jeudi 10 juin 2021

Henri Salvador - Elle me donne (ah ! Ah ! ) (1954)

Je suis né avec des yeux d'ange
Et des fossettes au creux des joues
J'ai perdu mes joues et mes langes
Et j'ai cassé tous mes joujoux
(Clopin-clopant, aussi chanté par Montand,
et écrit par Pierre Dudan)
Dans la pile de centaines de papyrus et de tablettes de cire exhumés de la crypte secrète de la nécropole maudite et oubliée d'Henri Salvador, cette biguine de 1954 résonne d'un écho particulier. 
D'abord parce que toutes les versions trouvées sur youtube ont été remixées avec de la réverb, ce qui dénote d'un manque d'élégance et de courtoisie envers les artistes morts, et qui m'a contraint à repartir du master original, négocié à prix d'or auprès de Toutânkhamion, un trafiquant d'art du Caire, spécialisé dans le commerce des sarcophages suspects, gros et demi-gros.
Ensuite parce que l'argument développé, qui commence comme toutes les romances - Marivaux, Giraudoux, Barbara Cartland - tourne abruptement à la fable mesquine sur les mirages et déconvenues de l'amûûr une fois que la banane s'est dégonflée, et que c'est une mauvaise blague joliment troussée. 
Bien mieux que chez Houellebecq, par exemple. L'interprétation est jubilatoire, annonçant pourtant les crétineries futures du pitre Salvador et les sanctifiant par avance, ou en retard si on vivait dans un flux temporel inversé comme dans Peppermint Candy. 
Une excellente surprise, qui tourne en boucle depuis 15 jours, et qui commence à lasser les amatrices de Jorja Smith de moins de 26 ans dans mon entourage proche, surtout quand je l'alterne avec l'intégrale des Quatre Barbus. 


L'amour prétendument vécu comme un don, alors qu'on sous-entendait l'échange et la réciprocité. Et blam, la cabane sur le chien. Tant mieux, c'est plus honnête. C'est pas pour faire mon Morizot, mais si la Nature nous avait câblés des aptitudes au don inconditionnel, l'espèce humaine serait éteinte. On n'en est peut-être pas loin, du fait de l'excès inverse, n'en déplaise aux déclinistes. 
"Les philosophies les plus altruistes et les plus viables échouent face à l'intérêt personnel, cet impératif brutal du tronc cérébral."(Peter Watts)

La galette de cire de « Elle me donne » 

retrouvé dans la chambre funéraire 

de la Pyramide de Salvador 

et gravée en 78 tours cunéiforme 

est en vente 24,50€

sur archine.com

Et encore : "Nous nous percevons comme des réservoirs vides ne demandant qu’à être comblés, et l’autre devient alors cette source à laquelle nous aimerions nous abreuver. Qu’il s’agisse d’une rencontre avec un maître spirituel ou avec une maîtresse ou un amant, nous devons réaliser que cette manière de rencontrer l’autre comme s’il était source de notre plénitude est une erreur fondamentale.
Je ne dis pas que les relations doivent être évitées mais qu’elles doivent être vues pour ce qu’elles sont : des lieux possibles d’expression de l’amour mais pas des échoppes où l’on viendrait s’achalander." (Thierry Vissac)
Tout ça dans une bête chanson d'artiste de variétés. 
Elle est pas belle, la vie ?
Déstockage monstre (avant les soldes d'été) sur les citations à la con et les vieilles chansons inspirées. Tout doit disparaitre.

mardi 8 juin 2021

Lovecraft Facts (17) : Les Quatre Barbus - Le grand Lustucru (1957)

Je découvre les CDs 3 et 4 de la compilation des Quatre Barbus présentée tantôt. 
C'est du lourd. 
A côté de versions édulcorées de chansons paillardes - on ne pouvait pas enregistrer sur disques de tels brûlots cochons avant que Jean-Marie Bigard ne s'arroge vers la fin du XXeme siècle le monopole de la vulgarité et confonde un peu exprès la licence poétique, la licence IV et le complotisme de sous-bois - à côté aussi de chants de marins qui rappellent l'éternité de toute souffrance humaine, mais comme le dit Jean-Pierre Dionnet « Ma vision du monde est positive, je pense que l’être humain est foncièrement mauvais, mais je pense aussi que nous avons le choix de ne pas l’être », je reste interdit devant la puissance d'évocation de chansons comme "Le grand Lustucru" qu'on dirait écrite par Stephen King pour faire se conchier nos chères têtes blondes avant de regarder Candyman, alors que ce génial blog déniché dans la foulée l'attribue à Kurt Weill et m'en apprend tout ce que je brûlais d'en savoir tout en ignorant que j'avais tant soif de connaissance.


