de trop rares occasions (Journey of One en1996, Live Transmission en 2013) nous prouvant ainsi son génie alors que nous avions renoncé à l’y voir dans son Tour. Privés des images immersives de paramécies en rut grossies 10 000 fois et projetées à 360° sur la face interne du dôme,


il nous reste pour vibrer la partie électroacoustique du show, soit un son et lumière sans lumière mais dans lequel on retrouve le meilleur de la Quincaillerie Roach® : séquences rutilantes d’arpèges cristallins, nappes infinies d’aurores boréales scintillantes, drumboxes ethnoambient chamaniques. On est peut-être un peu en dessous de Live Transmission 2013, mais ça plane quand même très haut.
Après avoir écouté les bandes, et juste avant de les égarer dans le studio Timeroom pour prétendre les avoir retrouvées dans deux ans et les rééditer avec des bonus, Steve a déclaré « J'ai senti que c'était le témoignage que je voulais laisser derrière moi pour que quelqu'un l’expérimente dans 50 ans. »
Rendez-vous dans 50 ans, donc, pour voir s’il ne s’est pas moqué du monde.


(4/5)

Vortex Immersion Zone (2015)

Ce n’est pas une version en Réalité Augmentée ou Diminuée voire Ratée du concert précédent, mais plutôt un brouillon, inspiré par le projet de se produire au Vortex Dome de Los Angeles, et imaginé lors de la visite de repérages de cet espace géodésique en forme d'utérus, projet un peu virtuel, où d’autres peuvent s'y caresser langoureusement le projet de progresser dans l’intention de pratiquer le bouddhisme, quand on se retrouve dans un utérus, les idées les plus folles peuvent germer. La pièce immersive fut retravaillée après les performances historiques qui s’y déroulèrent, on y perçoit d’ailleurs des fragrances de Live Transmission (2013), comme la Boucle Irradiante Qui Rend Ouf, dont la dynamique et la texture particulières nous feraient acquérir les 132 versions si le producteur choisissait de les mettre en vente en ligne, mais sinon c’est aussi mou du genou que de diffuser les rushes du film en bonus DVD : ça ne vaut pas le Director’s Cut.
Comme il est dit par un chroniqueur anonyme à propos de ces deux albums autour du même évènement, la version live possède certaines propriétés magiques spéciales qui ne peuvent résulter que d'une interaction avec un public.

https://steveroach.bandcamp.com/album/vortex-immersion-zone-2

Skeleton - Spiral Passage (2015)

Version 2 titres (32 minutes) « Squelette / Passage en spirale » du concert « Live in Tucson : Pinnacle Moments » qui ne sortira qu’un mois plus tard, fin janvier 2016, c’est à dire dans le futur puisque nous ne sommes encore qu’en 2015 selon la discographie, alors que la sortie bandcamp porte l’estampille « 1 janvier 2016 ». De qui se moque-t-on ? Et pourquoi sortir une version longue de 2 titres plus courte que la version courte qui sera plus longue, à moins d’être dans un flux temporel inversé par rapport à nous ? A moins aussi que je n’aie pas bien lu l’argumentaire en le recopiant. Au demeurant, c’est pas inintéressant, comme cavalcade d’arpèges pentatoniques avec delay + friselis mélodique néo-schulzien, mais comme il sera intégralement inclus dans la nouvelle version de l’album numérique du Live in Tucson qui sortira incessamment sous peu dans le futur, l’avenir de ce disque est un peu indistinct, à ce degré spéculatif qui n’intéressera qu’une poignée de spécialistes et qu’on pensait réservé aux thuriféraires de Frank Zappa, car l’album - uniquement édité en numérique et réservé à ceux qui ont souscrit l’abonnement Prémioume - est crédité de 2015 dans la discographie mais daté du 1 janvier 2016 lors de sa sortie sur bandcamp, c’est ce que j’ai déjà dit plus haut mais comme Steve je crois qu’il faut beaucoup répéter les choses pour qu’elles s’impriment, et maintenant c’est trop tard pour corriger.

(3/5)

https://steveroach.bandcamp.com/album/skeleton-spiral-passage-extended-version-live-in-tucson-02-14-15

Emotions Revealed (2015)

Des bandes perdues des années 80, retrouvées de façon inespérée. Deux pièces, sans trop de cuisine, l’une héritée de séquenceurs cadencés période Structures From Silence, avec des sonorités bien vieillottes de 1983, c’est envoûtant, entêtant, ou juste saoulant, selon votre sensibilité. Disons que dans le genre Ecole de Berlin, je préfère le maitre Klaus Schulze à ses disciples z-ailés. Ensuite une pièce purement atmosphérique, l’embryon de la genèse de l’origine de la clé de voûte de ce qui donnera naissance à la division blindée de la Voie Contemplative de Steve. Evidemment en 1983 les moyens sont frugaux, mais l’idée du Steve atonal et arythmique est là, en essence. C’est aussi émouvant que de retrouver le brouillon des symphonies que Mozart écrivait dès six ans.
Ou pas.


(2/5)

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