SCHNOCK, « la revue des vieux de 27 à 87 ans », présente son hit-parade des trésors incandescents et des pépites oubliées de la variété française des années 1970 et 1980.
Retrouvez dans un coffret 2-CDs de 42 titres les succès et les plages méconnues de Christophe, Jacques Dutronc, Eddy Mitchell, Véronique Sanson, Bernard Lavilliers, Françoise Hardy, Michel Sardou, Sheila, Hugues Aufray, Jacques Higelin et bien d'autres ! Egalement inclus, des titres cultes enregistrés par Il était une fois, Yves Simon, Michel Fugain et une sélection de quelques valeureux soldats inconnus de la chanson française psyché-pop (Faust 72, Nanette Workman, Le système Crapoutchik, Blue Vamp...).
Quand j'étais petit, un jour je suis resté collé sur un disque de Richard Pinhas sur lequel on entendait Gilles Deleuze psalmodier du Nietzsche. C'était "Le voyageur", sur Electronique Guerilla. "Qui est parvenu, ne serait ce que dans une certaine mesure, à la liberté de la raison, ne peut rien se sentir d’autre sur terre que voyageur. Pour un voyage toutefois qui ne tende pas vers un but dernier, car il n’y en a pas. Mais enfin, il regardera les yeux ouverts à tout ce qui se passe en vérité dans le monde. Aussi ne devra-t-il pas attacher trop fortement son cœur à rien de particulier..."
Ah ça, pour écouter du rock progressif en fumant de la tisane, on était là.
Beaucoup plus tard, j'ai appris que Maurice G. Dantec était vraisemblablement devenu fou en écoutant le même morceau, qui lui avait fait découvrir Nietzsche.
En fait, je l'ai lu sur Internet tout à l'heure.
Il ne faut pas croire tout ce qu'on lit sur Internet.
Sinon on devient fou.
Salvador Dali disait "la différence entre un fou et moi, c'est que je ne suis pas fou" en frétillant des moustaches et en roulant les r.
Mais c'était Salvador Dali.
Il n'avait pas besoin de découvrir Nietzsche, puisqu'il était Salvador Dali.
Et qu'il n'était pas fou.
Il y a des gens, il ne faudrait pas qu'ils découvrent Nietzsche.
Même psalmodié par Deleuze sur un disque de Pinhas.
Ni le Necronomicon de Proust.
Ni le Jerusalem d'Alan Moore.
C'est pas bon pour ce qu'ils ont.
J'ai jamais vraiment trippé sur Nietzsche. Mais je découvre sur Internet, au péril de ma raison, que Maurice G. Dantec a fusionné avec le Grand Tout l'été dernier.
On peut donc le considérer comme définitivement guéri des noeuds qu'il s'était faits dans le cerveau depuis "Les racines du mal", honorable roman cyber-punk qui précéda d'insondables âneries cyber-connes.
Dans les années 2000, Dantec avait enregistré quelques monologues issus de ses ouvrages avec Richard Pinhas, avant de "sombrer dans la parano" (dixit Pinhas).
Il n'avait pas fumé que de la tisane.
25 ans plus tôt, le sticker de la rondelle centrale du disque de Heldon comportait une coquille.
Nietzsche était mal orthographié.
C'est peut-être ça qui avait rendu dingue Dantec, comme Frantico avec la faute à chausson au pomme à la boulangerie.
Mais à l'époque je ne m'en suis pas rendu compte.
J'étais trop occupé à m'auto-intoxiquer avec la voix hypnotique de Deleuze psalmodiant du Nietzsche.
Je ne connaissais ni l'un ni l'autre, et m'en fichais pas mal.
J'ignorais qu'un jour Internet me rendrait fou, tout comme les autres copains du pavillon.
Y'a pas d'raison d'y échapper, les mêmes causes engendrant les mêmes effets.
Ce qui comptait, c'était le monologue aux accents prophétiques.
Ca manquait déjà de prophètes, à l'époque. Zemmour se touchait encore le pipi au Gorafi.
La faute de frappe, je l'ai découverte hier en observant la rondelle du vinyle d'origine sur Internet.
Internet, l'endroit rêvé pour mater des rondelles de vieux 33 tours.
Quelle misère.
N'empêche qu'avec Internet, on en apprend tous les jours.
L'information monte au cerveau, et se prend pour de la Connaissance.