La version des Barbus n'est ni pire ni meilleure que celle de Laura Betti ou des 128 autres versions recensées par « Je pleure sans raison que je pourrais vous dire » depuis que Théodore Botrel s'est inspiré d'une chanson traditionnelle qui remonterait au XVIIe siècle pour en publier un prototype de chanson à endormir les enfants par stupeur d'épouvante.


Attention à ne pas confondre ce grand Lustucru, cousin familier et néanmoins terrifiant du grand Cthulhu par le biais de quelques permutations de lettres dont les mélenchonistes désappointés ont le secret, avec le Père Lustucru tel qu'il apparait dans cette comptine pour enfants pubères de Colette Renard, sinon finie la garantie.


jeudi 3 juin 2021

Les Quatre Barbus - Honneur aux barbus (2019)

Les Quatre Barbus est un groupe vocal français de quatre chanteurs portant la barbe (éventuellement fausse), fondé en 1938, qui connut son plus grand succès dans les cabarets parisiens des années 1950 puis, par le disque, dans les années 1960. 
Le groupe a fait ses adieux en 1969. (wiki) Bref, je vous parle d'un temps que les moins de 70 ans ne peuvent pas connaitre, et pourtant je ne les ai pas, même si ça commence à me tirer sur la couenne. 
En France, pays de la diversité et du rayonnement culturel fossile, on trouve antoutépourtou au choix dans le commerce soit L'Anthologie 1938-1962 triple album de Frémeaux sorti en 2016, soit le quatuor de cédés Honneur aux barbus de 2019 chez EPM. Qu'on peut aussi pré-entendre chez qobuz :
La liste des titres est là :
Leur très véridique histoire est ici :
Je diffuse les 2 premiers cédés downgradés de la compilation EPM qui en compte quatre, et déjà c'est beaucoup trop. Leur écoute en continu provoque de sévères troubles conscientiels contre lesquels même Jean-Baptiste Morizot n'a pas de solution.
Une fois que ma proposition musicale vous aura envoutés, pour tout achat de l'album, le ministère du Blasphème et du Download vous offre un livre : "Comment vivre avec une victime des Quatre Barbus : Le traumatisme des proches," dédicacé par Manuel Valls, une lecture saine et utile utile pour les conjoints devant surmonter au quotidien le fléau sonore.  

jeudi 27 mai 2021

Lovecraft Facts (16) : Les Hatfield et les McCoy

1882

« Bad 'Lias » Hatfield refuse de rembourser une dette à Tolbert McCoy. 
Le refus dégénère en bagarre entre les frères McCoy et les cousins Hatfield, durant laquelle les McCoy poignardent 27 fois Ellison Hatfield et lui tirent dessus en prime, ce qui ne l'empêchera pas de raconter à son frère ce qui venait de lui arriver (lire ce pittoresque compte-rendu de 1957 pour plus de détails sur la scène). 

Le clan Hatfield en 1897.

Le photographe ne s'est pas risqué à leur demander de sourire.


Début de la vendetta, qui les voit s’exterminer les uns les autres pendant plus de vingt ans, pour des affaires de terrains, de cochons volés, d’unions contestées et d’à peu près tout ce qui se passait sur leurs lopins de terre, qui se font face sur les deux rives de la Big Sandy River qui sépare le Kentucky de la Virginie Occidentale.

1946

Suite à l'effort de guerre consenti par Oncle Walt pour faire des films de propagande, les caisses du studio Disney sont vides. Il a passé quatre ans au service de l'U.S. Army, à produire des films de soutien aux troupes ou de mobilisation de l'opinion publique. 
Le studio cherche à réitérer le succès de Fantasia, et met en production La Boite à Musique, un film animé composé de séquences musicales. L'une d'entre elles prend pour sujet la rixe Hatfield-McCoy en lui faisant subir une disneyification massive, ce qui la rend méconnaissable et curieusement proche des cartoons de Tex Avery. En France, le segment Hatfield-McCoy devient "les Martin et les Blaise", et l'interprétation de la chanson qui accompagne le film est confiée au « Quatuor vocal des Compagnons de Route », qui deviendra trois ans plus tard les Quatre Barbus.


En 1948, Rachida Dati tente une médiation
entre les deux clans, mais c'est un échec.
1947

Après plusieurs décennies sans 
rififi ni victimes, Allen Hatfield, chef de la police locale, fait une descente dans un bordel. Un des clients, énervé, prend le pistolet d'un autre officier de police présent et tire dans le dos d'Hatfield, deux fois. Le chef de police se retourne et tue le client, qui s'avère être un McCoy. La vendetta reprend.
Pendant ce temps, La Boite à Musique marque la rupture entre Walt Disney et l'intelligentsia qui l'a tant encensé durant les années 30. Les critiques conspuent le manque d'ambition affiché par rapport aux long-métrages de l'Age d'Or comme Blanche Neige. Le film a récolté un prix à Cannes en 47, mais il ne sera plus jamais présenté au cinéma. Pire, il sera démembré, et ses séquences diffusées séparément. Certaines connaitront à nouveau l'honneur des salles obscures entre 1954 et 1955. Le segment "les Martin et les Blaise" disparait des écrans, le sujet des armes à feu devenant polémique. 



1969

Ils ont peut-être des tronches de cake, mais ils sont capables
de chanter (juste) des harmonies à quatre tons différents en simultané.

Les Quatre Barbus se séparent après avoir écumé toutes les scènes de France et enchanté des générations de spectateurs. Leur génie vocal a été gravé dans la cire, à travers une trentaine de disques de chansons réalistes, paillardes, rive gauche, traditionnelles, de marins, de forçats, de détournements signés Piere Dac / Francis Blanche, de la Commune de Paris (parfois sous le pseudonyme de "Groupe 17") et même un 33 tours de "Chansons anarchistes".


2000

Le long métrage La Boite à Musique est englué dans un imbroglio juridique empêchant toute commercialisation sur le territoire français. Bien qu'une première édition DVD fut envisagée en 2003, finalement annulée, puis une seconde en 2015, qui connait le même sort, La boite à musique n'a jamais été commercialisée à ce jour sur aucun support en France. Bien que quelques éditions DVD étrangères officielles existent, le long métrage n'est pas disponible non plus sur Disney+ à l'heure actuelle. Une version restaurée en haute définition circule cependant depuis quelques mois sur des forums chinois, sans que l'on en connaisse l'origine exacte. Pour les collectionneurs compulsifs, ça fait comme un trou sur leur étagère, et c'est la mémerde.

2011

Kevin Reynolds met en scène Kevin Costner dans une mini-série relatant la tuerie entre les frères McCoy et les cousins Hatfield. On a connu Reynolds plus inspiré, avec La Bête de guerre, et moins inspiré, avec Waterworld, dans lequel jouait aussi l'autre Kevin. Il existe peut-être une antique malédiction liée à ce prénom abject. Cthulhu devait avoir une petite scène dans le film, dans sa demeure de R'lyeh la morte, tout au fond de la mer, et quand il a vu cette avalanche de Kevins au casting, il s'est fait porter pâle, en grommelant que N'est point mort celui qui éternellement dort, ou une connerie du genre. 
N'empêche même que là, le critique de Télérama ne peut s'empêcher de remarquer en recopiant par dessus l'épaule du critique du Hollywood Reporter que « au bout d’un épisode et demi, vous n’avez plus qu’un souhait : que les deux familles s’alignent, l’une en face de l’autre, et appuient sur la détente. »
Avec une moyenne de 13,7 millions de téléspectateurs aux États-Unis, la minisérie fait néanmoins un carton d'audience chez les cyberploucs dans la catégorie fiction des chaînes du câble "soutenues par la publicité".


2012 

Jean Giraud meurt, rendant impossible l'intégration de la guerre Hatfield / McCoy dans la saga Blueberry. De toute façon, Morris et Goscinny s'en étaient inspirés pour " Les Rivaux de Painful Gulch ", une aventure de Lucky Luke. Jan Kounen se tâte pour mitonner une version psychédélique avec boutons de peyotl et champignons frais, mais la Gaumont dit non.


2015 

Les Quatre Barbus se reforment le temps d'un concert en première partie des Eagles of Death Metal au Bataclan. Leur prestation ne laisse personne indifférent, mais on a du mal à percevoir la filiation avec le groupe vocal formé en 1938 par Jacques Trisch, étudiant en lettres qui avait pour intention première d'animer les fêtes des camps de vacances dans un esprit très « Front populaire ». 
Le comeback fracassant se transforme rapidement en concert d'adieux fracassés et définitifs au music-hall, et le gang des postiches est d'ailleurs dissous à peine minuit passé, sur ordre de la préfecture.