Le tout, c'est de ne pas devenir fou. Quand j'étais grand, un jour où j'étais intoxiqué par un logiciel de génération de paysages en 3D, j'ai pris les psalmodies de Deleuze par Nietzsche et j'en ai fait un court métrage.
Un autre jour, quand j'étais presque vieux, je me suis aperçu que Richard Pinhas était encore vivant et enregistrait même parfois des disques.
J'ai écouté le dernier, mais j'ai trouvé ça un peu trop expérimental pour mes chastes oreilles.
Il s'appelle "Reverse", et il est encensé par les Inrocks comme "une session où se croisent Bowie, Pynchon et Nietzsche."
Ca me donne l'idée de lire le dernier Pynchon, il a l'air bien.
Mais pour ça, faudrait que j'aille moins sur Internet, c'est chronophage.
Quoique en cherchant bien, on doit le trouver sur Internet, le dernier Pynchon.
Et à part ça, ils racontent n'importe quoi, les Inrocks, "Reverse "ça ressemble plus à du Bill Laswell qu'autre chose.
Ils sont fous, ces Inrocks.
Ils vont trop sur Internet.
N'est pas Salvador Dali qui veut.
D'ailleurs, en illustration de leur article, ils mettent une vidéo Youtube d'un morceau de Richard Pinhas tiré de East / West qui date d'avant Internet.
Mathusalem not dead ! Houellebecq Aqbar !
Pinhas il a été pote avec Deleuze, enfin au départ c'était son prof à la fac, il a interviewé Philip K. Dick pour le magazine Actuel première formule (faudra que je regarde au garage si je les ai encore), ensuite il est devenu pote avec Norman Spinrad, ils ont fumé de la tisane avec Dantec et après ils ont enregistré un disque. Il faut avoir entendu une fois dans sa vie Norman Spinrad chanter sur un tapis de Frippertronics; enfin comme c’est du Pinhas on devrait dire des pine-ass tronics, mais ça sonne moins bien.
Sinon, j'ai trouvé un podcast de Pinhas sur France-Culture, le type est d'une humilité et d'une simplicité confondantes. https://www.franceculture.fr/emissions/latelier-du-son/richard-pinhas Tout à l'heure, je l'ai écouté en faisant la sieste au bureau, et j'ai eu une sainte trouille, parce que quand il fait une longue improvisation à la guitare (il prétend qu'il essaye d'imiter le rayonnement cosmique) j'étais presque endormi, d'un seul coup il s'arrête de jouer et dit "c'est magique, hein ?" et j'ai flippé ma race parce que je n'étais ni éveillé ni endormi, j'ai cru que c'était le patronat qui rentrait de tournage. Richard Pinhas est devenu fou en écoutant les disques de Fripp et Eno, parce que c'était la seule façon de se défoncer avant Internet, c'est bien connu et ça s'entend.
Bon, j'ai largement de quoi écrire un article pour les Inrocks. J'ai failli ressortir mon vinyle de East / West (1980) pour le ripper, et puis je me suis rappelé de l'existence d'Internet. J'étais quasiment certain de pouvoir l'y trouver. La preuve. Ah ! Les pochettes de Druillet des années 80 ! On s'y croirait. D'ailleurs on y était. Avec tout ça j'ai pas parlé du disque. Ben y'a qu'à l'écouter.
surfeur sortant prestement de la vague sonique des Transmusicales avant que la déferlante épidémique ne se referme sur lui
(de notre envoyé spécial sur place)
Bien sûr, l'article est réservé aux abonnés prémioume®, les nantis prêts à claquer 17,99€/mois dans un abonnement au Monde pour crouler sous les infos sur l'horaire d'arrivée des vagues de Covid à Perros-Guirec et de Zemmour à Villepinte (elles sont corrélées comme des particules de spin).
Heureusement que je suis là pour vous en faire profiter.
L’édition 2021 du grand rendez-vous musical breton a retrouvé l’élan de ses meilleures années. Tel un surfeur sortant prestement de la vague avant qu’elle ne se referme sur lui, les Transmusicales de Rennes ont tenu leur 43e édition, du 1er au 5 décembre, alors qu’une nouvelle déferlante épidémique commençait à menacer le proche avenir des événements culturels.
Fidèles à leurs habitudes cosmopolites, les «Trans» accueillaient cet automne, près de 80 groupes ou chanteurs et chanteuses de 34 nationalités différentes (...) Un millésime 2021 dominé par une euphorie festive et bariolée, témoignant autant du parti pris des directeurs artistiques, Jean-Louis Brossard et Mathieu Gervais, que d’une soif de partage encouragée par le contexte : qu’il s’agisse de la fanfare rock New Orleans fantasmée par les Londoniens de Tankus the Henge et leur leader, Jaz Delorean menant son cabaret aux sons de cuivres jazzy et de guitare funky, plus proche du Mississippi que de la Tamise ou de la vitalité 100 % féminine des Barcelonaises de Maruja Limon. En pétantes chemises vertes et bleu turquoise, les six Catalanes ont ainsi puisé leur énergie dans la dynamique du flamenco, les pulsions solaires du rock latino, croisées de funk et de son cubain. En femmes puissantes qu’on dirait échappées d’un film d’Almodovar, elles ont empoigné les Bretons pour ne plus les lâcher.
Les Béninoises du Star Feminine Band ont aussi rayonné d’un entrain fédérateur, enroulées de tissu traditionnel, les chevilles serties de bracelets de coquillages secoués au rythme de chorégraphies millimétrées. Originaires de Natitingou, au nord-ouest du Bénin, les sept musiciennes n’ont qu’entre 11 et 18 ans mais imposent les rythmes virevoltants d’hymnes à l’émancipation féminine et à la sororité africaine, chantées en bariba, en peul ou en français. Piloté depuis 2016 par le musicien André Balaguemon, le groupe mêlant percussions traditionnelles, claviers, guitare électrique, basse et batterie, ravit par sa fraîcheur et sa détermination, sur disque (un premier album, Star Feminine Band, publié par Born Bad records) comme sur scène.
La puissance collective n’est pas seule garante de fête. En solo avec son accordéon diatonique, le Finlandais Antti Paalanen a ainsi retourné les quelque 3 000 spectateurs du hall 3, intrigués par sa voix d’ours enroué, fascinés surtout par la virtuosité d’un jeu batifolant entre plages poétiques et emballement jubilatoire. Son soufflet s’allongeant comme le cou d’un dragon peut ainsi évoquer la tendre magie de l’enfance, la respiration de son chien ou tournoyer en polkas frénétiques jusqu’à s’intensifier aux frontières de la techno.
A milieu de ces festins de sourires et de couleurs bigarrées, le noir concert de Ziak agrippait avec d’autant plus de force. Vendredi 3 décembre, vers 22 heures, le hall 9 plongeait soudain dans l’oppressante pénombre du monochrome musical et vestimentaire orchestré par cette nouvelle sensation de la drill, ce courant sombre et violent du rap anglais devenu en quelques mois une des tendances fortes du rap français. Avant le triomphe récent de son premier album Akimbo, Ziak a multiplié depuis 2020 les titres et les clips (Raspoutine, S.P.S., Rhum & machette, Fixette…) adaptant à sa façon les codes de la drill britannique.
Gorgées de deal, de vengeance et de meurtres à l’arme blanche, ces productions ultra-efficaces aux sons d’une noirceur poisseuse ont d’autant plus affolé les réseaux sociaux et les sites de streaming que le jeune homme s’est caché derrière le même anonymat cher aux bad boys londoniens, au casier trop chargé pour être dévoilé. Sur la scène des Trans, on l’a retrouvé ainsi avec trois acolytes, le visage entièrement dissimulé par un bandana, la tête enfouie sous la capuche d’une doudoune noire tombant jusqu’à mi-cuisse, les mains gantées. Le flow grave et puissant donnerait-il des pistes ? On repère des références à Haïti, à l’argot des cités de l’Essonne mais aussi à l’islam.
Il aurait bien aimé continuer de brouiller les pistes mais le rappeur mystère refusant toute interview s’est fait rattraper par les détectives de la toile. Bien originaire de l’Essonne, il aurait officié précédemment sous le nom de Mikeysem, lors d’enregistrements au rap plus chanté et langoureux. Ce grand métis à la peau claire et aux dreads peroxydés n’aurait donc pas vécu tout ce qu’il chante. Certains en font un imposteur. D’autres, plus raisonnables, rappellent que le fantasme cinématographique est l’un des fondements de l’histoire du hip-hop. La puissance d’un univers artistique ne se mesurant pas forcément à sa « street credibility ».