2021

Aiguillé par un malandrin numérique des beaux quartiers, Warsen découvre la mini-série de Kevin Reynolds. Simultanément il dévore les mémoires de Jean-Pierre Dionnet, et comprend que se nourrissant lui-même de vieux papiers et de bobines argentiques démonétisées, il n'est qu'un avatar sous-programmatique du Maitre (bien qu'il cherche encore son Phil Manoeuvre) qui dans la rubrique "à toute berzingue" de Métal Hurlant alternait la présentation de faits avérés de façon fantaisiste et de calembredaines assénées avec le plus grand sérieux. 
Dans une crise mystique de magnitude 7 sur l'échelle de Richter qui en compte 3, Warsen se souvient avoir vu quand il était petit " Les Martin et les Blaise " et l'avoir même enregistré sur son magnétoscope Betamax de salon (19.5 kgs). Il comprend alors en un éclair son appétence pour les groupes vocaux masculins, affublés ou non de pulls marins.

2021 aussi

Après dix jours d’affrontements entre Israël et le groupe armé palestinien Hamas, les Ben Hatfield et les McCoyblum font croire à qui veut les entendre qu'ils ont tous les deux gagné. Ce n'est pas l'avis de Jean-Pierre Filiu, notre Juge de Paix envoyé spécial sur son blog, qui désigne d'autres vainqueurs et vaincus. C'est ça qui est bien sur les blogs google, c'est que pour l'instant, comme au Pop Club ou encore sur YouTube avec McFly McCron et Carlito, on peut y dire ce qu'on pense. Jusqu'au jour où on ne le pourra plus. De toute façon Jean-Pierre s'en fout, son blog est hébergé sur lemonde.fr, les mêmes qui éditent Télérama.

2021 enfin

Au fond de l'océan, non loin du cimetière des Petites Sirènes, dans sa demeure de R'lyeh la morte, Cthulhu rêve et attend. Après une descente de 8000 mètres en apnée, Warsen trouve dans sa table de nuit une copie VHS non pilonnée de " Les Martin et les Blaise "  en version française, devenue invisible depuis des lustres.
C'est cette version que nous diffusons ce soir dans la séquence du spectateur.



Sources :

mardi 25 mai 2021

La raison du plus fou - François Reichenbach (1973)

Sur l'infini territoire de chasse de nos ancêtres qu'est Internet, j'aime bien traquer les films un peu atypiques des Fils de Craô, dans l'espoir d'être surpris  et diverti. "La raison du plus fou" est un film écrit par Raymond Devos et tourné par François Reichenbach en 1973. C'est une sorte de road movie à la française, tourné à la campagne par un cinéaste beaucoup plus à l'aise dans le documentaire que dans la fiction. 
Ca se veut sans doute un dynamitage des rêgles du jeu social par la subversion poétique, en réalité c'est très très mou du genou, mais c'est l'occasion de voir Raymond Devos jeune, bien que son personnage soit aussi insupportable que dans ses one-man-shows vieux, enfin il n'a pas encore le ton geignard dont l'âge l'affligera, de revoir aussi Jean Carmet, Alice Sapritch, Paul Préboist, tous ces seconds couteaux sympathiques des années 70, ici en roue libre, ou disons menés par un scénario très très lâche. Monsieur Devos a mieux écrit son rôle que celui des autres. Il n'y peut rien, il est comme ça, on l'invite et il prend tout le lit. Sa corpulence existentielle est irréductible. 
Si on veut savoir quoi en penser dans le monde d'après, il existe une critique correcte, à l'occasion de la sortie du BluRay.
Il y a une scène du film, avec Jean Carmet et Alice Sapritch, qui est immense. C'est cette scène que nous diffusons aujourd'hui dans la séquence du spectateur.

lundi 24 mai 2021

Jorja Smith - Addicted (2021)

 