Stéphane Davet - Publié le 05 décembre 2021 à 22h31
L'affiche de la première édition
Bon. J'ai mis des hyperliens, pour renforcer ma street credibility, et pour qu'on se rende compte de ce qu'on a vraiment raté aux Trans cette année. L'abominable Ziak masqué au torchon de cuisine totalise 9 934 068 vues, alors que la petite vidéo toute gentille du concert des familles avec le Star Feminine Band n'en fait que 30. Alerte rouge en Afrique Noire : la messe est dite. Pour savoir ce que nous avons raté aux Trans d'autres années :
qui passe des trucs un peu plus authentiques et rafraichissants, quitte à être taxé d'un altermondialisme naïf, à avoir une street credibility proche de zéro et à être complètement out.
Entre ces deux extrêmes, La Route vers L'enfer ça faisait pas trop adaptation cheap et frenchy d'un road movie impérialiste yankee avec Yves Montand et Louis Lefuneste (le voisin d'Achille Talon) s'esclaffant sur la banquette arrière.
Dans les romans de Cormac Mac Carthy, le suffixe "vers l'enfer" est implicite. L'ajouter serait un plénoasme. Si le livre s'appelle "The Road", tout le monde rajoute spontanément "to Hell" dans sa tête. Comme ça c'est pas la peine de charger la couverture. Attention, le film n'est pas l'adaptation du disque de Chris Rea.
Plusieurs adaptations voient le jour, dont une en BD, avec la complicité de Daniel Goossens et du Père Noël, qui nous étonnera toujours par sa faculté à rebondir dans le Réel dans les périodes où il est passé de mode, comme par exemple dans les moments où le gouvernement suggère à tous les Français.e.s. de passer Noël chez soi tout seul avec une bonne bouteille de pif et une boite de cassoulet pour pas attraper le cluster géant, parce que même si on est à jour de sa triple vaccination, quand le virus vient frapper à la porte et qu'on le menace de son pass sanitaire en brandissant son smartphone, même en criant "Raoult Akbar !", ça le fait bien rigoler, presque aussi fort que les antivax. C'est dans ces instants difficiles qu'on a bien besoin de se raccrocher à quelque chose, et pourquoi pas le Petit Jésus ou le le Père Noël, alors on l'aide à se remettre en selle, bien qu'il ait été brûlé à Dijon en 1951 et qu'il sente encore un peu le cramé.
Une autre adaptation du disque de Chris Rea émerge sur les réseaux asociaux, en direct-to-video, dans une proposition de cinéma un peu minimaliste : "Maman j'ai cassé l'auto", un film institutionnel pas très avenant de promotion de l'assurance tous risques à l'usage des clients de la MACIF.
Le disque original aura néanmoins mis 32 ans à m'atteindre, grâce à un concours de circonstances tout à fait croquignolet et abracadabrant, dont nous nous tamponnerons ici le coquillard, parce que j'ai pas que ça à faire.
Ce qui saute tout de même à la figure sans même avoir besoin d'écouter le disque, si on parcourt le wiki en angliche parce que le français est pitoyable, c'est qu'il y a des références répétées à l'augmentation de la dissolution de la société et à la montée de la violence, y compris les émeutes, les meurtres et leur description irresponsable aux informations télévisées (You Must Be Evil) et « la peur perverse de la violence » dans les rues de la ville (The Road to Hell), où "tout est devenu fou" au milieu des craintes que "quelqu'un ne se fasse tuer là-bas" (Texas). On note aussi la présence troublante de la "Terre carrée" flottant dans l'espace de la pochette, pour montrer en images que la planète ne tourne plus très rond.
Ce symbole de la "Terre carrée" issu des plus beaux pdf filmés du mouvement QAnon, qu'on trouvait déjà en germe dans la BD inquiétationniste de Grunt Morrison "les Invisibles" qu'aucun éditeur français n'a pu publier jusqu'à son terme sans être acculé à la faillite par ses créanciers et des piles d'invendus monstrueuses, c'est pourquoi il vaut mieux l'acheter en v.o. sur amazon.
Il s'agit donc d'un disque essentiellement pré-apocalyptique, au moins dans l'intention, qui tente de nous convaincre d'infléchir la course des évènements qui nous mène à la banqueroute cosmique (on est en 1989, et on a encore le temps).
Les observateurs de l'ONU constatent une cohésion thématique auparavant absente du travail de Rea, avec la majorité des morceaux contenant de forts éléments de commentaire social, en particulier concernant l'aliénation et la violence, et des paroles qui font référence à une recherche continue d'évasion/rédemption.
Ils passent sous silence la métaphore lumineuse et néanmoins occulte concernant le pseudonyme du chanteur : Chris Rea = Crise (en) Réa, c'est évidemment avec 30 ans d'avance un avertissement prophétique et incantatoire sur le sous-équipement chronique en lits de réanimation dans les structures hospitalières face à la pandémie mondiale.
C'est pourquoi l'album a été remasterisé et réédité en 2019 avec un deuxième CD de faces B, de remixes et de morceaux live, comme une piqûre de rappel juste avant qu'il soit dangereux d'aller l'acheter la Fnac et d'en ramener le cluster géant à prix vert.
C'est cette version que nous vous proposons ce soir.
2019 remaster bonus disc
No.
Title
Length
1.
"He Should Know Better" (B-Side of Road To Hell single)
4:38
2.
"That's What They Always Say" (Rainbow Mix)
6:41
3.
"1975" (B-Side of That's What They Always Say single)
4:47
4.
"The Road To Hell Parts 1 & 2" (Live At Wembley Arena March 1990)
6:59
5.
"Working On It" (Live At Wembley Arena March 1990)
Ce qu'on peut observer tout aussi finement, surtout si on est une femme, c'est qu'avec une voix comme ça, il est dommage que Crise (en) Réa gâche son talent dans un brouet de rock/blues un peu mainstream, alors qu'il ferait un Leonard Cohen (période The Future) tout à fait présentable s'il bossait un peu ses lyrics et ses orchestrations.
Enfin, surtout ses tubes Blue Hotel et Wicked Game.
Le reste, j'en ai rien à taper.
Enfin, je dis ça pour provoquer, mais ça ne va choquer personne.
On baigne ici dans un entre-soi chaleureux et communautariste.
Et comme je suis quand même un gros curieux, je regarde par le trou de serrure du wiki, et qu'est-ce que j'apprends ? que
Wicked Game, issu de l'album Heart Shaped World sorti en 1989, est un succès planétaire en 1991 et relance la carrière de Chris Isaak. En 1989, Heart Shaped World est un échec (comme les deux premiers albums), mais une version instrumentale de Wicked Game est créée pour le film Sailor et Lula de David Lynch, qui est un fan du chanteur. Après avoir vu le film plusieurs fois en ayant apprécié ce morceau instrumental, l'animateur d'une station radio d'Atlanta est le premier à diffuser la version complète ; quatre mois plus tard, le titre est diffusé sur les principales radios et se place parmi les dix meilleures ventes américaines. Le clip de cette chanson a été réalisé par Herb Ritts et a connu un grand succès sur MTV et VH1. Réalisé entièrement en noir et blanc, il fait intervenir Chris Isaak et le top model Helena Christensen s'enlaçant sur une plage et se murmurant mutuellement à l'oreille.
La prochaine fois que je fais une cover d'Higelin ou de Patrick Font, je tourne le clip en m'enlaçant sur une plage et en me murmurant mutuellement à l'oreille, ça devrait relancer ma carrière.
Tous les ans en novembre /décembre, je me sens un peu Berck.
Je veux dire, comme le personnage mi-Golem mi-punk, mais inquiétant à plein temps, imaginé par Gébé dans le Hara-Kiri des années 60. En novembre /décembre, comme Berck, j'aimerais pouvoir m’enfoncer sous la terre, ou dans le mur d'un building fraîchement érigé, au béton encore frais, et passer quelques décennies à suçoter des racines par la leur, avant de ressortir voir ce qui a pu changer en vérité dans le monde. Bien que de son point de vue, l'espèce humaine reste assez prévisible et finalement décevante, hormis pour les distractions et les sources de nourriture inattendues qu'elle lui procure.
Je ne suis pas Berck. Pas encore. Mais ça me monte doucement; plus ça va, plus les injonctions à se réjouir et surtout à consommer autour de la fête de la nativité du Christ me donnent envie de me remettre à boire pour pouvoir mieux dégueuler partout, et aller me livrer à des comportements antisociaux dans des galeries commerciales périurbaines débordant de promotions rutilantes, bref de me comporter pire que ce gros malotru de Berck.
D'abord parce que c'est toujours l'heure d'un petit bilan annuel auto-dépréciatif, car moi aussi je suis né un 25 décembre, et si je me la mesure par rapport à celle du petit Jésus, qu'ai-je fait de constructif depuis l'an dernier par rapport à lui, qui est mort bien plus jeune que moi, et qui n'avait pas les moyens de communication dont je dispose ? Berck.