Que Dieu me préserve des clips licencieux faits main maison de Jorja Smith, en ce lundi de Pentecôte qui nous voit célèbrer l'effusion du Saint-Esprit le cinquantième jour à partir de Pâques sur un groupe de disciples de Jésus de Nazareth, dont les Douze Apôtres, mais pas les Quatre Barbus. Pour ceux que ça intéresse, cet épisode est relaté dans les Actes des Apôtres, et je tiens à leur disposition un assortiment de brochures pédagogiques sur la question.
Que Dieu m'en préserve, mais comme je sais qu'il n'est pas là pour ça, et que l'album de Jorja Smith est plébiscité dans Télérama (ancienne annexe du Vatican, du temps où chaque critique de film s'accompagnait de l'avis de l'Office Catholique), je m'en remets un petit coup pour la route.
Pour me mortifier, j'uploaderai à nouveau des vieux trucs sympas morts ayant existé jadis dans l'instant présent prochainement.
En tout cas elle a une jolie voix, Jorja Smith, et elle est plus facile à écouter sans les images.
Comme Awa Ly, quoi.
Awa qui ?


dimanche 23 mai 2021

Henri Salvador - Intégrale 1951-1962, vol. 1 (2018)

Et pourquoi le volume 1 après le volume 2 ?
Et pourquoi pas ?

Il est plus jazzy.
Il faut dire qu'Henri avait été accompagnateur de Django Reinhardt dans les années 30.
Nous sommes maintenant au début des années 50, les arrangements orchestraux évoquent irrésistiblement le jazz hot, les chansons de Boris Vian, les films avec Martine Carol, les téléphones en bakélite, Les cars de poulice Citroën H1 "le Panier à Salade" . La voix est langoureuse, les thèmes des chansons de Henri sont l'amour toujours, et sinon aussi l'amour toujours, parce qu'on ne s'en lasse pas, elles se veulent légères et inconséquentes. Il évoque aussi les paradis de l'enfance, et ses racines créoles. Un grand nombre d'entre elles m'étaient inconnues, et ce qu'il y a d'incroyable, c'est le côté "Docteur Jerry et Mister Love" de Salvador : il peut passer du french lover au nigaud dégénéré dans le même couplet; et ça, commercialement, je ne sais pas comment ça pouvait passer. 
Fox-trot, mambo, cha-cha : on va salement se déboiter les fémurs à l'Ehpad.

Henri Salvador adorait faire l'andouille en photo (ici au studio Harcourt, 1946)

samedi 22 mai 2021

Henri Salvador - Intégrale 1951-1962, vol. 2 (2018)

La mystérieuse pochette moche designée par chaipaqui.
Cette semaine, j'ai croisé un copain imaginaire, dans une discothèque de prêt à très très long terme, et il m'a montré sa collection de 63 disques de Henri Salvador ! Il en a une presque aussi grosse longue importante que ma collection de Steve Roach ! J'ignorais l'existence d'une telle intégrale Henri Salvador 1951-1962. 
Plus ça va, plus je découvre l'emplacement exact des bornes de mon ignorance, tellement qu'elles étaient enterrées profond. 
D'ailleurs cette intégrale est inconnue chez discogs, mais reconnue chez Amazon.
Et je désespérais de réentendre un jour "Dracula cha-cha-cha" (1959-1961) ou "Gondolier" (1958) que je n'avais plus que sur de vieilles cassettes ferrochrome sans dolby. J'ignorais aussi que "Gondolier" c'était une parodie de Dalida, quand c'est paru j'étais pas né, comme le poisson, mais c'était déjà drôle comme ça, tout seul. C'est rare, une chanson parodique qui reste drôle quand son sujet d'hilarité est sorti des mémoires. Faut qu'elle ait un potentiel intrinsèque. Mais peut-être que d'autres vieillards maniaques se rappellent de la version de "Gondolier" de Dalida comme je me rappelle de celle de Salvador.
https://www.youtube.com/watch?v=12L_HekmkMU
En fait, il y a déjà eu le début d'une intégrale de cette période, publiée chez Frémeaux et Associés, mais qui pour l'instant part de 1942 et s'arrête en 1958 depuis plusieurs années. J'y butine au passage le texte des livrets de ces doubles CD, c'est la première fois que je vois un biographe démonter la gueule de son héros, et ça semble mérité.
On apprend tout sur son frêre maudit et occulté comme dans un roman de Christopher Priest, et sur son révisionnisme autobiographique.
Apparemment d'énormes projets de réédition digitale sont en cours. (Le support physique semble avoir vécu, même chez les bloggueurs nécrophages)
Ma femme me dit qu'elle en a ras le bol d'entendre toujours les mêmes rengaines, que Salvador c'est le comble de la grossièreté et du j'm'enfoutisme. Mais elle dit ça aussi de Steve Roach, et nos amis un peu inquiets se demandent ce qu'on fait ensemble depuis plus de trente ans, avec des goûts si différents. Quand je pense qu'il y a beaucoup d'autres gens qu'elle qui se fichent autant de l'intégrale d'Henri Salvador que de celle de Steve Roach, ça me donne envie de pleurer de joie, quand je m'aperçois de toute cette connaissance que j'apporte à leurs âmes déshéritées. 
En tout cas, là, la science avance. Un grand coup.
J'ai encodé ça en vbr avec XLD, mon fidèle grognard qui détermine lui-même la compression mp3 en fonction de la dynamique des plages musicales. De façon à ce que ça soit un peu dégradé par rapport à l'original, et qu'on vienne pas me dire que mes chansons tombées du camion, c'est du vol. A ce propos, Tchouang-tseu avait coutume de dire : "si ton meilleur ami te baise downgrade en vbr, ne bouge pas : il pourrait jouir".
Bon courage pour trouver un disquaire ouvert qui l'ait en rayon, par contre.
Voici la liste des titres.




Je mets le CD 1, après on verra.


On verra le CD 2


Ou alors c'était le 3


L'important c'est qu'ils y soient tous


En tout y'en a 5.


Pour la connaissance intégrale d'époque avec les pochettes originales mais sans les musiques, on se reportera à l'épatant site :

vendredi 21 mai 2021

Henri Salvador - Homme Studio -1970​/​1975 (2021)

/////////////// Chronique de Francois Branchon sur l'excellent blog musical Sefronia :
Henri Salvador n'est connu du très grand public que pour deux périodes bien identifiées : celle rigolarde des années 60, quand il fait le con avec des chansons rigolotes ("Zorro est arrivé", "Le travail c'est la santé"...), profitant à fond des débuts de la télé, de la vague yéyé et de l'invention du Scopitone (juke-boxe à vidéos qui trônait dans les bars) qui lui permet des festivals de grimaces, et puis celle en 2000 de sa renaissance en crooner impeccable sous l'égide de la chanteuse Keren Ann ("Chambre avec vue"), une dernière vie en guide de révérence-référence.
Mais Salvador était beaucoup plus que cela, avec une vie musicale avant et pendant. Auteur-compositeur et bon guitariste dès les années cinquante (standards de la classe de "Syracuse", "Count Basie"...) et aussi - ce que révèle avec bonheur cette réédition-compilation du label Born Bad - tout au long des 70's, quand, en complet autodidacte (il était déjà son propre producteur dès les 60's, avec son label Rigolo), il s'installe un studio à domicile, empli de guitares, synthétiseurs, boîtes à rythmes, chambres d'écho, qu'il va utiliser seul. Une sorte de précurseur, qui produira là pendant une douzaine d'années en marge des morceaux destinés à Disney avec qui il est sous contrat, des chansons personnelles, bidouillées, expérimentales, publiées sur des singles-bides commerciaux dans un total anonymat. Des chansons qui sonnent aujourd'hui étonnamment modernes(...)

Pour une pochette faite à la main,
c'est une pochette faite à la main.
////////////////////// extrait du rédactionnel comme toujours incroyablement précis, intelligent et érudit sans être chiant, c'est pas comme moi, de chez Born bad Records, accompagnant la sortie de l'album //////////////////////
«Ma femme m'a tellement bien compris qu'à présent elle peut penser pour moi. Quand elle a une idée, pour ainsi dire, c'est une idée de moi!» 
(Télé Magazine, 1972)
Jacqueline va le façonner et l'émanciper. Quand il l'épouse en 1950, c'est une jeune femme discrète et érudite qui prendra peu à peu en main sa carrière. Elle imposera ses vues et son tempo frénétique. Témoin du showbiz, Jacqueline constate que les artistes, écartés des discussions professionnelles, sont souvent spoliés. Henri brise tour à tour les chaînes qui l'unissent à Philips, Vogue, Barclay, son éditeur, son manager, son impresario, et devient autonome. Les Salvador se familiarisent avec les ficelles de la production, de l'édition, du pressage, de la distribution et de la promotion. Il y aura toujours chez eux de quoi enregistrer une maquette. L'appartement est truffé de magnétos. Un au pied de son lit pour la guitare. Un autre dans son bureau pour le Steinway. Sur tous les fronts il collectionne les hits, invente, parodie, adapte, produit."
(..) Avec sa console et ses bobines, Henri multiplie sa voix et harmonise à l'infini. Tout est fait à l'arrache mais non sans application. Il s'amuse avec les sons décalés des synthés, s'éclate avec les boîtes à rythmes. Il utilise tous les beats préenregistrés, teste les 'fill' en boucle pour générer des beats alternatifs, joue avec les vitesses, programme ses propres rythmiques parfois loufoques. Musicalement, ce virage artistique change le groove. Salvador s'est inventé un jazz mécanique qui prend son swing dans les guitares et son tonus dans les vocals. Peu doué à la basse, il se débrouille avec ses cordes et son clavier Moog. Pour habituer les auditeurs à ce nouveau style, la PAM produit d'abord quelques face B de 45tours – On n'est plus chez nous, ou l'histoire de deux scat-men interrompus par un passant qui cherche la place de l'Opéra. Puis une face A: Ah ce qu'on est bien quand on est dans son bain enregistrée dans la salle de bain, le hit de Noël 1970. Et enfin le premier album autoproduit : Les Aristochats, distingué par l'Académie Charles Cros en 1971. Jacqueline tient les rênes, la calculette et… les clés du studio où elle enferme parfois Henri pour qu'il compose. Il ne sort que pour travailler ses shows télé.