Et plus notre civilisation s'enfonce dans l'ornière qu'elle a elle-même creusé, plus nous sommes invités à nous couvrir mutuellement de cadeaux, ou à défaut de bons d'achat FNAC pour des raisons nauséabondes, je vous laisse vous rapprocher des caisses parce que ça pue vraiment trop :
1/ pour nous aider à oublier ça,
2/pour fêter la naissance du gars qui a racheté tous nos péchés d'un coup avant d'aller les revendre après sa mort sur le Bon Coin en ayant engrangé au passage une plus-value substantielle
3/ ou encore pour célébrer le "père Noël", qui était pourtant dénoncé par le clergé comme un suppôt du consumérisme et la « bête noire » à abattre. En tout cas, à Dijon, en 1951, où on lui reproche d’éclipser Jésus-Christ. Le 23 décembre, son effigie est brûlée devant le parvis de la cathédrale, devant de nombreux enfants.
Ce Berck sans forme, sans psychologie, sans logique, sans histoire, sans vergogne, qui n’a rien d’humain et ne l’est d’ailleurs pas, mais qui mime si bien l’humain dans ce qu’il a de pire, nul n’a jamais vu ça. Il fallait l’oser. La raison, avec Berck, fait plus que vaciller, elle est emportée dans un maelstrom, une tornade intellectuelle qui te laisse comme un noyé sur le rivage : à poil, abandonné, en terre inconnu, sans repères, mort.
Et voici un Berck en couleurs scanné par mon assistante pendant mon sommeil et extrait de la formidable réédition intégrale des Cahiers Dessinés de 2016, qu'on trouve encore partout si on ose demander à son libraire. Ne le commandez pas chez Amazon, l'entrepôt de l'Illinois a été détruit cette nuit, et la couverture du livre risque d'être un peu abîmée.
Maryse Wolinski, romancière et journaliste, qui a partagé la vie du dessinateur Georges Wolinski pendant quarante-trois ans, est morte à 78 ans des suites d’une maladie.
Quand on lui demandait comment il appréhendait la mort, Georges Wolinski répondait par cette boutade : « J'ai dit à ma femme : tu jetteras les cendres dans les toilettes, comme cela je verrai tes fesses tous les jours. »
Wolinski a inventé le selfie de cul au moins 50 ans avant que ça existe en vrai. Respect pour sa femme.
J'étais peinard devant un feu de bois d'arbre, une bûche d'une espèce rare, en voie d'extinction, et bien décidé à reposer mes yeux et surtout mes doigts. J'ai mis un vieux disque, glané sur un blog de curiosités. J'ai découvert "L'Algérien" de Patrick Font. Une chanson de 1974. J'ai alors compris que le problème ne datait pas d'hier.
Bien sûr, les chansons ça sert à rien, comme le fait finement remarquer quelques années plus tard Francis Lalanne dans "J'ai de la boue au fond du coeur", qui ne résoud rien, pas plus que celle de Patrick Font, pas plus que le film Dupont Lajoie d'Yves Boisset sorti à peu près à la même heure. Parce que ni les films d'Yves Boisset ni les vidéos de Jaune Warsen ne peuvent influer le cours implacable du monde.
Néanmoins, à la première écoute de L'Algérien, mon sang n'a fait qu'un tour.
Adieu la sieste devant la cheminée.
Ca n'a pas trainé, en deux heures la vidéo était bouclée. Mon premier clip anti-Zemmour, putain de sa mère. A 58 ans, il était temps de commencer à m'impliquer. J'ai un collègue monteur qui s'interdit d'avoir un logiciel de montage à la maison, je comprends pourquoi. Je pensais sincèrement ne plus m’en servir, maintenant que les enfants sont trop vieux pour que je fasse des films de famille, je me suis pas méfié, mais j'ai récemment refait un peu d'art vidéo avec des potes, et là, j'ai un nouveau projet sur lequel m’investir la nuit, quand j’en ai marre de déblogguer des mots pleins de lettres. Je réalise pour les fêtes (mais je ne pense pas être prêt avant Noël 2028) un long métrage ludique et pédagogique incluant l’ensemble des génériques des films de James Bond depuis l’Antiquité jusqu'à Pourrir peut attendre, le dernier en date, agrémenté des séquences de fiction qui précèdent souvent ces génériques, y adjuvant des sous-titres de mon cru un peu farfelus; on peut envisager ultérieurement une version en breton quand je serai sorti de prison après avoir ainsi transgressé les lois sur le copyright, évidemment, tout cela fleure bon la kolossale perte de temps, l’auto-addiction à trois balles et la crispation identitaire « ah dis donc qu’est-ce que je suis drôle » qui me pend au nez depuis longtemps, après avoir frappé de plein fouet Wes Anderson et son French Dispatch.