/////////// Pensées ultimes de John Warsen, tome XVI, p.396 et suivantes : 

On n'est plus ici dans la veine du crooner jazzy, ni dans les délires franchouillards du label Rigolo, mais on n'en est jamais très loin non plus; il y a une prise de risque, un fourbi, des trouvailles, des trucs ratés, aussi, parce que ça s'entend qu'il est tout seul, un mec qui n'a peur de rien expérimenter, à plus de cinquante ans; bien sûr, il y a la disneyification rampante sur quelques titres, et les blagues populo, pas toujours très recherchées... Fallait bien bouffer... "La vie, c'est comme jouer du piano, c'est dégueulasse si tu joues faux" (in "Le bilan")
...du coup je trouve un bon article sur cet aspect peu reluisant de sa carrière
bien que ça soit sans doute moins pire que son soutien à Sarkozy en 2007... mais bon, qui me fera encore politiquement bander quand j'aurai 90 ans ? difficile de le savoir à l'avance. Surtout si d'ici là, les élections sont abrogées par décret.

jeudi 20 mai 2021

Sur une peinture de Manchu (2019)

Je me faisais tellement suer à la maison que j'ai commencé à écrire des articles sur Joost Swarte. Mais au bout d'un moment, je me faisais tellement suer à écrire des articles sur Joost Swarte que j'ai essayé de lire tout Christopher Priest. Mais il y en a vraiment beaucoup.


Et la mécanique est toujours un peu la même : dans une langue faussement limpide, un récit relaté par plusieurs potes à Goniste (lui-même tellement bête qu'on l'appelle le neunoeud de l'intrigue) diverge tellement de lui-même ainsi que les huns des z'autres, qu'ils finissent tous par se décaler vers le rouge, comme dans les nouvelles de Peter Watts, (en astronomie, le décalage vers le rouge (ou redshift) est une augmentation de la longueur d'onde de la lumière causée par le mouvement de la source lumineuse qui s'éloigne de l'observateur, par effet Doppler ou du fait de l'expansion de l'univers en cosmologie. Dans les romans de Christopher Priest, ça tient plus de la logique des rêves et veillées, où l'onirisme finit toujours par l'emporter) et alors qui croire, in fine, parmi les narrateurs successifs, alors on finit sans finir, les bras ballants mais un peu en croix, comme un Robbe-Grillet de bazar. On m'avait vanté Le Glamour et l'Adjacent, j'au aussi relu le Prestige, là c'est bon, j'ai ma dose. Je vais attendre un peu pour l'Eté de l'infini, le recueil de nouvelles testamentaire.
J'ai rallumé la cheminée dans mon nouveau bureau tellement le moche mars et le joli mai ont permuté. Ce faisant, j'ai oublié le chat, à l'étage. Mais comme il passe son temps à se suicider du balcon, surtout quand je l’enferme sur la terrasse et que c’est la seule issue pour lui pour me rejoindre, je vois une masse blanche passer verticalement par la fenètre, je sais tout de suite ce que c'est. 