Et alors ? qu’y puis-je, si je me shoote à la vacuité égotiste de la dérision ? et ça ennuie qui ? au moins je laisse dormir mes colocataires.
[EDIT]
Excellent édito d'un philosophe dans l'Obs sur Zemmour.
Sur discogs il existe tout plein de pochettes différentes de l'album "Toy" de Bowie, une sorte d'album imaginaire qui ne fut pas publié après son enregistrement en 2001, qui fuita clandestinement lors des BowieLeaks en 2011 et qui vient d'avoir une "vraie" sortie en 2021, lors de la parution du coffret de 11 CD "Brilliant Adventure (1992-2001)", une rétrospective des sous-produits de la créativité débridée dont l'alien angliche fit preuve pendant cette décennie. Si la pandémie ne vous a pas déjà fait attraper la pauvreté, une occasion de s'endetter pour les fêtes, dont je puis vous prêter une copie pirate avant l'achat sans trop de re-morts car l'auteur est définitivement à l'abri du besoin et des soucis créatifs et financiers depuis fin 2016. Je ne suis pas un thuriféraire de Bowie, je suis sensible à certains aspects de sa personnalité et de son oeuvre, mais là c'est quand même l'occasion d'un petit cadeau virtuel et inédit (en principe) à destination des inconditionnels argentins désargentés.
Petit événement de l’année, la présence dans ce coffret (avant une sortie indépendante au début de l’année prochaine) de Toy, disque enregistré en 2000 et aussitôt mis au rebut. Le projet est singulier, une relecture des chansons de jeunesse, certaines connues (London Boys), d’autres non. L’enthousiasme est palpable, un désir ardent de faire voyager les souvenirs et de leur donner une actualité. C’est parfois réussi – sur une version ralentie et lyrique de Conversation Piece, ou sur un Silly Boy Blue baroque –, parfois anecdotique et lourd. Une curiosité qui n’aurait sans doute bouleversé personne au début du millénaire. Et qui s’apprécie aujourd’hui comme une étrange pièce du puzzle.
" Religion is for people who fear hell, spirituality is for people who have been there." R.I.P. David Bowie
Ce que j'aime chez Bowie :
- sa prestation d'extraterrestre paumé dans "L'homme qui venait d'ailleurs", le film malade de Nicholas Roeg, dont tous les films sont malades mais ils sont bien quand même.
- l'album "Scary Monsters", avec Robert Fripp à la guitare nucléaire.
- l'album "Earthling", avec Reeves Gabrels à la guitare nucléaire.
- l'album "Blackstar" de jazz funéraire, paru deux jours avant sa mort.
- le fait qu'il n'ait jamais cessé de se réinventer, alors qu'il semble que je tourne un peu en rond.
C'est en parcourant par hasard le site du journal Rolling Stone que je viens de comprendre ce qu'il m'arrive en vérité ces derniers jours. C'est pas du tout des troubles de désorientation de la personne âgée cyberdépendante, comme je le craignais.
Mais je découvre que les Trans Musicales de Rennes commencent une fois de plus sans moi, qu'elles sont à une portée de biniou mais que je n'aurai pas la chance d'y aller voir, entendre, et pourquoi pas toucher, comme le fils de Marie, Lujipeka.
Lujipeka, c'est la vraie grosse découverte énorme de la matinée.
Comme lui, je mange des kebabs en exhibant mon pass sanitaire à des rebeus indifférents, comme lui J'ai payé mes impots et j'ai pris mes médocs, comme lui masqué j'attends l'retour d'la peste, on n'est qu'les cobayes d'un grand test malgré les accents un peu inquiétassionistes de cette hypothèse de travail. Bref, tout nous rapproche, hormis le fait qu'il fait deux millions de vues dès qu'il pète un coup.
J'ai dû devenir à mon tour et à l'insu de mon plein gré le digne représentant d’une génération désenchantée, bien que j'aie du travail, un toit sur la tête et à manger dans mon gofri.