Il déteste la solitude. 
Y'a que deux mêtres vingt de chute pour retomber dans le massif de peyotl acheté à la Redoute.
Il a vite pris le coup. 
Ca picote un peu à l'atterrissage, mais après on comprend tout quand on relit Henri Michaux. Et Christopher Priest, qu'il faut de toute façon lire deux fois pour comprendre où on s'est fait rouler. Et Peter Watts. Qui est exigeant, mais dans un autre style. Il part du principe que votre culture scientifique est énorme, et acquise, et tout l'environnement technologique de ses romans et nouvelles est suggéré par allusions et acronymes, contraignant le lecteur à refocaliser en permanence sur le contenu.
Donc après quelques Priests, je me suis dit c'est bon je peux retenter Watts.
La couverture de Eriophora me faisait de l'oeil.

Le bleu qu'il y a derrière le "RA" de "ERIOPHORA".
Je peux pas être plus clair.

Surtout l'effet de lumière sur le bleu - entre cobalt et céruléen - sur ce qu'on suppose être la représentation d'un "Portail" (bien sûr construit à l’aide de machines de Von Neuman) utilisant des trous de vers pour permettre aux humains qui les trouveront un jour de voyager beaucoup plus rapidement. Dès que les extra-terrestres auront reçu leurs deux injections et pourront présenter un passeport vaccinal en rêgle.

Connaissez-vous vos bleus ?

Ils ont parfois d'autres noms. Comme dans les romans de Christopher Priest.

Le savais-tu ?
En fonction du domaine d’activité, le décor, les beaux-arts, la mode, la physique-chimie etc., les différentes nuances de bleus peuvent changer de nom. Le terme “bleu pétrole” est par exemple issu du monde de la mode. 
Pour une même couleur, il existe aussi plusieurs appellations, qui proviennent de plusieurs horizons : du matériau d’origine, de son histoire, du nom de l’inventeur, du fabricant de couleurs, de l’usage qu’on en fait etc.
Une même couleur peut comporter plusieurs nuances possédant chacune une appellation spécifique… Cette nuance peut être appelée par le nom de la teinte ou celui de la nuance. 


Ce Portail peint en bleu m'impressionne. 
Emotionnellement.
D'autant plus que j'ai complètement raté la peinture du mien, l'autre jour, en gris taupe. 
Les oiseaux du jardin en sont encore bien malades, bien que quelques-uns commencent à revenir, surtout pour vomir sur ma voiture, garée devant.
Ou la conchier, tapis dans les chênes qui la surplombent.
Au point que je néglige de m'informer sur l'image globale (je lis une édition électronique du livre avec juste le devant de la couverture scotché sur l'écran tactile). 
Je me renseigne.


Bon, c'est mieux. Ce n'est pas un accident de la circulation entre un météore et un vaisseau spatial, avec les spationautes en train d'appeler la MACIF pour faire le constat.
Mais si je cherche un peu plus loin, je trouve le tableau original de Manchu sur son blog.
Avec la mention Acrylic, 120x80 cm.
Ca doit avoir une certaine gueule, en taille réelle, dans le genre Chris Foss contemporain.


Avec les spationautes de la MACIF qui ont disparu de la couverture du livre ! Hahaa ! Encore un complot facile démasqué. Il est vrai qu'ils ne sont pas tellement dans le livre non plus, à la limite sur la surface externe du météore ça passait, mais sinon ils relèvent plus d'une vue d'artiste.


Mais au moins, la couverture est attractive, pour amener l'innocent amateur de space opera (souvent réactionnaire et amateur de vieux disques de Henri Salvador) vers la lecture de ce mindfuck de l'espace.
Manchu est un français qui rend bien service et fait pour tout dire honneur à un auteur canadien de foutaises galactiques échevelées.

C'était grave.
Ca le reste.
C'est pas comme quand on avait imprudemment prêté Métal Hurlant (le classieux magazine de BD de SF) aux Américains, et qu'ils nous avaient pondu Métal Hurlant, LE FILM : c'est comme si on leur avait proposé une recette de cuisine gastronomique, et qu'ils nous avaient renvoyé un hamburger à la merde. J'ai eu un peu la même impression en voyant la première saison de Love, Death & Robots, en 2019 : la "American touch" de Métal Hurlant, LE FILM, remise au dégoût du jour, malgré des traitements graphiques spectaculaires, mais aussi parfois très réussis. De la saison 2, je n'ai vu pour l'instant que le dernier et huitième segment, "le Géant Noyé", d'après... J.G. Ballard !!! Belle mise en images. Si ils vont chercher des vieilles histoires de SF, peut-être que tout n'est pas foutu, n'en déplaise aux déclinistes !
En attendant, j'ai pris l'intégrale des nouvelles de Ballard, ça manque à ma culture.